A quelques jours du début de sa tournée française, Stephan Forté, le sympathique et excellent compositeur d’ADAGIO, nous a accordés une interview pour nous parler d’Underworld, le nouvel album et de ses projets… Album beaucoup plus sombre que son précédent (Sanctus Ignis), Underworld repousse les limites du power-metal technique en France et pourrait bien permettre à ADAGIO de connaître enfin la reconnaissance internationale.

 

Entretien avec Stephan Forté - par Geoffrey et Will
 
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Noiseweb : Est-ce un album qui est accessible rapidement ?
Stéphan Forté : Non, il te faudra plusieurs écoutes… Certains m’ont dit qu’il leur faudrait 1 an pour pouvoir le chroniquer (rires) !

Noiseweb : Que s’est-il passé entre cet album et le premier ?
S F : J’ai composé cet album non-stop pendant deux ans et demi, je me suis coupé de la réalité… J’ai même dû arrêter le roller ! Je me prenais tellement de pelles que je ne pouvais plus jouer, alors j’ai arrêté ! J’ai annulé tout ce que je devais faire pour me concentrer uniquement sur la composition.

Noiseweb : Il n’y a pas eu de tournée pour le premier album…
S F : Non, il y a eu des galères. J’ai préféré tout annuler, mais on commence cette année !

Noiseweb : Il y a eu des changements de line-up ?
S F : Oui. On a un nouveau claviériste, Kevin Codfert, un français, membre à 100 % du groupe maintenant, ce qui n’était pas le cas de Richard Andersson, et à la fin des enregistrements, Dirk, le batteur, est parti du groupe, car il voulait arrêter la musique. J’ai donc pris un français aussi, Eric Le Bailly, ce qui fait qu’il ne reste plus qu’un anglais dans le groupe.

Noiseweb : Ces changements de line-up ont-ils été déterminants ?
S F : Au niveau claviers, c’est clair ! Comme Kévin vient du classique, cette influence est particulièrement présente. Les sons de piano sont donc beaucoup plus en avant que les sons synthétiques. Il y a aussi beaucoup plus d’émotion, puisque là, les parties sont jouées, alors que sur Sanctus Ignis, tout était programmé. La technique monstrueuse de Kevin lui permet de faire passer beaucoup d’émotion.

Noiseweb : La composition t’a pris beaucoup de temps !
S F : Ben ouais, 2 ans et demi ! Le double que pour le premier. Ca n’a pas été facile tout le temps, mais bon, j’en suis venu à bout !

Noiseweb : Tu étais parti dans quelle optique au moment de composer ?
S F : Le seul mot d’ordre que je m’étais donné était de faire un album sombre et de ne faire aucun compromis musicaux, de faire exactement ce que j’avais envie ! Il fallait aussi que ce soit plus orchestral.

Noiseweb : Au niveau de l’enregistrement ?
S F : Ca s’est bien passé. J’avais tout écrit pour l’orchestre, mais par manque de budget, ça n’a pas pu se faire. J’ai quand même pris une chorale que j’ai payée de mes propres deniers… On a fait deux sessions d’enregistrement d’un mois chacune, basse, batterie et guitares rythmiques en septembre 2003, et ensuite, mise à plat des solos, samples, mixage et mastering lors de la deuxième session, à Lyon.

Noiseweb : De toute façon, on entend qu’il y a eu un énorme boulot derrière tout ça…
S F : Merci… Pour l’anecdote, on est tous tombés malades à force de travailler, des pustules sont sorties sur la langue à cause du stress, Kevin a fait une mononucléose infectieuse qui l’a cloué sur place au studio, il ne pouvait pas se lever avant 19 h chaque jour, en s’étant couché à 23 h la veille ! On se foutait de sa gueule, mais il ne déconnait pas, il était mort ! On ne savait pas… Il a eu énormément de mal à guérir. Et moi, j’ai fini par faire une dépression nerveuse, tellement je me suis enfermé dans mon trip, qui est particulier. Le fait de ne pas sortir, de ne voir personne, de composer tout le temps des trucs pas forcément joyeux, de me poser des tas de questions qui ne trouvaient pas forcément de réponses positives, ça m’a anéanti… Mais maintenant que l’album est sorti, ça va beaucoup mieux (rires) !

Noiseweb : Et tu avais parlé d’un album solo ?!
S F : Ouais, bien, pas pour l’instant ! Je dois vraiment me concentrer sur Adagio et continuer de composer des parties orchestrales qui serviront pour le prochain, et qui seront jouées avec un orchestre ! On a eu des contacts pour ça : là, c’est jouable ! L’album solo sera pour plus tard, je n’abandonne pas l’idée.

Noiseweb : Parlons de l’album : plus sombre, des morceaux plus longs et plus prog que Sanctus Ignis. On se trompe ?
S F : Non, c’est clair. Les gens, au lieu de dire qu’on est une copie de Symphony X vont dire qu’on est une copie de Dream Theater maintenant (rires) ! Tu me diras, il vaut mieux ça que Nana Mouskouri !
Cet album est plus prog. Toujours néo-classique, mais moins baroque, plus moderne.

Noiseweb : Les textes sont plus sombres aussi. Il y a un concept derrière ?
S F : Non, pas vraiment, mais l’idée générale est la mort, la vie après la mort, la perception qu’on a de l’existence. Par Underworld, on entent le monde intérieur, l’introspection… Je me suis occupé des textes aussi, parce que je pense que ça fait partie intégrante de la musique et j’avais vraiment quelque chose de précis en tête.

Noiseweb : Hreidmarr, d’Anorexia Nervosa, est venu chanter ?
S F : Oui ! Le cri du début de From My Sleep To Someone Else (la 4), le cri du début, c’est lui, et sur The Mirror Stage (la 7), il chante tout le dernier couplet. On se connaît bien, j’adore sa voix, et puis parce que j’aime le groupe.

Noiseweb : Tu écoutes du black-métal ?
S F : ouais, pas mal, en ce moment…

Noiseweb : Que penses-tu du dernier Dimmu Borgir, avec l’orchestre et tout ça ?
S F : Ouais, je l’ai. Ca arrache grave, ça fait vraiment bande-son de film et ils ont sorti la grosse artillerie…

Noiseweb : Alors, quelles sont tes attentes pour ce nouvel album ?
S F : Ouais, la tournée va débuter, on a répété comme des malades, 25 jours non-stop. Je ne suis pas stressé… On est surtout impatients. On fait tout pour réussir à retranscrire l’album sur scène. On attend aussi des nouveaux fans, et de tourner aussi à l’étranger, puisque la distribution mondiale va être bien meilleure. Une tournée aux Pays-Bas et une autre au Japon sont possibles et quelques dates ailleurs aussi, mais on attend confirmation. On a eu des propositions pour Miami et Porto Rico, mais tant que c’est pas signé…

Noiseweb : D’après toi, depuis 3 ans, qu’est-ce qui a changé dans le métal ?
S F : J’ai écouté moins de métal en fait. Une tendance à la modernisation du son avec la scène néo-métal, même si je n’aime pas ça : un son plus roots au niveau des guitares.

Noiseweb : Penses-tu que la France est le pays le mieux adapté pour ta musique ?
S F : Non, le Japon semble plus réceptif. Pour la France, je verrai quand l’album sera sorti et pendant la tournée.

Noiseweb : L’album est sorti le 29 septembre. Comment ça se passe ?
S F : Bien, il y a eu beaucoup de promo, même si certains magazines n’ont pas apprécié l’album ou n’ont même pas cherché à le comprendre… (NdlR : et là, Stephan est bien remonté contre certains, qui se reconnaîtront). Ce genre de réactions ne me décourage pas, car les gens ne peuvent pas rentrer vite dans cet album. Mais le genre de réactions parfois même gratuites ne nous touchent pas, ça nous fait même marrer ! D’autres critiques positives ou réfléchies nous font avancer aussi… De toute façon, même s’il y a des passages plus prog ou parfois plus rapides, on s’en fout, il n’y a aucune de raison de faire des sacrifices commerciaux, parce qu’on a fait ce que l’on a voulu et on aime cet album ! Si les gens aiment, tant mieux, dans le cas contraire, nous, on aura un disque qui nous plaît !

Noiseweb : Pas de reprise cette fois-là ?
S F : Non. On invitera peut-être Annie Cordy à venir faire une reprise de Tata Yo-Yo la prochaine fois. Ou alors, elle chantera sur une nouvelle reprise de Led Zep. On sera peut-être chroniqué dans Accordéon magazine (Rires) !

Noiseweb : Donc, pas d’album solo ?
S F : Non, de toute façon, tout ce que je compose actuellement finit dans Adagio, donc… je me focalise là-dessus !

Noiseweb : Les gens, avec cet album, vont arrêter de vous parler de Symphony X… Il y a des passages vraiment surprenants.
S F : Oui, ben, c’est le but, une évolution normale. Quant à Symphony X, je ne sais même pas pourquoi on m’en parle encore, bien que je sois un grand fan. J’avais filé l’album Sanctus Ignis à Michael Romeo, et il ne m’avait rien dit à ce sujet ; peut-être est-il resté poli ! (rires) Je reconnais quelques influences, mais en aucune manière, on ne peut parler de plagiat (Ndlr : Nous sommes tout à fait d’accord) ! Venez sur la tournée vous rendre compte par vous-mêmes de notre évolution… En tout cas, à bientôt !