Comment avez vous composé cette fois-ci? A partir de la musique ou du thème de l'invisibilité?
Nihil: nous partons toujours d'un socle musical sur lequel on tente de mêler nos différents ressentis, nous travaillons toujours en privilégiant au maximum les émotions, si une ébauche de morceau ne nous donne pas de frissons dès le départ, c'est la poubelle. Les thèmes plus "abstraits", conceptuels comme l'invisibilité par exemple, viennent après, mais nous sont en quelques sortes imposés par cette musique qui nous donne certaines images ou certaines émotions bien précises. Tout est donc entremêlé dans le processus de création, car les thèmes vont à leur tour influer sur la suite des morceaux, d'un point de vue plus général, sur la longueur de l'album. Nous sommes très attachés à l'unité que doit avoir un album dans sa durée et dans sa succession de sentiments. L'invisibilité est donc tombée là comme une évidence, pour signifier par exemple les diférentes couches de notre musique, plus ou moins visibles.

Quel est le thème principal de l'album? Que signifie cette invisibilité?
Nihil: pas de thème principal reconnu mais plutôt une suite de sentiments plus ou moins diffus qui vont donner sa couleur à l'album. c'est sombre mais pas désespéré, mélancolique mais pas affecté. Nous travaillons sur ces points de rupture souvent invisibles parce que refoulés de nos vies quotidiennes comme la solitude, la désillusion, la disparition, l'absurde. Une multitude de fragments de notre intérieur tourmenté par la peur, les inhibitions, les refoulements etc, que nous tentons de rendre visible par le biais de la musique, des textes, mais aussi des visuels qui doivent former un tout inextricable. d'où sûrement une sorte de musique étouffante et compacte plutôt névrotique! Mais nous ne savons pas écrire sur le bonheur.

Certains titres de l'album sont quasiment calibrés pour le mouv! Pensez vous passer un jour en radio Nationale?
Nihil: nous sommes parfois déjà programmés sur des radios nationales, mais le soir sur des émissions spé, jamais en journée. Ce n'est pas vraiment étonnant! Car même si tu peux penser que certains titres sont assez "calibrés" pour le grand public, ce sera toujours trop ceci ou trop cela, en anglais et pas en français, trop lourd, trop long, jamais assez "grand public". Cela n'est pas bien grave au fond. Nous ne travaillons pas pour passer à la radio, nous y passerons quand elle décidera de changer ses progammations car nous ne changerons rien de notre côté!

Pensez vous pouvoir faire mieux que [IN]VISIBLE qui pour moi est vraiment excellent, comment allez vous vous renouveler?
Nihil: difficile question. que tout processus créatif pose à un moment donné. et après? Ce qu'il faut c'est ne pas trop réfléchir. Pour l'instant, l'album est trop frais pour nous, et il nous semble avoir tout dit. Mais le temps fait que d'autres émotions vont jaillir, qu'il faudra capturer et rendre audible. ce "travail" a d'ailleurs déjà commencé avec quelques pistes par-ci par-là, mais nous ne voulons pas forcer les choses. Le renouvellement se fait naturellement je pense. il ne faut pas redouter la "page blanche". Nos expériences de vie nous donneront des choses à écrire et à partager encore.

Quel a été l'impact de votre premier album?
Nihil: c'est déjà grâce à lui que nous sommes encore là! C'est le premier impact. Sinon, je pense qu'il nous a permis de poser les premières bases, les premiers liens avec une petite partie de public, et nous a donné les moyens de tourner dans de meilleures conditions, meilleures salles, plus de monde, plus de dates. le côté un peu plus négatif peut-être est qu'il a contribué à nous faire référencer un peu trop facilement comme du metal pur. C'est sûrement un peu de notre faute mais l'accueil des médias a aussi joué. Et cela se ressent sur la sortie du 2éme qui ne peut plus objectivement être classé dans le metal mais qui continue toujours à y être affilié. Ce n'est pas si grave mais je pense que notre public peut se diversifier. D'où notre volonté de tourner dorénavant avec des groupes de cultures musicales différentes.

Aimez vous tourner?
Nihil: nous faisons de la musique au départ pour cela. Les concerts, les tournées, rencontrer des gens, donner, recevoir. C'est intense, indescriptible. C'est fatigant aussi mais cette énergie, nous ne la retrouvons nulle part ailleurs que sur scène. Alors oui, on adore tourner, partout, le plus possible. car la musique se vit différemment que sur album, elle est plus brute, plus directe, en contact étroit avec l'Autre. c'est flippant aussi donc, plein de stress. C'est vraiment ce mélange d'émotions qui nous fascine sur scène. C'est une drogue!

Comment allez-vous mettre en scène ce nouvel album?
Nihil: nous sommes en train d'y travailler! La tournée débute fin septembre pour une année. Il faut donc être prêts. Pas de mise en scène particulière (avec pas de danse et costumes!!) mais plutôt une mise en image, qui nous l'espérons restera imprimer un petit moment sur la rétine des spectateurs. Beaucoup de travail sur le son, avec l'arrivée de notre nouveau batteur Jonathan, et beaucoup de travail sur les lumières, qui feront le spectacle. Le reste est laissé un peu à l'improvisation, pour ne pas se scléroser, pour que chaque concert puisse être vécu différemment. Plus de risque de plantage sur certaines dates mais aussi plus de chance d'avoir des frissons sur d'autres! Nous continuerons à jouer certains titres du 1er album qui nous semblent importants dans la vie de Nihil. et peut-être par-ci par-là quelques reprises. Surprise pour l'instant.

Avec quels groupes aimeriez-vous tourner si tout était possible?
Nihil: il y en aurait trop!! Une vie de concerts n'y suffirait pas! Mais bon, comme ça, rapidement, je dirais (et c'est perso) Radiohead, Björk, Tool, Portishead, U2. pas beaucoup de metal finalement!!

Que pensez-vous de la scène actuelle française?
Nihil: c'est une scène en pleine effervescence, qui bouge et qui n'attend plus rien du haut. Elle se débrouille toute seule, en prod, en tournée, en pub et elle le fait très bien! cette indépendance est toujours difficile à vivre au quotidien mais elle est je crois bénéfique, car elle oblige les groupes à sortir le meilleur d'eux mêmes, et de tout revendiquer sans rien devoir à personne. C'est donc une bonne scène, pleine de courants, de styles, d'approches différentes qui ne cherche pas la confrontation mais semble faire cause commune. nous sommes de Bordeaux et la scène ici est plus que vivante, pleine d'énergie. pas de Posse comme à Paris mais une même entraide, qui fait plaisir.

Pensez-vous être métal?
Nihil: je crois que j'ai répondu à cette question précédemment. Le metal est une notion un peu trop étroite je pense pour définir Nihil mais c'est une étiquette comme une autre. Nous ne cherchons jamais dans notre processus créatif à faire ou ne pas faire tel ou tel style. Pas de barrière surtout. Si un jour une "émotion Nihil" nait d'un reggae, nous ne la jetterions pas. Un de nos tout premiers morceaux, sur une 1ère démo, est d'ailleurs presque dub dans l'approche rythmique, en très urbain et très sombre. Et nous sommes pourtant classés dans le metal! Les genres s'entremêlent de plus en plus de toutes façons et c'est très bien ainsi.

Quelle place pensez vous avoir dans le paysage métal actuel?
Nihil: une place bien particulière donc! Un peu en dehors, en périphérie, dans les marges du metal, au risque évidemment de ne pas satisfaire les fans purs et durs du Dieu Metal! Mais il faut assumer cette place, qui déborde vers d'autres approches. Nous n'aimons pas les liens de parenté trop purs, trop évidents. Nihil est hybride, un Objet Musical Non Identifié, qui tâche
de tracer sa route en dépit des modes et des styles, et qui espère que les gens comprendront et suivront cette même route.

Bravo pour ce formidable album qui sera gravé longtemps dans ma mémoire et merci de répondre à cette interview. A bientôt sur Lille.
MERCI A TOI POUR TON INTERET ET TES QUESTIONS. ON SE VOIT DANS LE NORD (nos dates sur www.nihilband.com)