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La Fin Des Temps ne nous avait pas séduits plus que ça, mais au final, il semblait vraiment nécessaire dans la carrière d'AqMe, groupe atypique de notre scène hexagonale. Avec une identité propre où le metal est relevé à la sauce rock n 'roll, les Parisiens nous présentent ici la quintessence de leur oeuvre, et n'ont jamais été autant inspirés. 

Interview à paraître également  dans le Metal Observer FNAC n°16 de Fév. 2008


 Entretien avec Ben (guitare) - Par Geoffrey
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Avec le recul comment vois-tu La Fin Des Temps ?
Album différent des autres, celui qu’on a écrit le plus vite et celui sur lequel on s’est le plus lâché artistiquement, tout en étant conscient que ce n’est pas le plus accessible, mais c’est celui où on se sera laissé le plus de liberté, La Fin Des Temps restera un disque à part, je pense.

Certains disent que c’était l’affirmation d’une identité plus rock que métal sur ce disque, tu es d’accord ?
Je pense que ce n’est pas la peine de se poser ce genre de questions. Ce qui fait notre force, c’est de faire du Aqme et non du rock ou du métal. La production était peut-être plus rock que métal, c’est celle qu’on a enregistrée sans Daniel, avec lui c’est forcément plus métal que rock car il a une culture plus métal. C’est un album différent, qu’on a enregistré vite en plusieurs étapes, avec de longs morceaux et des choses qu’on ne pourra peut-être plus refaire.

Justement, en abordant l’écriture de ce nouveau disque, il y a des choses que vous ne vouliez plus refaire ?
Non pas qu’on ne voulait plus refaire, mais je pense aux longs morceaux, on venait d’en faire donc on avait plus envie de morceaux efficaces, de penser au live, de mettre plus l’accent sur les riffs, et après les riffs viennent comme ca.

Tu le décrirais comment ce nouveau disque ?
Il est massif, il est plus efficace, au niveau du son, de la prod’ et de l’instrumentation, c’est ce qu’on a fait de plus lourd et c’est ce qui a été fait de plus lourd depuis longtemps dans ce style-là.. C’est un peu prétentieux non ? (rires) En tout cas, c’est de loin ce qu’on a fait de plus massif.

Tu disais que l’album La Fin Des Temps  avait  été composé assez rapidement, celui-là donne l’impression d’être très frontal tout de suite.
Pas dans la composition. C’est la première fois qu’on a pris un an pour composer, tu perds en spontanéité mais tu gagnes en efficacité, et, justement, en cette impression de ne pas perdre de temps en chemin, quand tu restes longtemps sur des titres. Je pense qu’au final t’enlèves plus de choses que tu en rajoutes.

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Justement, je trouve que c’est le meilleur, le plus direct, avec les mélodies les plus imparables.
Je n’ai pas vraiment d’opinion là-dessus. On a eu des bons morceaux sur tous les disques mais celui-là, c’est celui où il y a eu le moins de déchets, le plus compact ; a priori, ce serait quand même celui-là qui annonce un nouveau départ, une nouvelle trilogie avec une nouvelle façon de voir les choses. Après, si c’est le meilleur, je ne sais pas, mais c’est le plus travaillé, on est meilleur qu’avant, on a passé plus de temps, c’est le plus abouti.

Pour toi quelles est la différence entre le Aqme de  « « Si » N’Existe Pas » et le Aqme d’ « Hérésie » aujourd’hui ?
Il y a 5 ans quand même. 5 ans de pratique des instruments en plus, ce que tu perds en spontanéité avec le temps, tu le gagnes en sagesse, en dextérité, en choses comme ça. Peut-être qu’on n’arrivera plus à refaire des titres comme « « Si » n’existe pas » mais des titres comme  « En Saga Om Livet »  ou des choses comme ça qui sont très poussées au niveau mélodique, plus complexes que sur Sombres Efforts.

Y a toujours autant de plaisir à jouer « « Si » n’existe pas », sur scène, tous les soirs ?
Oui elle est cool à jouer, elle n’est pas plantée dans une époque, elle était déjà bien rock, elle est agréable, c’est un morceau qui est intemporel. C’est ce qu’on essaye de faire, c’est pas évident de rester insensible aux modes. C’est un choix pas évident car tu peux toujours tomber dans le fait de laisser trainer une oreille à ce qui se fait autour de toi et ta peur de pas rassembler si tu ne fais pas le truc du moment. Non, on n’a pas mis de tecktonik dans le prochain disque !

Heureusement !
Oui mais on aurait pu faire un truc plus emo, je pense que ca aurait été une erreur.

De toute façon, ça a toujours été l’esprit du groupe, de faire ce que vous vouliez sans se soucier des modes, etc… C’est votre truc et sans compromis…
Oui mais c’est plus dur qu’il n’y parait car dans la vie de tous les jours, t’es bien influencé et quand t’as une identité artistique comme ça, faut s’y tenir, et c’est pas évident, et je ne suis pas intolérant envers les groupes qui ont du mal et sur lesquels tu ressens plus une influence sur ce qui se fait, ça arrive aux plus grands.

Vous, dès le premier album, il y a tout de suite eu une identité propre, pas comme certains groupes avec le premier album où on trouve tout de suite des influences…
On a eu la chance de faire ces erreurs avant le premier album.

On va revenir sur le nouvel album, retour en Suède, c’était une erreur d’avoir changé sur le précédent album ?
Non, parce qu’on en avait besoin. Y a tout un contexte qui avait changé en Suède, on ne s’entendait pas avec l’assistant de Daniel et même avec lui, puis pendant la tournée de La Fin Des Temps, Daniel est venu nous voir en France. Il nous a dit qu’il ne travaillait plus avec son assistant. Moi, ça me branchait beaucoup car je n’avais jamais travaillé avec Daniel mais avec son assistant qui s’occupait des guitares, donc ça me fait plaisir car c’est quand même quelqu’un qui fait partie de l’histoire d’Aqme. Ensuite, quand on a composé, on a pensé à lui et à un autre producteur. On n’a pas voulu prendre le risque de revenir au début d’une relation alors qu’avec Daniel, on avait déjà pas mal de repères, et les chansons s’y prêtaient.

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Est-ce qu’il s’implique aussi dans la structure des morceaux, etc...?
Un tout petit peu. On l’a fait venir à la fin de la composition, il nous a confortés dans nos idées. Il nous a fait changer une chanson et qui, finalement, n’a pas réussi plus que ca, c’est celle qui finit inédite. Ce n’est pas ma préférée.

Là, le travail s’est bien passé en studio, pas de soucis ?
Ça s’est super bien passé ; je pense que ça se ressent sur le disque.

Vous êtes restés combien de temps ?
6 semaines, à manger de la nourriture aseptisée. Je pense que c’était le plus dur. Le reste s’est bien passé, c’est un pays que j’aime beaucoup, en plus le studio s’est amélioré. On a fait pas mal de concerts. C’était vraiment super.

Thomas me disait la dernière fois, au niveau  du chant, de ce que ça pouvait apporter car il ne comprenait pas le français. Mais c’était intéressant de se pencher sur la mélodie, qu’il était plus exigeant du coup, à ce niveau-là…
C’est sûr qu’on ne peut pas les laisser enregistrer à deux car Thomas n’a pas le recul nécessaire. Daniel ne comprenant pas, du coup, on a besoin d’être là, surtout pour des problèmes de compréhension, mais c’est le seul problème que ça peut engendrer.

Le morceau avec le titre en suédois, c’est pour faire plaisir à Daniel ?
Non, je pense qu’on l’avait appelé comme ça avant, c’est un clin d’œil par rapport au fait que notre histoire est liée fortement à la Suède.

Le titre « Hérésie », pourquoi ce choix ?
Des fois, on a un peu l’impression d’être une hérésie dans le paysage rock ou métal ou musical français, parce qu’on n’appartient pas à un gros label, on n’a pas une visibilité sur les gros médias, c’est à ce niveau là qu’on trouvait ça marrant, « Hérésie ».

Quand tu y repenses avec un peu de recul, tu arrives à t’expliquer le succès du groupe ?
J’ai l’impression qu’on le mérite, je pense que tous les groupes ont l’impression de mériter d’avoir du succès, mais on y a toujours cru. On s’est beaucoup investi, comme tous les groupes je pense, qui n’ont pas forcément le même succès que nous, plus ou moins. On n’a pas vraiment de recette pour ça.

Et avec l’expérience, les critiques, on les prend comment ?
Mal, tu passes du temps sur ta musique, tu t’investis beaucoup et ce n’est jamais évident. C’est un peu comme si on parlait mal de ta femme ou de tes enfants, ce n’est pas toujours très constructif. Après, quand c’est constructif, c’est plutôt des commentaires que des critiques ; j’entends par critique quelque chose de négatif et de gratuit, ça ne fait pas plaisir mais il faut faire avec, et accepter ses torts et ses différences.

On parlait tout à l’heure du chant, quels sont les thèmes abordés sur ce nouveau disque ?
Sur celui-là, Thomas a tout écrit, il écrit pas mal autour de sa personne et s’est pas mal ouvert aussi à ce qui l’entoure, il parle de pas mal de choses, des thèmes assez personnels, de se sentir différent… Dans la chanson « Uniformes » par exemple, toujours des textes assez dépressifs qui parle du mal être, de ce genre de choses, c’est assez récurent. C’est intéressant quand les textes peuvent avoir une interprétation différente selon l’auditeur.

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Oui, ce sont toujours  des thèmes personnels mais assez larges aussi pour que les gens puissent s’y retrouver.
On parle de comment on détruit la planète, on est devenu un peu écolos avec les années, on fait du tri sélectif tout ça, ce genre de choses auxquelles on finit par s’intéresser, les thèmes changent en grandissant.

Comment tu vois la scène française ?
Ce n’est pas une époque facile je pense, le rock n’est pas trop à la mode en ce moment.

Mais si ! Il y a Tokio Hotel, mais ce n’est pas la scène française...
Ha oui, c’est vrai... Non mais dans le new rock, je pense qu’il y a qu’un groupe qui est sorti. Dans le métal, on a un peu l’impression d’être dans le cimetière des éléphants, on se sent responsabilisé. C’est dommage que Pleymo ait arrêté, qu’on aime ou pas, ça nous faisait des compagnons de jeu. Ce n’est pas évident parce que c’est de plus en plus dur de vivre de la musique pour démarrer. Aujourd’hui, ce n’est pas facile. Y a de moins en moins de groupes qui émergent, il n’y en a plus même. Le dernier peut-être, Eths, ça fait bien trois ans… Après, ça reste très phénomène de mode et ça ne suit pas forcément en terme de public. Il y a des trucs qui sont médiatisés par Rock n’ Folk, ce genre de choses, BB Brunes, ça marche bien aussi mais le reste, ça reste très gentil.

J’ai vu que BB Brunes passait à la Star Ac’ ! Si on vous le demande, vous le faites, vous ?
Je pense que ce serait un gros débat, ça dépend des conditions. S’ils nous disent :  « vous y allez, vous pouvez jouer en live et vous ne vous tapez pas un élève », pourquoi pas… Après tout, si on ne nous demande pas de changer, pourquoi ne pas y aller ? Mais si c’est pour faire un demi-playback avec un gamin perdu, filmé depuis deux mois, je pense qu’on serait plutôt contre ; après, ça reste le show TV le plus regardé.

Et puis, ça vend des disques…
Ca ne serait pas ma première motivation. Ce serait de montrer aux gens qu’il se passe autre chose en France que les artistes qu’ils présentent actuellement. Je pense que, si par exemple, dans un pays comme la Suède, In flames était invité dans un show TV comme celui-là, ça ne choquerait personne, alors qu’en France, c’est tout de suite une question d’éthique.  Personnellement, je me soucie bien moins de l’éthique et tout ça, du moment que les conditions sont respectables. On ne fait pas n’importe quoi non plus mais je pense qu’ils ont raison, BB Brunes, d’y aller. Je ne sais pas dans quelles conditions ils le font mais c’est toujours mieux que Jennifer ou Aznavour ; même si je respecte, on connaît. Un peu de nouveauté, c’est mieux

Ça a toujours été important pour Aqme le live… Même quand vous avez sorti votre live,  il n’a pas été retouché ?
Attention, il a été mixé et masterisé : ce n’est pas non plus une sortie console. Si on fait un concert, qu’on garde les images et qu’on refait tout par-dessus, c’est même plus un live ; c’est un montage, un demi-live, un quart de live... Pour nous, un live, c’est quand tu gardes les prises d’instruments du soir même. Faut savoir que dans les live des premiers groupes, il n’y avait même pas de mix et ils s’en sortaient quand même. On est moins bon, on va juste faire remixer mais les rejouer en studio, c’est hors de question, sinon on n’appelle pas ça un live. Je trouve ça scandaleux et malhonnête, je n’assumerai pas un live comme ça.

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On peut parler un peu de Die On Monday, tu peux nous présenter un peu ce projet ?
C’est un projet qu’on a monté avec d’abord Guigui. C’était une période où on avait moins d’activité avec Aqme et j’en avais besoin, je voulais faire un projet un peu plus seventies. Du coup, on a monté ça, on a trouvé Aurélien à la basse et je savais que Tony ferait un bon chanteur. Je lui ai proposé, ça l’a branché. Ca démarre bien, on est en train de finir l’album et on va commencer à chercher un label. Ensuite, on fait 4 dates là, un peu pour le fun, le but de Die On Monday, c’est de s’amuser. Pour moi, ma plus grande référence, c’est Black Sabbath. Je pense que c’est surtout ça qui ressort, mais pas uniquement. Après, des groupes un peu plus des années 90 qui ont été cherché aussi dans Led Zeppelin. C’est plus stoner, pour utiliser le terme. Après, c’est comme Aqme… J’espère que Die On Monday va exister par lui-même, que ça ne va pas être un groupe de plus. On a aussi une façon d’écrire qui peut toujours avoir quelques accents pop  qui fait que ça ne sonne pas comme les autres groupes stoner.

Est-ce que le fait d’avoir profité de l’année dernière pour renforcer un peu plus les projets parallèles pour tout le monde, ça aide à la continuité d’Aqme ?
Je ne sais pas trop, c’est différent. Aqme, c’est la priorité, c’est ce qui nous fait manger aussi.  Les projets à côté, c’est un peu de la récréation, ça permet de s’aérer et je pense que c’est bien pour Aqme aussi. On n’est plus sur nos instruments, on voit d’autres gens, ça ouvre de nouvelles perspectives. Je pense qu’on devait le faire, on en avait tous envie. Moi, j’ai une façon de faire différente des autres : j’ai plus un autre groupe qu’un truc tout seul, mais c’est un truc dont j’avais besoin et dont les autres avaient besoin à leur manière.

Comment tu te sens, là, à quelques semaines de la sortie de l’album ?
Un peu nerveux, c’est surtout le fait de repartir en tournée. Après, ça fait un moment qu’on n’a pas sorti de disque alors est-ce que les gens ont changé ? On verra, on a du perdre du public, il va falloir en regagner, on a fait le disque pour.

Tu penses que tu en as perdu beaucoup avec La Fin Des Temps ?
Je ne pense pas que ce soit La Fin Des Temps, on a fait quand même une belle tournée avec.  C’est surtout le temps qui passe et les gens qui changent, qui écoutent moins de musique, vont moins en concert. Faut savoir faire profil bas au début, on ne peut pas dire que ça va être gagné d’avance. A chaque disque, y a pas mal de choses qui se renouvellent, faut toujours relancer le truc.

Tu penses que c’est un public jeune ou un public qui a grandi avec vous ?
Je ne sais pas. J’espère qu’il y aura des jeunes, je pense que ce sont eux qui font le rock, ce ne sont pas les trentenaires. J’ai eu la chance de voir Nirvana quand j’avais une quinzaine d’années. Je n’étais pas loin d’être dans les plus vieux ! C’était un peu le même public que Tokio Hotel aujourd’hui,  en moyenne d’âge en tout cas ; comme quoi on avait de meilleurs goûts au début des année 90, et des meilleures coupes de cheveux parce que là, ça ne va plus du tout, faudrait leur envoyer quelqu’un en Allemagne (rires).

Un bon coiffeur, ça serait bien, oui !  Mais le truc positif de tout ça, c’est que ça amène des gamins qui n’écoutaient pas forcément des guitares un peu saturées. Ca peut les ouvrir à d’autres groupes…
Comme ça, ils mettront les deux noms sur leurs sacs à dos, Tokio Hotel et Aqme..

Exactement. Peut-être qu’ils vont commencer par Tokio Hotel et finir par Aqme !
C’est quand même une grosse défaite pour le rock français de subir le rock allemand ! Nous, on a décidé d’aller un peu en Allemagne, on achète bien du rock allemand ! Ils achèteront peut-être du rock français...

AqMe - Hérésie
At(h)ome / Wagram

Site : www.aqme.com