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Voilà bien une interview à marquer au fer rouge. Ce genre de rencontre qui n’arrive que très rarement. Un moment de trip dans l’espace procuré par deux musiciens complètement déconnectés mais diaboliquement sympathiques et dotés d’un humour noir typiquement anglais. L’amour comme du sang, voilà la relation qu’a Killing Joke avec ses fans et l’humanité toute entière. Les aficionados sauront saisir la référence.

Interview à paraître également dans le METAL OBS' n°25 de Déc. 2008

 Entretien avec Jaz Coleman (Chant) et Youth (Basse) – Par Pierre Antoine
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Puisque tout le monde est prêt, allons-y, première question...
Jaz : Ta gueule, c’est moi qui pose les questions... Youth, peux-tu nous parler de tes croyances, de leur importance dans ta vie, des chiffres et de leur poids mystique ?
Youth : Je suis dans ce que j’appellerai une croyance des chiffres purs et je suis un peu dans la kabbale, ce genre d’idées mystiques. Mais l’approche des nombres purs est la métaphore la plus évidente de ce qui te rapproche de l’univers. Je suis vraiment dans ça.
Jaz : Magnifique. Peux-tu nous décrire, si tu t’en souviens, cette drôle d’expérience que tu as eu sur scène avec Geordie à Reading...
Youth : Ah, le winetap... Pour moi, c’est que qui arrive parfois sur scène. Le Grey Art (NdPA : allez savoir s’il parle de la couleur grise ou de la roche...) ouvre l’esprit sur les mystères de l’univers. Et je pense que la musique est la base de tout ça. Et quand tu as un groupe, tous ses membres deviennent donc omnipotents. Car parfois quand la musique est calme et que l’énergie coule, tout le monde est synchronisé, toutes ces choses se mixent...
Jaz : (le coupant...) décris ton expérience.
Youth : (ne s’arrêtant pas)... tu peux pénétrer le temps. Tout s’arrête et apparaît en slow motion. Tu captes tout et tout d’un coup, le temps réel revient d’un coup. Le truc, c’est que je croyais que j’étais le seul à vivre ça mais en fait, tout le groupe et le public étaient dans la même situation. C’est parce que notre public est tellement en symbiose avec nous, tout était là au bon moment, les éléments étaient réunis pour que nous soyons tous en communion. Et dans le Grey Art, tu peux aussi avoir ce genre d’expérience, peut-être plus shamanique, mais l’art peut vraiment te transporter dans un espace sans temps et te transcender même si nous sommes tous pris dans la montagne russe de notre vie.
Jaz : (l’applaudissant) bravo, bravo, c’est magnifique... Maintenant, je peux sortir mon herbe... Bon, en tout cas, maintenant, tu peux poser tes questions, enfin ta question. Il n’en reste plus qu’une, alors choisis bien... (NdPA : Jaz nous sort à ce moment-là son rire de Joker incomparable...)

Killing Joke

Bon, et bien, ça va être court alors. Pouvez-vous quand même nous dire d’où vous est venue cette idée de reformer le line-up originel et de faire cette tournée de 2 dates par ville, la première pour les premiers albums et la seconde pour jouer Pandemonium...?
Jaz : Pour être honnête avec toi, ce n’était pas notre idée. Quand on s’est mis à répéter, chaque membre du groupe voulait faire quelque chose de différent. L’un voulait faire un nouvel album, l’autre voulait répéter 5 heures de musique, une autre voulait fumer et se bourrer la gueule... Bref, personne ne voulait la même chose.
Youth : On s’en fout, tu sais. (Rires). Vous ne vous en rendez pas compte mais vous avez 4 groupes différents sur scène. Nous ne jouons pas tous la même musique mais ensemble, ça donne un type de musique. (rires). Nous ne nous entendons jamais sur rien.
Jaz : Nous nous entendons sur les idées mystiques qui nous réunissent.

Mais pourquoi avez-vous décidé de refaire de la musique ensemble ?
Youth : C’est notre agent qui a décidé ça, pensant qu’on pouvait se faire pas mal de pognon...

Non, je n’y crois pas...
Youth : ...mais c’est vrai...(rires).
Jaz : En fait, ça vient d’un mec qui pleurait pour qu’on fasse ça avec le line-up originel. Paul était motivé, Geordie était ok. Le line-up originel n’est pas parfait mais il y a une telle magie, vraiment. Avec ce line-up, chaque chanson est différente à chaque fois qu’on les joue. (NdPA : Jaz refaisant son rire de joker...) Et c’est vrai...
Youth : C’est la combinaison de nos différences qui fait notre force...
Jaz : Et le but de Killing Joke n’est pas juste la musique...
Youth : C’est même tout le contraire.

Et comment avez-vous choisi les albums que vous alliez jouer, alors ?
Jaz : On ne les a pas choisis... Ce n’est pas nous non plus. Mais nous avons salué le projet qu’à partir du moment où nous pouvions le faire comme on le souhaitait.
Youth : Et puis, nous n’avions pas de nouveaux morceaux, donc c’était plus simple aussi... De plus, c’est intéressant de voir comment ces anciens morceaux résonnent encore aujourd’hui. Et je n’avais pas vu à l’époque à quel point ces albums étaient forts.
Jaz : Tu sais que Paul (Ndlr : Raven, décédé il y a peu) aurait du jouer sur Pandemonium, mais bon... et puis merde, paix à son âme. Sincèrement.
Youth : Pour en revenir à la musique, c’est intéressant de jouer actuellement ces anciens morceaux. Nous n’avons jamais vraiment été strictement un groupe de rock.
Jaz : Nous sommes un groupe de dance music...
Youth : Mais nos morceaux les plus durs se marient bien avec les premiers...

Donc il semblerait que vous soyez pleinement satisfaits de vos anciens morceaux. Vous ne changeriez vraiment rien avec le recul ?
Youth : Je n’en étais pas très satisfait à l’époque. Je pensais qu’on aurait pu mieux faire. C’est aujourd’hui que nous trouvons nos morceaux de l’époque bien meilleurs que par le passé... Ils sont plus percutants.
Jaz : Oui, tout à fait.
Youth : A l’époque, on voulait faire quelque chose de spécial, d’étrange et on n’avait pas de recul sur notre musique. Aujourd’hui, nos morceaux ont plus de sens. Nos paroles ont tellement plus de sens aujourd’hui que par le passé...

Killing Joke    Killing Joke

Justement Jaz, tu chantais sur Pandemonium : “Je peux voir demain, je peux voir le monde à venir...”
Jaz : Oui je suis damné, j’ai eu des sentiments sur le futur et occasionnellement des visions.

Et les visions que tu as eues se sont-elles révélées vraies ?
Malheureusement, oui. Tout ce dont nous parlions à l’époque s’est révélé vrai, cruellement vrai. Il y a la faim dans le monde, des gens dans la rue, la guerre. Trop de richesse est concentrée dans peu de mains et trop de pauvres meurent de faim. C’est une putain de honte. Notre modèle de société est répugnant.

Et que vois-tu maintenant ?
Un lac, faire de la pêche, du soleil et le repos complet...(rires). Je vois une vie magnifique, la tranquillité et la paix... Tout le monde est invité...et merde !!! (NdPA : il arrive à ce moment un petit incident à Jaz que nous ne pouvons révéler dans ces lignes mais disons juste que le contenu de sa “cigarette” a eu des méfaits sur son pantalon...).
Youth : Tu sais, nous devrions tous être plus ouverts sur ce qui se passe autour de nous afin de faire bouger les choses. Il y a des communautés qui créent leur propre réalité et ne se soumettent pas. C’est la solution pour se reconstruire. En étant à l’écoute de la tectonique des forces de la nature, des saisons, du temps, des endroits, de l’énergie qui nous entoure, nous pouvons nous re-connecter dans le cycle naturel de la vie. Retrouver le vrai sens de la beauté. Ces fonctions sont primordiales et nous les avons oubliées. Ce ne sont que des énergies naturelles. Je pense que nous avons beaucoup à apprendre de la façon dont nous vivions par le passé. Pour aller de l’avant, il nous faut regarder en arrière.
Jaz : Tu penses que ce genre de personnes qui créent leur propre ferme écolos peuvent sauver le monde et surtout la crise alimentaire...?
Youth : Oui, c’est essentiel que ce genre de choses existe. Nous devons créer de nouvelles communautés et nous ouvrir à nouveau sur le monde. Cela ne veut pas dire que tout le monde doit quitter la ville pour aller à la campagne et créer sa ferme mais chacun doit agir pour le monde, notre monde. Nous avons une belle vie, il faut la préserver et changer de morale. Nos valeurs doivent être réévaluées. Tu sais, ce sont des idées qu’on trouvait ridicules il y a 20 ans mais qui sont aujourd’hui la mode. Le changement est en train d’arriver, j’en suis convaincu.
(NdPA : C’est à ce moment que le tour manager nous interrompt pour une autre interview. Jaz, un peu désolé de ne pas m’avoir laissé poser mes questions, se confond en excuses).

Bon une petite dernière vite fait : Jaz, il semblerait que vous rééditiez votre live ? The Original Unperverted Pantomine...?
Non je n’ai jamais entendu parler de ça...

Tu n’es pas au courant ?
Ce n’est pas que je ne le suis pas, c’est que ce titre n’est qu’une façon dont nous nous faisons appeler. C’est tout. Mais nous avons commencé à composer. Je vais rejouer du clavier comme à nos débuts mais ne dites rien car le claviériste n’est pas encore au courant... (rires). C’est la vie...(rires).


Myspace : www.myspace.com/killingjokeofficial