Cradle Of Filth

Sans s’être réellement transformée, la musique de Cradle Of Filth avait muté vers le thrash et le groove, en se simplifiant un peu pour plus d’impact. Comme d’habitude, certains n’avaient pas compris, ne retrouvant plus la force, l’emphase et la froideur des premières productions du groupe. Peut-on parler d’un retour aux sources avec ce nouvel album,  Godspeed On The Devil’s Thunder ? La réponse est oui, et le groupe anglais n’a jamais, depuis bien longtemps, autant retrouvé ce côté symphonique, ce romantisme sombre. 

Interview parue également dans le METAL OBS' n°24 de Nov. 2008

 Entretien avec Dani Filth (hauting vocals from beyond) - Par Geoffrey
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Te souviens-tu quand tu as eu l’idée d’écrire un nouveau concept album ?
Je peux même te dire exactement quand. On avait à peu près 5 idées de morceaux ou du moins, le squelette de 5 chansons déjà composées. Et on s’approchait de Noël, je voyais déjà le temps passer et je me suis dit : « Oh merde, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ?». J’étais donc chez moi, je réécoutais encore et encore les chansons pour y trouver un lien entre elles, et cela m’a rappelé l’histoire de la comtesse Bathory. Je suis donc allé fouiller dans mes notes de l’époque, là où je notais et gardais toutes mes recherches sur elle et il y avait aussi des écrits sur d’autres personnes à l’esprit pervers, dont Gilles de Ray. A l’époque, j’avais un peu laissé tout ça de côté, car cela n’avait rien à voir avec l’histoire de la comtesse. Mais je me suis rendu compte qu’il était tout aussi intéressant qu’Elisabeth Bathory, dont d’ailleurs j’étais amoureux à l’époque (rire). Bref... Et je me suis donc encore plus documenté sur lui, car son histoire était passionnante...

Oui, je suppose que ce n’est pas le fait qu’il ait combattu aux côtés de Jeanne d’Arc pour bouter les Anglais hors de France qui t’a le plus attiré...
(rire). Non, c’était vraiment un esprit tordu.

Peux-tu présenter un peu plus Gilles de Ray à nos lecteurs allergiques à l’histoire de France ?
(rire). Je dirais juste : « faites des recherches sur Wikipedia, sur Internet » (rire)

(rire) C’est exactement ce que j’ai fait en préparant cette interview !
Gilles de Ray était un vrai patriote, et compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. Comme tu l’as dit, il a combattu l’Angleterre à ses côtés, le salaud (rire). Mais je pense qu’il était amoureux d’elle. Pas physiquement, mais plus de ce qu’elle était, à savoir le plus proche de Dieu que tu puisses être. A sa mort, il a commencé à dépenser toute sa fortune dans des fêtes, puis s’est retiré et a commencé à expérimenter ses talents d’alchimiste. Dans un premier temps, et très basiquement, en essayant de transformer des métaux en or, pour restaurer sa fortune. Il n’a jamais réussi, mais étant quelqu’un de très orgueilleux, il a transformé son art pour invoquer les démons. Il avait gardé de la guerre un amour pour la violence...

Cradle Of Filth

Oui, et il en a aussi profité pour expérimenter sur des enfants...
Il se sentait investi d’une mission depuis la mort de Jeanne d’Arc, et ce sont des enfants et des adolescents qui en ont fait les frais. Il fut arrêté pour cela, et excommunié, c’est-à-dire banni du paradis. Il s’est repenti, et fut enterré à sa mort dans la tradition chrétienne... Mais l’histoire est plus intéressante que ça ; cette plongée dans la violence, la haine, la folie, est passionnante, et nous nous sommes plus focalisés sur la deuxième partie de sa vie. C’est fascinant : il a été l’un des hommes les plus riches de France, il a combattu aux côtés de Jeanne d’Arc, a été un héros de guerre. C’était en plus une sorte de playboy aristocrate, il a kidnappé, torturé, tué... Il a communié avec Dieu, puis le Diable, avec lequel il a trafiqué, comme pour s’offrir un passeport vers autre chose. C’était un homme de tous les extrêmes...

Comme tu peux l’être parfois ?
Je ne pense pas aller aussi loin que lui (rire). Je suis normal des fois. Le mardi souvent (rire). Non, plus sérieusement, nous sommes un groupe extrême, et nous ne jugeons pas ou ne donnons pas notre avis, on relate juste ici un conte de fée morbide.

C’est le troisième concept album pour le groupe. Quelles sont les plus grosses difficultés dans ce genre de challenge ?
Je ne sais pas par où commencer... C’est vraiment un très grand challenge, et j’aime ça. Le plus dur est d’avoir 13 chansons qui n’en font qu’une, avec un fil conducteur, que tout reste cohérent. Mais aussi, il est important que les chansons réussissent aussi à pouvoir être séparées des autres et garder leur impact. Beaucoup de groupes essayent de faire des concepts album, et les 3/4 du temps, je me gratte la tête en me disant : « What the fuck, qu’essayent-ils de dire » ? Nous avons écrit une histoire. Tu peux lire les paroles sans même écouter la musique. Il y a une vraie progression dans l’album. Il devient plus sombre, plus agressif au milieu.

Mais pour la musique, cela influence-t-il l’écriture ? Comme tu l’as dit, vous aviez déjà 5 chansons déjà composées pour ce disque...
Oui, pour ces morceaux, nous les avons un peu modifiées pour suivre le concept au plus proche. Avant d’entrer en studio, aucune chanson n’était réellement finie, elles sont donc passées par différentes versions avant qu’elles ne conviennent vraiment.

Cradle Of Filth

Si tu devais comparer la musique de ce disque, par rapport aux précédents ?
Non, ça c’est ton boulot normalement (rire)

(rire) Oui je sais bien, mais tu peux m’aider (rire) !
Nous essayons toujours de faire des albums qui ne se ressemblent pas.  Nous essayons toujours de surprendre les gens. Je dirais que la grosse différence se passe au niveau des orchestrations, très présentes dans ce nouvel album. Il y a beaucoup d’orchestrations très cinématographiques. L’album est rapide, avec certainement les morceaux les plus rapides que nous n’ayons jamais composés, comme par exemple le morceau titre de l’album, « Godspeed On The Devil’s Thunder ». Ce nouveau disque est plus monumental. Thornography était plus commercial, plus rock. Un autre aspect de Cradle Of Filth en fait. Ce nouveau disque est plus fort, un disque avec lequel nous allons grandir.

Gilles de Ray était français, cocorico, mais surtout, il y a toujours eu un lien très fort entre la France et le groupe...
Je ne peux pas l’expliquer. C’est vrai que notre dernier DVD a été enregistré à Paris, mais là, c’était presque du hasard, c’était les deux concerts de suite qui concluaient la tournée. Comme ça, si on se plantait le premier soir, on pouvait se rattraper le deuxième (rire). Je pense que la France a été un des premiers pays à accueillir le groupe.

Cradle Of Filth est très populaire. Comment expliques-tu cet engouement ? Qu’est-ce que les gens trouvent chez vous qu’ils ne trouvent pas ailleurs ?
Je ne sais pas. Je suspecte qu’avec des albums comme ce nouveau, l’artwork... Tiens d’ailleurs, tu l’as déjà vu ou pas ?

Non, pas encore, moi j’ai le blanc, l’exemplaire promo (rire)
Il est pas mal aussi non ? (rire). Bref, il est très bien illustré, avec toutes les paroles, des photos en relation avec l’histoire. Je pense que Cradle Of Filth est plus un mode de vie, une façon de décharger ses haines.

Cradle Of Filth

Et comment vois-tu cette progression du groupe ?
C’est assez dur à dire, car je suis au milieu de tout ça...

Une fois de plus, tu vas dire que c’est mon boulot (rire) !
Oui (rire). Je ne peux pas juger, je ne suis pas neutre. J’aime ce que je fais, j’adore Cradle Of Filth, et les gens aussi, de plus en plus. Je sais que les nombreux changements de line up ont un peu déstabilisé les gens, mais c’est peut-être aussi grâce à ça que nous avons toujours pu proposer quelque chose de frais et de nouveau.

Ça te plaît que les gens voient encore en Cradle Of Filth un groupe de black-metal ?
Oui, je m’en moque. Les gens peuvent nous classer comme ils veulent.

Mais t’intéresses-tu encore à la scène black-metal ?
Je pense que nous étions vraiment un groupe de black-metal à nos débuts, mais que nous avons évolué...

Vous avez un peu changé la face du black-metal avec vos premiers albums...
Peut-être. Mais tu sais, les gens aiment bien nous rappeler aussi que nous ne sommes pas assez «true». Mais je m’en moque.




CRADLE OF FILTH – Godspeed On The Devil’s Thunder
Roadrunner Rec. / Warner


Site : www.cradleoffilth.com

Myspace : www.myspace.com/cradleoffilth