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  Samedi 19 mars, jour béni des anciens dieux sumériens chers à Trey Azaghtoth ! En effet, MORBID ANGEL est de retour dans nos contrées pour une tournée extraordinaire, puisque le vocaliste/bassiste originel, David Vincent est revenu au bercail. C’est donc chez nous, à Lille, qu’il nous était donné d’assister à une terrible prestation du groupe, jouissive en tous points. Arrivés sur place dès 16 h pour tenter d’interviewer David, c’est après moult tergiversations que nous parvinrent finalement à chopper le chanteur en backstages après le concert. Ayant su dès l’après-midi que nous cherchions à l’interviewer, celui-ci a tenu promesse et est venu à notre rencontre, coiffé d’un stetson tout à fait en décalage avec l’idée initiale qu’on avait du bonhomme, celle d’un mec distant, imbu de sa personne et dénigrant tout le monde. Or, divine surprise, les 8 ans d’éloignement du groupe ont transformé le gars, le faisant passer du stade de terreur de la presse à celui de quelqu’un d’attentionné, très intelligent et de posé. En plein rêve éveillé, nous avons au final discuté plus de deux heures avec lui, parlant de la vie en général, alors qu’au départ, il nous avait donné 15 minutes pour cette interview ! Transcription de cet entretien qui avait démarré de manière un peu tendue, mais qui est devenu carrément cool au fil des minutes…

Entretien avec David Vincent par Will Of Death et Pierre-Antoine
 
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Salut David ! Nous sommes donc Will et Pierre-Antoine, et nous bossons pour le webzine NOISEWEB.
David Vincent (basse/chant) : Noise-web ? He he.. Morbid Angel est très « noisy » (bruyant) aussi, donc y a de quoi être fier de ce nom !

Comment cette réunion a-t-elle été possible ?
Ecoute… Ils m’ont appelé au téléphone pour me demander si je voulais faire quelques shows avec eux, et j’ai dit oui.

C’est tout ?
(Assez sec) : oui ! (NdWill : en fait, il n’avait pas trop envie de parler de ça à ce moment. Mais comme nous sommes restés longtemps avec lui, il a plus développé après, en off, en cours de conversation…. En gros, il nous a expliqué que les dates en Amérique du Sud avaient été planifiées déjà une fois, puis repoussées à cause du départ de Steve Tucker. Et comme le gars qui organise ces concerts est un pilier du Métal en Amérique Centrale, le groupe a appelé David pour lui demander s’il ne voudrait pas lui filer un coup de main, pour que ce gars ne se plante pas avec cette tournée qui était partie pour être annulée…Il a accepté pour ce gars qu’il connaît bien aussi, et parce qu’il pensait que le moment était venu de rejouer avec Morbid Angel. Il nous a aussi dit que le groupe l’avait effectivement déjà contacté en 2002, quand Steve Tucker est parti pour la première fois).

Et as-tu gardé tes contacts avec le groupe après l’avoir quitté ?
Mouais, plus ou moins. En fait, on a fait notre truc chacun dans son coin, mais on a continué à s’envoyer une carte pour Noël, des trucs comme ça. Ou alors, quand on se croisait, on discutait : comment ça va ? Ouais, cool… des trucs comme ça.

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As-tu suivi ce qu’ils ont fait après toi ?
Oui, enfin, je suis conscient qu’ils ont sorti quelques bons albums en continuant dans le style, mais je ne les ai jamais écoutés.

Peux-tu nous expliquer ce qui t’as poussé à quitter Morbid Angel en 1995 ?
1996 ! 96 ! Attention de ne pas dire de conneries… (NdWill : ok, David, ok… lol). En fait, ce sont des raisons personnelles. Voilà tout. (
NdWill :alors, voilà encore un bel exemple de langue de bois… Heureusement, il nous dira ensuite qu’il pensait avoir fait le tour de la question, qu’il en avait marre de jouer du death et surtout qu’il avait besoin de changer sa manière de voir la vie, car il s’était rendu compte qu’il était devenu un vrai trou-du-cul avec tout le monde !)

Bon, allez, parlons de musique maintenant. Est-ce que tu as continué à écouter du death après avoir quitté le groupe ?
(Agacé) Ouais, parlons de musique… J’ai toujours écouté pas mal de styles de musique différents. Mais non, en fait, j’ai continué d’écouter un peu de Metal, mais plus de death. J’avais vraiment besoin de changer le cours de ma vie, c’est ce que j’ai fait.

On va évoquer avec toi plusieurs évènements-clés de ton début de carrière avec le groupe, si tu veux bien…
Commençons par ton arrivée dans le groupe, au milieu des années 80.
OK, cool. Tu sais, nous étions juste des kids ! Nous n’avions aucune responsabilité vis-à-vis de la musique. Nous vivions dans une grande maison, tous ensemble et nous bossions un peu à côté, juste pour avoir assez de pognon pour payer les factures et béqueter. On passait son temps à jouer, plus de 6 heures par jour. On n’en avait rien à foutre du reste. On jouait, mais jouait pour développer ce son unique, pas pour déconner. On envoyait beaucoup de trucs aussi aux fanzines, on faisait du tape-trading aussi à cette époque… C’était le « old-school way » ! A cette époque, le death metal était si underground, tellement underground qu’aucun label ne voulait nous parler, ils avaient peur de nous. Pour eux, c’était impossible de sortir de disque avec ce style de musique… Finalement, Earache a dit : ok, on va essayer de vous sortir. Pourtant, ils étaient plus un label punk / grind à ce moment-là. Ils ont très vite réalisé qu’il y avait bien une fan-base pour ce style, mais ils n’avaient pas encore sorti de groupes comme nous. Ce n’est pas que nous n’avions pas essayé d’être signés ailleurs avant, mais le monde du business nous tournait le dos.

Et puis, vint enfin la sortie d’Altars Of Madness, toujours considéré aujourd’hui comme un des meilleurs albums de death metal de tous les temps…
C’est un peu la même chose. C’est un très bon album, mais franchement, nous avons eu un budget ridicule pour l’enregistrer. Quand je l’écoute aujourd’hui, je me dis qu’il y a plein de choses que nous aurions du mieux faire… mais bon. Les gens me demandent toujours de dire quel est le meilleur album de MA pour moi. C’est impossible. Je les aime tous, parce que je sais que nous avons fait de notre mieux à chaque fois. Nous savons où nous en étions à cette époque, quelle était notre approche, et nous avons mis tant d’émotions dans ces albums ! Nous avons vraiment bossé très dur pour les faire.

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Après la sortie d’Altars, vous aviez tourné avec NAPALM DEATH. C’était votre première tournée européenne. Tu te rappelles de cette tournée et des problèmes que vous aviez eus avec ce tour-manager véreux tout de cuir vêtu, qui avait mis tout le pognon dans sa poche, que vous n’aviez même pas la possibilité de prendre une douche après les concerts et que vous étiez entassés dans un van pourri ?
(NdWill : J’étais à ce concert d’Oordegem (photos à l’appui), en Belgique, où Janine et Johan, du Metallysée, donnèrent devant moi le pognon directement au groupe – 10.000 F à l’époque, en 1989 – pour que celui-ci accepte de jouer, puisse ensuite prendre une chambre d’hôtel pour se laver et reprendre l’avion le lendemain pour repartir aux USA. La date parisienne, dernière date de la tournée, fut donc annulée…)
Oui, je me rappelle. Tu sais, on était jeunes et on ne connaissait rien au business. C’est vrai, nous avions quitté la tournée après cette date en Belgique. Nous avons beaucoup appris de cette tournée et ça n’est plus jamais arrivé heureusement après. Mais c’est un processus d’apprentissage en fait. (Il s’emporte) Putain, nous étions si jeunes ! Notre but était de faire de la bonne musique, originale, personne ne jouait ce que nous jouions. Quand on essayait de nous comparer à quelqu’un, les mecs galéraient ! Ils nous parlaient de SLAYER, mais Slayer n’a jamais fait de blasts comme nous ! Nous avions une autre approche, nous jouions d’abord pour nous ; nous mettions sur cassettes ce que nous jouions, et nous aimions écouter ça ! Personne ne nous avait dit de faire ça, et personne ne l’avait fait avant ! Et ça a marché. Donc...

Quel est ton meilleur souvenir avec MORBID ANGEL, avant que tu ne quittes le groupe ?
Je ne peux pas donner un seul souvenir. Tout ce que je peux dire, c’est qu’au long de tout ce temps, nous nous sommes faits beaucoup d’amis et nous avons rencontré énormément de personnes sur lesquelles notre musique a eu beaucoup d’impact au niveau de leur vie, plus que ce que nous aurions pu imaginer. Quand vous jouez tant de concerts, vous ne vous rendez pas bien compte de ce que ça représente pour les gens. Quand nous avons fait ces shows en Amérique du Sud l’an dernier, et que je suis remonté sur scène la première fois, c’est là que j’ai réalisé ! Il y a eu un tel accueil du public… Je me suis dit : whaowww ! Je n’avais pas réalisé ça avant. Maintenant, du coup, j’ai un regard différent sur les fans, beaucoup plus de respect envers eux. Ce que je veux dire, c’est que quand nous avons commencé, et que tu joues de la musique brutale comme nous, tout le temps, et que les maisons de disques, les magazines te disent : non, non… Tous les jours est une nouvelle bataille et j’ai passé mon temps à être en mode « soldat » ! Tous les jours, on recevait des non, non, no way ! Alors, quand ça commence à marcher et que tu commences à gagner du pognon et qu’on te répond encore non, no way, tu peux te permettre de leur dire fuck you à tous ces motherfuckers ! Et du coup, cette rancœur fait que tu restes en mode guerrier ! En fait, cette attitude a fini par me tuer, parce que tous les jours, dès que je me réveillais, c’était une nouvelle bataille, tu vois, du genre… (et là, gestes à l’appui, David pousse des cris de guerre, comme un ours…) ! Tu parles à un magazine et hop, tu redeviens agressif. Je m’étais totalement enfermé dans ce mode. Il a fallu que j’en sorte ! Maintenant que le groupe est reconnu partout, je vois les choses de manière beaucoup plus réaliste. Par le passé, j’étais incapable de voir les choses comme ça, c’est comme si on avait tourné un switch « méchanceté » sur on, avec l’impossibilité de le remettre  sur off. Je n’étais vraiment pas un bon gars, parce que je pensais à longueur de temps que tout était challenge, bataille. J’étais totalement entraîné à réagir comme ça. Maintenant, comme là, on peut discuter calmement, et je sais bien que vous n’êtes pas là pour me faire chier, qu’avant de bosser sur un média, vous êtes des fans, je suis beaucoup plus relax. Le but est de faire de la bonne musique, des bons concerts et que les fans soient contents. Je ne vois plus que le bon côté du job. Je crois que c’est la première fois où je pense que ce job est un bon job, en tout cas avec ce groupe.

Comment s’est passé le premier show hier, à Rennes, et celui d’aujourd’hui ?
Hier, à Rennes, bien, mais meilleur aujourd’hui. Les fans étaient bien à Rennes, aussi, mais pour nous, c’était la première date. Quand nous avons fini nos shows aux USA, nous étions tous malades quand nous sommes revenus chez nous. Pour le dernier show, nous avons vraiment ramé. Nous allons être malades jusqu’à notre dernier jour ou quoi ? Et bien oui ! Je n’avais jamais été malade comme ça, j’ai dû rester couché pendant presque deux semaines, une fois revenus en Floride. Du coup, pour cette tournée, nous n’avons pratiquement pas pu répéter. Avec ce style de musique, tu dois beaucoup jouer pour être au top. Nous avons passé les derniers jours à voir si tout était prêt, si notre équipement était complet et en bon état, et nous n’avons passé que très peu de temps pour répéter. Du coup, le concert d’aujourd’hui, à Lille, a été meilleur pour nous.

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As-tu une idée de ce que représente ton retour sur scène pour les fans ? C’est un vrai bonheur de te revoir…
Ah ok. Je veux dire, je ne connais pas pour ainsi dire Steve Tucker. Ce que je peux dire, c’est qu’il est parti, et que le groupe était dans la merde pour cette tournée en Amsud l’an dernier. Tu sais, je ne sais pas bien quel était l’état d’esprit de Steve : il est parti, il est revenu et reparti à nouveau. Son attitude n’a pas été très transparente à mon avis. Certainement à cause de différences d’opinions, je pense. Je fais ce que j’ai à faire, je suis qui je suis et j’essaie de travailler dur pour donner aux gens un bon show. J’espère qu’ils apprécient parce que personnellement, je les apprécie. Encore une fois, ce que je veux dire, c’est que si j’avais des réactions du genre « bouuhhouu », je saurais qu’il faut que je me casse et que je change quelque chose... En fait, je n’ai jamais vraiment pensé à ça. Je suis le même gars et j’espère que je n’ai jamais ennuyé les gens. Je fais toujours de mon mieux pour les fans. Je crois que c’est la chose la plus importante.

Voilà maintenant la question que tous les fans de MORBID ANGEL se posent : qu’en est-il d’un nouvel album avec toi ?
Nous en avons parlé 5 minutes avec le manager une fois. Nous avons le temps d’y penser. Pour le moment, nous nous concentrons sur la tournée et effectivement, nous verrons si nous intéressons un label. Nous devons vraiment voir comment les choses vont se passer, nous n’en parlons pas pour le moment. Quand nous en avons parlé avec le manager, je leur ai dit : ok, well, faisons ce que nous avons à faire pour le moment, remplissons les engagements pris et voyons quel intérêt les gens vont y porter. Nous en reparlerons le temps venu, mais soyez sûrs que si nous nous mettons à faire un nouvel opus, ce sera un album très spécial. Il n’y a plus de problèmes d’ego, et je pense que si nous refaisons un album ensemble, ce sera le meilleur album de death metal de tous les temps ! Enfin, en tout cas, je veux bien le croire… Voilà.

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Allez, la dernière question : peux-tu dire un mot pour tes fans français… et aussi pour les lecteurs de Noiseweb !
J’ai toujours beaucoup apprécié la France, c’est un très beau pays. Le vin français est fameux, sans parler de la nourriture ! Surtout comparé à l’Angleterre, n’importe quelle nourriture est bonne (rires) ! Nous avons déjà voyagé dans plusieurs villes ici, et chaque cité a quelque chose de différent. J’aime vraiment la France, je reconnais la valeur de votre culture et il y a ici une certaine attitude artistique, visible dans les peintures et les arts de la table, dans la vie en général. Et même si je ne parle pas un mot de français, malheureusement, je ne pourrai certainement pas l’apprendre, parce que ce n’est pas un langage qui est fort utilisé aux States. Je peux vous dire que je suis particulièrement content de pouvoir revenir ici jouer à nouveau.
(NdWill : on peut vous assurer que notre discussion hors interview qui a suivi nous a montré un David Vincent très intéressé par ce qu’on lui disait sur la France, démontrant aussi d’autres qualités d’intelligence et de recul sur des sujets comme la guerre en Irak, la mort de Dimebag Darrel et la place des armes aux USA ou des sujets plus personnels que nous ne dévoilerons pas ici, comme promis. En tout cas, effectivement, David a beaucoup changé, et nous pensons qu’il est celui qui va remettre un peu d’ordre dans la maison Morbid Angel ! En tout cas, on l’espère !)

Et donc, pour nos lecteurs, le tout dernier mot ? C’est toujours un peu difficile de parler aux fans…
cliquez sur ce lien, vous entendrez David Vincent
Traduction : Tu sais, je parle tous les jours aux fans. Tout ce que je peux dire, c’est merci pour votre amour, et je vous aime en retour !

Nous aussi ! Merci beaucoup !
Cheers.

Site : www.morbidangel.com/