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En matière de grind death brutal, la France n’a pas 50 groupes de calibre international. Benighted est sans aucun doute le groupe qui risque de faire très mal cette année, avec la sortie de leur nouvelle bombe, Icon, et leur signature chez Osmose Prod., qui leur assure une vraie exposition internationale. C’est lors de leur tournée automnale sur nos terres lilloises que nous avons choppé Julien (chant) et Olivier (guitare) en backstages pour qu’ils nous parlent de leur nouvel album, et bien plus encore… Benighted, nouvelle icône du Metal brutal français ? 

Interview à paraître également  dans le Metal Observer FNAC n°14 de Déc. 2007

Entretien avec Olivier (guitare) et Julien (vokills), par Will Of Death & Geoffrey
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Retrouvez toutes les photos de Benighted en live à Lille, le 2 novembre 2007, là :
Pix BENIGHTED / Live in Lille 2007


Salut les mecs, contents de vous avoir en interview, d’autant que votre album est vraiment très bon…
Olivier (guitare) : Ben écoute, merci, c’est un plaisir…
Julien (chant) : Vous m’excuserez si je ne réponds pas beaucoup mais j’essaie de préserver un peu ma voix qui a souffert un peu ces jours derniers. Je répondrai quand Olivier ne saura pas quoi dire (rires) !

On aimerait bien revenir un peu sur l’album d’avant, Identisick, pour lequel les réactions furent très bonnes. Quel retour avez-vous eu ?
Olivier : On en est toujours très contents de cet album, que ce soit dans le son ou dans le style qu’on pratique aujourd’hui. On n’a pas fait véritablement de tournée à cause de nos boulots, plutôt des week-ends entiers, des dates éparpillées, et ça s’est super bien passé. C’était bien la foire en concert ; ça nous a bien surpris…
Julien : Cet album nous a ouvert pas mal de portes, notre nom s’est mis à vraiment circuler, à l’étranger aussi. On aime toujours jouer ces morceaux en concert, ils sont très efficaces et si on pouvait tous les jouer, on le ferait ! On espère encore prendre plus d’ampleur avec le nouvel album, notamment grâce à la meilleure distribution qu’on va avoir, là.

L’international est vraiment un but maintenant ?
Olivier : Oui, car nous n’avons pas eu une grosse distribution à l’étranger avec Adipocere. On a donc bien poussé le boulot sur cet album, au niveau des compos et du son, et avec le soutien d’Osmose Productions, qui a une grosse assise internationale, on espère que cet album va encore nous ouvrir des portes.

Vous pensez que votre style de musique est plus vendeur chez nous ou à l’étranger ?
Olivier : Peut-être plus pour l’étranger mais en France, ça prend de l’ampleur. Dès que tu vas aux USA ou en Allemagne, les marchés sont énormes et la culture est plus rock. En France, pour entendre du Métal à la radio ou à la télé, il faut se lever tôt.
Julien : Nous sommes déjà allés plusieurs fois en Allemagne et quand tu vas dans les magasins de disques, ce ne sont pas du tout les mêmes produits qui sont mis en avant. Ceci dit, même si je pense qu’on a un potentiel intéressant à l’étranger, on a quand même la chance de ne pas vendre trop mal en France déjà… Maintenant, je pense qu’on est assez costauds en France pour passer à autre chose à l’étranger.

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Parlons d’Icon, le nouvel album. Nous pensons ici que vous avez plus aéré la musique par rapport à avant.
Olivier : Oui, il y a plus de variation, car on a digéré certaines influences. On a réussi à inclure des pauses, tout en renforçant le côté grind de nos titres. On a inclus des influences « doom » entre guillemets pour Benighted, ce qui veut dire que ce n’est pas très lent  en fait (rires). Il y a des passages un peu plus spéciaux pour nous.
Julien : Identisick était très compact en fait, et on s’est permis quelques expérimentations au sein même des morceaux, alors qu’avant, ce n’était pas le cas. Il y a des moments très brutaux, d’autres plus cool, mais c’est pour mieux repartir ensuite. C’est ce qui rend cet album peut-être plus accessible, plus « easy-listening »…
Olivier : Ouais, enfin, on n’est pas easy-listening non plus (rires) ! Chaque morceau a son identité sur Icon, alors que je pense qu’on sentait moins ça sur Identisick.

Ça a été un constat ou c’est venu naturellement en composant ?
Julien : Non, ça a été naturel. Avant, quand on composait en répète, parfois, on se disait « oh la la, ça, on ne le garde pas, ça ne correspond pas à notre style… » ! Là, on s’est dit qu’on s’en foutait et qu’on tentait plus de trucs…

Ça me fait un peu penser à ce que les mecs de Nile nous ont dit en interview, que les passages lourds renforçaient l’intensité des accélérations et des reprises brutales…
Olivier : Oui, c’est ça. Ça se ressent bien en tout cas en live. Ceci dit, on a toujours aimé faire ça, mettre des variations dans la musique. Du blast continu pendant 30 minutes, ça ne nous intéresse pas en fait…

Et l’épreuve de la scène pour les nouveaux morceaux, ça se passe comment ?
Olivier : C’est impeccable, je dirais...

Avec votre style, il faut cependant que le son soit parfait en live, sinon, ça craint…
Olivier : Oui, carrément. Notre musique comporte des parties qui changent très vite et avec un bon son, ça a plus d’impact. Les morceaux sont taillés pour la scène et on s’est lancé un petit pari sur cette tournée en jouant plus de titres neufs en live, alors que peu de personnes ont déjà l’album. Et franchement, ça fonctionne bien et les gens s’éclatent avec nous.

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Justement, quand vous êtes sur scène et que vous voyez toute cette énergie dans le pit, ça vous fait quoi ?
Olivier : C’est le pied et on en veut encore plus ! Les douleurs que tu peux ressentir à la nuque ou des trucs comme ça, tu oublies tout en live quand ça bouge bien devant. T’envoies encore plus la purée.
Julien : C’est notre état d’esprit aussi… On aime bien quand les gens participent et montent sur scène avec nous, pour se marrer.

Revenons un peu à l’album. Pourquoi êtes-vous retournés en Allemagne pour l’enregistrer ?
Olivier : Parce qu’on s’y sent bien (rires) ! On était contents du son d’Identisick, et à force d’aller enregistrer là-bas, on est devenus potes avec les gars du studio ; on retrouve là-bas l’esprit qu’on a en répète. On voulait changer quelques détails du son au niveau de la batterie et des guitares. On voulait quelque chose de beaucoup plus vivant, moins synthétique et ils ont répondu à notre attente. Le son fait un peu moins « triggs », c’est un peu plus sale, plus proche du live plutôt. A part les grosses caisses, toute la batterie a été enregistrée de manière naturelle. On a mis aussi plus de distorsion sur la basse. Pour les voix, on a aussi testé pas mal de micros, pour avoir le son qu‘on voulait.

Parlons un peu des paroles. Dans le style extrême, ce sont toujours les mêmes thèmes qui reviennent. Or, chez vous, il y a une vraie recherche textuelle sur les maladies mentales…
Julien : Oui, bon, le thème des maladies mentales n’est pas si original que ça, et je n’ai aucun mérite, puisque je bosse en HP… J’ai la chance de savoir exactement de quoi parlent les maladies, quels sont les symptômes. J’essaie donc d’écrire des textes qui collent vraiment à la maladie et qui permettent, quand on les lit, de ressentir ce que les malades vivent. Mais c’est vrai que sur cet album, j’ai innové puisque ça ne parle que d’une seule et même personne bien que ce ne soit pas un concept album. Les titres expliquent un peu dans le désordre les traumatismes qu’il a vécus, pourquoi à tel moment, il a basculé, les symptômes qu’il a développés. On ressent comment il perçoit l’autre et comment, petit à petit, il s’auto-détruit en s’enfermant dans son monde délirant. Cette histoire m’a bien plu car j’avais évidemment beaucoup de matière de par mon boulot et j’ai essayé d’articuler tout ça pour avoir un truc cohérent et dans lequel il est facile de s’identifier. Finalement, je suis peut-être moi-même malade (rires) !

Mais du coup, tu ne déconnectes jamais de tout ça…
Julien : Si parce que le boulot, c’est beaucoup de stress accumulé, et le groupe, c’est beaucoup de stress évacué…

Mais quel est le rapport avec une icône (Icon en anglais) justement ?
Julien : De même façon que le thème, le thème de l’icône a été utilisé, usé… Là, en fait, c’est un sigle, la perception psychotique que la personne a du monde extérieur qui l’entoure, la conscience infinie du vide qu’on a autour de soi. C’est ce qui est angoissant et qui nous pousse à aménager des trucs délirants pour se protéger.

Alors, les thèmes sont assez fouillés mais sont perdus dans les « gruicks – gruicks », quand même (rires)…
Julien : Les textes bien écrits sont là pour crédibiliser le groupe. Mais je suis conscient que 90 % des gens n’en ont rien à foutre des paroles, s’intéressent à la musique et aux « gruicks – gruicks ».
Olivier : Même moi, je ne m’intéresse que très peu aux paroles de groupes que j’écoute mais pour Benighted, on s’est toujours dit qu’on se devait d’avoir des lyrics irréprochables parce que ça nous paraissant important. Je veux que ça tienne la route.

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C’est pas pour vous graisser la patte, mais en écoutant l’album dans la bagnole tout à l’heure, on se disait que vous étiez certainement le groupe de death grind le plus efficace en France… Et en parlant de crédibilité, que pensez-vous de tous ces groupes de grind débilos français qui pullulent un peu partout ?
Olivier : Ouais, du pipi-caca, quoi…

Ici, on a quand même un archétype, c’est Gronibard. J’adore leur musique, ce sont des potes  mais leurs textes sont vraiment à gerber. Les Ultra Vomit et compagnie… Ca me gonfle !!!
Olivier : Tiens, UltraVomit, j’adore, c’est un de mes groupes préférés… Après, chacun son trip. Ultra Vomit, c’est un vrai spectacle en live… Après, on parle des pionniers du genre, là. Tous ceux qui se sont engouffrés là-dedans, avec la facilité qui est la leur, c’est vrai que j’aime beaucoup moins. C’est pitché à mort, avec des textes nuls, j’aime pas ça.
Julien : Oui et puis, quand ce ne tient pas la route, ça ne dure jamais très longtemps…
Olivier : Maintenant, si c’est l’image qu’on donne du grind français à l’étranger, ça craint… Heureusement, des groupes comme Sublime Cadaveric Decomposition ou Inhumate parviennent à s’exporter.

Justement, on se demandait tout à l’heure comment faisaient les groupes de grind pour aller faire des tournées dans les pays de l’Est aussi souvent…Comment vous faites pour rentrer dans vos frais ?
Olivier : Ben déjà, on ne rentre pas toujours dans nos sous. Et ce milieu grind qui tourne beaucoup, c’est un peu comme le punk : c’est un milieu « squats » et compagnie. Faut vraiment être à fond dedans pour faire ça, avoir cette mentalité. Y a un échange international de groupes qui tournent tout le temps. C’est pas comme ça dans le brutal death…
Julien : Ca dépend aussi des boulots. Moi, je sais que je ne peux pas me barrer quand je veux comme ça, en Europe de l’Est, pendant 15 jours. Ces groupes-là sont constitués de mecs qui n’ont pas de boulot fixe, je pense. Comment on peut en vivre ?
Olivier : Après, faut devenir intermittent du spectacle et ne pas faire que ça. Faut faire du studio, des plans roadie, des trucs à côté…

Revenons à l’album… Il y a de nouveaux des guests… Le chanteur de Disbelief, par exemple. Il habitait à côté du studio, ou quoi ?
Olivier : (rires). Oui, mais le pire, c’est qu’on l’a découvert après !
Julien : C’est vrai que quand on a composé le morceau « Human Circles », on s’est dit que ce serait bien qu’il y ait un invité dessus, pour lui donner une dimension supplémentaire. Dans ce titre, il y a des parties questions/réponses qui se prêtent bien à ce jeu-là. Il fallait qu’on trouve donc un chanteur qui ait une voix bien différente de la mienne, et avec une voix bien tordue à la Obituary. J’adore Disbelief et je trouve que la voix de Karsten Jäger est tout simplement énorme. C’est comme ça qu’on est venus à le contacter. C’est là qu’il nous répond : « hé, j’habite à 40 bornes du studio, y a pas de problème, j’arrive ! «  (rires) ! Ce à quoi je lui ai répondu que ça nous arrangeait assez bien ! C’est un mec adorable, il nous a plié ça en moins d’une heure. Enorme… On a d’ailleurs bien rigolé en studio la première fois qu’il a poussé dans les enceintes ! Oh, l’enculé… Oh, l’enculé !!! (rires) !

Et puis, y a quand même cet invité qui rappe sur le 3ème morceau, « Grind Witt »… Des poils vont se dresser là !
Julien : Oh, et bien, ça a déjà commencé (rires) ! Et puis, bon, ça dure 5 secondes !
Olivier : Oui, et puis, on a toujours ajouté des sons, des samples sur nos albums, comme des passages folk, le début de Carmina Burana, du violon, un remix techno, un passage samba, c’est juste des petits délires. On ne s’est pas trop posé de questions et on s’est fait plaisir, d’autant que j’aime bien le rap, surtout le rap américain…
Julien : La première fois qu’il m’a fait écouter ça, j’ai dit que ce n’était pas possible (rires) ! L’idée vient vraiment de Liem, l’autre guitariste. Et pas de danger que je fasse ça sur scène (rires) !

Une dernière question : comment vous voyez le business de la musique actuellement ?
Julien : Oh là ! C’est chaud comme question, ça ! Le support CD se casse bien la gueule. Le problème est pour les petites structures. Nous, le téléchargement, ça ne change pas grand chose puisque de toute façon, nous ne vivons pas de notre musique. Par contre, pour le label, ça fait plus chier.
Olivier : Alors, c’est vrai que ça nous fait de la pub, mais ça pénalise les labels. On n’a quasiment pas été distribué à l’étranger, mais on nous connaît de partout, de Nouvelle-Zélande, du Viet-Nam, des Philippines, du Mexique…!

Avec Osmose, ça va aller là pour l’étranger…
Olivier : Oh oui, pas de problème ! On les a choisis car ils sont les premiers qui nous ont contactés, et ce qu’ils nous ont proposé nous convenait, donc voilà, ça a été vite. .
Julien : J’aimerais ajouter quand même, en ces temps troublés pour eux, qu’Adipocere a été un bon label pour nous. On leur doit tout le début de notre carrière et on les soutient dans leurs déboires. Ils avaient des moyens réduits, c’est pour ça qu’on a du aller ailleurs au bout d’un moment. Mais on leur dit un grand merci pour ce qu’ils ont fait pour nous.

Et bien, merci à vous et bon concert !!! Vous ne partez pas, on fait d’abord une photo avec le Metal Observer d'octobre 2007 !
Merci à vous pour l’interview et le support, bien cool !

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Site : http://www.staybrutal.com