A tout seigneur, tout honneur ! A l’occasion de la sortie de leur tant attendu « Planet Pandemonium », marquant le retour dans nos contrées métalliques de LOUDBLAST, Stéphane Buriez nous a accordés l’interview la plus longue jamais réalisée chez Noiseweb, pour nous expliquer les tenants et les aboutissants du retour et de la suite de cette aventure commencée en 1986. Nous avons pris le parti de ne pas faire de coupes dans la retranscription de cet entretien, plein d’enseignement, réalisé au LB Lab, le 19 février 2004. Alors, profitez-en, et rendez-vous le 5 mars chez vos fournisseurs de galettes pour faire de ce disque extraordinaire une des nouvelles pierres angulaires du métal français ! Vous voici embarqués dans un nouveau concept : l’interview prog’…

 

Entretien avec Stéphane Buriez - par Geoffrey et Will
 
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Noiseweb : Cinq ans, c’est long ! Que s’est-il passé pendant tout ce temps ?
Stéphane Buriez : Déjà, quand on a arrêté le groupe en 1999, il était clair qu’on stoppait, sans possible retour. C’était une décision plus ou moins collégiale : tout le monde y pensait dans son coin. Il fallait juste un déclencheur. C’était, je pense, le bon moment. Il y avait un ras-le-bol.

Noiseweb : Un ras-le-bol commercial et/ou musical ?
SB : Je pense que musicalement, on avait fait le tour de ce qu’on pouvait faire ensemble à cette époque. Certains voulaient faire des trucs plus softs (pas moi ! eh eh), d’autres plus brutaux. Nico n’écoutait plus de métal du tout. Moi, je n’écoute pas que ça non plus, bien que pendant longtemps, ça a été le cas, mais ça reste ma musique de prédilection.

Noiseweb : La rupture avait-elle commencé déjà avant Fragments ?
SB : Dans ma tête, en tout cas, oui. Mais peu importe… A un moment, on s’est cherchés, pas égarés, parce que Fragments reste un bon album et représente une autre facette de ce qu’on peut faire. Certains ont pu dire qu’on a été opportunistes, parce qu’à un moment, on a été plus thrash, plus heavy ou plus death-metal, mais fuck off ! J’ai toujours fait la musique que j’avais envie de jouer. Des groupes font du death-metal toute leur vie, tant mieux, mais moi, je réagis à des pulsions personnelles et je n’ai pas envie de rester cloisonné à un sous-style de métal en particulier ! Après, ce sont des querelles de clocher, je ne fais pas de la musique pour ça ! A la base, on est des mecs qui se sont rencontrés au lycée, on a fait un groupe, ça a marché et on en a fait un métier. On a continué notre chemin et on se rappelle de où on vient. En 1999, c’était le moment d’arrêter avant que ça ne parte totalement en couille !

Noiseweb : Est-ce que le fait de n’avoir que Loudblast à l’époque a été trop pesant ?
SB : Le fait qu’on ait d’autres projets musicaux (Clearcut, Black Bomb A, le studio LB Lab…) fait partie de notre évolution de musicien, tout simplement. On a avancé et grandi personnellement, et à un moment donné, on a eu envie de faire autre chose. C’était le moment pour.

Noiseweb : Tu parlais d’opportunisme… C’est par rapport aussi aux ventes de Fragments ?
SB : Non, on en a vendu plus que chacun des autres albums. En tout cas, ce n’était pas de l’opportunisme musical. C’était juste un album beaucoup plus heavy-metal.

Noiseweb : Si les ventes de cet album avaient explosé, est-ce que vous auriez arrêté quand même ?
SB : C’était aussi un ras-le-bol de tout ce qu’il y avait autour de la musique, ça nous prenait plus de temps qu’autre chose. A la base, on fait de la musique pour la musique, et à l’époque, on n’était certainement pas encore tout à fait en phase avec ce que peut être l’organisation d’un groupe. Au départ, on est des gros branleurs, quoi ! Même s’il y avait de l’expérience, un groupe se gère comme une entreprise. Pas comme une entreprise par des vrais branleurs ! Eh eh… Avec le recul, 5 ans, ça paraît hier, mais on ne pouvait plus faire avancer le groupe bien longtemps comme on le faisait à l’époque ! Mais ce n’est pas ça qui a seulement motivé le choix d’arrêter. Un ras-le-bol personnel de tout ça, mais pas de conflits de personnes. Hervé a joué avec moi dans CLEARCUT, François est mon associé au studio, voilà, quoi. Nico a complètement arrêté, plus aucune nouvelle, plus rien. On sait ce qu’il fait, mais on ne sait pas ce qu’il devient.

Noiseweb : C’est un peu triste… Au départ, c’est ton pote de lycée.
SB : Ouais, on a formé ce groupe à deux. On a appris à jouer de la guitare ensemble. Mais on ne lui en veut pas, il a fait un choix qu’on respecte, il peut se pointer ici demain, on sera tous contents de le voir. Personne n’est tenu d’être toujours attaché aux mêmes gens et aux mêmes envies, même si on a partagé plein de choses. Loudblast s’est arrêté quand ça devait… Entre temps, on a refait Clearcut, toujours du métal, mais les gens attendaient un autre Loudblast… C’était plus branché hardcore/métal que néo, plus moderne entre guillemets… Hervé et moi, on n’a jamais fait de néo, Régis jouait dans CORRUPTION, qui, jusqu’à nouvel ordre, était un groupe de hardcore et Matthias joue dans UNSWABBED, mais n’a pas découvert le métal avec KORN ! Ce projet existe toujours, ça me tient à cœur. On se marre bien et c’est toujours une autre façon de travailler, c’est intéressant.

Noiseweb : Alors, quand est revenue la flamme ?
SB : Quand on a fait le concert au Splendid pour Chuck Schuldiner. Quand on a répété avant… On n’a presque pas répété pour ce mini concert. On a répété une semaine et au bout de deux heures, ça fonctionnait déjà à mort ! C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas (rires). Ca ne s’explique même pas ; tu m’aurais dit ça deux ans avant, je t’aurais dit que Loudblast, c’était terminé !

Noiseweb : Le fait d’avoir incorporé Alex pour ce concert a-t-il été prépondérant ?
SB : Ouais, incorporer un nouveau membre dans le groupe, c’est une bonne chose. Et Alex, on le connaît depuis le début, nos groupes ont démarré en même temps et on ne s’est jamais perdus de vue. Ca s’est fait comme ça, sans préméditation. On l’a appelé, il est venu et maintenant, il habite à Lille (rires).

Noiseweb : S’il n’y avait pas eu ce concert, il ne se serait jamais rien passé alors ?
SB : Non, je ne crois pas. Encore merci à Chuck ! Ceci dit, je pense qu’il n’y a pas de hasard. A la base, c’était Nicolas qui devait jouer, mais il n’a pas donné suite. Après le concert, il s’est passé quelques mois où ça a fait son chemin, même si individuellement, on en était persuadé tout de suite. A un moment, on en a parlé et allez ! On s’est aussi donné le temps, entre le moment où on a annoncé la reformation et le moment où on a commencé à travailler… Le temps de trouver aussi ce qu’on voulait donner à cet album… après Fragments. Il y a 10 titres sur Planet Pandemonium, mais on en a composé un paquet, qu’il va falloir aussi enregistrer. Ca fait quand même deux ans que je travaille sur cet album. Il fallait que ça plaise à tout le monde aussi. Cet album est plus démocratique.

Noiseweb : C’était une tyrannie avant ?
SB : Non, mais j’ai toujours été le compositeur principal du groupe. C’est le cas pour cet album aussi, mais si un de mes riffs ne plaisait pas à quelqu’un, je le balançais. Avant, ce n’était pas toujours le cas. François a amené des paroles, Hervé a co-signé des titres, ce qui est rare pour un batteur ! Mais il a amené des putains de bonnes parties de batterie sur lesquelles sont venus se rajouter des riffs. C’est de la composition aussi. Les batteurs sont rarement crédités sur les albums… Ok, ils font du bruit (rires), mais tu mets des notes au-dessus, ça fait de la musique. On a laissé mûrir des choses et on a travaillé autrement.

Noiseweb : Ca te laisse du temps pour la vie de famille ?
SB : Oui, mais pas assez ! Mais à un moment, il faut faire des choix et travailler. Ca n’a pas été un soulagement pour eux quand on s’est arrêtés, ils savaient avant nous qu’on allait se reformer ! Ca fait tellement partie de nous, on l’a à vie !

Noiseweb : Justement, tu vois la reformation de manière plus professionnelle, même si c’est avec des potes ?
SB : Bien sûr, on l’aborde différemment… Ce ne sont même plus des potes, c’est presque de la famille. On le gère mieux, on est beaucoup plus attentifs à ce qui se passe autour, on vérifie tout, même s’il y a encore des trucs qu’on laisse passer. C’est un vrai business la musique, je l’ai découvert aussi avec le studio, puisque c’est gérer une véritable entreprise. On gère le groupe aujourd’hui mieux qu’on ne l’a jamais fait, tout simplement. C’est beaucoup plus stressant parce que c’est un taffe énorme de redémarrer une machine comme Loudblast, mais on sait ce vers quoi on va, on l’a préparé ! D’un autre côté, rester indépendant fait que tu ne te fais pas bouffer par le business.

Noiseweb : Vous n’avez pas peur d’être critiqués, du fait que vous revenez au moment où le death fait un retour en force ?
SB : Non, parce qu’on a annoncé notre retour il y a trois ans, en plein néo-métal ! Le death était passé de mode, le thrash, n’en parlons même pas ! Alors, les modes, je leur chie dessus. On fait de la musique parce qu’on aime ça et qu’on sait qu’on va faire plaisir à des gens, le reste, je m’en tape. Y en aura toujours pour critiquer ! Je ne sais même pas si la période est plus favorable maintenant. Tout ce que je sais, c’est qu’on a bien préparé notre retour. Je n’en ai rien à cirer des critiques maintenant… On a eu aussi des périodes difficiles dans notre carrière à ce niveau-là… mais maintenant, on fait de la musique.

Noiseweb : Tu as conscience que cet album est le plus attendu de votre carrière ?
SB : Sûrement, ouais. Mais en même temps, c’est peut-être l’album le moins commercial de Loudblast. C’est en tout cas notre meilleur album à ce jour (Ndlr : on est d’accord !), le plus réfléchi, le plus mûr… On a amené les compos à leur meilleur niveau, même si on sait qu’on peut toujours mieux faire. Quand je les écoute, je me dis qu’on n’a rien oublié. On a aussi eu du temps pour composer, on a aussi pris le temps d’arrêter quelques mois pour réfléchir, sans penser aux délais…

Noiseweb : Comment vois-tu ton public maintenant ? Plutôt jeune ou plus ancien ?
SB : Je crois qu’il y a des deux. Les gens qui nous ont suivi depuis le début ou qui ont pris Loudblast avec Cross The Threshold ou même Fragments, sont tout aussi respectables. Ca prouve qu’il n’y a pas de raisons pour que des mecs plus jeunes n’accrochent pas à ce qu’on va leur proposer. Je pense à Gojira par exemple. Des magazines comme Rock Sound ou même Rolling Stones ( !) s’intéressent à nous. Rien n’est jamais acquis de toute façon.

Noiseweb : Plusieurs choses nous ont interpellés à l’écoute de l’album… Premièrement, il y a très peu de solos !
SB : Ouais, 4 ou 5 max. Mais avant, on composait et on se disait qu’il fallait un solo à tel endroit… Là, on s’est dit qu’on devait faire avancer les titres, et si un solo s’imposait, on le mettait, au feeling. Aux endroits où il y avait une super rythmique, pourquoi en mettre ? De toute façon, en live, on va jouer des anciens morceaux où il y a des solos.

Noiseweb : Il a des morceaux qui ont été composés en vue de la scène ? On pense au deuxième… qui est LE morceau live par excellence !
SB : Ouais, je crois (rires) ! Mais il n’a pas été composé dans cette optique. Vous entendrez les autres titres qu’on n’a pas mis, mais sur cet album, on s’est attachés à ne mettre que des bons riffs. J’espère en mon for intérieur qu’il n’y a pas un seul riff poubelle dans cet album ! On les aime tous. Pour la première fois de ma vie, je peux le dire. C’est peut-être une question de temps, mais surtout une exigence qu’on a poussée au maximum, sans pour autant se mettre une pression d’enfer. On voulait juste faire un album ultime !

Noiseweb : Deuxièmement, il y a une grande variété dans cet album, pas mal de passages mid-tempo, et au contraire, des trucs hyper brutaux, comme le 7ème morceau, avec ses blasts !
SB : Ouais ! Sur Disincarnate, il y avait des blasts. Hervé, à la base, n’aime pas ça. Il a fallu attendre le jour où il a bien voulu essayer sur ce morceau. C’est venu naturellement dans le morceau, sur ce riff, il fallait ça. Mais il rechignait. Le riff était suffisamment intéressant pour qu’on ne le balance pas. Il a fini par essayer, et c’est cool. Il aime bien écouter des blasts, mais pas en jouer ; c’est plus une question de feeling. On le fera sur la deuxième tournée je pense. On va d’abord jouer les titres les plus remarquables… et des anciens titres « patrimoniaux ».

Noiseweb : Pendant ces 5 ans, tu as reçu beaucoup de messages de gens qui réclamaient une reformation ?
SB : Ouais, plein ! Ca me fait halluciner. On a même annoncé trop tôt qu’on se reformait (rires)! On a senti qu’il y avait une attente. Et là, on est persuadés d’avoir fait notre meilleur album, je prends un malin plaisir à les écouter sans arrêt maintenant qu’il est fini. Pareil pour des morceaux comme Taste Me, No Tears To Share, qui ont une réelle âme. Cross The Threshold, par exemple, n’est pas notre préféré, mais on le remet au répertoire pour faire plaisir aux gens. Si les gens l’aiment, nous aussi, on va ré-aimer le jouer, voilà ! On a demandé sur un forum la liste idéale des gens, ils appartiennent à notre histoire de groupe, des gimmicks comme « Subject To »… On se sent proches d’un groupe comme Marcel Et Son Orchestre, qui ne peut éviter de jouer « Les Vaches » sur scène, dans la démarche et le professionnalisme, bien qu’on ait arrêté les déguisements (rires) ! Comme nous, ils ne peuvent se passer de jouer certains titres en live. Leur acharnement au travail est respectable, comme nous…

Noiseweb : Comment as-tu vu évoluer la scène régionale et française durant ces 5 ans ?
SB : La scène régionale est très intéressante, beaucoup sont passés par ici, j’écoute aussi les autres. C’est vrai que beaucoup sont venus ici, ce qui fait énormément plaisir en terme de confiance accordée. Ils sont venus pour le travail, pas pour le nom. Notre expérience de groupe a été mise à disposition des autres. Un groupe régional qui m’a impressionné ces temps-ci est KLANG. Ca déchire vraiment. En plus, leur line-up se stabilise, ce qui est un bien. UNSWABBED a enfin sorti son album aussi, que j’ai mixé (2 ans d’attente quand même !).

Noiseweb : Ton boulot va même plus loin, puisque tu chantes parfois sur des titres de ces groupes…
SB : Le truc, c’est pas : « Ouais, Buriez, il chante à chaque fois qu’il produit… ». C’est plus un cadeau pour les groupes, c’est juste une notion de plaisir partagé. Encore que ça serait écrit en gros sur la pochette « featuring S. Buriez », ce n’est pas moi qui leur demanderais, et ça me gênerait plus qu’autre chose !

Noiseweb : Penses-tu que ton nom a aidé à booster certains groupes, en plus de ton travail ?
SB : J’espère, ouais. Après, les gens qui reçoivent les skeuds produits ici, les écoutent plus facilement. Si mon nom est cité comme un gage de qualité de mon boulot, ça me rend heureux, c’est cool. Après tout, on n’est que l’instrument dans un processus de création, même si tu intègres pratiquement le groupe quand tu produis. Je n’ai pas enregistré aussi que du métal ici, les gens ne le savent pas, ça. On a fait de l’électro, du blues. Je m’épanouis tout autant, mais de manière différente. Ceci dit, je suis content de revenir au métal après (rires)…

Noiseweb : En 5 ans, les labels français ont aussi beaucoup évolué…
SB : Ouais, des labels comme Listenable, Osmose, mais ces gens-là sont dans l’underground depuis 15 ans ! Ce sont des passionnés.

Noiseweb : Pour ton album, le fait d’avoir tout fait ici, en auto-prod, il n’y avait pas un risque de manquer de recul ?
SB : Je me la suis posée à la fin. Là, on a fait deux mois non-stop, c’est usant. Mais on est fiers, ça, c’est déjà oublié. Ce n’est pas tant un problème de recul, mais je me suis demandé si j’allais avoir l’énergie et la motivation suffisante pour aller au bout, parce qu’à la fois, être compositeur, guitariste, chanteur, producteur et mixeur de l’album, c’est hyper stressant.

Noiseweb : Tu étais obligé de tout faire ?
SB : D’un autre côté, Grégoire Saint-Maxin, qui bosse ici toute l’année a fait toutes les prises et est crédité sur l’album en tant que tel. Je ne veux pas tirer la couverture à moi tout le temps, ce n’est pas l’idée. Matthias Sawicz, pour le mix, était là aussi. Ces regards extérieurs sont importants. A l’avenir, je pense qu’on fera mixer le son par quelqu’un… Des gens comme Nordström, Bergstrand ou Colin Richardson à nouveau peuvent nous intéresser. C’est aussi une autre façon de bosser. Mais je ne rougis pas quand je compare mes prod avec celles de ces gens-là, je ne voyais pas pourquoi j’allais aller claquer des thunes ailleurs. Et puis la volonté sur cet album, c’était de ne pas le surproduire, que ça soit 10 claques dans la gueule, les titres se suffisent à eux-mêmes. Par exemple, le titre donné à Metallian était surproduit sur les voix par exemple. Notre album devait être livré brut.

Noiseweb : Ceci dit, ce morceau (Pain Brothers) a quand même dû surprendre pas mal de gens, parce que c’est un des plus brutaux de l’album.
SB : C’était le premier truc qu’on a maquetté, le premier morceau composé pour cet album, et ça a rassuré les gens. C’est en effet un des plus brutaux de l’album, il y en a des autres de cette trempe.

Noiseweb : En parlant de brutal, Alex a eu son mot à dire sur cet album ?
SB : Ouais, on a co-signé un titre, il a fait tous les solos, parce que c’est un putain de soliste. Ca va aussi me soulager en live. Il a apporté son identité, chacun doit s’exprimer. Mais pour préciser, c’est moi qui ai composé les parties les plus brutales de cet album (rires) !

Noiseweb : Sur l’album suivant, il prendra une plus grande part à la composition ?
SB : Ouais, c’est sûr ! Mais là, intégrer un groupe comme Loudblast, ça ne se fait pas comme ça, il faut du temps. Il y a un vécu derrière. C’est facile de dialoguer, de se dire les choses, on se connaît depuis tellement de temps ! Il a composé d’autres titres pour cet album, qui doivent encore mûrir un peu, qu’on retrouvera certainement plus tard. Loudblast, ce n’est pas Agressor non plus certaines de ses compos étaient trop typées. Mais comme c’est un super musicien, il va nous faire des compos de fou !

Noiseweb : Le chant a évolué aussi… un peu moins typiquement death en général.
SB : Sur certains trucs, j’ai chanté plus grave que je ne l’avais jamais fait. Mais ma voix évolue, ce que je veux aussi, c’est pouvoir restituer live facilement ce qu’il y a sur l’album. J’ai fait toutes les voix sur cet album (Ndlr : on a émis un doute sur la fin de Last Sabbath, le 4ème morceau, croyant qu’il y avait des backing vocals d’Alex), sans aucune exception. Alex est chanteur d’Agressor, c’est clair dans nos têtes. On veut que ça sonne comme du Loudblast, point barre.

Noiseweb : Tu penses que cet album a un son vraiment ancré en 2004 ?
SB : Ouais, je crois bien. J’ose même espérer que l’on fait une musique intemporelle. Ce qui fait la différence dans le temps, c’est la prod. On propose un nouvel album, pas une suite… Ca me fait marrer d’avance, parce que j’attends qu’il y ait des mecs qui vont me dire qu’il y a des plans néo-métal (Ndlr : c’est impossible, faudrait être de mauvaise foi !) sur l’album. Certains passages ne sont pas typiquement death, parce que nos influences principales sont SLAYER, DEATH et MORBID ANGEL. Dans les plus récents, il y a IMMOLATION, qui a une véritable personnalité. Je me sens plus proche de ces groupes là pour les harmonies, je ne dis pas que je ne suis pas influencé. Je n’ai pas honte de le dire. Je reste un fan de musique. Après, on a fait notre musique, et il y a des réminiscences parfois, mais je me sens très petit à côté de ces gens-là…

Noiseweb : Pas encore… parce que vous avez été des précurseurs pour le death en France aussi.
SB : Je crois, ouais, et j’en suis fort content. Mais ça n’a pas toujours été un avantage d’être français. A un moment, on a plus vendu en Allemagne qu’en France, comme MASSACRA. Ce qui est marrant aussi, c’est que les gens veulent vraiment nous voir, c’est cool.

Noiseweb : Vous ne devez penser qu’à une chose, c’est de partir en tournée, là !
SB : Ouais, il faut que je sorte de ce studio (rires) ! J’ai vraiment envie d’y être, là. Ca va être une autre étape, avec plein de belles salles et des bons groupes avec nous. Pour ce qui concerne des dates à l’étranger, on a des plans, mais rien n’est signé, alors, je ne vous dirai rien (lol). On est aussi en train de dealer des licences de distribution pour l’étranger. Pour l’instant, ça ne sort qu’en France, Belgique, Suisse, les pays limitrophes.

Noiseweb : Pour en venir à la pochette, il y a un contraste entre le côté old-school de la pochette et la modernité du son…
SB : C’est voulu. Il y aura peut-être à nouveau des femmes à poil sur le prochain (rires) ! Mais là, l’idée était de faire une pochette de groupe de métal, avec les doigts qui font le signe du Malin, tu vois. On revendique. Le titre « Planet Pandemonium » fait old-school aussi, mais il y a une idée conductrice de la terre en danger… On constate dans nos titres (écrits par François Jamin pour les lyrics) notre impuissance face au désastre que l’on crée consciemment. Il y a des thèmes politiques, mais pas politisés, tu comprends ? On constate notre déclin. On a aussi notre avis politique sur ce gouvernement Raffarin qui détruit la culture, pour qui ce n’est pas une priorité, mais ça ne paraît pas dans l’album, ce n’est pas le sujet. C’est peut-être notre album le plus engagé, mais aussi avec les paroles les plus simples pour bien se faire comprendre.

Noiseweb : A un moment, dans un morceau, tu hurles « The Devil incarnate… »
SB : Ouais, c’est ça. Ca résume bien, on a le diable en nous. L’homme est un loup pour l’homme pour résumer. Lisez les paroles, vous comprendrez. Ce qui se passe en dehors de la France nous interpelle aussi, la mondialisation à outrance nous dégoûte. Pour agir, il faut voter aussi, c’est ce qu’on fait. Nous sommes des citoyens actifs, la politique nous intéresse, même si elle nous dégoûte aussi. Les choix politiques déterminent aussi de nos vies, nous, c’est plus le côté culture… Mais quand on ne pourra plus s’exprimer, je me casserai du pays, mais pour aller où ? Voter, c’est pouvoir exprimer et défendre ses idées.

Noiseweb : Si tu n’avais pas fait de musique, tu penses que tu aurais fait quoi ?
SB : Je n’en sais rien. Ca fait bien longtemps que j’ai choisi la musique ! Même mon expérience universitaire a été orientée en fonction de la musique, puisque c’était pour progresser en anglais pour mes textes…

Noiseweb : Le français n’est pas une langue adaptée au métal d’après toi ?
SB : Pas pour le death en tout cas… Nous, on a fait le choix de l’anglais, ça nous paraissait naturel. Le dernier morceau de CLEARCUT était en français. Ce n’est pas du death, mais c’est du métal… Mais j’adore aussi des groupes comme TRUST, BLASPHEME, SORTILEGE, H-BOMB, VULCAIN ou HIGHLAND QUEEN, un groupe du coin qui marchait bien, chez qui on a fait notre démo Bazooka Rehearsal. On n’y connaissait rien, on n’avait pas de matos et ils nous ont filé un gros coup de main, même s’ils ne captaient rien à notre musique... Tous ces groupes chantaient en français, ils ont porté ma jeunesse. En ce qui concerne l’évolution de la scène française depuis 5 ans, plein de groupes néo ou fusion vraiment intéressant sont apparus, les radios s’ouvrent un peu plus à des sonorités avec des guitares saturées, mais pas de métal encore. On n’y passera pas, c’est clair… Ce qui m’a toujours fait marrer, c’est d’entendre que Loudblast était commercial (rires) !

Noiseweb : Ca dépend aussi de la définition que l’on veut bien donner au mot commercial…
SB : Ouais, mais je préfère vendre 20000 albums plutôt que 2000... Je me suis habitué à devenir une cible pour jaloux. A un moment, quand j’ai coupé mes cheveux, tu aurais dû entendre les critiques et voir la gueule des gens ! Mais je les ai coupés parce qu’ils étaient vraiment pourris, trop de déconnade, pas d’entretien. Le problème, c’est que j’ai fait des mèches pour avoir moins l’air con (rires), mais on était en pleine vague néo… Quand tu commences à être exposé, tu as ce genre de conneries qui te reviennent dans la tronche ! Je ne suis que Stéphane Buriez, si j’ai envie de me couper les poils de la bite, ça ne regarde que moi… et puis, il faut bien s’entretenir (rires) ! On est aussi tous endorsés pour les instruments, c’est un bon système d’échange entre nous et les manufacturiers. C’est du commerce aussi quelque part… en plus, on trouve vraiment que c’est du bon matos. L’intérêt est de pouvoir développer des modèles aussi, j’ai fait un prototype de guitare par exemple que je vais proposer à Yamaha. Le truc, ce n’est pas d’avoir des grattes gratuites, ça, j’en ai plein en réserve, des bien meilleures que je n’emmènerai pas en concert pour ne pas les détruire…

Noiseweb : Les gros techniciens de la guitare t’impressionnent ?
SB : Ca m’a impressionné, je suis toujours admiratif devant des gars comme Steve Vai, qui sont des monstres. Je sais combien ça peut être difficile de passer des plans de gratte sur lesquels tu dois bosser des journées de long avant d’y arriver, même des plans minables de rythmique. Je reste un fan de musique, je l’ai déjà dit… .

Noiseweb : On va revenir à la démo Bazooka Rehearsal… C’est marrant que tu en parles, parce qu’on va te faire une confidence : on avait préféré ta voix, beaucoup plus death, sur cette démo, que celle sur Sensorial Treatment…
SB : Ouais, carrément plus death ! Moi aussi, j’ai des regrets sur la voix de Sensorial, mais faut dire aussi que j’ai tout enregistré sur une seule nuit ! (Ndlr : alors là, c’est de la performance !). Maintenant, ma voix sur le nouvel album est bien mieux maîtrisée, et elle a une vraie identité et j’ai chanté comme je savais le faire, surtout pour pouvoir être retranscrite en live. J’ai aussi progressé, j’ai pris deux cours de chant dans ma vie (rires) ! Mais je continue de beaucoup travailler.

Noiseweb : Il y avait des tentatives de chant autre dans CLEARCUT… Tu ne pourrais pas adapter ça à LOUDBLAST ?
SB : Ouais, et il y en aura encore avec Clearcut, mais il est aussi très clair que je ne veux pas qu’on associe Clearcut à Loudblast. Ok, Hervé et moi en faisons partie, mais ce sont deux groupes totalement différents. C’est vrai qu’à un moment, pendant l’enregistrement de Planet Pandemonium, je me suis dit que je pouvais mettre des parties de chant plus mélodiques, plus claires, mais Loudblast est un groupe de death-thrash metal et on tient tous à ce que ça le reste ! Avant même que l’on se mette à composer, on savait que cet album devait être un album de death-thrash-métal pur et dur, sans fioritures. Fragments était plus heavy, plus power, celui-là était un très bon album aussi, sinon, on n’en aurait pas vendu autant, même s’il n’a pas fait l’unanimité.

Noiseweb : Le packaging était intéressant aussi… Qu’en est-il de celui-là ?
SB : Ouais, un digipack 3 volets, un livret de 20 pages. Il y a aussi un code sur le CD à découvrir, qui vous permettra d’aller télécharger des trucs en bonus sur notre nouveau site, qui avance et qui sera à peu près prêt pour la sortie le 5 mars, un très beau site, très complet. Vous pourrez télécharger des traders, on a filmé par exemple tout l’enregistrement de l’album. (Ndlr : ça, c’est de l’exclu !). La priorité pour l’instant était de bien faire la pochette, de faire les affiches, le merchandising, tout ça. Le site va être assez gros, une bonne partie sera ouverte pour la sortie. On pense aussi à un DVD, parce qu’on va filmer pas mal de concerts. Hervé est assez branché informatique aussi, et on va partir en tournée avec un ordinateur portable, histoire de mettre à jour souvent le site.

Noiseweb : Autre chose, tu as commencé à écouter du métal à quel âge ?
SB : J’avais neuf ans… grâce au grand frère de mon meilleur pote de l’époque, avec des groupes comme Aerosmith, les Floyd , Ted Nugent, Kiss, Black Sabbath, Judas Priest, tous ces groupes-là. Je n’ai pas honte de ça, je reste fan. Quand j’étais gamin, on écoutait Carlos et Black Sabbath (rires) ! (Ndlr : vous me direz, dans un genre pachydermique…) Les premiers albums où il y a un truc qui se passe, changent pour toujours ta vision de la musique. T’écoute et tu fais : whaoww ! Là, tu sais !

Noiseweb : Tu penses qu’il y a un âge pour s’arrêter ?
SB : Non, je ne pense pas. Il faut savoir s’arrêter avant de devenir pitoyable… (Ndlr : Là, on lui parle d’Ozzy Osbourne). Lui, est l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire et je n’ai pas fait autant d’excès que lui. Effectivement, quand t’as plein de thunes à craquer, tu as accès à certaines choses et tu peux tomber dans les excès. Par exemple, je détesterais que l’on me filme 24h/24. Ceux qui le font doivent être bien payés et être en manque de promo à ce moment-là. Moi, je préfère préserver ma famille, même s’ils sont associés à tout ce que je fais. Mon gamin de 11 ans a très bien compris ce que je faisais, il en même fier quand il va à l’école ou au sport, il se met même à jouer de la gratte ! Il y a des trucs métal qui le branche et il adore Loudblast… Je ne le briderai pas dans ce qu’il veut faire, mais j’espère qu’il ne se lancera pas dans la musique… C’est tellement dur et il n’y a pas beaucoup d’élus ! Ca ne déplairait pas forcément à ma femme, par contre (rires). Mais bon, il a toujours baigné dedans. C’est assez rigolo. Tu vois, quand tu as un gamin, tu ne réfléchis plus de la même manière. C’est pour dire que quand il faudra arrêter, on le saura…

Noiseweb : D’un autre côté, on se connaît bien depuis plus de 17 ans (c’est Will qui parle là… lol… Steph m’a donné des cours de guitare !), on a commencé à écouter du métal au même âge, et quand on tombe dedans petit, on ne peut plus s’en détacher, ça devient vital, physique…
SB : Ouais, carrément ! C’est pareil, je ne peux pas vivre sans musique. Si le matin, je ne mets pas un disque, ça ne va pas. (Ndlr : Dans le rayon souvenirs, on évoque alors le retour de SUPURATION). Putain, eux, j’ai toujours été fan de leur musique depuis le début. A un moment, des gens ont voulu créer une sorte de compétition entre nous. Je leur chie dans la gueule. Si j’avais voulu faire de la compèt’, j’aurais fait de la course auto ou du sport. Moi, je fais de la musique. Bon, je fais un peu de sport aussi, du footing, de la muscu, faut s’entretenir.

Noiseweb : T’écoute quoi en ce moment chez toi ?
SB : Pas mal de trucs, mais je n’écoute pas que du métal. J’écoute en ce moment Incubus, Skinlab, Impaled Nazarene, j’ai racheté beaucoup de vieux trucs dernièrement, du Ted Nugent justement… Ce sont vraiment des albums qui m’explosent toujours, avec un petit côté nostalgique parfois, tu associes des images…

Noiseweb : Ca t’arrive de te dire que des gens ressentent la même chose avec les albums de Loudblast ?
SB : Ouais, mais c’est bizarre. En même temps, ça fait plaisir. Qu’est-ce que tu veux de plus quand tu fais de la musique, que d’avoir des gens qui te disent que ta musique ou quelques morceaux font partie de leurs préférences ?! C’est génial ! De savoir qu’on a laissé une trace. Il faut aussi garder la tête froide…

Noiseweb : Justement, tu en attends quoi de cet album, après tant d’années de carrière ?
SB : Qu’il explose tous les autres ! Qu’il soit accueilli comme un album de qualité, comme un très bon album…

Noiseweb : On a aussi entendu des rumeurs comme quoi vos albums allaient ressortir.
SB : Ouais, c’est en cours, on a récupéré les droits de Disincarnate (Ndlr : magnifique ! Introuvable dans le commerce…), Cross The Threshold et Sublime Dementia. On va les ressortir remasterisés, avec des inédits et des bonus live, ainsi que des photos d’époque. Pour les autres albums, on va demander à XIII Records de les ressortir aussi. C’est soit pour juin ou septembre. Il va aussi y avoir des éditions limitées pour la région du Nord. Mais ça a été très dur de récupérer nos droits ; tu te rends compte, on n’était même pas propriétaires de notre musique. Ca, ça ne peut plus arriver maintenant, on a compris. A l’époque, on gérait très mal comme je vous l’ai dit auparavant. En produisant notre musique nous-mêmes, on est propriétaires. On signe juste des licences de distribution, comme avec Next Music. On vend chèrement notre peau maintenant ! Il arrive un moment où tu dois arrêter de te faire baiser par le business ; ça a été aussi un des facteurs du split en 1999. On n’était pas assez entourés de personnes compétentes.

Noiseweb : Il n’y a aucun CD promo distribué aux radios, à la presse, aux webzines, pour la sortie de l’album… Le problème internet ?
SB : Evidemment ! C’est un choix. On ne peut pas se permettre de perdre des ventes avec les mp3 avant même la sortie de l’album. On n’est pas Cannibal Corpse… De toute façon, que tu mettes des bips ou que tu divises ton album en 99 plages, un mec bien équipé corrigera tout et ça se retrouvera sur le net tout de suite. Les salles de concert nous réclamaient du son, les tourneurs aussi, mais que dalle ! On sait où ça va atterrir. De toute façon, vous retrouverez des titres promo sur les compiles Rock Sound, Metallian, qui nous poussent bien. Il faut aussi savoir rendre la pareille aux gens qui nous ont aidés.

Noiseweb : Ok, on sait tout maintenant… Un dernier mot ?
SB : Un grand merci à vous et aux fans en général pour votre soutien, et rendez-vous le 5 mars pour la sortie de l’album. On se verra ensuite sur la tournée. Ca va le faire !!!