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Tobias Sammet, que cela plaise ou non, est un génie du Heavy Metal. Le genre de gars énervant par son talent, son insolence parfois, et qui ne connaît pas vraiment l’échec. Des albums moyens, il en fait. Des mauvais, jamais. Et ce troisième opus d’Avantasia, son autre priorité après Edguy, est un très bon cru. Un opéra metal inondé de stars, et un concept ambitieux. Petits éclairage avec le Monsieur.

Interview à paraître également  dans le Metal Observer FNAC n°15 de Janv. 2008


Interview de Tobias Sammet (chant, composition), par Geoffrey
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Comment sont les réactions pour l’instant pour le single « Lost In Space » ?
Je ne peux pas me plaindre. Bien sûr, c’est évident que ce morceau est arrangé un peu différemment par rapport à ce que je compose d’habitude, et donc je savais à l’avance que des personnes à l’esprit fermé allaient me flageller pour ce morceau. J’ai juste essayé d’élargir mes horizons pour en arriver à un super morceau rock. Mais il y a toujours des gens qui pensent savoir mieux que moi ce que je peux me permettre de composer ou pas, ce qui est très étrange.  Mais le morceau est arrivé 9ème dans les charts singles allemands, même numéro 3 en Suède et a atteint le top 10 en Norvège aussi. La plupart des fans semblent donc tolérants, et apprécient les prises de risques et l’honnêteté. Je suis heureux d’être un musicien metal qui peut se permettre de faire toutes les choses auxquelles il croit.

Tu penses que c’est une bonne première impression du disque ?
Complètement. De toute façon, une chanson seule n’arrive jamais à représenter un album en entier, sauf peut-être le titre éponyme, The Scarecrow, qui fait plus de 11 minutes. L’album est tellement varié, qu’il faut choisir un morceau et être sûr que les gens comprennent qu’il y a beaucoup plus que ça dans l’album. Cela étant dit, Lost In Space est l’un des deux morceaux en-dessous de 4 minutes de l’album, les autres tournant autour de 6 minutes. Et avec un morceau trop long, tu ruinerais tes chances de passer en radio, ce que, de toute façon, je n’ai jamais. (rire)

Combien de temps faut-il pour composer un album comme celui-là ? Comment s’est passée l’écriture ?
Nous sommes entrés en studio pour bosser sur les parties de batterie en décembre 2006, avec au préalable 5 mois de travail pour arranger les parties que j’avais écrites. Je suis tout le temps en train de composer, donc je ne peux pas vraiment dire combien de temps il me faut pour écrire une chanson, puisque je compose 365 jours par an, au fil de l’inspiration. Et quand il est temps d’en faire quelques chose, j’arrange toutes mes idées. Pour cet album, j’ai réuni mes idées, fait de petits arrangements, et je suis parti directement dans le studio de Sasha Paeth, où nous avons ensemble arrangé les idées de base des morceaux. Nous avons tout rassemblé et avons commencé à travailler sur les détails.

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Etait-ce facile d’avoir tous ces invités ? Et pourquoi eux ?
C’était bien plus facile que la première fois que j’ai fait Avantasia en 1999. Parce que cette fois-ci, les personnes impliquées dans le projet savaient que le projet tenait la route et que le succès avait déjà été au rendez-vous.  J’ai essayé de travailler cette fois-ci avec des gens  qui soient à la fois des amis et de grands musiciens. Bien sûr, avec Alice Cooper, l’approche a été différente. Je suis ami avec Eric Singer, notre batteur, depuis des années. Et il est aussi le batteur d’Alice Cooper ; je lui ai donc demandé d’en toucher deux mots à Alice, et c’était fait. Mais avec des gens comme Bob Catley, Sascha Paeth, Michael Kiske, Kai Hansen etc... nous étions amis depuis des années. Ce projet est donc la rencontre d’amis, de virtuoses et d’icones du rock. Et la meilleure chose, c’est que la plupart d’entre eux sont les trois en même temps !

As-tu rencontré tout le monde, ou la plupart du travail s’est effectuée à distance ?
J’ai rencontré la plupart d’entre eux, la plupart du travail s’étant effectué dans un vrai studio, et pas par échange de bande via Internet. Bien sûr, certains aussi ont fait leurs parties dans leur propre studio, mais je préfère le contact. Alice par exemple a fait ses parties à Los Angeles, Michael Kiske à Hamburg.

Selon toi, qu’y a-t-il de nouveau sur ce disque ?
C’est bien plus varié. Plus risqué aussi. C’est moins kitch et plus mature. J’aime les premiers albums d’Avantasia pour ce qu’ils sont, mais je sais que je suis capable de bien mieux aujourd’hui. D’un point de vue musical,  les anciens albums ne sont pas si bien. Les arrangements, la façon dont les morceaux sont joués, les paroles, la production ne sont pas assez performants. Je ne les renie pas, mais si j’avais à sortir des albums comme cela aujourd’hui, là oui, je serais embarrassé, car ils représentent une époque où mon budget était plus limité et où j’étais jeune compositeur. Rien de plus, rien de moins. De bonnes chansons, mais avec une production discutable. Le nouvel album, lui, est solide. J’en ai discuté avec beaucoup de personnes du métier et ils pensent tous que c’est un chef-d’œuvre car il arrive à combiner metal classique et rock épique, avec une production puissante. Et ces personnes ne sont pas enfermées dans leur passé, et c’est ce qu’il faut pour comprendre cet album. Je suis le même qu’il y a dix ans, j’ai les mêmes racines et la même vision d’Avantasia, mais je suis bien meilleur aujourd’hui.

Quel est le concept derrière ce disque ?
C’est très Faustien comme histoire. C’est difficile de rentrer dans les détails, mais en gros, il s’agit de l’histoire d’un jeune homme dont la perception sensorielle est déformée. A cause de ça, il se sent émotionnellement déconnecté de son environnement, et émotionnellement isolé. Mais à cause de ce problème de perception sensorielle, un handicap aux yeux des autres, il réussit à percevoir les sons plus intensément, et alors qu’il manque d’amour et d’affection, il développe la capacité de percevoir les sons si intensément  que lentement mais sûrement, cela remplace l’amour pour lui. Il se réfugie donc dans la création de sons pour communiquer avec les autres, et alors qu’il était traité comme un paria et un monstre, les gens commencent à l’acclamer. S’en suit son ascension sociale et toutes les tentations qui l’accompagnent. J’explore ici la nature humaine d’une façon très métaphorique et en même temps, j’inclue beaucoup d’éléments autobiographiques. C’est une histoire tragique, qu’il est difficile d’expliquer sans entrer dans les détails.

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Si un jour quelqu’un te dit qu’Avantasia est plus gros et meilleur qu’Edguy, tu réagirais comment ?
Mais on me l’a déjà dit, crois-moi. Mais je dirais «Merci !... et peu importe! »… Je suis dans une situation confortable où j’ai deux projets qui rencontrent beaucoup de succès. Je serais stupide de me plaindre.

Y a-t-il encore des buts que tu veux atteindre avec Edguy ?
Je pense que c’est une carrière dans sa globalité qui compte. Bien sûr, j’aimerais avoir un album de platine et jouer au Madison Square Garden, mais le plus important et d’avoir transformé notre hobby en travail depuis 16 ans maintenant. J’espère que nous ferons encore 15 albums, parce qu’être dans un groupe avec tes meilleurs amis est la meilleure chose au monde, peu importe les récompenses. Ce sont les hauts et les bas qui ont fait qu’un groupe comme KISS a eu une carrière ahurissante. Le fait que tu arrives à gérer des situations délicates sans splitter, c’est ça qui compte vraiment.

Que tu le veuilles ou non, tu resteras toujours pour les fans de heavy metal le jeune musiciens doué qui a secoué les institutions du heavy, en dépoussiérant à coup de pied dans les fesses la vieille génération. Es-tu l’épouvantail (Scarecrow) du Heavy ? (rire).
Merci. Mais j’ai tellement de respect pour ce que tu appelles la vieille génération que je ne botterai jamais les fesses de quelqu’un (rire). On vient juste de finir une tournée avec Aerosmith cet été. Ils nous ont tellement botté les fesses que les miennes sont encore rouge comme un homard (rire). Mais sérieusement, aujourd’hui, il n’y a plus de respect pour les générations précédentes, dans la musique, comme dans la vie en général. Nous n’avons de cesse de chercher l’illusion d’une jeunesse éternelle. Mais nous avons besoin de grandir et d’expérimenter. Je suis content de donner l’image d’un jeune groupe à succès, et je m’accommode parfaitement de l’héritage laissé par des groupes comme Scorpions. Mais ma vraie fascination ne vient pas de la musique pour des groupes comme Scorpions, ou Magnum, que j’adore. Ils ont prouvé quelque chose que nous n’avons pas encore prouvé : ils sont là depuis 30 ans, peu importe s’ils vendent des centaines de milliers de disques ou qu’ils jouent dans des clubs crasseux. Ils ont tout vu, tout vécu, et sont encore là. C’est ça qui importe vraiment.

Pour terminer, Avantasia sera l’une des têtes d’affiche du prochain Wacken Festival cet été. Sera-t-il facile d’avoir tout le monde en même temps sur scène ? Et surtout, est-ce un one-shot ou pourra-t-on vous voir un peu partout dans différents festivals ?
Nous allons jouer plusieurs festivals cet été, mais comme c’est un show qui coûtera assez cher, nous ne pourrons pas le faire partout, cela dépendra du promoteur et des offres. Je ne veux pas gagner de l’argent, mais je ne veux pas en perdre aussi. Il y aura beaucoup d’invités, même si je ne pense pas les avoir tous en même temps. Certains auront leurs propres shows cet été aussi, donc nous verrons. Mais il y aura sûrement beaucoup de monde sur scène. Je veux que ce soit l’expérience d’une vie pour ceux qui seront dans la fosse en face de nous.


Avantasia – The Scarecrow
Nuclear Blast Records

Site : http://www.avantasia.net