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Après le split en décembre 2005 d’Anorexia Nervosa, on n’avait plus trop de nouvelles de son chanteur, Hreidmarr. Jusqu’au mois dernier, et l’arrivée dans les bacs du second disque de The CNK. Avec un univers martial, symphonique, electro, le groupe est bien l’une des sensations du moment. Bien devant la concurrence, et un talent qui ne demande qu’à être écouté.

Interview à paraître également  dans le Metal Observer FNAC n°14 de Déc. 2007

Interview de Hreidmarr (vocals), par Geoffrey
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Revenons un peu sur votre premier album sorti en 2002…
Les réactions ont été bonnes, mais essentiellement en France puisque l’album n’a pas été  distribué à l’étranger ou du moins, quasiment pas, presque uniquement de la main à la main. Il n’y avait pas de vraie distribution à l’étranger. On a eu quelques retours des Etats-Unis et de l’Allemagne, mais pas grand-chose. C’est resté super anecdotique. Et puis après ça, le label a cessé ses activités, et l’album n’a pas été pressé à nouveau. Et c’est vrai que nous, on était occupé ailleurs, moi avec Anorexia Nervosa et le guitariste avec ses études. On avait mis le groupe en stand-by. Nous, à l’époque, nous ne nous attendions pas à ces réactions dans la presse. Et quand on recroisait des gens, ils nous demandaient un nouvel album.

Il n’a jamais été prévu que le groupe ne soit qu’un projet studio ?
Non non non. On voulait déjà à l’époque tourner, mais on n’en a jamais eu l’occasion.

La machine s’est remise en route quand ?
On a commencé à y penser même avant que je ne parte d’Anorexia. Il n’y a pas eu de relations de cause à effet, cela n’a pas interféré avec ma décision de partir. C’est justement peu après Redemption Process qu’on a recommencé à bosser sur des vieux titres qu’on avait commencés mais laissés à l’abandon, et puis cela nous a donné d’autres idées, et on a commencé à bosser sur de nouveaux morceaux. On était vraiment content du résultat, donc on s’est dit que maintenant que l’on avait plus de temps, on allait s’y remettre. Mais on ne voulait pas se presser, puisque depuis le temps que le premier album était sorti, on n’avait plus de pression. On a pris donc le temps, on a mis quasiment deux ans à le faire. Et puis bien sûr, ça s’est accéléré quand, en décembre 2005, je suis parti d’Anorexia Nervosa. Je n’avais plus alors d’obligation, j’étais libre. C’est donc là où on a mis un coup de fouet. On a commencé à chercher un line-up stable, pour vraiment avoir cette idée de groupe et de choisir les bonnes personnes, avec qui on s’entende bien et avec qui on a envie de passer du temps.

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Quelle est l’idée à la base du groupe ? L’envie commune ?
L’envie commune a toujours été la même, même si ça a un peu évolué. Quand on a fait le premier album, c’était… Bon, ça va faire un peu bateau, mais c’était vraiment de se faire plaisir, de faire la musique que l’on avait envie d’entendre mais que l’on ne trouvait pas vraiment. Une espèce de mélange de machines et de metal, mais qui relève plus de la punition que de la réflexion, vraiment qui prenne aux tripes. Une musique qui mélange l’aspect électronique et martial et l’aspect violent du metal, avec une énergie punk incontrôlable. Après, c’est sûr que cela a un peu changé maintenant, parce qu’il était hors de question de ressortir le même album. Je pense que l’esprit reste, dans les riffs, avec ce côté un peu hystérique, même si on a calmé le tempo. Mais pour cet album, l’idée était de faire quelque chose de très martial, très emphatique. Et c’est pareil, le côté musique classique, on avait envie de le pousser à fond…

Et pourtant au mixage, c’est un peu en retrait…
Oui, oui, tout à fait. On voulait quand même que ça reste metal et rock n’ roll. On ne voulait pas faire de l’ambiant ou de l’indus. On ne voulait pas faire du Laibach non plus. Que ça reste simple ! Mais c’est un peu ça l’esprit du groupe. Même au niveau du concept, ça nous arrive de parler de choses sérieuses, d’avoir un côté super cynique, grinçant, de parler de choses sérieuses, mais toujours avec du recul, avec un côté second degré. Il y a vraiment un côté entertainment. Mais sinon, c’est vrai qu’en studio, on a bien galéré, il y avait beaucoup de pistes. Un peu un cauchemar.

Tu parlais un peu de second degré, donc on va rentrer dans le vif du sujet. La pochette d’abord, vous savez que ça va faire grincer quelques dents... C’est très provoc’…
Disons qu’il n’y a pas vraiment de provocations gratuites. Ça fait partie d’un tout, et le « tout » est très simple. Les attaques que l’on a eues sur la pochette, j’ai trouvé ça un peu stupide. Et d’une, on s’est inspiré des affiches de propagande chinoise, donc le côté 3ème  Reich, il faut le chercher loin…

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C’est plus sur le personnage central de la pochette, la polémique…
(rire) Oui, sur moi donc (rire). C’est ouvertement d’inspiration communiste plutôt. Et l’autre chose, c’est que cette pochette est très inspirée par les photographes Pierre et Gilles. Avec ce côté très chargé, à la limite du bon goût. Bon, on savait que c’était d’un goût certain (rire). Nous, ce qu’on voulait, c’était cette opposition entre le titre, L’Hymne A La Joie, et cette pochette ultra militariste, propagandiste, qui fout un peu les boules. On trouvait que ça collait parfaitement au concept de l’album.  Le look aussi fait parfaitement partie du truc, avec ce côté militaire décadent, maquillé comme une voiture volée. Ça fait partie de l’univers. Le concept de cet album est assez simple. On s’est rendu compte en relisant des livres de science-fiction des années 50’ à 70’, Fahrenheit 451, Soleil Vert, 1984 même Orange Mécanique, que les thèmes abordés dans ces livres sont étonnamment actuels. A un point qui fait vraiment peur. On essaye de balancer des clefs pour faire réagir les gens, les inviter à réfléchir… A grosse dose d’humour noir. Après, il y a des morceaux plus fun, un peu plus provoc’, comme un contre la PETA (NDLR : association de protection des animaux, très extrême dans les moyens qu’elle se donne), sur la taxidermie et la fourrure (rire).

Qu’attendez-vous de ce disque ? C’est devenu la priorité de tout le monde ?
Oui, après, Sylvain qui est aussi dans Tantrum, jongle avec les deux. Mais c’est la priorité, même si l’on reste super lucide, on n’a pas des attentes énormes. Ce qui nous importe, c’est que l’album soit bien distribué partout. Là, avec Season Of Mist, c’est impeccable. Et qu’on puisse le défendre sur scène, cet album !  Pour l’instant, les retours de la presse sont très bons, surtout à l’étranger d’ailleurs. Quand on voit que des magazines comme… allez, je balance (rire)… Elegy ou D-Side ne veulent pas faire d’interviews parce qu’ils nous jugent trop metal pour leur mag’ élitiste !!!

Mais il y a des gens qui lisent Elegy ?
(rire) J’en sais rien, de moins en moins apparemment (rire). Alors que les mag’ allemands, qui sont un peu les équivalents de ces mag’ dans leur pays, ça ne leur pose pas de problème. Après, moi, ça me fait rire qu’on nous trouve trop metal alors que derrière, ils te balancent une interview de Dimmu Borgir. (rire).

Tu penses que cela aide à la médiatisation du groupe, le fait que tu chantes dedans ?
Oui, évidement. D’autant plus qu’Anorexia s’est arrêté et que des gens qui appréciaient Anorexia vont se retrouver dans CNK.

Est-ce que ça comble leur manque ? Je parle pour moi aussi (rire)…
(rire). Bon, c’est vrai que ça n’a pas grand chose à voir. Si, la voix bien sûr. Mais c’est vrai que ma présence peut aider, surtout en France bien sûr.

Justement, on parlait du chant, comment as-tu pensé tes parties pour ce disque ?
La chose qui était différente, est venue avec les samples. C’est une manière de bosser complètement différente. Ce que l’on voulait obtenir, c’est vraiment beaucoup d’emphase sur le chant, notamment au niveau des chœurs. Donc, on a samplé des chœurs classiques que l’on a recomposés et après, j’ai essayé de coller au niveau des textes. Et ça, ça a été intéressant, pour que la voix se mêle vraiment aux chœurs, de faire coller les syllabes. Après, on a nous-mêmes fait des chœurs en faisant chanter plein de potes (rire). Sinon, au niveau de la voix, pas spécialement de contrainte, j’ai juste essayé de faire plus sobre. Pas comme sur le premier album, où mon chant, à la limite, était plus death metal. Là, c’est plus la voix que l’on peut connaître dans Anorexia. Avec quelques distorsions en plus, mais là, c’est la marque de fabrique du style et du groupe. C’était juste ce côté pas habituel pour moi, avec ce côté martial et ces chœurs, qui ma intéressé…

On sait que tu n’as pas ta langue dans ta poche, donc je vais en profiter un peu… Comment vois-tu la scène française actuelle ?
Moi, je me sens un peu dépassé par les évènements. Je pense que des choses se passent, mais maintenant avec Myspace et le Net, c’est très effervescent, avec du bon et du mauvais. Pas mal de choses sont en train d’émerger. Moi-même, je découvre plein de groupe sur Myspace. Des fois, il y a des surprises. Par rapport à avant, on a plus de groupes, pas mal de mauvaises choses, mais plus de mouvement par rapport à il y a quelques années. Mais je ne sais pas comment cela va évoluer. Et parallèlement à ça, les groupes ont de plus en plus de mal à se faire signer par les labels qui ont les budgets qui baissent.

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Oui, plus de groupes à un moment où l’industrie du disque va très mal…
Oui, c’est lié de toute façon. Mais c’est une période étrange…

Et l’avenir du disque tu le vois comment ?
Je ne sais pas. D’un côté, je garde une vision optimiste, j’espère que ça va perdurer, et que ça ne sera pas réservé aux collectionneurs et aux nostalgiques. Mais d’un autre côté, c’est un peu désespérant. Si ça continue comme ça, avec le téléchargement… Moi, j’entends toujours des gens dire : « ouais, mais j’ai pas de sous pour acheter des disques ». Mais ça, c’est l’éternel truc. Les gens ont des sous pour acheter un iPod, un ordi et une connexion haut débit, mais pas des CD’s. C’est une question de culture aussi. Tout change à ce niveau-là. Pour la musique, les gens ont pris l’habitue du gratuit, en perdant la culture de l’objet. Mais ce qui est triste, c’est que les gens ne se rendent pas compte sur le long terme. La musique va devenir un hobby. Avec des groupes uniquement amateurs. Après, avoir une grosse prod’, monter des tournées, faire un clip va devenir de plus en plus difficile. Est-ce que les gens veulent vraiment ça ?

Surtout, est-ce que les gens s’en rendent compte ?
Je ne pense pas. Je me souviens qu’à l’époque d’Anorexia, il y avait des gens qui venaient me faire signer des CD-R avec des pochettes photocopiées (rire)

Et tu réagissais comment ?
Bah, je ne lui signais pas, je lui expliquais calmement.

L’avantage du metal, c’est qu’on est encore un peu moins touché.
Oui, il y a encore des passionnés. Peut-être y aura-t-il une prise de conscience. La sanction, je ne sais pas, mais un consensus entre les labels et les fournisseurs d’accès. Mais ça ne remplacera pas le support physique. On en parlait avec les autres membres du groupe, en se disant que bientôt, on signera des iPod. Et que pour les tournées, où on a beaucoup de choses samplées, on se disait qu’on allait se prendre des réflexions du genre : « mais pourquoi vous samplez ? » et qu’on allait répondre que c’était la crise, et que plutôt que de se payer du matos, on a préféré se payer comme tout le monde un iPod.

Pour l’instant, que t’as apporté la musique ?
Beaucoup d’emmerdes (rire) ! Non, pas mal de choses. J’ai fait des choses que je n’aurais jamais pensé faire il y a quelques années. J’ai beaucoup voyagé, rencontré plein de gens. Plein de super souvenirs au niveau personnel. Même si le reste derrière ne suit pas vraiment au niveau financier parce que ça reste toujours de la survie. C’est quand même un truc que peu de personnes ont la chance de vivre. De toute façon, c’est incurable, même dans les moments où je voulais une vie plus stable, j’y revenais toujours. Rien que le fait de faire un disque, de l’avoir dans tes mains après… On ne peut pas s’en passer. Après, c’est un choix, on est toujours à l’arrache. Mais je ne regrette pas…

As-tu encore des buts ?
J’aimerais bien tourner au Japon et aux Etats-Unis, même des petits trucs. Je ne pense pas que l’on puisse arriver à l’accomplissement parfait.

Te réentendra-t-on un jour sur un projet black metal ?
Je n’en sais rien du tout. C’est dur à dire. J’écoute toujours du black, il y a pas mal de groupes que j’adore. Je ne suis plus boulimique du style comme j’ai pu l’être avant, je n’achète plus tout systématiquement. J’ai rien contre dans l’absolu, ça dépendra des circonstances, et si l’occasion se présente. Je ne peux pas être catégorique comme ça. Si je refais quelque chose, ça sera plus dans ce qui me parle en ce moment, comme Shining.

Et est-ce que le vide laissé par Anorexia Nervosa en France pour le black metal a été comblé ?
Je n’en ai pas trop l’impression (rire). Après, des groupes comme Monarch, de Bayonne, avec une voix hallucinée, je trouve ça très bien. Mais nan, je ne vois pas vraiment. Mais c’est vrai qu’en groupe français…

Site : http://www.thecnk.org/