Voilà, pour bien commencer l’année 2005 et vous proposer une petite nouveauté, nous avons eu l’idée d’interviewer non pas un groupe, mais un des plus grands illustrateurs de pochettes métal actuels, à savoir notre JEAN-PASCAL FOURNIER national ! J’avoue que c’était un petit rêve pour moi d’interviewer l’artiste avec un grand A responsable de la réalisation de deux de mes pochettes d’albums préférées, à savoir celles d’Immortal, « At The Heart Of Winter » et l’édition limitée de « Damned In Black ». Non content d’avoir aussi à son tableau (oui, bon, elle était facile, celle-là…) de chasse des groupes comme EDGUY, IMPALED NAZARENE, MYSTIC CIRCLE, AVANTASIA, DRAGONFORCE, ou plus récemment STORMLORD ou GARWALL , JP Fournier aura su nous expliquer dans le détail ses techniques, ses vues sur le métal en général, sans élucider aucune question, même les plus dérangeantes, avec une franchise qui est tout à son honneur ! En cela, nous le remercions très fort et vous invitons à entrer Into the world of the Wizard Of The Horn avec nous !

 

Entretien avec Jean-Pascal FOURNIER - par Will
 
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Tout d'abord, peux-tu te présenter ?
JP Fournier : Bonjour à tous, bien je suis un artiste illustrateur indépendant, je réside à Grenoble, j’ai 32 ans, je suis illustrateur depuis près de 9 ans, ma foi ce travail m’est fort agréable, même si ce n’est pas facile tous les jours. Cependant, j’ai l’immense avantage de faire ce qui me plaît et de disposer de mon temps comme bon me semble…

Es-tu un vrai amateur de métal ? Et si oui, quels sont tes 5 groupes préférés ?
Un pur, un vrai, un solide, on ne peut pas être plus amateur de metal que moi ; du plomb en fusion coule dans mes veines et ressort par mes oreilles en flots ininterrompus, j’en écoute toute la journée depuis 82, je ne peux plus m’arrêter, d’ailleurs c’est trop tard, je suis tombé dans le chaudron étant petit !!! Je n’apprécie vraiment que le metal issu ou d’inspiration années 80, les meilleures et de loin, j’apprécie également le hard mélodique et FM, le doom lyrique classique, je n’écoute en revanche plus du tout d’extrême car je m’en suis lassé. Mes 5 groupes préférés de tous les temps sont BLACK SABBATH, RAINBOW, SAXON, RIOT et PRETTY MAIDS, il y en a bien sûr encore toute une tripotée, Diamond Head, Witchfinder General, Count Raven, Kick Axe, etc…

As-tu une formation en arts ou es-tu autodidacte ?
Disons un mélange des deux. J’ai suivi une formation artistique de plusieurs années mais je ne pense pas, outre quelques techniques communes, y avoir appris quoi que ce soit d’essentiel, le gros de mon style et de ma technique actuelle, je me la suis forgée moi-même en essayant de glaner quelques secrets (et le terme de secrets n’est pas trop fort…) à droite à gauche, en essayant de comprendre l’élaboration d’œuvres peintes, les processus de fabrication, etc… En ce sens, oui, je suis autodidacte, cela a pris plus d’une quinzaine d’années quand même avant d’arriver à des résultats décents…

Parmi les autres illustrateurs de pochettes d'albums (ou d'autres artistes en général, je pense à la BD), quels sont ceux qui t'ont le plus influencé (pour les CD, je pense à des gens comme Derek Riggs, Ed Repka) ? De quel artiste te sens-tu aujourd’hui le plus proche ?
J’admire la plupart des artistes metal qui évoluent sur ce terrain, mais cette appréciation s’exprime plus par rapport à la carrière effectuée et la longévité que par la création artistique même. En cela, Derek Riggs, malgré quelques sommets, est aujourd’hui tres inégal, Andreas Marschall en revanche perpétue un travail de qualité malgré les modes et le temps qui passe…
Mais je ne me sens pas directement influencé par quiconque issu de ce milieu, mes influences proviennent davantage de la peinture classique, victorienne, et de certains artistes de l’héroic fantasy traditionnelle car le champ d’imagination y est beaucoup plus vaste que dans le cercle fermé de l’illustration typiquement metal et son imagerie redondante… Ceci dit, j’apprécie beaucoup Necrolord, Kris Verwimp, Ed Repka ; un des meilleurs actuellement est selon moi Klinnert, l’illustrateur récent des covers de Rhapsody : c’est prodigieux de détails et de profondeur, même si les thèmes abordés restent bateau…

Quelles techniques utilises-tu pour la réalisation de tes oeuvres (peinture, graphisme assisté par ordinateur, aérographe, dessin, etc...) ?
Comme logiciel, j'utilise peinture acrylique et pinceau version 3.2, ha ha ! Je n'utilise l'outil informatique que pour quelques ultimes retouches sinon mon travail est réalisé de façon tout à fait traditionnelle, la plus adapté pour le metal selon moi. J’utilise donc des peintures acryliques, parfois des huiles à séchage rapide, que j'applique soit à l'aérographe, soit au pinceau, même parfois à l'éponge, ha ha...
Concernant les huiles à séchage rapide, j’y reviens progressivement car ceci permet un meilleur rendu, un meilleur fondu des couleurs entre elles, etc… Le plus souvent, je débute à l’acrylique et donne les dernières touches à l’huile, quand j’ai un peu de temps devant moi pour cela…Il m’arrive aussi d’avoir parfois recours à des techniques de grattages, des détails réalisés aux crayons de couleur, etc…

Quels sont tes thèmes de prédilection ?
Ils sont très divers, mais je dirais que le thème qui revient le plus souvent chez moi est celui du romantisme morbide. J’ai aussi développé un rapport de plus en plus étroit à tout ce qui touche à la nature et ses splendeurs, aussi mes futurs tableaux devraient être de plus en plus naturalistes. Sinon, tous les sujets m’intéressent à traiter, y compris les plus empreints de polémique, à l’exception des sujets trop explicitement politiques ou religieux, préférant puiser mon inspiration dans le rêve et les mondes oubliés que dans le quotidien le plus immédiat. Ceci dit, en tant qu’illustrateur soumis à une commande, je me dois d’être le plus diversifié possible dans le choix de mes sujets, afin de coller au plus près aux attentes du client diffuseur, mais il est vrai que je suis particulièrement motivé lorsqu’un sujet naturaliste, vampirique, mythologique, ou tout bêtement heroic fantasy s’offre à moi car je prends plus de plaisir à traiter de tels thèmes, ils me correspondent davantage…

Te cantonnes-tu à la réalisation de pochettes, ou as-tu d'autres cordes à ton arc (illustrations de livres, etc..) ?
Je fais de temps en temps quelques couvertures de livres pour des petits éditeurs en Allemagne, mais cela n’est pas très conséquent, l’essentiel de mon activité reste l’illustration de pochettes de CD de groupes metal, l’expansion prochaine du support DVD me fera sans doute, je l’espère, me tourner vers ce nouveau format. Sinon, à mes temps perdus, je réalise de plus en plus d’œuvres pour mon propre compte, dans une logique de peinture et non plus d’illustration, ce qui me permet d’affronter des difficultés techniques avec du temps disponible et ainsi parfaire ma technique sans délais ni contraintes…

Je pense ne pas beaucoup me tromper en disant que les originaux de tes pochettes d'albums sont en réalité beaucoup plus grands. Tu travailles sur quel format ?
Oui, en effet, étant moi-même d’un assez beau gabarit, cela m’offre un confort de travail plus grand, c’est aussi meilleur à mon sens pour le rendu de détails de toutes sortes car la surface d’intervention y est plus conséquente que sur de petits formats. La plupart de mes originaux dépassent les 70 cm en longueur, certains atteignent parfois 1m, je laisse toujours des espaces à droite et à gauche sur la longueur, mes originaux ne sont pas carrés comme la taille finale d ‘un CD 12x12 cm, mais rectangulaires dans le sens de la longueur, pour pouvoir ensuite retailler l’image sans avoir trop à amputer sur les éléments importants…
La photo de l’original est ensuite envoyée au client sous la forme d’un ektachrome, une diapositive transparente de haute qualité, c’est le seul moyen car il n’existe pas de scanners assez larges pour de tels formats… L’image est ensuite montée par les graphistes puis imprimée en phase finale, mais ce n’est déjà plus de mon ressort…

Réalises-tu des pochettes pour des groupes extérieurs au style métal (si oui, exemples) ?
Non, car j’ai fait serment d’allégeance au metal traditionnel et rien ne me fera trahir ma parole ! Non, plus sérieusement, je ne suis pas contre le fait, mais il faut que le style pratiqué soit assez proche dans l’esprit des thèmes du metal et surtout qu’il soit adapté aux pochettes peintes car beaucoup ne le sont pas. J’aimerais, pourquoi pas, réaliser des pochettes pour des groupes de musique celtique, dark folk, ou encore gothiques vieille génération, mais de telles opportunités ne se sont pas encore présentées à moi. Je suis aussi très sélectif en ce qui concerne le métal. Créer une pochette pour un groupe de trip hop, de techno hardcore ou de neo-metal ne m’intéresse absolument pas, car je n’ai aucune affinité avec cela, que ce soit visuellement ou musicalement, je ferais de plus du mauvais travail quoi qu’il arrive…

Quelle a été pour toi la première pochette réalisée ?
C’était en 1996 et c’était pour l’illustration de couverture du deuxième album du groupe néo-zélandais DEMONIAC. L’album s’intitulait « Stormblade » et était une petite bombe de Heavy black bien sentie, malheureusement tombé dans l’oubli depuis. C’était sorti sur le défunt label Evil Omen Records ; je remercie d’ailleurs au passage le manager de l’époque, Ludo Lejeune, maintenant maître d’œuvre chez Melek Tha, de m’avoir donné cette opportunité de débuter par ce 1er travail imprimé et ainsi lancer ma carrière, je n’oublierai pas cette initiative, c’est sûr…
J’ai ensuite, peu de temps après, travaillé sur la couverture du 2ème album de DIABOLICAL MASQUERADE « The Phantom Lodge », chez Adipocere…

Vis-tu de ton art aujourd'hui, et si oui, quel a été le tournant pour toi, au niveau de ta carrière ?
Je vis à peu près de mon art, même si tout est relatif. Le vrai problème de ce métier est de ne pas percevoir de rémunérations à échéances fixes comme tout travail salarié qui se respecte. On est alors tributaire des fluctuations du marché, de la bonne santé du marché du disque, du bon vouloir des débiteurs, etc … J’avoue que c’est un peu frustrant parfois… mais ce travail a aussi ses avantages comme le fait de pouvoir décider librement de son temps libre et de ses loisirs… On ne peut par contre pas prévoir les choses à long terme, car une commande peut tomber à tout moment, et là, finies les vacances….
Je pense que le tournant principal de ma carrière a eu lieu en 1999 avec la réalisation du « At The Heart Of Winter » d’IMMORTAL. Cela a grandement contribué à faire circuler mon nom, ensuite, l’opportunité de travailler pour EDGUY m’a conforté davantage dans cette position…

Combien de temps te prends la réalisation d'une pochette en général et quelle a été selon toi la pochette d'album la plus difficile à réaliser, et pourquoi ?
Créer une pochette est toujours pour moi assez difficile car je n’ai pas un talent naturel et la facilité qu’ont certains autres artistes. Je m’investis donc énormément dans mes travaux, que ce soit pour la recherche d’idées, la mise en place des éléments et la composition, parfois, comme par miracle, certaines se créent relativement facilement (Rain, Immortal « Damned In Black »…) mais c’est plutôt rare. Ceci dit, ma maîtrise technique s’étant quelque peu affinée ces derniers temps, je suis beaucoup plus à même de trouver les bonnes solutions aux problèmes plus vite. Ainsi, je mettais en moyenne un mois entier à mes débuts pour finir un tableau, aujourd’hui, je peux compléter une illustration en une semaine ou même 4 jours parfois, à raison de 8 à 12 heures de travail quotidien, mais cela dépend bien sûr du degré de détails qu’exige l’œuvre au final…
Mes plus mauvais souvenirs en ce sens sont par exemple le « Mandrake » d’EDGUY, les 2 dernières couvertures pour MYSTIC CIRCLE, le 1er DRAGONFORCE… L’insatisfaction des membres des groupes aux stades intermédiaires de création ont fait que j’ai perdu mes moyens et proposé au final, des œuvres en-deçà de ce que j’aurais pu faire si j’avais eu carte blanche…

Quelle est ta pochette préférée et pourquoi, et celle que tu regrettes le plus aujourd'hui s'il y en a une ?
Parmi mes pochettes préférées comptent notamment « Unholy Paradise » pour LONEWOLF, « Theatre Of Life » de MEMORIZED DREAMS pour les couleurs et les effets de flous, « Second Sight » d’INTENSE pour les mêmes raisons, AVANTASIA 2 pour le ciel, « Wings Of Forever » de POWERQUEST pour les tons de gris employés, « Natural Order » de RAIN pour le rendu de la végétation et la couleur… C’est à peu pres tout, même si certains éléments bien précis me plaisent aussi sur d’autres de mes créations également…
Parmi les pochettes que je regrette d’avoir fait figurent « Answer » de DEMENTIA, je ne partirai plus du dessin d’une autre personne, MYSTIC CIRCLE « Open The Gates Of Hell » car j’en ai plus qu’assez de ces sujets débiles et naïfs, GUTTURAL « Cross Swords With Us ». C’est la dernière fois que je travaille pour un groupe ouvertement chrétien, ce n’est pas ma sensibilité même si je respecte ces croyances, le thème y est aussi très manichéen comme chez MYSTIC CIRCLE…

Peux-tu nous expliquer comment tu travailles avec les groupes ? Ceux-ci choisissent-ils des oeuvres parfois existantes ou dans le cas de Garwall ou de Stormlord dernièrement, qui ont des pochettes collant parfaitement au titre de l'album, comment travailles-tu le concept avec les musiciens ? Les rencontres-tu parfois personnellement ?
Il est très rare que je rencontre les musiciens directement, sauf parfois au détour d’une fin de concert… La distance géographique est telle que tous mes contacts se font par le biais d’Internet qui reste le meilleur outil pour ce faire… Généralement, je me charge de trouver les idées par moi-même et je tâche d'être suffisamment convaincant ensuite pour susciter l'adhésion à celles-ci, je me base sur ce que m'évoque le titre de l'album, à l'exception de toute lecture des paroles, qui n'apportent, en règle générale pas grand chose, sauf s'il s'agit d'un concept album aux reliefs et aux objectifs bien définis. Parfois, les groupes viennent avec des idées bien arrêtées et je me plie à ces exigences, comme c'est souvent le cas avec EDGUY par exemple, non sans toutefois essayer de faire évoluer le concept de base si celui-ci me parait trop stéréotypé ou commun. Mais cela arrive rarement, généralement, je propose ma propre vision des choses... La plupart des groupes me font confiance car ils connaissent préalablement mon travail ... En général, les groupes se méfient des œuvres déjà existantes car ils n’ont pas la certitude qu’elles aient pu déjà être employées auparavant, ceux-ci préfèrent nettement commander une œuvre originale même si c’est nettement plus cher…

Y a-t-il un groupe en particulier avec qui tu aimerais travailler ?
Oui, je suis par exemple un grand fan de SAXON depuis de nombreuses années, aussi travailler pour un groupe tel que celui-ci serait du domaine du rêve, mais ils font déjà appel à un excellent illustrateur qui est Paul Gregory (qui a aussi travaillé pour MOLLY HATCHET, FREEDOM CALL, BLIND GUARDIAN...). Donc ils n'ont pas de raisons particulières d'en changer, sinon j'aimerais beaucoup travailler pour PRETTY MAIDS, RUNNING WILD, GRAVE DIGGER et tant d'autres...

Bon, tu peux nous filer un scoop ou deux, là ? Pour qui es-tu en train de bosser en ce moment ?
Aïe ! Le contexte est actuellement tel que je ne peux rien prévoir de sûr pour l’instant, la plupart de mes dernières commandes ayant été annulées ou décommandées, je me trouve dans la situation inédite de devoir éventuellement relancer certains clients, voire prospecter (pour ne pas dire mendier) pour avoir du travail. J’ai quelques pistes mais rien de définitif, je souhaite seulement que certains groupes porteurs comme Edguy me recontacteront cette année pour leurs nouveaux albums…
Il paraît que le marché du disque est en très mauvaise santé, cela se répercute également sur tous les corps de métiers environnants… C’est assez préoccupant…

Comment te situes-tu aujourd'hui sur le marché mondial des illustrateurs de pochettes ?
Je ne sais pas vraiment et ce serait un peu prétentieux de ma part que de me donner une importance démesurée que je n’ai pas, c’est un petit milieu avec très peu de vrais « professionnels » attitrés. Il n’y a pas de concurrence vraiment acharnée et du travail pour tout le monde car tellement de disques sortent chaque jour… J’espère seulement que mon travail pourra continuer à plaire au plus grand nombre dans la durée. J’aspire seulement à pouvoir continuer à faire mon travail le plus sereinement possible. Aussi, quand la seule alternative possible sera de devoir faire de l’infographie comme tout le monde pour vivre, ou alors m’auto-parodier par manque de sujets nouveaux, alors je tirerai certainement ma révérence et irai certainement me consacrer a la peinture de chevalet, avec tous les risques que cela comporte…Les structures salariées de création graphique n'existent pratiquement plus donc la seule alternative qui reste est de s'installer à son propre compte et se faire taxer par l'Etat au même titre qu'un artisan car le statut est équivalent...

Pour moi, la pochette ultime (et le choix a été difficile à faire), c'est celle de l'édition limitée de Damned In Black d'Immortal (à égalité justement avec "In The Heart Of Winter"). Pochettes très différentes, mais ne crois-tu pas que ce sont les pochettes de ce groupe qui t'ont vraiment "lancé" dans ce métier ?
Ah ah, tu as raison ! Cette peinture trône majestueusement du haut de ses 80 x 80 cm sur le mur principal de mon salon, glorieusement encadrée de noir et de doré pour aller de pair avec ma statue de dragon juste en dessous, non pas qu’il s’agisse pour moi du meilleur travail que j’ai pu faire, mais c’est la peinture dont je me lasse le moins, car voir mes autres travaux m’ennuient… Cette couverture, et de l’avis de beaucoup, aurait mérité un meilleur sort à sa sortie, en servant de couverture principale. Les picture-discs issus de cette image sont beaux également mais elle aurait eu plus d’impact en tant que visuel unique…Mais bon, il paraît que les mecs d’Immortal ne sont pas fans de peintures en général, même s’ils ont énormément appréciés celle d’ « At The Heart Of Winter »… Et puis, ça nous manquait de voir Abbath et Horgh en photo… hehe…

Quelle politique de prix pratiques-tu : un forfait ou un tarif selon la renommée des groupes ? En clair, est-ce qu'un petit groupe peut faire appel à tes services sans se ruiner ? (si possible, peux-tu nous donner une fourchette de prix pour une pochette ? Je pense que les gens aiment savoir ce genre de choses...)
Mes tarifs varient considérablement suivant qu'il s'agisse d'un groupe connu ou non, mais également suivant le niveau de détail souhaité. J’aurais tendance à prendre un peu plus cher si une backcover doit être réalisée dans le prolongement de la cover principale, ce qui est normal...
Sinon, mon tarif de base en 2005 pour une illustration standard seule se situe aux alentours des 690 € (env. 4500 F), ce qui est tout à fait correct compte tenu du temps passé et des difficultés énumérées précédemment. Pour un logo en couleurs, il faut compter en moyenne de 230 à 300 € (entre 1500 F et 2000 F), ce qui est également raisonnable car un (bon) logo est censé rester au groupe pour la vie...

Comment analyses-tu ton travail maintenant, par rapport à tes débuts ? Quelles en sont les principales évolutions ?
Je pense qu’une évolution est nettement visible. J’ai acquis une certaine assurance dans le domaine technique que je n’avais pas précédemment. Maintenant, je suis plus à même de pouvoir prévoir quel processus est le plus approprié pour obtenir rapidement un résultat donné ou envisagé, mais cela est aussi le fruit de nombreuses expérimentations et ratages. J’ai aussi une bien meilleure compréhension de ce qui fait la qualité d’une bonne peinture, à savoir la composition, l’éclairage, le choix des gammes colorées, la perspective… Je maîtrise davantage ces aspects-là, mais il me reste encore énormément à apprendre : je voudrais vraiment atteindre un état de virtuosité que je n’ai pas encore…

Comment vois-tu ton avenir, en sachant que le CD est voué à disparaître, selon les estimations des spécialistes ?
Si la reconversion ne se tourne pas rapidement vers le support DVD, on est tous très très mal. De toutes façons je suis assez pessimiste sur l’avenir de la création visuelle en général, il n’y a qu’à regarder la qualité des pochettes des gros titres, en heavy ou ailleurs pour s’apercevoir que le visuel est devenu la dernière roue du carrosse. Tout au plus, cela respire le manque de moyens à défaut de l’originalité. En cela l’avènement de l’infographie toute puissante a été un évènement néfaste, car trop d’images standardisées ont été générées par ce biais…

Ca fait maintenant un petit moment que tu travailles avec les labels métal. Comment juges-tu le professionnalisme des labels français par rapport aux labels internationaux ?
Bah, il y a certainement de la bonne volonté de la part de beaucoup d’entre eux, mais le metal dans sa forme la plus underground reste malgré tout un secteur très marginal en comparaison d’autres styles plus médiatisés. Beaucoup continuent encore à fonctionner aux coups de cœur pour la signature de groupes, au détriment de toute considération mercantile, quand il ne s’agit pas d’attraper un hypothétique train en marche et proposer des clones ou plagiats de groupes qui marchent pour s’en sortir. Ce n’est pas tout d’être professionnel, et beaucoup le sont certainement, il faut un budget conséquent pour pouvoir tenir le coup. Je trouve qu’il faut beaucoup de passion, d’abnégation et même de courage que ce soit pour tenir un petit label indépendant ou même un fanzine, c’est pourquoi je les aide quand je le peux. Je suis un metalleux et la notion de solidarité ne m’est certainement pas étrangère. En ce qui concerne les grandes institutions, je ne leur voue aucun respect ni considération : ils sont pleinement responsables de leur déroute, en proposant ou imposant des produits dénués de toute innovation artistique, en proposant des CDs singles à 7 €, jetables dans les 6 mois consécutifs, en appliquant des taux de TVA exorbitants sur les CDs…

Dernière question : comment vois-tu l’avenir du m étal dans les années à venir ?
Aucune innovation n’est envisageable, cela fait plus de 40 ans que le hard ou le metal fonctionne avec les mêmes guitares distordues et les mêmes accords de puissances qui sont à l’origine même du style. Si on change cela, ce n’est plus du metal ! Celui-ci va probablement s’embourgeoiser davantage pour parvenir à l’équivalent d’Evanescence par exemple. L’extrême n’existera plus car les vocaux death ou blacks seront (et sont déjà) d’une banalité toute affligeante, aussi tout le monde reviendra à vouloir chanter comme Bruce Dickinson. Dans 2 ou 3 ans il y aura sans doute un « revival » groupes des années 80 et la jeune génération neo-metal redécouvrira soudainement et dans un grand élan collectif Iron Maiden, Ratt ou Mötley Crüe, poussant par là-même ces deux derniers à se reformer (ndW : Pour Mötley, ça y est depuis ce mois-ci !) et redevenir populaires. Chacun pourra enregistrer son album chez lui et le tirer à 100 exemplaires pour sa famille et éventuellement ses voisins. Les perles du genre seront comme aujourd’hui certainement peu ou mal distribuées, donc ne vendront pas assez de CDs pour amortir l’enregistrement et splitteront par découragement légitime. Des Japonais mal intentionnés rachèteront ensuite les bandes pour un prix dérisoire et les ressortiront en import à un prix qui le sera beaucoup moins, avec la mention « cult metal from 2005 »… Les raisons pour lesquelles je me tourne presque exclusivement vers la découverte de groupes méconnus des 80’s est que je n’attend vraiment plus rien de concret de ce style musical sous sa forme actuelle, je préfère me remémorer le temps où celui-ci signifiait encore quelque chose et n’était pas un banal prétexte à une crise d’identité passagère ou à une révolte pubère…

Pour terminer, une double question : 1) que penses-tu de l’aspect graphique de Noiseweb et 2) que peut-on te souhaiter pour 2005 ?
Je suis surpris de constater que celui-ci n’a pas été créé avec un pinceau et de la gouache, c’est regrettable (NdW : faut dire ça à Geoff !!! ah ah) ! Je plaisante bien entendu ! Non, ce site est vraiment très complet en terme de contenu, l’aspect graphique est relativement sobre dans son ensemble mais c’est à l’avantage de la clarté et de la lisibilité, l’interface et la navigation n’en sont que meilleures. Il y a une réelle identité par le choix de la couleur bleu clair, le logo est large dans son interprétation possible, il n’exprime pas un seul style particulier mais va dans le sens d’une généralisation des styles évoqués… Bon travail vraiment…
Pour 2005, on ne peut que me souhaiter d’avoir du travail, du travail et encore du travail…
Merci à toi pour l’initiative de cette interview, je te souhaite, ainsi qu’à ton équipe, le meilleur pour 2005, dans le metal bien entendu…
Vive ma main !