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Quel metalhead en France porté un peu sur le heavy metaaaaaaallllll ne connaît pas Nightmare ? Un groupe culte, qui approche les 30 ans d’existence, et qui se permet le luxe de sortir aujourd’hui son meilleur album. Entretien avec un de ses géniteurs, lucide quant à l'avenir du disque mais toujours fidèle au poste et plus décidé que jamais d’en découdre sur les routes, Yves Campion.

Interview parue également  dans le Metal Observer FNAC n° 13 de Nov. 2007 

Entretien avec Yves Campion (basse) par Geoffrey & Will Of Death

Tu peux revenir un peu sur la période Dominion Gate ? Comment ça s’est passé pour vous ?
Ca nous a permis de franchir un palier supplémentaire. C’était aussi un album plus dark, plus dur dans les thèmes, qui nous a amenés à celui d’aujourd’hui. Il était aussi plus sophistiqué, avec toujours la patte de Terje Refnes qui est quelqu’un qui a une manière assez goth de produire, qui privilégie donc un plus les ambiances claviers que les guitares. C’est pour ça que sur le nouvel album, on a remis plus de grattes. Les morceaux passaient bien en live mais il était difficile de faire passer tous les arrangements sur scène, avec des samples. C’est pour ça qu’on a voulu un album plus direct cette fois-ci, c’est plus aisé sur scène. Il faut voir The Dominion Gate comme un album de transition, et on n’a aucun regret car c’est ce qu’on avait en tête à ce moment-là...

Comment s’est passée l’écriture pour ce nouvel album ?
Les guitaristes amènent des riffs, on travaille les textes ensemble, avec Jo. On a souvent les mêmes goûts et les mêmes thèmes en commun, donc, ça va vite et c’est rassurant. Ce qui est bien avec cet album, c’est qu’on a pu faire un gros travail de pré-production en studio, bien que ce soit un désavantage aussi, puisqu’on y passe tout le temps, et on pinaille sur des détails, en perdant parfois du temps. On se dit alors qu’on a le temps de finir peinards, alors que quand vient le temps de l’enregistrement, c’est un peu la panique. Là, on est allé chez Fredrik Nordström et ça coûte très cher. C’est pour ça qu’il fallait que l’on soit bien prêts avant d’y aller, pour ne pas perdre de temps, et donc, d’argent. On n’a donc pas négligé la pré-prod’, et ça nous a permis d’avoir plus d’assurance pour l’enregistrement. C’est la grosse différence avec les albums d’avant.

Pourquoi avoir choisi Nordström alors, cette fois-ci, après trois albums avec Refnes ?
Comme je te l’ai dit, on voulait un album plus brut, mettre le côté riff des guitares en avant. Le Fredman est bien pour ça, bien que le budget soit plus élevé. Ces morceaux sont taillés pour le live et on va pouvoir les envoyer sans se prendre la tête. Contrairement à ce que les gens pensent car il a beaucoup produit de groupes extrêmes, il est à fond dans le heavy (NDRL : Dream Evil, c’est lui !!) et privilégie donc les guitares. Il a fait les réglages de son, il a tout préparé, fait quelques prises de son et ensuite, on a bien bossé avec Henrik, son assistant, qui a produit tout l’album en fait. Fredrik s’est ensuite chargé du mixage, mais il passait de temps en temps voir comment ça se passait, avec l’œil du chef, quoi…

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Quelle est la signification du titre, Genetic Disorder ? En plus, ça tombe bien, on est en pleine période « tests ADN », là (rire) !
(rires). Ouais. En fait, c’est un peu la suite de The Dominion Gate ; l’humain ne maîtrise pas le progrès qu’il a créé, et à la sortie, l’ADN, ça pourrait nous conduire à devenir des mutants. On utilise mal le progrès et on risque de s’autodétruire. En gros, c’est ça…

L’album est vraiment très bon. Quelles sont vos attentes ?
On sait que ce n’est pas facile de sortir un disque aujourd’hui, et on sait qu’on ne va pas remplir le Stade de France non plus. Ceci dit, on est un groupe français, et on va faire une tournée en tête d’affiche avec d’autres bons groupes assez connus, comme Freedom Call, Hydrogyn et Kragens. C’est déjà pas mal, je trouve, de pouvoir faire ça. C’est un bon test, on espère que les gens vont se bouger. Après toutes ces années, on est contents d’être enfin headliners. Y a qu’ici qu’on pouvait tenter ça, j’espère que ça va aller.

Tu penses que la France est le meilleur « marché » pour ce type d’album ?
L’Allemagne est aussi très importante pour nous et en 2008, on va y aller, c’est prévu, bien que l’on sache qu’on n’y sera pas en tête d’affiche. En France, on peut…

Comment vois-tu votre public aujourd’hui ? Les vieux fans qui vous suivent ou d’autres plus jeunes ?
Les deux je pense. On a été capables d’aller enregistrer avec un producteur moderne, ce qui signifie qu’avant, on n’a pas vendu que 30 albums. Sinon, c’était impossible de financer. Nos deux guitaristes ont 25 ans, donc je pense que notre public est assez large. Un groupe comme Hydrogyn peut attirer aussi ce genre de public. J’espère que ce sera hétéroclite.

Penses-tu que le fait d’avoir 2 guitaristes jeunes a permis au groupe de moderniser son style ?
Carrément, oui. Ils écoutent des trucs vachement extrêmes et des groupes comme Nevermore ou Arch Enemy font partie de leur background préféré. Ils ont cette patte-là.  De toute façon, si on était restés fermés à ce qu’on faisait en 1985, on se serait planté. Jo adore aussi des groupes comme In Flames, Symphony X, Nevermore, des groupes comme ça. On écoute de tout et on ne regarde pas le passé, même si on peut être nostalgique des années 80, où, sans mettre une seule affiche nulle part, on jouait en tête d’affiche devant 1.500 personnes. Mais bon, on ne se le dit pas…

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C’est très bien que ce soit toi qui sois là aujourd’hui justement, parce que dans deux ans, ça fera 30 ans que Nightmare existe ! C’est beaucoup ! Comment vois-tu l’évolution du groupe ?
On a toujours été lié à ce que les maisons de disques nous proposaient, avec toujours l’envie d’avancer. On a des maisons de disques qui nous ont toujours soutenus, même si c’est un peu eux qui tiennent les rennes, dans le sens où, quand on a voulu changer de label, on a parfois eu des propositions indécentes. On a pu sortir des disques, faire des dates, ça te pousse à continuer quoi… Le jour où ça s’arrête, tu n’es plus prêt à refaire des galères comme quand t’avais 20 ans, et je pense que depuis notre retour en 1999, on va crescendo.

Justement, Regain Records, c’est le label idéal pour votre style de musique ?
On n’a pas de label idéal, et on n’a pas à se plaindre. Napalm Records nous a bien aidés quand on est revenu, avec des moyens de production importants. Bon, ça n’a pas trop suivi après, mais on n’a jamais été mal logés, si on compare même avec des groupes qui ont aussi de la bouteille. On est quand même un des rares groupes qui peut arriver en studio tous frais payés par le label. C’est un luxe aujourd’hui de pouvoir aller au Sound Suite ou au Fredman, sans rien sortir de notre poche. Regain est un label de passionnés, et le boss du label est à fond dedans avec Nightmare, il adore le nouveau disque même si c’est vrai que c’est lui qui tient le porte-monnaie. Bon, alors, ok, y a Gorgoroth à côté, mais aussi des groupes comme Space Odyssey, Time Requiem, qui sont beaucoup plus mélodiques que nous ; ils sont très ouverts en fait, c’est un bon label. 

Toi qui as beaucoup d’expérience, quel regard portes-tu sur la scène française actuelle ?
Gojira tire tout le monde vers le haut, c’est bien qu’un groupe français explose à l’étranger. Le renouvellement heavy metal par contre n’est pas trop là. Ca se fait plus dans des styles plus extrêmes ou barrés. Quand tu discutes avec des jeunes, t’as l’impression que tout vient de Linkin Park, Korn ou System Of A Down. Ils n’ont pas de vraie culture Métal, c’est un peu effrayant. Au niveau technique et aussi pour le son, les groupes français n’ont plus à rougir par rapport à l’étranger, c’est vraiment très bon. Prends juste l’exemple de Kragens qui va jouer avec nous sur la tournée, c’est énorme ! On ne dirait pas un groupe français. Une tournée avec deux groupes français, un groupe américain et un groupe allemand d’égale valeur, ça veut dire quelque chose quand même, non ?

Ca freine encore d’être un groupe français à l’export ?
Oui, je pense. Regarde juste les groupes allemands qui jouent à Wacken… Les mecs devant bougent à mort, comme pour n’importe quel groupe. Si tu joues au Hellfest, ce n’est pas tout à fait pareil. On n’est pas assez soutenus par notre scène…

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Et d’après toi, le disque en tant que support a encore un avenir ?
Non, c’est mort. Je ne sais pas encore ce qu’ils vont inventer mais ça va changer forcément, des stylos musicaux, je ne sais pas moi… Les gens ont perdu le goût de l’objet, Internet est aujourd’hui le principal vecteur, même si ça a du bon. Par contre, il y a trop de trucs à écouter et certainement que des groupes passent au travers alors qu’ils sont bons. Aujourd’hui, c’est la génération IPod et pour le disque, c’est foutu. Faut dire qu’à l’époque, il n’y avait pas 15.000 albums qui sortaient, on travaillait les artworks des vinyles, et on attendait les albums comme le Messie ! Aujourd’hui, tu as les albums qui sont sur le Net trois mois avant leur sortie.

Mais c’est pour ça que les labels sortent autant de trucs. Comme ils vendent moins d’albums d’un même groupe, sortir plusieurs albums leur permet peut-être d’équilibrer un peu. Tu penses que c’est ça, la solution ?
Non, pas du tout, même s’ils n’ont pas le choix. C’est rare qu’un tout nouveau groupe explose les ventes dès le premier album. Il faut du talent derrière, ; aller dans un gros studio pour le son. Mais aujourd’hui, avec Cubase et Pro-Tools, n’importe qui fait son album chez lui. Pour avoir le truc qui tue, faut aller chez Andy Sneap ou Nordström, tu vois. Tout le monde ne peut pas le faire et c’est normal que les labels sortent aussi beaucoup de « petits » groupes. Prendre un gros risque financier sur un nouveau groupe, c’est très rare maintenant. On fait donc du volume plutôt que de la qualité. Dans le temps, tu enregistrais en analogique et tu étais obligé d’aller en studio. Pour moi, rien ne remplacera un vrai studio.

Certains, aujourd’hui, disent que le disque a encore 3 / 4 ans, pas plus. Tu te vois en train de mettre ton prochain disque uniquement en téléchargement sur votre site ?
Non, ce n’est vraiment pas mon truc !
Espérons que ça n'arrivera pas au  final !

Site : www.nightmare-metal.com