Alors que nous nous trouvions à Paris, à la Locomotive, en mars, pour le concert de Loudblast et Gojira, les sympathiques nancéiens de Scarve qui ouvraient la soirée après No Return, ont bien voulu répondre sur le pouce à quelques questions à leur descente des planches en la personne de Guillaume, un des deux chanteurs, alors que rien n’était prévu au départ. On ne le remerciera jamais assez pour ça et aussi pour leur extraordinaire troisième album, Irradiant, sorti en début d’année, qui les place dans le peloton de tête du métal français, voire mondial tout simplement. Voici donc la transcription de cet entretien, qui, on l’espère, pour ceux qui ne connaissent pas encore la musique béton de ce groupe, leur donnera envie d’y jeter une oreille… (À noter que nous avons revu le groupe au Metal Therapy Festival de Woippy, le 17 avril et qu’une fois de plus, nous sommes restés scotchés par sa prestation : retrouvez des photos de ce show dans la partie Photos du site, ainsi que le live-report).

 

Entretien avec Guillaume - par Pierre-Antoine, Matthieu et Will
 
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Alors, tes impressions après ce concert ?
Guillaume Bideau : Ouais, ça le fait vraiment, super concert, hier avec Gojira, aujourd’hui avec Loudblast ici, excellent !

Et ça fait quoi de se retrouver sur la même affiche qu’eux, sachant qu’on a ici ce que l’on fait de mieux en matière de métal français ?
C’est cool d’autant qu’on connaît personnellement No Return, Gojira et Loudblast, surtout Dirk notre batteur. Nous, ça fait moins longtemps ; on s’aperçoit que ce sont des gens ultra sympas et les groupes français se tirent beaucoup moins dans les pattes qu’à une époque. Et quand tu as une telle affiche et que tu vois que la salle est remplie, c’est vraiment bien pour le métal français.

Votre album, Irradiant, est maintenant sold-out au niveau de l’édition limitée, ça doit vous faire plaisir ?
Ouais, on l’a sorti à 4000 exemplaires édition limitée et il n’y en a plus, à part un peu ici dans notre merchandising. C’est vrai que c’est un peu une surprise que ça soit allé si vite, mais en même temps, quand tu t’investis à fond dans un tel projet de qualité, les gens s’y retrouvent. Le son est plus compréhensif, plus clair. La musique est plus accessible grâce au son, mais nous, on est pareil.

Effectivement, il semble que ça vous ait marqué... On se souvient que parfois, avant, les gens qui venaient à vos concerts avaient du mal à tout capter. Vous avez fait quelque chose de plus direct, plus concis, non ?
On a eu l’occasion de tourner beaucoup l’an dernier, on a fait 45 dates, dont la moitié en tournée européenne avec NILE et quand tu donnes une énergie aux gens, tu aimes bien qu’ils te la renvoient. Quand tu vois que rien ne se passe, c’est que ta musique n’est pas comprise, donc, inconsciemment, quand tu composes, tu fais des choses plus simples. Ceci dit, on ne trouve pas que notre musique s’est simplifiée, au contraire, mais ils sont plus aboutis et notre meilleur niveau technique a fait que la composition a coulé de source. On ne s’est pas dit : on fait ci ou ça, on fait compliqué… On a juste fait ce qui nous plaisait. Comme dans SCARVE, on a beaucoup d’influences différentes, on écoute un tas de musiques, la compréhension de notre musique qui est meilleure désormais n’est pas née d’un processus calculé, c’est inconscient.

Sur cet album, la voix claire est aussi moins présente.
Elle est moins présente, oui, mais ce n’est pas une réelle volonté non plus. C’est juste que les morceaux étaient plus pêchus. Quand on est arrivés en studio, tout n’était pas composé et on a fait preuve de plus de spontanéité. Quand tu as des musiciens qui ont un niveau technique assez élevé, sans prétention, tu deviens trop perfectionniste. Dans ce cas, si tu t’écoutes, ça devient ingérable cari tu veux refaire et refaire encore tes parties, sans que tu ne puisses avancer. On a bossé les voix en studio, je ne connaissais pratiquement pas les morceaux une fois arrivé en Suède parce que j’avais eu beaucoup de boulot avec mon projet, The Cube. On ne s’est pas trop posé de questions avec Pierrick, vu que je fais aussi des voix death. L’album était plus bourrin, ok, allons-y pour les voix death, de manière très spontanée… On s’est mis au service de la musique, sachant que l’on fait 50 % des voix chacun. De toute façon, avec The Cube, je ne chante qu’en voix claire, donc ce n’est pas un problème, rien à foutre !

Ca n’a pas été trop chaud d’enchaîner un enregistrement de voix claires avec The Cube et après de death dans Scarve ?
Sur le premier album, je ne le faisais pas, parce que ce n’est pas dans ma culture, le death metal, au départ. Quand je suis arrivé dans le groupe, j’ai trouvé que cette musique était intelligente mais je n’étais rentré que pour des voix claires. Ensuite, je m’y suis mis et là, sur Irradiant, j’en fais plein. C’est juste une technique de voix à maîtriser. Quand tu es en tournée et que tu picoles comme des porcs, ça devient fatigant, faut te reposer mais le chanteur de Soilwork, Speed, nous a refilé un truc allemand, un truc « stage performance » qu’on va aller choper sur internet : quand tu as la voix destroy par les concerts, tu te fous un coup de spray dans la bouche et c’est reparti comme en quarante (rires) ! C’est cool, on va pouvoir continuer de picoler (rires)…

En parlant de projets extérieurs, Dirk, votre batteur, a un emploi du temps plus que chargé. Ce n’est pas un problème ?
Il l’a déjà dit : Scarve est sa priorité et c’est un mec sérieux. On prend en compte ce qu’il fait à côté, pareil pour moi avec The Cube, il faut arriver à tout concilier. Et puis, on a le même tourneur, ce qui facilite les choses. Exemple, on devait faire une date avec Impaled Nazarene en mai, mais comme j’avais une date de prévue avec The Cube ce jour-là, il a décalé d’une journée la tournée avec Impaled Nazarene pour que je puisse être là avec Scarve. C’est grâce à ça qu’on peut s’organiser de manière efficace, sinon, ouais, ce serait la merde complète. Dirk est très pris, mais il est toujours là pour Scarve, ça va.

Tu me disais que tu n’avais pas une culture du métal extrême… Le retour de Loudblast t’interpelle quand même ?
Ecoute, moi, Loudblast, je n’ai jamais écouté, je ne les ai jamais vus sur scène et je ne les ai rencontré qu’il y a peu de temps. Ca s’est super bien passé. Je n’ai pas d’a priori sur la musique, je verrai ça tout à l’heure. Le gros avantage du retour de Loudblast que je vois, c’est que ça fait une grosse tournée avec une tête d’affiche qui amène du monde et avec en plus Gojira et nous, ça permet aux groupes de jouer devant pas mal de public. Avec leur statut, ils auraient pu chopper la grosse tête, mais pas du tout, ce sont des mecs super cool avec qui on s’entend très bien. On s’éclate et il y a de la qualité, on n’est plus des groupes de garage, tu vois. C’est ça l’esprit du métal ! Et tu remplis une salle qu’avec des groupes français !

C’est même trop petit ici, à la Loco !
Ouais, on discutait tout à l’heure avec les gars qui ont organisé, et ils nous disaient que c’était con, qu’ils auraient pu louer l’Elysée-Montmartre, parce que là, il y a plein de gens qui sont refoulés.

Tu sais que Stéphane Buriez et François Jamin ont un studio à côté de Lille. Pour faire la pré-production d’un de vos albums, ça ne vous dirait pas d’aller là-bas ?
Non, parce qu’on a chacun notre façon de travailler. Quand tu as bossé avec Daniel Bergstrand, ton oreille s’est formée à un type de son. Notre musique est très fournie et recèle de petits détails, et Daniel est parfait pour ça. Il est capable de bosser 24 h / 24 sur un projet et c’est aussi devenu un pote maintenant. Il vient passer des vacances en France avec nous, on va en Suède, il vient se faire tatouer chez notre tatoueur, tu vois, c’est excellent ! Artistiquement et humainement, ça se passe super bien, donc pas la peine d’aller voir ailleurs.

La collaboration avec Bergstrand, ça a vraiment mis une empreinte sur votre musique ou c’était déjà calculé votre son ? Parce qu’il a produit pas mal de groupes, en leur offrant des productions très froides, mécaniques comme avec Meshuggah, Strapping Young Lad. Votre son vient de lui ou de vous ?
On a choisi Bergstrand au départ, parce qu’on aimé ses productions, notamment celle de Strapping Young Lad. Quand on a entendu ça dans le groupe, on s’est tous pris une claque, alors qu’il n’avait que 21 ans à l’époque ! C’est un génie ce mec quand t’y penses. Nos premiers albums n’ont été que mixés mais là, tout a été fait avec lui. Daniel est tellement bon, que quand il fait la prise d’enregistrement, en gros, c’est déjà mixé ! En fait, c’est lui qui t’accepte dans son studio, parce qu’il sait qu’il va y avoir compatibilité. Il s’est donc fondu dans Scarve, c’est plus un rôle de médiateur parce que notre groupe est composé de fortes personnalités et des fois, on s’engueule à n’en plus finir… Il intervient pour les arrangements, pour nous mettre d’accord. Par exemple, pour les voix, j’ai beaucoup discuté avec lui, il m’a aidé à trouver des chœurs ou à en enlever ! On a tout fait ensemble, donc c’est forcément le son de Daniel à la sauce Scarve, ça va bien ensemble. Ceci dit, c’est vrai que le son de notre batterie est très proche de celle d’In Flames par exemple.

Vous ne travaillerez donc avec personne d’autre, genre Nordström ?
On avait envoyé notre première démo à Nordström, mais Daniel était le seul disponible à l’époque et ça tombait bien puisque c’était lui notre préféré. Nordström a ses formules toutes faites et il les applique sans discuter, contrairement à Daniel Bergstrand. De toute façon, Daniel est en train de grappiller du terrain sur les plates-bandes de Nordström à cause de ça. Meshuggah ne feront plus l’album chez eux parce qu’ils ont un studio avec Clawfinger, mais ils font toujours leurs batteries chez lui, comme In Flames. C’est un autodidacte complet, un artiste. Chapeau !

Alors, jusqu’où peut aller SCARVE selon toi ?
Ecoute, cet album marche très bien. Au Japon, 95 % des gens qui lisent le magazine Burnn ! disent qu’on est le prochain plus gros groupe métal du Monde, tu chies par terre ! En Europe, on a un super accueil, même l’Allemagne commence à nous apprécier, alors qu’avant, ils nous cassaient. Ouais, ça commence à prendre de l’ampleur à l’étranger. Ce mois-ci, on fait la couverture de Rock Hard avec Loudblast et Gojira, tu vois, c’est énorme en France.

Bon, allez, un dernier mot pour les lecteurs de notre site ?
Ouais, c’est super que des salles soient remplies comme ce soir avec des groupes français et quand la qualité est au rendez-vous, il ne faut pas hésiter à soutenir la scène métal française, quel que soit le style.