« Emocore de qualité » est souvent considéré comme un oxymore. Et à juste titre. Cependant, quelques rares groupes parviennent à officier dans ce style sans pour autant tomber dans le pathos. Thursday, par exemple. Et encore... Qu'en est-il de Kipling, groupe lyonnais qui propose là son premier album ?

Il s'avère en réalité que c'est plutôt bien foutu. Mais le fait qu'ils intègrent des éléments issus d'autres styles n'y est sûrement pas pour rien. Certes, là aussi, il y a les mélodies mielleuses et les cris écorchés pour les refrains, sauf que pour une fois, c'est entraînant et efficace (« Stolen Days »). Plutôt beaucoup, même. Le chant y est juste, les mélodies aussi. L'influence de la dimension épique de Muse est évidente, celle un peu plus new-wave aussi. Le son est rentre-dedans et sec sans être trop agressif, laissant de la place à quelques notes très post-rock (pensez Khoma) égarées par-ci par-là. Même si ça reste très emo dans l'ensemble, le quatuor s'en sort plutôt bien. Il sait jouer avec des guitares saturées, un peu de double pédale, beaucoup de chant mélodique et des refrains imparables. Les riffs sont souvent simples et font leur petit effet (« (Ghosts) »). Mais de temps à autre, comme sur « Black Eyed Doll », la voix de Nicholas occupe davantage de place encore que sur le reste du skeud et du coup, elle dévoile qu'elle n'a pas encore la maturité nécessaire pour servir de ligne directrice aux compositions. Le résultat est donc plus convaincant lorsque les guitares partent dans des trips entêtants (« Lives & Walls »). En termes d'intelligence d'écriture, Kipling fait également preuve de classe (comme en témoigne, par exemple, l'excellent « Hills Of The Liars »).

Sans être parfait, « Lives & Walls » est un solide premier album de la part d'un jeune groupe prometteur.

Site : http://www.myspace.com/kiplingtheband

Gilles Der Kaiser