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Dire que le nouvel album des Bayonnais de Gojira est attendu est un doux euphémisme ! D'ailleurs, un album d'un groupe de Metal français n'a-t-il été jamais été aussi attendu, que ce soit chez nous ou à l'étranger ? Si vous êtes de fidèles lecteurs de Metal Obs' et de Noiseweb, vous savez déjà que nous soutenons ce groupe depuis ses débuts. On se souvient bien des paroles de notre collègue Pierre-Antoine, qui, il y a des années, n'arrêtait pas de nous dire que GOJIRA serait le prochain gros truc ! Nous, on lui disait oui pour lui faire plaisir. Or, 10 ans plus tard, voilà que Gojira est devenu le groupe à la mode. Alors, évidemment, ce statut entraîne une certaine pression pour le groupe, qui en est bien conscient mais qui suit sa ligne directrice. Nous avons interrogé Mario Duplantier, batteur de son état, afin qu'il nous en dise plus sur la nouvelle bombe nucléaire française, dont la déflagration va être ressentie partout...

Interview à paraître également dans le METAL OBS' n°23 d'Oct. 2008

 Entretien avec Mario Duplantier (batterie) – Par Geoffrey & Will Of Death
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Il y a toujours eu une grosse attente pour Gojira, et ce, depuis le premier album, mais depuis deux ans, c’est vraiment l’explosion. Tu te sens comment à quelques semaines de la sortie du disque ?
Je suis plutôt serein et prêt à entendre les critiques, que ce soit positif ou négatif. J’espère juste que l’album va cartonner sans avoir toutefois d’attentes particulières. Je suis content de l’album ; c’est d’abord ce qui compte. Maintenant, je conçois que l’album pourra dérouter un peu. C’est plus de la curiosité en fait, voir comment les gens vont réagir. Je ne suis vraiment pas stressé par contre.

Avec le recul, tu arrives à t’expliquer toute cette attente et l’engouement qu’il y a autour du groupe ?
Il y a plusieurs raisons. D’abord, je pense qu’il y a une part d’aléatoire, d’abstrait si tu veux, dans tout ça : on ne maîtrise pas vraiment ce qui fait que les gens aiment Gojira, pourquoi nous et pas un autre groupe ? Maintenant, ce qui est sûr, c’est nous avons toujours bossé au maximum nos concerts, nos disques, tout en étant bien vigilants pour rester intègres dans ce qu’on faisait. C’est clair que le live a été beaucoup travaillé pour le son, les lumières, la présence sur scène : on s’est dit qu’il fallait essayer de mettre la barre haute pour pousser notre art au maximum. Le travail a fini par être récompensé, notamment à l’étranger où nous sommes arrivés comme un groupe complètement nouveau mais qui avait déjà de l’expérience. Ça fait 12 ans que nous existons et nos 10 premières années se sont passées dans notre région puis en France, très peu en Europe. Quand nous sommes arrivés aux USA par exemple, les mecs ont vu un groupe qui avait donc déjà 10 ans d’âge. Les gens ont pu constater que nous avions déjà de l’expérience.

C’est impressionnant quand nous interviewons des groupes américains : ils nous parlent toujours de Gojira quand ils se rendent compte que nous sommes un média français. Ça a commencé il y a deux ans avec le chanteur de Chimaira d’ailleurs…
C’est super ! Il y a un côté mystérieux là-dedans mais je ne suis pas dupe : il y a certainement aussi un effet « à la mode » autour de nous. On rencontre aussi beaucoup de musiciens qui nous apprécient. On garde cependant la tête froide car notre priorité reste de faire de bons albums avant tout. On verra bien : le phénomène de mode grossira encore cette fois ou s’estompera… 

Tu ne t’es pas dit à un moment, que toute cette exposition, ce n’était pas un peu trop ? Impossible d’ouvrir un magazine ou un site web sans entendre parler du groupe…
Oui mais au final, on reste quand même dans le Metal, un milieu marginal par définition. On n’est quand même pas Tokio Hotel ou Madonna ! On reste underground et on essaie de notre côté de garder du recul par rapport aux médias bien que personnellement, je m’intéresse beaucoup à ce qui se dit sur nous. On n’est quand même pas du genre à se précipiter pour aller acheter tout ce qui sort : je suis certain qu’on n’a pas vu tout ce qui a été dit sur nous. On sait comment prendre du recul par rapport à tout ça, je préfère voir le côté positif. Même ceux qui polémiquent sur nous créent de l’attention sur le groupe, ce n’est donc pas si négatif que ça.

Il y a aussi parfois pas mal de jalousie, je pense.
Oui, ça fait partie du jeu, des règles humaines. Ça ne nous inquiète pas du tout ; ce qui compte encore une fois vraiment, c’est que nous soyons en accord avec nous-mêmes. On s’est quand même fait un peu oublier en allant jouer à l’étranger.

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Oui, du coup, certains ont râlé en disant que vous oubliiez la France (rire) !
Oui, c’est sûr (rire). Mais je défie quiconque de pouvoir être partout en même temps. Il fallait tout faire pour essayer de percer à l’étranger et nous avons bossé pour. Mais que les gens se rassurent, on aime toujours notre pays ! Ces gens pourraient aussi relever le fait qu’on en profite pour mieux faire connaître la France dans le milieu Metal international. Ça va même plus loin puisqu’aux USA, certains ne savaient même pas où se situait la France en tant que pays (rires) ! Si ça se trouve, on sert aussi les intérêts de notre pays (rires) ! Vous pouvez me croire, on n’hésite pas à dire que nous sommes français et on en profite pour faire la promo de notre scène Metal quand nous sommes à l’étranger, en parlant de plein d’autres groupes.  

Parlons un peu de ce nouvel album. Ça a été facile de se remettre à composer après un album aussi énorme que From Mars To Sirius ?
Euh, ça a été dur compte tenu de la fatigue physique et psychologique engendrée par les tournées. Au départ, on avait plus envie de faire autre chose que du Metal. Mais un gars est venu nous dire qu’il fallait vite se remettre au boulot pour un album qui sortirait en septembre. On a donc été un peu contraints dans la compo mais finalement, je pars du principe que tout ce qui arrive a une relation de cause à effet. Comme on a été contraints de s’y remettre vite, l’album a un côté plus sombre car nous avons du sortir des trucs de nous un peu dans l’urgence. Donc, pas facile au début mais très plaisant à faire car nous avons changé nos réflexes, nos mélodies : on avait besoin de nouveauté car nous étions un peu gavés par les chansons que nous avons jouées des centaines de fois sur les tournées. Trouver de nouvelles sonorités et de nouvelles approches a été plaisant, on s’est quand même bien éclaté. Après, on l’a vraiment fait à deux cet album, Joe et moi. Les autres n’ont quasiment jamais été là. On a beaucoup travaillé par maquettes du coup, où Joe jouait deux guitares et la basse, moi, la batterie. C’est la première fois que nous fonctionnions comme ça tout simplement parce que Jean-Michel et Christian étaient cramés par les tournées et voulaient se reposer. Il n’y a pas eu de souci à ce niveau, je tiens à le préciser, du fait que Joe et moi sommes très complices et que nous avons toujours été les compositeurs principaux de Gojira. Finalement, c’est pas mal un album des deux frères, ouais…

Rien n’était composé sur la route ?
Non, c’est trop compliqué. On a quand même essayé mais on n’arrivait pas à mettre d’énergie dans les compos car nous devions jouer le soir et que les conditions dans les tour-bus ne sont vraiment pas idéales pour créer. On a besoin d’un certain confort pour créer de la musique ; du coup, on s’est enfermés 4 mois dans notre local de répètes, du 20 novembre au 20 mars en gros, avec de petites coupures quand Joe a bossé avec Cavalera Conspiracy. Les prises ont commencé le 1er avril. Je peux te dire que faire 13 morceaux en 4 mois, c’est difficile sachant que chaque morceau doit être bon. Je trouve que nous avons été pas mal inspirés finalement.

Tu me disais que les gens allaient peut-être être surpris mais ça reste du Gojira quand même…
Oui, évidemment mais le début de « A Sight To Behold » pourra dérouter les gens, par exemple. Ceci dit, on a abordé ce titre de manière très naturelle : on avait un clavier qui traînait dans le local que j’avais acheté l’an dernier (je m’en sers pour montrer des mélodies à mon frère vu que je ne joue pas de guitare) et on aimait bien le son que ça dégageait. Du coup, on a créé cette mélodie et ce groove de départ. On s’est dit : « pourquoi pas mais à condition que ça reste cohérent avec notre style » ? Quoique l’on tente, on doit rester Gojira, c’est important pour moi. Ce genre de son electro, on ne l’a pas pensé, c’est venu très spontanément. Sur « The Art Of Dying », j’ai tenté aussi un nouvel exercice batterie mais qui reste dans notre couleur musicale. Quand je dis « dérouter », je devrais donc rajouter « un peu »…

« Vacuity », comme premier morceau dévoilé, ça nous a un peu surpris aussi, maintenant que nous avons pu écouter le reste de l’album.
Oui, ben, nous aussi (rires) !

Pourquoi, ce n’est pas vous qui l’avez choisi ?
Si, mais en fait, on ne savait pas par quoi commencer. Pour moi, chaque morceau de cet album a son propre univers ; il n’y a pas de morceau emblématique. « Vacuity » permet de révéler une des facettes de l’album, à savoir le côté introspectif et sombre, tout en étant groovy. En fait, on voulait aussi créer un peu la polémique, que les gens s’inquiètent en écoutant ce titre : « Ouais, il est où le blast ? Elles sont où les double-pédales ? ».

C’est peut-être l’album qui nécessite le plus d’écoutes pour bien rentrer dedans…
Ça m’est arrivé d’avoir une sorte de répulsion pour certains albums que j’ai pu écouter et après plusieurs écoutes, bien rentrer dedans. Notre album nécessite, je pense, ce genre de patience. Peut-être moins accrocheur d’entrée de jeu, ouais…

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Une bonne surprise aussi, avec Randy Blythe en ouverture de « All The Tears »…
Oui, c’est un clin d’œil au travers d’un morceau qui détonne un peu par rapport au reste de l’album. C’est un morceau un peu plus évident, quasiment dédié à Randy. Ce n’est pas un véritable morceau de Gojira.

Et du coup, y a 300 groupes américains jaloux de ne pas avoir participé à l’album !
Ah ah… ouais mais en même temps, c’est avec Lamb Of God qu’on a nourri la plus grande complicité. Ils nous ont vraiment filé un gros coup de boost pour nous introduire sur le marché américain ; c’est un juste retour des choses.

On a interviewé le gratteux de Lamb Of God en juin pour leur DVD, il ne tarissait pas d’éloges pour vous…
Ah ouais ? Ah, ça fait vraiment plaisir !

Oui, c’est vraiment impressionnant, c’est partout ! On a interviewé le big boss de Metal Blade pour les 25 ans du label. Pour lui, la France, c’est Gojira !
He he he. Enorme. On a par exemple rencontré les mecs de Mastodon, d’Overkill, plein d’autres, et c’est vrai qu’à chaque fois, ils nous glissent un petit mot sympa. Donc, c’est vrai qu’on s’en rend compte et c’est vraiment génial.

Faut dire que pour passer derrière vous en live, le groupe a intérêt à être bon…
Ouais, bon, enfin… On est très perfectionnistes pour la scène ; on a fait 70 / 80 concerts aux USA et on s’est impliqué de la même manière à chaque fois pour que ce soit nickel en donnant le maximum de nous-mêmes, du son, en bougeant à fond sur scène. Dès qu’on monte sur scène, on sait qu’on peut peut-être choquer quelqu’un dans le bon sens et on ne perd jamais ça de vue. Faut que ça reste un moment fort.

Bon, on vous a vus parfois en tête d’affiche, mais on vous a vus aussi jouer avant Eths par exemple, à Strasbourg ou avant d’autres groupes à Anvers pour le DeathMetal.be fest… Euh, ça a ramé un peu derrière, quand même (rires) !
Oui, bon, le problème, c’est que je n’ai jamais vu Gojira en façade ! C’est ça le problème (rires) !

On a parlé de la musique mais vos thèmes ont toujours été assez forts. De quoi ça parle cette fois ?
C’est Joe qui écrit les textes donc j’ai du mal à en parler mais cette fois, il a plus parlé des notions de mortalité et d’immortalité. En gros, Joe semble se poser des questions sur la mort, ce qui se passe après, l’existence de l’âme, la vie après la mort… Il y croit. Il a vu une conférence d’un moine tibétain qui l’a beaucoup marqué et il est entré dans un questionnement personnel. C’est la seule chose qui l’ait inspiré pour cet album. Il en avait presque besoin. Ça reste quand même très existentiel. Il y a cependant des textes un peu plus concrets, pas vraiment politiques mais où il se demande ce qu’on fait de nos vies. Le débat sur l’écologie reste présent, où Joe décrit un tableau alarmiste sur le ton de la colère, sans juger, sur 2 ou 3 titres. « Je vois ça, je constate ça mais je ne le supporte pas » ! Dans nos textes, il y a quand même une pointe d’optimisme à la fin. On dit qu’on peut quand même essayer de s’en sortir car Joe est un mec serein, pas vraiment angoissé (NdeWill : pas comme Geoff, quoi… lol)...

Quelles sont vos attentes ?
On a surtout hâte de travailler notre nouveau set, de créer une nouvelle ambiance de concerts, changer les diapos de fonds, mettre de nouvelles vidéos d’arrière-plan. Notre visuel est important aussi. Joe a dessiné la pochette, j’ai fait des dessins aussi dedans, ma sœur a également pris des photos : cet univers pictural riche peut donc être développé en live. On veut donc développer un show qui dépasse le classique backdrop derrière la batterie.

Justement, ça nous ramène à Maciste Aux Enfers… On va le voir quand ce film ?
Quand on aura le temps et l’argent ! On veut absolument tout refaire pour le sortir, que ça soit un album de Gojira à part entière. On l’a joué deux fois de suite, un soir, à Bordeaux et je n’avais pas été totalement satisfait. On se doit de proposer un truc parfait. 

Du coup, c’est le bootleg culte que tout le monde cherche !
Oui, effectivement.

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Parlons un peu de toi. La première fois que tu as entendu un disque de rock, petit, c’était quoi ?
Ma mère écoutait Tina Turner à la maison mais je dirais que c’est Queen qui m’a marqué en premier, vers 11 ans, avec « Another One Bites The Dust ». C’est la première chanson qui m’a fait tendre l’oreille alors qu’avant, je n’en avais rien à cirer et que je ne jurais que par le sport. Très vite après, j’ai découvert Metallica. Ça a été un vrai déclic.

Quand as-tu eu envie de faire de la musique ?
Très vite après, vers 12 ans. Joe avait déjà un groupe de heavy-punk qui s’appelait P4 et la première fois que j’ai entendu les répètes, j’ai dit que je voulais aussi faire de la musique. J’ai alors pris des baguettes chinoises et je me suis mis à taper sur des seaux (rires). Je voulais faire comme mon grand frère en fait.

Ensuite, beaucoup de travail, je suppose.
Oui, 4 ans en autodidacte et ensuite, j’ai pris des cours en parallèle de Godzilla (groupe pré-Gojira – NDLR). Ceci dit, dès 12 ans et demi, j’ai fondé mon propre groupe et comme on voulait faire du Sepultura, du Machine Head et du Death, très vite, il a fallu bosser fort car la barre était haute ! J’ai du me mettre très vite à la double grosse caisse ; dès mes 13 ans, je ne pensais plus qu’à ça (rires). Je savais que ça allait être mon truc ; il n’y avait plus rien d’autre qui comptait. Dans le local de répètes, j’étais déjà un vrai tyran perfectionniste à 13 ans (rires). Je voulais que tout soit parfait. Quand j’ai eu 14 ans, Joe m’a embauché pour fonder un nouveau groupe, qui est devenu Gojira par la suite. On avait la même exigence.

Le fait de vouloir en faire votre vie, ça a été accueilli comment par vos proches ?
Très naturellement parce que nos parents sont plutôt artistes et ne nous ont rien imposé ni demandé. Ils disaient que créer, être un artiste, c’était bien et nous ont toujours encouragés. Ils ont quand même tenu à ce que l’on ait notre Bac (moi, ce fut Bac littéraire) et à partir de là, on avait rempli le contrat, on a pu faire ce qu’on voulait.

Alors, la suite du groupe, là, ce sont les concerts qui redémarrent ?
Ce que vous voyez sur le Myspace, jusqu’au 10 décembre, ce n’est qu’un quart de ce qui va réellement se passer (rires). On est parti pour un an non-stop quasiment. C’était notre rêve de pouvoir sillonner les routes du monde entier alors on ne se pose pas de question même si la cohabitation H/24 est parfois dure, tout comme être loin de nos familles et de nos copines. Mais c’est notre vie maintenant et il y a des concessions à faire. C’est quand même super de pouvoir voir le Monde grâce à notre art. On se prépare donc à fond pour être les plus solides possibles. On a encore beaucoup de boulot pour être connus partout.

Bon, et bien,  comme je sais que vous étiez en train de répéter, je ne te retiens pas plus longtemps. Merci beaucoup pour ton temps et bonjour aux autres !
Merci à vous, on ira chercher le Metal Obs’ d’octobre à la Fnac de Bayonne. Ciao…

 


GOJIRA – The Way Of All Flesh (13 oct.)
Listenable Records


Site : www.gojira-music.com

Myspace : www.myspace.com/gojira