Interviewer un groupe norvégien de black n’est jamais facile : c’est comme jouer son dernier billet à la loterie. C’est tout ou rien ! Heureusement, nous sommes tombés sur Jontho P., le batteur fondateur de RAGNAROK, qui s’est révélé être un interlocuteur affable et très intéressant et qui n’a pas hésité à répondre par téléphone à nos questions, même les plus impertinentes ! Leur nouvel album, Blackdoor Miracle, sorti le 26 mars, est excellent et cette interview saura vous ravir autant que leur musique…

 

Entretien avec Jontho P. (drums) - par Will
 
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Comment définirais-tu le black-metal que vous jouez ?
Jontho P. : Je le définirais comme le plus agressif des black-metal. On peut se placer aux côtés de groupes comme Marduk ou Dark Funeral.

Personnellement, j’apprécie que vous combiniez dans votre musique des blast-beats avec des rythmes plus mid-tempo… Qu’en penses-tu ?
Oui, dans le nouvel album, je pense que nous avons fait le parfait mix de tout ça pour en tirer un style de black-metal. Je joue parfois très vite, parfois plus lentement, et il y a aussi des mélodies. Je pense que nous arrivons à créer un type de musique à partir de plusieurs éléments.

Pourquoi avoir fait appel à nouveau à Tommy TÄTGREN pour produire cet album ? C’est vraiment l’homme de la situation ?
Oui, nous avons été satisfaits de son boulot sur l’album précédent, In Nomine Satanas. Nous avons donc décidé de retourner avec lui, parce qu’il est facile de travailler avec quelqu’un avec qui tu t’entends bien et il comprend vite ce que nous voulons. De plus, la vie dans son studio est assez agréable, et pendant deux semaines, nous pouvons vraiment nous concentrer à 100 % sur la musique, pas de soucis extérieurs.

Vous n’avez jamais eu envie de travailler avec des gens comme Fredrik NORDSTRÔM ou Daniel BERGSTRAND ?
Eh bien, nous travaillerons peut-être avec quelqu’un d’autre dans le futur, mais nous restons pour le moment avec Tommy parce que je pense que c’est un des meilleurs producteurs de metal !

Le poste de chanteur semble difficile à tenir dans votre groupe…
Hé hé… C’est difficile d’être chanteur, mais il semble qu’être chanteur dans Ragnarok l’est encore plus (rires) ! Notre premier chanteur, Thyme, bossait dans une usine et ne pouvait plus s’impliquer à 100 % dans Ragnarok. Nous avons respecté son choix quand il a décidé de nous quitter et de continuer son chemin. A propos de Lord Arcamous, c’est une histoire à la con : il a voulu quitter le groupe et on l’a viré en même temps ! Il avait une copine hyper jalouse, de la folie. Je me souviens que quand nous avons tourné avec Dark Funeral, il passait son temps au téléphone dans le bus à envoyer des SMS à cette gonzesse. Après ça, quand nous devions répéter, sa copine devenait dingue, à faire des crises pour l’empêcher d’y aller, c’était un vrai problème pour nous. Nous avons donc dû chercher un nouveau chanteur. C’est con parce que c’était un line-up parfait pour le groupe. Lord Arcamous avait une bonne attitude pour Ragnarok. J’espère que ce genre de conneries ne se reproduira plus à l’avenir, mais on ne peut présager de rien. En tout cas, le line-up actuel avec Hoest au chant est très bien. On verra…

Qu’est-ce que Hoest a apporté de plus par rapport à Lord Arcamous ?
Il a apporté beaucoup plus d’agressivité dans la musique. Il est aussi meilleur vocaliste que Lord Arcamous car il chante depuis plus longtemps. Ca ne change rien au niveau de la musique, mais dans les parties mélodiques de nos riffs, il a cette agressivité qui sonne mieux.


Hoest (vocals)

Sur votre album, il n’y a pratiquement aucun synthé, et pas de solos. Ces deux éléments sont incompatibles avec Ragnarok ?
Nous avons un gars qui est venu jouer quelques synthés sur certains riffs seulement, pour créer une ambiance. Depuis In Nomine Satanas, nous jouons avec deux guitares et nous avons réalisé que l’on n’avait pas besoin de keyboards pour faire la même chose. Ce n’est pas incompatible, mais nous nous en sortons très bien avec deux guitares, parfois trois. Quant aux solos, ce n’est pas une chose importante, il n’y en avait qu’un sur In Nomine Satanas. Si les guitaristes sentent qu’ils ont besoin d’un solo, ils vont le faire, mais sur Blackdoor Miracle, ce n’était pas nécessaire.

Peut-on parler d’évolution entre le nouvel album et le précédent ?
Premièrement, les riffs sont joués de façon plus rapide, les paroles sont plus matures et en général, Blackdoor Miracle est plus technique. Il fallait que nous soyons aussi tous satisfaits des chansons donc il y a une plus grande variété.

Que signifie ce titre ? Quelle est cette « porte noire » (black door) dont vous parlez et à quel miracle se réfère-t-elle ?
Chaque homme a un démon à l’intérieur. Le titre parle du fait que nous devons faire sortir ce démon hors de nous. Si quelqu’un de cette société fait sortir ce démon de toi-même, il aura à en payer les conséquences. Dans ton âme, tu as une « porte noire » et le démon est symboliquement en attente derrière cette porte. Le miracle en lui-même est quand tu fais sortir ce démon, il se dégage une telle force qu’il prend le pouvoir de tout ton corps et de toute ton âme... Plus rien ne l’arrête, c’est la destruction totale.

La jaquette de Blackdoor Miracle est très violente, la plus violente de vos pochettes pour moi. Vous ne craignez pas la censure ?
Ouais, très violente. Nous avons choisi cette pochette parce que nous jouons une musique violente. Je voulais montrer par la pochette ce qu’il y a à l’intérieur de l’album. C’est une pochette très symbolique, parce quand tu la regardes précisément, tu peux y voir plusieurs choses et ça montre exactement ce qu’est le true black-metal : le pentagram représente un symbole satanique, présent dans la musique et dans le groupe en général, la femme nue représente la Magie Noire, quelque chose d’assez personnel aussi. Le gars avec son flingue (moi) symbolise le démon dont je te parlais tout à l’heure, une totale destruction. Les flammes proviennent du chaos de l’Enfer et sont aussi utilisées pour la Magie Noire.

Le satanisme est toujours omniprésent dans vos paroles. Mais franchement, ce n’est pas devenu à la longue plus un gimmick qu’autre chose ?
Le black-metal est satanique. Les groupes qui ne parlent pas de satanisme, de magie noire ou de ce genre de choses n’ont rien à faire dans le black. Jouer du black-metal signifie avoir avant tout des paroles sataniques et aussi jouer une musique si violente qu’il est impossible de danser dessus (rires) ! Le black est violent, haineux et surtout satanique !

Tu te décris donc comme un satanique… Donc, le satanisme est-il selon toi plus une position de lutte contre la Chrétienté ou une croyance en des forces infernales ?
C’est très lié. Si tu y regardes bien, au départ, le satanisme est plus quelque chose qui s’oppose non pas seulement au christianisme, mais aux religions qui ont à leur tête un « bon dieu ». Mais évidemment, c’est très anti-chrétien selon notre idéologie. La magie noire a aussi son importance, les riffs que nous écrivons sont des hymnes à ces forces infernales. C’est très lié.

Comment contribues-tu personnellement au satanisme à ton niveau ? Tu agis dans cette mouvance ?
J’ai beaucoup donné dans des activités « souterraines » dans le passé. Mais à cause de mes nombreuses activités, je n’ai plus trop le temps. Mais dans le futur, j’y reviendrai…


Jontho P. (Drums)

Dans le titre « Kneel » (le 7ème), sur le nouvel album, j’ai entendu des mots comme genocide, extermination, battlefields… Sont-ce pour vous des mots forts qui marquent les esprits et qui sont faciles à mettre dans une chanson, ou est-ce qu’ils sont des indicateurs de votre pensée politique ?
A propos de la politique, je ne peux pas te dire grand chose, puisque ce n’est pas moi qui ai écrit les paroles (Ndlr : comment habilement se défiler…). Mais pour résumer, ça parle de destruction, des forces de l’Enfer qui viennent œuvrer sur Terre : ça parle de ce que la race humaine est capable de s’infliger à elle-même en terme de destruction, au nom de la religion ou de choses comme ça, tu vois ?

L’album est sorti le 26 mars. Qu’est-ce que tu en attends ?
J’espère des meilleurs chiffres de vente, que les gens ouvrent leur esprit et qu’ils fassent l’effort de comprendre ce qu’il y a sur l’album, que les gens qui aiment Ragnarok s’approprient encore plus notre message, si message il y a.

Vous avez des projets de tournée pour promouvoir Blackdoor Miracle ?
Nous devons tourner au Brésil en juillet, un truc comme 10 dates. Nous avons aussi 3 festivals en Norvège, un concert en Russie en mai, mais nous parlerons vraiment d’une grosse tournée en septembre avec BEHEMOTH (NdW : en voilà un scoop !), environ 40 dates… On va faire aussi les festivals au moment de Noël.

Comment tu arrives à expliquer qu’il y ait tant de bons groupes de black-metal en Norvège, alors que c’est un tout petit pays ?
Je ne suis pas sûr, mais je pense qu’il y a vraiment beaucoup de bons musiciens dans le même style. Si tu n’es pas bon, tu n’es pas le bienvenu sur cette scène. En voyant ce que les autres groupes font, tu es aussi inspiré pour faire quelque chose d’encore mieux.

Mais il n’y aurait pas plus de groupes de black que de spectateurs en Norvège ?
Non, pas plus de groupes (rires) !!! Il y a toujours beaucoup de monde aux concerts. Mais des groupes comme IMMORTAL ou EMPEROR n’existent plus et les gens se tournent donc vers d’autres, comme nous. C’est un bon public, mais aussi un public plus exigeant qu’au Mexique ou en Allemagne, car il y a une grosse compétition entre les groupes. Chaque groupe a son public et si un groupe n’aime pas un autre groupe, il est fort probable que les deux publics vont se tirer dans les pattes. Mais non, il y a bien plus de spectateurs que de groupes (rires) !

C’est possible de vivre de sa musique quand on joue du black-metal ?
Si tu vends assez, c’est vivable. Mais tu gagnes plus en jouant des concerts, c’est pourquoi les groupes recherchent plein de shows. Mais pour que les labels te proposent une tournée, il faut vendre, c’est normal. Les deux vont ensemble de manière réciproque. Nous vendons pas mal, mais pour en vivre bien, il nous faudrait un plus gros deal.

Que penses-tu justement du succès de DIMMU BORGIR et de cet award qu’ils ont gagné à la mi-mars en tant que meilleur groupe de métal de 2003 en Norvège ?
C’est leur choix de s’être engagés dans une voie commerciale (Ndlr : on l’attendait celle-là… Hé hé…). Je respecte ces mecs pour ce qu’ils font mais je pense que ces remises de prix ne sont que de la merde ! Dans le style que nous jouons, de toute façon, nous n’en gagnerons jamais mais même si nous étions plus commerciaux, je n’en ai rien à baller de ces prix à la con !

J’ai vu que votre site était vraiment cool, bien à jour. Penses-tu qu’Internet soit aujourd’hui le meilleur outil pour faire connaître un groupe ?
Ouais, je pense que c’est vraiment le meilleur moyen pour promouvoir un groupe car tu peux toucher beaucoup de gens en un minimum de temps. Avoir un site bien tenu et agréable à regarder montre aussi que le groupe est très professionnel.

Sur votre site, il y a une excellente vidéo live à télécharger… Vous pensez faire un DVD dans le futur ?
Nous avons joué sur la même scène en Pologne que GORGOROTH (Ndlr : à Katowice). Le show a été filmé avec des moyens très pros mais rien n’est prévu pour l’instant en ce qui concerne un DVD. On verra dans le futur.

Tiens, tu parlais de GORGOROTH. Tu as une opinion sur ce qui leur est arrivé en Pologne, après leur concert ? Ces arrestations, tout ça ?
C’est grand ce qu’ils ont fait ! Ils ont fait ce qu’un concert de black doit être. Mais ils n’ont pas eu de chance parce que leur show a été montré sur une télé d’Etat et la Pologne est un putain de pays chrétien ! Ce n’est pas le groupe ou sa musique qui est en cause, mais plus la production pendant ce concert (Ndlr : des femmes nues pleines de sang crucifiées, des têtes de moutons empalées sur le devant de la scène…). Je soutiens GORGOROTH, c’est un des groupes de black les plus respectés en Norvège.

Une question me brûle les lèvres depuis longtemps… Qu’est-ce que les musiciens de black pensent de Count Grischnackt (Varg Vikernes, le gars de Burzum qui a assassiné Euronymous, de Mayhem, devenu le leader des néo-nazis norvégiens depuis sa prison) en général ?
Je pense que personne ne doit se faire tuer. Personnellement, je dois dire que j’aime les deux premiers albums de Burzum ; je l’ai déjà rencontré il y a longtemps, au début des 90’s. Pour moi, il n’était qu’un metalhead. Je n’ai rien de personnel contre lui, mais ce qu’il a fait fait partie des choses que je ne pourrai jamais respecter. Euronymous était très respecté ici et je pense que ses amis doivent beaucoup lui en vouloir. Certains rêvent de le venger, mais je ne pense pas que tuer quelqu’un résolve quoique ce soit.

Ok, on te remercie pour tes réponses et on espère te rencontrer en concert. Un dernier mot pour les lecteurs de Noiseweb ?
J’espère vous rencontrer aussi et je te remercie pour ton soutien. Blackdoor Miracle est vraiment le meilleur album que nous ayons fait ; j’espère que les gens feront l’effort de mieux comprendre notre musique !