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Certains ne se remettront jamais du départ de Max Cavalera de Sepultura. Mais qui pourrait les blâmer ? Max, justement, qui, depuis avec son nouveau bébé, a réussi à retrouver un groupe solide (malgré un line up instable) et à succès. C’est lors du Hellfest, alors que Max jouait avec son autre projet, monté avec son frère Igor, Cavalera Conspiracy, que nous avons pu nous entretenir avec lui dans le tour-bus, au calme, et sans langue de bois. On a bien sûr évoqué ce nouvel et 6ème album de Soulfly, le plus frontal dans l’histoire du groupe, mais pas seulement…

Interview à paraître également dans le METAL OBS' n°21 de juillet/août 2008

 Entretien avec Max Cavalera (guitares, vox) – Par Geoffrey & Will Of Death
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La première question te concerne. Il y a plusieurs mois, Cavalera Conspiracy a sorti un album, vous tournez actuellement pour sa promotion et maintenant, nous avons déjà droit à un album de Soulfly. Tu n’as pas eu un seul instant pour toi, là, non ?
C’est un peu comme l’époque où on a fait Nailbomb. Je passe vraiment du bon temps à créer de la musique. J’ai autour de moi de très bons musiciens donc je me sentais capable de faire deux albums, qui s’avèrent être au final très bons. Je me suis dit que j’étais capable de mener les deux projets de front maintenant, peut-être pas avant ou plus tard, maintenant, comme quand j’ai fait Chaos A.D. et Nailbomb. Là, cette fois-ci, j’avais à nouveau beaucoup d’inspiration et les bons musiciens pour me suivre. Je suis très impatient de voir sortir le nouveau Soulfly car je suis très content de la manière dont a été reçu Cavalera Conspiracy, comment on a été reçus en live tous les soirs.

Quand as-tu commencé à écrire pour le nouveau Soulfly ?
On ne peut pas vraiment dire que j’ai commencé à une date précise parce que comme là, maintenant, dans le bus, j’ai ma guitare et un riff peut me venir. Dans ce cas, je l’enregistre et le mets de côté. Certains se perdent, d’autres ne sont pas utilisés. C’est tout un processus. En gros, c’est quand je réalise que j’ai assez de riffs valables que je peux envisager d’enregistrer ; ça fait plus de 15 ans que je procède comme ça.

Une idée peut donc te venir, là, en pleine interview (rire) ?
Oui, en fait, c’est déjà arrivé, quand je conduis aussi. Je stoppe ma voiture sur le côté pour écrire des textes ou parce que je viens de trouver le nom de l’album. Je trouve des choses dans des endroits bizarres parfois.

Il t’est déjà arrivé de rêver de riffs et de te réveiller pour les enregistrer vite fait ?
Deux, trois fois, oui. Mais je suis plus du genre à imaginer des trucs sans les jouer avec ma guitare. Quand ça arrive, c’est assez marrant parce que quand je reprends ma guitare, le résultat est parfois fameux. C’est ce qui s’est passé avec « Roots ». J’ai eu cette idée de refrain… roots, bloody roots, c’était terrible comme idée. J’ai d’abord eu l’idée de la mélodie avant d’écrire le riff. Ça arrive parfois comme ça, mais ce n’est pas toujours le cas.

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Parlons de l’album. Quand on l’écoute, on a l’impression de se trouver au milieu d’un champ de bataille. C’était quoi ton état d’esprit en faisant les chansons ?
Je me suis plus imaginé la manière dont les fans allaient recevoir cet album. Si j’étais un fan du groupe, comment je ressentirais les choses. C’est vrai que les choses sont réellement heavy, sombres, colériques, guerrières. De tous les albums que j’ai faits depuis Beneath The Remains, c’est celui où on parle le plus de guerre. Je n’ai rien planifié, c’est venu comme ça. Sur cet album de Soulfly, tu peux voir aussi l’évolution des musiciens, comme dans Cavalera Conspiracy, la batterie notamment. Les parties sont bien meilleures et je ne dis pas ça parce que c’est mon frère (rires) ! Certains commentaires reviennent aussi assez souvent comme quoi mes parties vocales n’ont jamais été aussi enragées. J’attribue ça au fait que pour la première fois de ma vie, je ne me suis pas occupé de ce que me disait ce stupide ingénieur du son mais que je n’en ai fait qu’à ma tête. Avant, j’en avais besoin, surtout dans mon époque thrash, mais maintenant, je sais comment créer le bon feeling.

Après 5 albums de Soulfly, a-t-il été facile de trouver une nouvelle direction pour cette 6ème sortie ?
La question n’est pas de savoir si j’étais plus excité à l’idée de faire cet album ou pas, s’il est meilleur que les autres ou pas. Le truc, c’est que j’étais dans le bon mouvement. C’est comme avec les albums de Sepultura, chacun en a sa propre vision, qui est certainement différente de la mienne. Je n’ai pas à faire un album meilleur qu’un autre mais plus à créer quelque chose d’intéressant. Soulfly 1 fut par exemple l’album de la diversité avec la contribution de beaucoup de personnes différentes ; Conquer est plus l’album de la sauvagerie, de la brutalité. Ce n’était pas forcément facile en effet, un vrai challenge de trouver de nouvelles idées et de les mettre en place. Ça ne s’est pas fait en 5 minutes. Mais tout est un challenge quand tu y penses, jouer tous les soirs en live en est un. Ce n’est pas comme si je n’en avais rien à foutre, tu vois… Je ne peux pas donner un bon concert si je me pointe là déprimé, par exemple, parce que j’aime donner le meilleur de moi-même et que les autres en fassent autant. Je veux que chaque concert soit l’Armageddon, que ce soit un coup de poing dans la tronche des gens (rire). C’est ce que j’essaie de faire et parfois, ça marche, le pit est démonté alors que d’autres fois, tout va aller de travers. C’est difficile parfois.

Avec cet album, ça risque de bien prendre…
Merci. Oui, je pense qu’en live, ça va le faire. Pour moi, Conquer est la continuité de Dark Ages.

On pense qu’avec Marc Rizzo, tu as trouvé le parfait partenaire pour soutenir tes riffs. Comment décrirais-tu le lien entre vous ?
Etrange. Il y a un vrai lien. Je ne sais pas trop comment décrire ça : mes riffs passent très bien avec les soli de Marc parce que les idées qu’il a complètent parfaitement ma guitare. C’est une histoire de chimie que tu ne peux pas trop expliquer en fait, comme Igor et moi, tu vois. En plus, Marc est vraiment un mec cool avec une bonne personnalité…

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Est-ce que tu t’imagines en ce moment jouer avec un autre guitariste ?
Parfois, il le faudrait parce que la nature de ma musique n’est pas forcément celle que je voudrais tout le temps, tu vois, mais je dois rester réaliste car en fait, je suis très content d’avoir un mec comme lui à mes côtés. Mais c’est comme si nous avions une mission : let’s do it ! 

Pour revenir au nouveau disque, on pense ici que c’est vraiment l’album de Soulfly qui contient les riffs les plus puissants…  
Ce n’était pas forcément conscient au départ. Disons que j’étais plus ou moins dans l’état d’esprit de trouver ce qu’il y avait de mieux dans les riffs heavy-metal et le hardcore. Quand tu écoutes le riff de « Refuse/Resist », « Eye For An Eye » ou « South Of Heaven » de Slayer, la chanson est bonne parce que ce n’est que du riff. J’ai dit à Marc : il nous faut des vrais riffs. J’écoute des groupes hyper techniques et j’aime bien mais la plupart du temps, ils oublient la notion de riff. Sur Conquer, je pense que chaque titre contient au moins un riff majeur qui va bien rentrer dans la tête des gens ; je suis content d’être parvenu à ce résultat avec mes quatre cordes.

Sur Conquer, il me semble que les parties de world-music sont importantes, mais non-inclues dans les riffs. Elles sont à côté. Tu n’as jamais pensé écrire un album complet de world-music ?
Eventuellement mais comment veux-tu que je crée un album sans aucun riff (rire) ?  Honnêtement, je ne pense pas que ce soit possible. Je me sers de la world-music comme dans un film, quand une scène est annoncée par un passage précis. C’est ce que je fais pour des intros ou des outros de mes chansons, pour les enchaîner ensemble et ça marche bien. Mais faire un album complet comme ça, ça serait chiant, je pense. Ces passages servent aussi parfois à créer des moments de calme, de silence pour encore mieux mettre en valeur, rendre plus puissants, les riffs qui reprennent ensuite.

Parlons un peu des invités de ce nouvel album. Notamment de David Vincent de Morbid Angel, sur « Blood Fire War Hate », qui est dans un registre un peu différent de ce qu’on a l’habitude d’entendre de sa part.
Ça fait un moment que je voulais avoir David sur un de mes albums parce que j’adore sa voix et ce nouvel album s’y prêtait vraiment ; et j’ai toujours été un fan absolu de Morbid Angel. Je pense d’ailleurs que Morbid Angel est sous-estimé et que les gens devraient avoir plus de respect pour eux parce qu’ils font partie des survivants de la première ère du death-metal. J’ai pensé que c’était le bon moment pour inviter David qui est une sorte de gars mystique de par la noirceur de ses textes dans Morbid Angel. Pour Soulfly, il m’a demandé comment je voulais qu’il chante. Je lui ai dit qu’il ne devait rien changer, qu’il fasse ça au feeling. Je pensais qu’il allait trouver mes lyrics complètement nazes mais en fait, on a passé du bon temps à faire ça. Je pense que les gens vont être impressionnés.
 
Tu attends toujours beaucoup des invités…
Oui mais je veux qu’ils restent eux-mêmes justement. J’aime cette chanson, c’est un vrai hymne de guerre Metal, un truc que je voulais écrire depuis longtemps. Un truc de fou, du début à la fin, c’est rapide, laid, lourdingue…

L’intro symphonique sonne presque comme celle d’une B-O de film…
L’idée ne vient pas de moi mais d’Andy Sneap qui voulait faire un truc à la « Innocence And Wrath », l’intro de To Mega-Therion de Celtic Frost. La difficulté était de réussir à en faire quand même quelque chose de moderne et qui ne soit pas une copie. J’aime cette intro parce on dirait vraiment que des soldats arrivent de l’Enfer. De toute façon, je suis un fan ultime de To Mega-Therion, qui est mon album favori de tous les temps. Il m’a dit qu’il allait faire une intro orchestrale. Je n’ai aucune idée de la manière dont il a créé ces sons.

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Quand tu regardes en arrière, penses-tu avoir réussi à atteindre pas mal de rêves que tu avais quand tu étais plus jeune ?
Les rêves évoluent quand tu grandis. Quand tu es jeune, tu te demandes toujours comment tu seras dans 20 ans et ce que tu feras. En fait, tu te demandes si tu ne seras pas vieux, déjà en retraite, des trucs comme ça. Ceci dit, je suis assez proche à 40 ans de l’idée que je me faisais de moi-même quand j’avais 18 ans.

Aujourd’hui, tu es donc le mec que tu as toujours voulu être ?
Au niveau de la musique, oui. Je ne voulais rien faire d’autre et ça va, je ne suis pas devenu dingue. J’ai évidemment traversé quelques tragédies, les fans le savent. Peu de personnes ont perdu un fils, et ne savent donc pas ce que cela peut changer chez un homme.

La musique t’a sauvé la vie parfois ?
Oui, je pense que sans la musique, je serais vraiment très malheureux et j’aurais une vie misérable. C’est pourquoi je suis toujours en colère dans les thèmes de mes paroles ; la musique est quelque chose de magique pour moi. C’est pour ça que je n’apprécie pas certaines blagues sur moi et ma famille. Les gens n’ont pas idée des merdes par lesquelles nous sommes tous passés pour en arriver là, même si de l’extérieur, ça a pu paraître facile. La musique est quelque chose de spirituel, un truc inexplicable par les docteurs ou les scientifiques, tu aimes ou tu n’aimes pas, tu vois.

Est-ce qu’il a toujours été facile de faire la balance entre l’amusement et le business, dans ta musique ?
Ça a toujours été une lutte parce que ce n’est pas seulement qu’un travail… Même si en fait, ça en est un à temps complet. Mais la musique est un art avant tout. J’ai eu des petits boulots dans le passé, mais ça ne ressemblait pas du tout à ça (rire). La musique est un travail que tu aimes… parfois tu le détestes aussi, mais tu fais au moins ce que tu aimes.

 
SOULFLY – Conquer
Roadrunner Records


Site : www.soulflyweb.com

Myspace : www.myspace.com/soulfly