Fort d’un nouveau line-up, le groupe parisien de heavy /doom mélodique nous revient avec un Dystopia très prometteur (voir chronique). Nous devions les interviewer à Lille, le 27 novembre, lors de leur venue dans un grand magasin de disques, où ils devaient se produire. Mais cela ayant été annulé au dernier moment par les responsables du magasin, certainement encore en train de se dire qu’il allait y avoir des dégâts ou ce genre de conneries, nous avons fait parvenir par mail les questions à Alexandre Kohler, un des guitaristes. Ses réponses auront été aussi intéressantes que leur musique !

Entretien avec Alexandre Kohler (guitares) - Par Will Of Death
 
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Comme c’est la 1ère fois que Noiseweb vous interviewe, pouvez-vous présenter un historique rapide du groupe, ainsi que les membres actuels ?
Salut Will et bonjour à tous les lecteurs de Noiseweb. Ici Jeff, c’est moi qui vais tacher de répondre à cette interview ! Ouah, dix ans d’existence ça va être dur à résumer ! Mais je vais essayer…
Anthemon a été fondé par Marc Canlers (basse et growls) et Sylvain Bégot (guitares) en Janvier 1997. Ils ont rapidement enregistré "Nocturnal Contemplation" à l'aide d'une chanteuse de session dans le but de recruter d'autres membres. Par la suite, Nicolas Joyeux a occupé le poste de batteur et Nathalie Bonnaud celui de chanteuse et je suis arrivé en tant que second guitariste début 2000. Avec ce line-up complet, nous avons enregistré Talvi en Mai 2000 puis nous avons donné quelques concerts. Durant la préparation de notre premier album, "Arcanes", Sébastien nous a rejoints en tant que claviériste. "Arcanes" a été enregistré entre Mai et Juin 2002 avec le premier line-up complet et stable de l'histoire d'Anthemon. Malheureusement, cela n'a pas duré longtemps car Nathalie est partie fin 2003 car elle aspirait à jouer un autre style de musique, ensuite c'est Nicolas qui a dû arrêter car il commençait à avoir de sérieux problèmes d'audition. C'est ainsi que nous avons débuté le travail de répétition pour "Dystopia" sans batteur ni chanteur mais avec la volonté d'y arriver ! Et finalement, la chance nous a souri puisque début 2004, David Verbecq a rejoint le groupe en tant que batteur, suivi de Loïc Malassagne en tant que chanteur. "Dystopia" a donc été enregistré entre Mai et Juin 2004 avec un line-up flambant neuf.

Comment définiriez-vous votre style ? Moi, je vois ça comme du heavy mélodique aux accents doom/death… ça vous va ?
C'est pas mal, disons que nous avons eu pire comme étiquette. Je pense que cela décrit bien nos influences, le côté mélodique du Heavy Metal (tendance NWOBHM) et la lourdeur et l'oppression du Doom.

Quels sont les groupes qui vous ont particulièrement influencés dans votre parcours métal ?
Tous dans le groupe nous écoutons des choses vraiment différentes. David écoute pas mal d'extrême, Sylvain et Loïc écoutent des choses très variées, Marc est fan de Maiden et Burzum et Sébastien, lui, ce sont les groupes avec beaucoup de claviers comme Shape Of Despair. Quant à moi, je suis fan de Windir, Yearning, Novembre et bien d'autres !

Que représente ANTHEMON dans vos vies ?
Une partie de notre vie mais pas uniquement notre vie. Nous avons tous une situation et nous ne sommes pas tous célibataires. C'est une chose que nous prenons au sérieux et nous le faisons avec beaucoup de plaisir et professionnalisme, surtout lorsqu'il s'agit de faire des concerts ou d'enregistrer. En définitive, nous pourrions vivre sans Anthemon mais la vie serait plus dure et moins satisfaisante car elle aurait un goût d'inachevé, de non-dit.

J’ai vu sur votre site qu’il y avait eu des changements de line-up pour cet album. Qui, pourquoi et quel est l’apport des nouveaux ?
Simplement car notre ex-chanteuse et notre ex-batteur nous ont quittés pour les raisons mentionnées plus haut. L'apport de David a été dans le sens de notre volonté de durcir notre son. Il a un jeu plus extrême et technique que Nicolas et cela a participé à augmenter le taux d'agressivité de notre musique. Loïc lui aussi a rendu notre musique plus agressive de par son chant masculin (oui c'est un homme !) et Heavy. Il a un coffre énorme et une palette de textures incroyable. Au final, nous sommes tous très satisfaits de ces nouveaux apports et il semble que ceux qui nous chroniquent aussi.

Quelles furent les critiques pour votre précédent album, et vous, comment le jugez-vous aujourd’hui, avec le recul ?
Les principales critiques mettaient en avant une trop grande monotonie dans les tempo et certains nous ont rangés dans une case bien fermée à cause du chant féminin, ce qui est injustifié car notre musique demande une longue période d'acclimatation et cet album avait peu de rapport avec la vague de groupes de Gothic-Metal à chanteuses. Nous sommes encore très satisfaits de ce disque même si certaines choses comme la production et l'enregistrement auraient pu être abordés différemment.

Parlons maintenant du nouvel album. Tout d’abord, pouvez-vous nous éclairer sur ce titre, "Dystopia" ?
Dystopia, dystopie en français, est un état dans lequel l'individu est privé de liberté, de droits. La meilleure description d'une dystopie est le monde décrit dans "1984" de Orwell. On le retrouve aussi dans des oeuvres plus récentes, comme au cinéma, dans Equilibrium. Bref, mieux vaut ne pas y vivre pour ceux qui aspirent à autre chose que la conformité.

En ce qui concerne la pochette, qui est relativement énigmatique, par qui a-t-elle été réalisée et qu’avez-vous voulu y représenter concrètement ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, cette peinture est l'oeuvre d'un peintre polonais de 75 ans nommé Zdzislaw Beksinski. Elle a été peinte dans les années 70. Elle représente pour nous l'isolement de personnes (déjà mortes) dans un univers sans âme et austère. Remplace les tours de pierre par des tours d'acier, de béton et tu verras que notre monde n'est pas si éloigné que cela de cette vision pessimiste.

Peut-on parler de concept album en ce qui concerne "Dystopia" ? Quels sont les thèmes et quelle place accordez-vous aux paroles ?
Ce n'est pas un concept album au sens strict du terme. Nous avons composé la musique comme pour un album normal. Ce sont les textes qui réunissent les morceaux entre eux et qui parlent d'un concept commun : celui de la description de la vie dans une dystopie. Les paroles ont été écrites en hommage aux grands auteurs de livres d'anticipation comme Orwell, Bradbury, Silverberg et bien d'autres. Les paroles, qui sur les précédents albums, avaient une signification plus personnelle, ont cette fois-ci plus de sens cachés et un côté poétique plus prononcé.

Quel(s) titre(s) est / sont le/les plus représentatif(s) du style d’Anthemon aujourd’hui ?
Très dur comme question car l'Anthemon d'aujourd'hui n'est pas totalement celui de demain. Je dirais quand même "Recall The Absence" pour le côté ascensionnel de l'émotion, "Tuned to a Dead Channel" pour la mélodie pure et "Serene Eves" pour le côté dense de notre son.

On m’a dit que vous étiez allés enregistrer aux Finnvox Studios. Tout d’abord, est-ce vrai, et si oui, avec qui avez-vous bossé, pourquoi ce choix et comment s’est présentée cette opportunité ? Ensuite, êtes-vous pleinement satisfaits du résultat obtenu ?
Tout d'abord, nous ne sommes jamais allés enregistrer au Finnvox et nous n'irons probablement jamais faute de financement et de goût car pour nous, les Finnvox produisent un son trop typé et quoi de pire que le conformisme quand nous essayons de le combattre. "Arcanes" avait été enregistré par nos propres moyens, puis mixé au Tico-Tico par Athi Kortelainen qui fait des merveilles et a le mérite de proposer un son d'ensemble différent à chacun des artistes qu'il côtoie. Il en a été de même pour "Dystopia" et le sera probablement pour le prochain. L'idéal serait bien sûr de tout enregistrer avec Athi, car s'enregistrer est très stressant et demande beaucoup de concentration, mais cela reste au-dessus de nos moyens pour l'instant ...

Quelles sont vos attentes par rapport à "Dystopia" ?
La seule attente est d'en vendre suffisamment pour produire le prochain album sans trop de pertes. Nous faisons de la musique pour nous, si elle plait tant mieux sinon tant pis. La notoriété et le succès n'ont d'intérêt que si cela nous permet d'enregistrer plus facilement nos disques ou de nous produire sur scène.

Quel est le statut de votre groupe, selon vous, sur la scène française ?
Beaucoup de gens ne nous connaissent pas encore en France mais je pense que nous avons un statut de groupe prometteur et que "Dystopia" va prouver à tout le monde que nous proposons une musique de qualité, exigeante avec l'auditeur mais abordable grâce à la mélodie.

Comment jugez-vous la scène française aujourd’hui ?
Nous avons de très bons groupes comme The Old Dead Tree, Kemet, Distress ou encore DSK et Yyrkoon. Il ne nous manque plus qu'un peu de notoriété et moins de chauvinisme de la part de nos voisins Européens pour avoir une meilleure exposition au-delà de notre frontière.

Quel est votre passé scénique et quels sont vos projets ?
Nous n'avons pas de projet pour l'instant et jusqu'à présent nous avons fait 16 concerts. Nous saisissons chaque opportunité qui se présente et j'espère que "Dystopia" va relancer le buzz autour du groupe afin de nous permettre d'accéder à différentes scènes.

Pour quel groupe aimeriez-vous tourner ?
Dans le groupe, nous serions beaucoup à dire Iron Maiden mais pour être plus terre à terre, je pense à The Old Dead Tree, car cela ferait une affiche très complémentaire et en plus, ce sont des amis.

Tiens, comment s’est passée la soirée de lancement de l’album, à Paris, le 15 octobre ?
Assez bien, même si les conditions d'écoute n'étaient pas suffisamment bonnes. Cela nous a permis de renouer des liens avec les autres groupes de notre label (Thundering Records) comme Kemet ainsi que nos fans parisiens.

Vous deviez jouer le 27 novembre dans un grand magasin, le Furet, à Lille, mais ça a été annulé au dernier moment… Qu’est-ce qu’une telle expérience représente pour vous, sachant que vous alliez jouer devant un public qui n’aurait pas forcément été entièrement métal ?
Cela aurait été la première fois mais cela ne s'est pas fait. Nous avons par le passé joué devant un public pas forcément Metal dans les mêmes termes que nous; par exemple, nous avons ouvert à Reims pour Sublime Cadaveric Decomposition et Inhumate mais cela s'est bien passé et quand tu joues bien et pour le plaisir, le public le reconnaît toujours et apprécie, même si au départ ce n'est pas forcément le style qu'il aime.

Tiens, pendant qu’on y est, puisqu’on parle d’un magasin de disques, quels ont été vos albums de chevet cette année ?
Pour Sylvain, je dirais les albums de Mahavishnu Orchestra et surtout des trucs des années 70. Marc aime bien Muse et a sûrement encore usé des Iron Maiden et des Burzum. Sébastien a craqué sur le dernier Shape Of Despair. Moi, je suis en train de me refaire l'intégrale de Wasp avec une préférence pour l'abum "Crimson Idol". Quant à Loïc et David, j'avoue ne pas savoir en détail ce qu'ils ont écouté cette année.

C’est quoi le Métal pour vous ?
Un style de musique qui n'est pas forcément facile à aimer. Une attitude pour certains mais quand on vieillit, on relativise sur ce genre de détails pour finalement ne se concentrer que sur l'essentiel, à savoir la musique, le reste est futile et périssable. Je pense qu'il faut faire preuve d'ouverture d'esprit et ne pas s'enfermer dans un style musical ni dans des attitudes ou dans le communautarisme. Il faut faire évoluer les choses pour ne pas vivre peut-être un jour dans une dystopie. Mais pour cela, il ne faut pas forcément être en marge de la société en se considérant un rebelle par ce que l'on écoute du Metal. De toute façon, le "Metallleux rebelle" est une espèce en voie de disparition je pense, les gens sont aujourd'hui soit trop formatés soit trop intelligents pour se conformer à un tel stéréotype.

Que pensez-vous du rôle des webzines comme Noiseweb, en ce qui concerne leur rôle actuel dans la promotion des groupes ?
Les webzines sont depuis l'essor d'Internet une partie très importante dans la diffusion de l'information car c'est un média indépendant et libre d'accès autant pour les musiciens que pour les lecteurs. Il peut par contre avoir l'effet pervers d'être moins profond en proposant une présentation plus aguicheuse et facile à mettre en place avec les technologies web (flash, images) et un contenu fade voir absent. D'un autre côté, la profusion de webzines peut rendre l'internaute boulimique et au final l'empêcher de s'intéresser à la musique plus qu'au webzine en lui-même. Au final, seuls les meilleurs s'en sortiront et Noiseweb est encore là.

Un dernier mot pour les lecteurs de Noiseweb : que pourriez-vous leur dire qu’on n’a pas dit, pour leur donner envie d’acheter votre album ?
Pour les sceptiques, venez visiter notre "aguichant" site internet sur www.anthemon.com écoutez les extraits afin de vous faire une meilleure idée de notre musique.