LORDI

Lordi arrivera-t-il à se sortir un jour de l’Eurovision ? Il serait dommage de cantonner le groupe à une simple foire qui faillit provoquer une attaque cardiaque chez Michel Drucker, tant le groupe s’efforce depuis des années à imposer son heavy-metal atypique. Toujours masqué, et plus remonté que jamais, le groupe revient avec un album plus fouillé, moins "commercial", mais tout autant efficace.  

Interview à paraître également dans le METAL OBS' n°25 de Déc. 2008

 Entretien avec Lordi (vocaux) – Par Geoffrey & Will Of Death
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Comment se passe la promo ? Pas trop d’interviews ?
Oh, beaucoup trop (rires) ! Un exemple de notre quotidien : nous étions supposés répéter aujourd’hui et en fait, on a passé plus de deux heures à signer des autographes pour la pochette de notre album, pour les fans chanceux… Donc, ne parlons même plus de répéter (rires) !

Deux ans après sa sortie, comment vois-tu l’album Arockalypse ?
Excellent ! Je n’ai vraiment honte d’aucune de nos sorties précédentes. Je pense que tout artiste qui se respecte ne sort pas du studio d’enregistrement tant qu’il n’est pas totalement satisfait de ce qu’il a entre les mains ; je suis donc encore très fier d’Arockalypse.

Et bien sûr, le nouveau est meilleur (rires) !
Oui, c’est sûr, tu as parfaitement résumé la situation (rire) ! Je ne sortirai jamais du studio si je n’avais pas la sensation d’avoir amélioré les choses. Le temps nous dira si les gens et les journalistes pensent que c’est notre meilleur album mais je suis sûr que nous progressons à chaque fois.

Tu n’en as pas marre des journalistes qui à chaque fois que tu fais une interview, ne te parlent que de l’Eurovision ?
Oh fuck yeah, mec, tu n’as même pas idée ! Le paradoxe dans tout ça est que nous avons toujours été un groupe de rock ou de heavy-rock, si tu veux, et que notre victoire à l’Eurovision a ouvert pas mal de portes, en secouant un peu toute cette mièvrerie ambiante. Mais en même temps, nous sommes vus maintenant par certains comme un groupe mainstream. Il y a eu plein de trucs faux écrits sur nous et l’Eurovision nous a transformés en célébrités, pas en rockeurs qui essaient de jouer dans leur groupe… C’est l’histoire de toute une vie maintenant et quoique l’on fasse, dans les pays scandinaves, on doit se produire en tant que tête d’affiche maintenant alors que parfois, on aimerait bien poser notre cul chez nous et ne rien faire. Le mauvais côté de l’Eurovision est que l’on ne peut plus contrôler ce qui est dit sur nous dans les médias, car ça a été une vraie explosion. Par exemple, notre nouvel album sort et j’ai fait une interview récemment avec je ne sais plus trop qui, et le mec n’a fait que de me poser des questions sur moi, sur ma femme, ma baraque, sur ce que je fais de mes journées, etc… A la fin, je dis quand même au mec : « dis-moi, tu es quand même au courant qu’on a un nouvel album qui sort ? ». Et là, le gars me répond « oh, je suis désolé, quelles questions je pourrais bien te poser sur cet album ? » (rire). Le mec n’en avait rien à cirer du nouvel album et du coup, dans ce genre de presse, les histoires et rumeurs se répandent à vitesse grand V ; ça parle de tout sauf de musique et du nouvel album !

Pour certains médias, tu ne seras jamais que le vainqueur de l’Eurovision…
Oui, c’est vraiment gonflant. Merde, on existait avant l’Eurovision et nous continuons notre truc après… Plein de fois, on a entendu que nous étions un nouveau groupe qui avait été créé de toute part pour l’Eurovision sauf que nous nous sommes formés plus de 5 ans auparavant ! Maintenant, 2 ou 3 ans après l’émission, on entend des trucs du genre : « mais depuis l’Eurovision, on ne vous a plus vus, pourquoi avez-vous arrêté ? ». Fuck, les mecs, allez vous faire foutre !!! 

LORDI

Allez, parlons d'autre chose... Ça a été facile de se remettre au boulot et d’écrire du nouveau matériel ?
Yeah ! Je n’ai jamais eu aucun problème de créativité, j’ai continuellement des chansons dans la tête, pas de souci de ce côté-là. En fait, le problème a été de faire un album dont la date de sortie  avait déjà été fixée, de respecter les délais. On a vraiment galéré à ce niveau-là : on était supposé avoir enregistré les démos avant Noël dernier mais en janvier, nous étions encore à discuter des options que nous pourrions prendre. Depuis deux ans, il faut bien voir que nous n’avons pas eu un seul moment de libre pour prendre le temps de bosser ensemble ! Nous sommes allés ouvrir pour Type O Negative aux USA, avons fait le Ozzfest et quand nous sommes revenus en Finlande, on avait déjà un mois de retard sur la deadline et personnellement, j’étais complètement cramé ! On a donc mis en gros 6 mois à finaliser ces démos ; je comparerais ça à une panne de batterie sur une caisse… Tu n’arrives pas à démarrer, alors tu charges ta batterie mais dès que tu essaies de pomper dessus, ça se redécharge de suite. Ça a été un peu la même chose avec nous cette fois-ci. Il fallait toujours retrouver de l’énergie pour continuer malgré tout… La partie créative n’a pas été un souci, c’est sa réalisation qui a été dure parce que le studio était déjà réservé par le label et que nous avions une date butoir. 

Mais tu es satisfait du résultat ?
Oh oui, parce que comme je te l’ai dit auparavant, jamais je ne serais sorti du studio si je n’avais pas été satisfait… Ceci dit, je peux te dire que quand l’album est parti au mastering, j’étais complètement mort.

Êtes-vous le genre de groupe qui écrit un tas de chansons pour n’en choisir que quelques-unes pour l’album ?
Oui, tout à fait. J’ai enregistré 51 titres pour l’album…

…Ah ouais, quand même !
Et encore, ce ne sont que celles que j’ai pu enregistrer sur les démos. J’en ai écrites beaucoup plus en fait. Les autres ont fait des démos pour 9 titres supplémentaires. Donc, on parlera de 60 chansons. C’est un problème mais il est positif : on a toujours oscillé entre 45 et 100 chansons pour chaque album et du coup, on peut parfois utiliser des riffs anciens pour en faire de nouveaux titres. Sur Deadache, par exemple, j’ai parfois utilisé des riffs que j’avais trouvés entre 1986 et 1997 ! Exemple, sur le dernier titre de l’album, « Missing Miss Charlene », tu peux entendre un chœur d’enfant qui chante une mélodie. C’est un truc que j’avais trouvé en 1986. Et juste à la fin, il y a une outro où on entend juste un enfant chanter la même mélodie, avec un mix et un tempo différents. En fait, c’est moi, quand j’avais 12 ans, en 1986 ! On avait enregistré ça à l’arrache avec mon tout premier groupe, sur une cassette !!! Ça prouve bien que je ne mens pas (rires) !

Et du coup, vous avez plein de possibilités de bonus tracks pour le marché japonais !
Oh oui ! Nous avons enregistré en tout 16 titres et nous avons du choisir quelles chansons seraient sur l’album et quelles seraient celles qui serviraient à des bonus. Et effectivement, le Japon aura un bonus-track supplémentaire sur le digipack, un autre en version i-Tunes et pour l’Europe, il y a « Hate At First Sight » en plus sur le digipack…

Quel sens donnes-tu au titre, Deadache ?
Voilà encore un truc auquel j’ai pensé aux alentours de 1998, « Dead Headache » (qu’on pourrait traduire par « mal de crâne de fou »). Un mec du label m’a demandé quel allait être le titre de travail de cet album et je lui ai répondu Deadache car comme je l’ai dit, on galérait un peu pour en venir à bout. Et finalement, on a trouvé ça cool et l’idée de le garder a progressivement grossi. D’habitude, quand j’écris un titre, j’écris d’abord les paroles mais là, ça a été le contraire. Comme finalement, on a choisi d’utiliser ce titre pour l’album, il me fallait une chanson nommé également « Deadache ». Et rien que pour me marrer, j’ai choisi la chanson la plus pop, la plus mélo de l’album pour ça (rires) alors que les paroles sont plutôt brutales ! Ça crée un bien beau contraste ! Je pensais que le mot « deadache » était mon invention sauf que des fans aux USA m’ont dit que c’était un jeu de mots qui signifie « mort de fatigue ». Même mon coach en anglais, qui est américain, ne le savait pas. Du coup, ça correspond très bien à l’état dans lequel j’étais à la fin du mix, un signe de Dieu peut-être (rires) !
 
Au niveau de la musique, qu’y a-t-il de nouveau dans cet album ?
L’approche des mélodies certainement, bien que l’essence du style de Lordi soit toujours là. Mais cette approche est différente car, déjà, nous avons changé de producteur (Nino Laurenne, qui est aussi guitariste du groupe finlandais Thunderstone). Comme il est un guitariste d’un groupe Metal (très technique d’ailleurs), il nous a proposé de prendre l’album sous un autre angle, un truc plus power metal justement. Nous, notre truc jusque là, c’était plus de jouer comme Kiss, Alice Cooper ou Twisted Sister, de juste balancer la sauce. Peu importe si ce n’était pas technique, pourvu que ça ait des couilles ! Or, là, la technique a eu plus d’importance et il nous a vraiment poussés dans nos derniers retranchements. Je lui ai quand même dit que nous n’étions pas un pur groupe de Metal et que nous n’avions pas forcément envie d’être les plus techniques possibles, qu’on voulait plus jouer avec nos couilles plutôt qu’avec nos doigts, tu vois ? Il a donc fallu trouver un compromis et d’après ce que j’ai lu comme critiques de l’album, il semble que ça plaît aux gens, donc, que ça a fonctionné. Personne ne nous avait jamais autant poussés…

Il semble aussi qu’il y ait plus de feeling dans cet album…
Oui, c’est un album plus personnel. Exemple, pour la première fois dans l’histoire de ce groupe, j’ai écrit des textes qui ne sont pas en rapport avec l’imagerie des monstres. Il y a des chansons qui parlent du point de vue de l’homme que je suis derrière le masque. C’est une grosse différence au niveau des sentiments véhiculés. Un titre comme « Monsters Keep Me Company » est différent de ce point de vue, c’est très sombre, c’est comme un film mais j’y parle de choses plus personnelles, en rapport à cette putain d’Eurovision…

Et quel est le secret de ta voix ? Les cigarettes et le whiskey ?
Euhh.... oui (rires) ! Je ne sais pas trop en fait. J’ai toujours chanté comme ça alors que ma prononciation naturelle est plutôt nasale et normale…

Oui, d’ailleurs, on a été surpris au début de l’interview, on s’attendait à une plus grosse voix (rires)…
C’est marrant parce que sur cet album, il y a certains passages plus pop où je ne prends pas ma voix de monstre et des gens m’ont demandé : « qui est-ce qui chante, là ?». C’est bien moi, les gars, désolé de vous décevoir (rires) ! Non, mais il n’y a pas vraiment de secret, c’est quelque chose que j’ai toujours fait.

A ton avis, qu’est-ce que les gens trouvent dans votre musique qu’ils ne trouvent pas dans celle des autres groupes ? Les masques, la musique, l’attitude ?
Je pense que ce sont les mélodies et que ce que nous faisons est 100 % honnête. Nous n’avons pas honte de ce que nous jouons, de ce que nous sommes. Nous n’avons jamais caché nos influences, dont Kiss et Twisted Sister. Plein de groupes Metal disent : « non, non, ils ne font pas partie de nos influences, c’est de la merde, ils ne savent pas jouer, et bla bla bla… ». Tout le monde essaie d’être à la mode mais j’en connais plein qui essaient de se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas et qui, une fois rentés chez eux de tournée, se repassent toute la discographie de Kiss en boucle, en disant : « j’espère que personne ne me verra faire ça » ! Pfff, c’est nul ! Nous, on sait qui nous sommes et on le revendique. Nous aimons le heavy-rock mélodique, un point c’est tout et notre crédibilité vient de là ! J’entends souvent des gens dire que nous ne sommes pas un groupe sérieux de par notre allure, mais à partir du moment où nous avons des fans qui nous apprécient juste pour notre musique, je dis que nous sommes crédibles.

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Mais tu sais bien que les masques sont une des attractions principales du groupe !
Mais oui, bien sûr ! C’est même une grosse part de notre succès et je sais très bien que sans ça, nous ne serions probablement pas en train de faire cette interview. Quand tu vois une photo de Lordi, tu t’en rappelles tout de suite ; ça nous a aidés au niveau de la reconnaissance. Là aussi, certains disent que nous nous cachons derrière des masques parce que nous sommes de piètres musiciens mais ce sont des conneries…

…C’est la même chose pour Slipknot, tout le monde sait bien qu’ils sont nuls !
(rires) Oui, voilà ! Encore une fois, le mec qui pense que les groupes qui revêtent des masques sont nuls musicalement devrait se présenter en disant : « hello, je suis l’idiot de service ! ». Prenons l’exemple des Beatles ou de Led Zeppelin : imagine qu’un jour, ces mecs se seraient pointés sur scène avec des masques de monstres, est-ce que ça aurait voulu dire que leur musique aurait été pourrie ? C’est la même chose avec nous, avec ou sans masques, on écrit la même musique ! C’est une forme de racisme ; c’est comme si tu étais noir ou jaune… A partir du moment où tu n’as pas la même allure que les autres, ça veut dire que tu n’es pas capable d’écrire de bonnes chansons ? Qu’est-ce que ça peut foutre, à quoi tu ressembles ? On ne parle que de musique, là… ça sort toujours des mêmes enceintes, sauf que parfois, les styles et les enceintes sont différents.

On peut donc dire que vous êtes les Beatles du heavy-metal (rires) !
(rires) Ouais, si tu veux… Non, mais tu sais, les plus grands fans d’un groupe sont d’abord les musiciens qui le composent et personnellement, nous sommes très fiers de ce que nous faisons car nous sommes des passionnés… Le mec qui joue dans un groupe et qui pense que son voisin est meilleur que lui doit certainement jouer dans un truc bien merdique !

Comment vois-tu justement la scène Metal en Finlande ?
Hum… Elle est importante et les idoles des jeunes sont les membres de groupes qui font du power-metal. Je ne sais pas trop comment ça se passe ailleurs dans le monde mais ici, c’est comme ça. Le Metal est le style musical le plus représenté sur les radios, tu en entends partout : le Metal est mainstream ici, que tu ais 7 ou 77 ans. Mais ça a toujours été comme ça.

C’est très différent ici !
Oui, je sais mais c’est différent partout dans le monde en fait, nous sommes une exception. Ça ne veut pas dire que nous n’avons pas de groupes de pop mais le Metal est considéré ici comme un style majeur. 60 % des groupes qui apparaissent en Finlande sont des groupes Metal ou de heavy-rock.

Oui, mais bon, la Finlande est un tout petit pays donc tout le monde joue dans un groupe Metal !
(mort de rire) Oui mais c’est une distorsion de la réalité que de dire ça. Certes, nous sommes peu nombreux mais le pays est très étendu et les distances entre les villes sont grandes. Et pourtant, il y a du Metal partout. Le truc, c’est que vous avez l’impression qu’il y a un groupe à chaque coin de rue car des groupes comme Nighwish, Him, Children Of Bodom ou The Rasmus ont fait que les gens ont changé leur regard sur la Finlande. C’est un peu ce qui s’est passé avec la scène de Seattle au début des années 90, avec le grunge. Tout ce qui venait de là était considéré comme bon ; c’est pareil en ce moment avec la Finlande. Tout le monde attend que le prochain truc sorte pour le porter aux nues...

Comment vois-tu le music business ?
Pas évident de répondre à ça vu que j’en fais partie. J’aime faire ce que je fais, c’est ce qui me fait vivre. Le problème vient des téléchargements illégaux. Il y a deux ans de cela, Gene Simmons de Kiss déclarait que les fans de rock ne se rendaient pas compte qu’en téléchargeant, ils allaient tuer leurs propres groupes préférés. Et c’est absolument vrai, surtout au niveau des kids les plus jeunes qui ne comprennent pas que derrière leurs mp3, il y a des musiciens, des labels et des distributeurs qui ne vont plus pouvoir continuer. Le rôle des labels est de faire découvrir de nouveaux groupes en les produisant. Comment vont-ils faire pour payer si la musique est téléchargée illégalement ? Aujourd’hui, beaucoup d’excellents groupes vont rester au stade de groupes de démos ou de Myspace-bands. Des AC/DC, Kiss, Rolling Stones ou Beatles, il n’y en aura plus… Toute une partie de l’industrie du disque va disparaître, ça craint vraiment. Faire de ta musique ta profession va être de plus en plus compliqué et du coup, les jeunes ne travailleront plus comme nous l’avons fait pour progresser. La qualité risque aussi de s’en ressentir.

Allez, dernière question… Comment vois-tu l’évolution du groupe depuis toutes ces années ?
Je n’en sais rien ! J’ai l’impression que nous avons toujours fait les mêmes choses parce que c’est ce en quoi nous croyons, ce que nous aimons. Il n’y a pas de « truc »… Certes, certains changements de line-up ont fait évoluer le groupe dans de nouvelles directions mais tu ne sais jamais de quoi demain sera fait. C’est très compliqué pour moi de parler d’évolution : nous sommes juste Lordi !

On vous revoit quand en France ?
Au printemps prochain, normalement ! A bientôt et merci pour cette interview !



LORDI – Deadache
Sony / BMG



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