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Fort d'un quatrième album en tous points remarquable, certainement un des tous meilleurs albums tous styles confondus de l’année, MELECHESH poursuit son ascension inéluctable au sein de la scène métal extrême. Unique, puissant, original et mystique, le groupe reste rare sur scène renforçant ainsi son côté déjà cultissime. Noiseweb n'a pas pu passer à côté de l'apparition inespérée du groupe au X-Mas Fest à Anvers, et en a profité pour poser quelques questions au guitariste Moloch.

Interview parue également  dans le Metal Observer FNAC n° 5 de Fév. 2007

Entretien avec Moloch (guitares), par Yath et Will Of Death
Rechercher : dans l'interview

Emissaries est sorti depuis un moment déjà en Europe, et toutes le chroniques ont été élogieuses !
Moloch (rythm and lead guitars) : Ouais ! En tant que musiciens, on est toujours surpris quand l'accueil est si fantastique, puisqu'on a toujours tendance à placer la barre très haut. Les chroniques ont quasiment toutes été très bonnes. Emissaries a été second au soudcheck Rock Hard Allemagne, derrière Killswitch Engage, troisième dans Legacy, huitième pour l'année dans Terrorizer.

Pas une seule mauvaise chronique en somme.
Si. Rock Hard Grèce n'a pas aimé l'album. Il faut bien des chroniques négatives quand même. Tout le monde ne peut pas aimer...

Sphynx était déjà énorme, mais Emissaries est un véritable monstre. Étiez-vous conscient de ce que vous étiez en train de créer en l'enregistrant ?
Sphynx a été très bien chroniqué, et il a placé la barre très haut. En fait, Sphynx a vraiment permis au groupe de passer un cap, du coup les attentes étaient énormes pour Emissaries. Forcément, pendant la création de ce dernier, on se pose des questions. Personnellement, j'étais plutôt confiant. On est très critiques envers nous-même et 50% de ce que l'on compose passe à la trappe. Et puis, lorsqu'on prend son temps, qu'on s'applique et qu'on s'implique à fond, on sait que ça en vaudra la peine. Ashmedi lui, qui est le principal compositeur, était par contre très nerveux et anxieux.

Même sans changer formule, Emissaries semble bien au-dessus de Sphynx. À quel niveau, à ton avis, se situe la progression?
Tu as raison de dire que notre formule n'a pas évolué entre Sphynx et Emissaries. Contrairement à ce qui s'était passé entre Djinn et Sphynx. On ne peut pas changer tout le temps de formule. À un moment, tu définis un style et tu l’affines. On a mis 3 ans à composer Emissaries, et on a progressé en tant que musiciens, on a suivi une maturation naturelle. Et tout en gardant notre style, on a réussi a introduire de nouveaux éléments à notre musique.

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J'ai également entendu dire que l'accouchement du disque a été très douloureux, notamment pour Ashmedi qui était complètement abattu à la fin. Vous avez eu des problèmes au niveau du mixage, n'est-ce pas?
Ouais, ça a été terrible. Après un mois de travail intense en studio, qui a complètement épuisé tout le monde, on a donné les bandes à un producteur de renom. Cet homme (Attie Bauw) nous semblait digne de confiance, il a gagné un Grammy Award et a bossé avec de très grands groupes comme Gorefest, The Gathering ou Scorpions. Et le résultat s'est montré très onéreux et...complètement pourri ! Tellement pourri que je ne voulais plus écouter l'album ! Il a tout détruit ! On a même fait écouter le résultat à des professionnels du son et ils ont eu la même réaction que nous : ils ont même cru que c’était une sale démo ! On a ensuite du renégocier avec Osmose, pour augmenter un budget qui était déjà très élevé (merci Attie Bauw) pour remixer l'album. On a finalement travaillé avec un jeune producteur, Dennis Koen (ingé-son de The Woddhouse). Il a tout fait dans son home-studio et le son s'est avéré très satisfaisant.

Ashmedi, qui est responsable de 90% de la musique compose aussi les paroles. Il semble fasciné par les mythes mésopotamiens et sumériens, ainsi que par la magie noire. Quel est le thème des paroles d'Emissaries?
Tout le groupe est en fait focalisé sur la mythologie mésopotamienne et sumérienne. On fait beaucoup de recherche sur ces thèmes, et on pense que cette histoire peut beaucoup nous apporter dans ce monde post-moderne. Ce sujet nous tient particulièrement à cœur, Ashmedi et moi, puisqu'on est des descendants du peuple sumérien. Cette communauté est chrétienne, mais a gardé des symboles et des mythes païens. On réinterprète quelques-uns de ces mythes dans nos chansons. On s'intéresse également à la création de l'homme, puisque selon une théorie, des dieux extra-terrestres auraient apporté la civilisation aux humains, après les avoir réduits en esclavage. Il y a aussi un titre sur la kabbale (Touching The Spheres Of Sephiroth) et sur Jerusalem (Leper Jerusalem). Cette chansons évoquent notre relation particulière à cette ville dont on vient et qui est très importante pour nous, et même si c'est le centre du monothéisme (c'est-à-dire tout ce qu'on déteste le plus), elle représente beaucoup pour les amateurs des mythes païens et de la magie noire, etc...C'est pour cela que la chanson s'appelle en fait « Leper Jerusalem -The Paradox ». 

Depuis Djinn, chacun des albums de Melechesh semble tourner autour d'un personnage principal. Après le Djinn (démon), le Sphynx, ce sont les Emissaires (Emissaries). Ce serait donc ces dieux dont tu viens de parler qui auraient apporté la civilisation aux terriens ?
Moloch : Oui, mais il y a d'autres niveaux de lectures. On se voit aussi en tant qu'émissaires, puisqu'on essaye de perpétuer les mythes des anciens par notre musique.

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Ce qui impressionne le plus par rapport à votre musique, c'est la synergie parfaite entre musique extrême et mésopotamienne. Sans flûte, sans mélodies folkloriques typiques, vous arrivez a faire transpirer la touche mésopotamienne dans chacune de vos notes. Comment arrivez-vous à composer de tels riffs ?
C'était exactement notre idée de départ. Quand on a formé le groupe en 1993, notre référence ultime en black metal était Bathory. On voulait jouer du black avec des rythmiques orientales. On ne voulait pas devenir un groupe de folk, ni de black qui utilise des samplers orientaux. On voulait tout baser sur des riffs, des gammes spéciales. Il en est de même pour les rythmiques. On expérimente beaucoup, et ça se joue sur des petits détails, qui viennent de notre bonne connaissance de la musique orientale. Le fait que je joue du bouzouk (instrument oriental - un luth à long manche- très répandu en Syrie, au Liban et en Palestine) m'aide aussi en ce sens. Par exemple, certaines techniques de solos en sont inspirés. On applique ça aux riffs, aux rythmique mais aussi sur les chœurs, une nouveauté pour nous sur Emissaries.

Tout cela semble naturel pour vous, mais votre batteur est néerlandais (et celui apparaissant sur Sphynx, Proscriptor -membre d'Absu- était américain) : a-t-il eu du mal avec ce genre de rythmiques?
C'est vrai que c'est exotique comme rythmes, mais comme en s'en aperçoit en concert, ça reste groovy et instinctif et ça fait bouger le public. Ça passe tout seul en fait. Je me souviens qu'en 1994, quand on a commencé à tester cette possibilité en jouant des riffs de Bathory avec ce type de rythmes, on s'est regardé et on s'est dit : « Putain, ça marche ! » !!! Après, bien sûr, on discute avec le batteur, on lui fait écouter des disques de musique orientale, pour lui montrer les subtilités et les différentes techniques. Et puis, il faut savoir que la musique de Melechesh est avant tout basée sur des riffs et des rythmiques, ensuite, on y greffe le reste. Ashmedi compose tout ça sur son ordinateur et le batteur reçoit un produit quasiment fini, puisqu'il n'a plus qu'à reproduire en y ajoutant ça touche personnelle. Et puis, après un petit lavage de cerveau, ça fonctionne (rires) !

Ecoutez-vous encore de la musique orientale ?
Ouais, on écoute vraiment de tout aussi. Pas que de la musique orientale. Bon, j'en joue, et Ashmedi connaît bien, donc, on s'y intéresse. Mais on écoute aussi du metal, du classique, du hard-rock 70's.

La scène musicale du Moyen-Orient semble surtout influencée par la pop occidentale. Que penses-tu de cette scène? Y a-t-il, parallèlement, des musiciens, en marge de cette scène « commerciale » qui perpétuent la tradition musicale mésopotamienne?
Bon, ces pays font partie du tiers-monde et donc forcément, on importe ce qui est à la mode en occident. C'est un peu mis à la sauce orientale, mais ça reste de la pop « facile ». Ca me gave personnellement. Le problème, c'est que dans ces pays, on a tendance à momifier la tradition. Si t'arrives en disant que tu joues de la musique du XIVième siècle, ça ne passe pas. Comme partout, y a de tout, mais, tiers-monde oblige, on a tendance à occulter notre tradition pour la « modernité ». On n'a pas de radio genre « France Culture » pour promouvoir les vieilles choses ! (Rires)

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Connaissez-vous d'autres groupes métal dans la région?
Il y en a de plus en plus ! C'est impressionnant. Bon, en Israël, y en a toujours eus. Mais à côté, ça bouillonne ! En Egypte, au Maroc, en Algérie, beaucoup au Liban et même en Jordanie ! Il y a même un énorme disquaire metal là-bas. J'en ai même vu en Syrie. Donne cinq-six ans à cette scène, et tu verras qu'elle peut engendrer beaucoup de choses. 

Bon, c'est une question qui doit souvent revenir, mais vous êtes probablement les mieux à même d'y répondre. Vous avez vécu à Jerusalem, et tout le monde connaît la situation actuelle. Ce sont les religions qui poussent les hommes à la guerre, ou est-ce que, qu'elles que soient ses croyances, l'homme aura besoin de tuer son prochain?
Non, la religion est l'idéologie actuelle du bordel, mais au départ, c'était un problème de nationalisme. C'est purement politique. Chacun essaye de défendre ses intérêts. Les Palestiniens, notamment, cherchent à défendre leurs terres et leur droit à la vie. Je tiens à préciser que Melechesh n'est pas un groupe politisé. On ne peut de toute façon pas l'être vu les origines multiples des musiciens.

Perso (Will), j’ai toujours dit que l’ONU a complètement merdé en créant l’Etat d’Israël arbitrairement en 1946, mais actuellement, le problème semble même être inter-palestinien... Les Palestiniens sont en train de s’entre-tuer, là…
Tu as complètement raison et ce qui se passe actuellement n’est pas très étonnant au fond. Essaye simplement d'imaginer que Gaza fait 350 kilomètres carrés pour plus d'un million deux cent mille habitants. Ajoute plus d'armes que d'êtres humains et des conflits d'intérêts, et tu comprendras la situation... Dans ces cas là, le résultat est malheureusement le même, que ce soit à Gaza, Chicago ou Paris : les gens se bouffent entre eux. Ça me dégoûte personnellement.

Quelle est la situation actuelle de Jerusalem ? Personne ici ne connaît la situation précise de cette ville…
C'est l'apartheid. Il y a un mur devant ma maison familiale à Bethlehem, je le vois de ma fenêtre !!! Tout une partie de la population est isolée de l'autre. Le truc, c'est qu'on n’est pas israéliens, ça n'est pas une question de conflits ou quoi que ce soit, c'est une question d'identité.

Vous avez commencé à Jérusalem et vous n'y êtes plus actuellement. Vous vous êtes éparpillés entre les Pays-Bas (pour Ashmedi) et Lille pendant 7 ans puis les USA pour toi maintenant… Vous avez du partir de Jérusalem pour être peinards ou quoi ?
Il faut partir pour progresser, pour faire des études par exemple. C'est peut-être possible pour un israélien d'y étudier la philo, mais pas pour moi (NdWill : Moloch a étudié la philosophie pendant 7 ans à Lille mais a du partir aux USA pour passer son doctorat de Philo, parce que ce n’était pas possible en France pour des histoires de bourse ! Encore une belle connerie de notre pays qui a laissé filer de la matière grise…). Et c'était pareil pour le groupe. On ne pouvait plus avancer en tant que musiciens. Bon, il y a eu quelques petites polémiques sur le satanisme à Jérusalem. Mais ce n'est pas ce qui nous a poussés à fuir la région. Notre émigration était purement pratique et vitale.

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Depuis la sortie d'Emissaries, il y a eu deux dates particulièrement réussies. Y a-t-il des tournées de prévues?
C'est ce sur quoi on bosse actuellement. On veut absolument tourner. Le fait qu'on ait donné peu de concerts par le passé à certainement handicapé Melechesh. Les nouveaux titres passent super bien en live, et même les Néerlandais qui sont d'habitude froids nous ont réservé un accueil incroyable quand on a joué à Arnhem le 9 décembre ! On se serait crus au Brésil (NdWill : ça a été pareil à Anvers le 16/12 – interview réalisée avant le concert) ! On négocie pour une tournée européenne et une tournée américaine.

Quel est le public qui vous a le mieux reçu jusqu'à présent ?
A Tel-Aviv, il y a 4 ans, là, c'était le Brésil ! Dès le début du concert, c'était la folie et une partie du public était sur scène. Une nana est même monté sur scène en soutif pour faire de la danse orientale ! A la fin du concert la scène a été envahie...C 'était un moment très spécial ! Mais aux Pays-Bas aussi, c'était pas mal...

Y a-t-il un groupe avec lequel vous voudriez particulièrement tourner?
Ca doit forcément être un groupe spécial, mais on n'a pas de préférence. Juste un bon groupe de scène ! Mais vous le saurez bientôt si tout se passe bien...

Bon, ça n'est pas un secret, à Noiseweb, on a tous adoré Emissaries et on en passe régulièrement dans les soirées Métal qu’on fait à Lille, un dernier petit mot pour les fans ?
Merci à Noiseweb ! Ça me fait très plaisir ! En tant que Lillois, je suis flatté qu'un webzine de ma ville ait apprécié l'album ! Et ceux qui ont envie de découvrir un groupe de Metal frais et différent, devraient donner sa chance à Emissaries !

PS (Will) : Un grand merci aux membres de MELECHESH et à Moloch en particulier pour les facilités offertes pour cette interview à Anvers, et à Yath pour la préparation des questions !

Site : http://www.melechesh.com