Head

La religion n’est pas spécialement la préoccupation première des membres de la rédaction mais il faut bien avouer qu’un parcours comme celui de Head, l’ancien Korn converti au christianisme, a de quoi étonner. Que ce soit avec son livre ou son premier album solo, Head fait preuve d’une sincérité incroyable qui mérite qu’on s’y attarde, afin d’écouter son message, que l’on y adhère ou pas, car c’est bien tout le respect que nous devons à un homme qui, à une époque, a changé la face du métal... 

Interview à paraître également dans le METAL OBS' n°25 de Déc. 2008

 Entretien avec Brian "Head" Welch– Par Geoffrey et Pierre Antoine
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Salut Head, j’espère que ça va...?
Pas trop mal. Salut la France, ça fait longtemps que je ne suis pas venu chez vous, ça me manque.

Tu sais que tu es venu chez nous, à Lille, en 1997 avec Korn ? On était plus jeunes à l’époque, ça remonte...
C’est vrai ? Vous étiez des gamins alors, j’espère qu’on ne vous a pas fait trop peur (rires).

On avait la majorité quand même. Alors dis-nous, l’album est sorti aux Etats-Unis depuis septembre, comment sont les réactions jusque là ?
Ah oui c’est vrai, ça ne sort qu’en décembre chez vous. Les critiques sont bonnes, l’album étant très varié. Il est heavy mais avec plein de mélodies, pleins de sons effrayants... Les gens étaient surpris de m’entendre de cette manière à cause de  mon nouveau chemin vers la chrétienté... Mais tu sais, j’adore le métal, je veux juste le faire à ma manière et voilà mon album.

Ce n’est que le message qui est différent ?
Oui exactement, toutes les chansons sont positives. J’ai eu une vraie transformation avec Dieu, c’est ma vie et j’ai envie d’être vrai.

Ça a été compliqué après tout ce que tu as connu, d’écrire seul et de faire cet album ?
Tu sais, je me suis drogué pendant tant d’années que ça a été dur de faire à nouveau du heavy au début, ça ne me rappelait que de mauvais souvenirs. Mais après un an et demi, tout a changé et évolué et tout va beaucoup mieux pour moi.

Tu peux nous parler un peu des musiciens qui t’accompagnent sur l’album?
Josh Freese (ndlr : ex-Nine Inch Nails) qui est un batteur exceptionnel et on a passé de super moments ensemble. Tony Levin qui est un bassiste de légende, pas spécialement habitué à jouer du métal mais il a bien accroché au projet et sa fille est une fan de Korn. Ça aide.

Ça t’a fait quoi de prendre le micro sur cet album ?
C’est un vrai challenge, encore maintenant, même si je me sens plus à l’aise aujourd’hui. Chanter du métal n’est pas facile. Il faut savoir faire plusieurs types de voix et c’est frustrant au début mais aujourd’hui, je m’en sors plutôt bien.

Head

L’album s’intitule “Save Me From Myself” comme ton bouquin ; ce fut une vraie thérapie pour toi tout ça, tu sembles vraiment en pleine forme... Explique-nous ce parcours...
C’est vraiment ça, tu as raison. Ce titre, ce livre et ce disque représentent tout ce que j’ai traversé. Je me tuais depuis des années avec l’alcool, la drogue et j’avais donc besoin qu’on me sauve de moi-même. Il y a avait un ennemi en moi qui voulait ma mort. Même si ça me faisait du mal, je ne savais pas m’arrêter. J’étais en train de me tuer. C’est mon parcours tout ça.

Tu te souviens du moment exact où la religion t’as sauvé ?
Oui, je suis allé dans en désintox à Hollywood où il y a beaucoup de musiciens et d’acteurs. C’est très discret, caché pour qu’on ne soit pas reconnus. On ne te demande pas de compte, les gens sont là pour t’aider. Je me suis fait des amis qui m’ont invité à l’église et j’avais beau être encore sous l’effet de tas de drogues, le prêtre m’a parlé et après, plein de choses ont changé chez moi. Ma vie a changé et ça m’a fait un bien fou.

Tu n’avais jamais été religieux avant ?
Certainement pas. Je comprenais le concept de Dieu mais je ne pouvais y croire. Car rien n’est palpable et puis j’ai réalisé qu’il était partout en fait, en chacun de nous.

Et dans ton processus créatif, quel fut ton meilleur moyen de rédemption, ton livre ou ton album ?
Les deux m’ont aidé. Quand je partageais tout ce que j’avais vécu avec mes lecteurs dans mon livre, ça m’a affecté de manière positive et négative mais enfin je pouvais me libérer. Quand tu es devant ta feuille, tu te libères complètement. Pour la musique, c’est pareil, c’était juste un accomplissement personnel de plus.

Tes anciens démons sont-ils encore présents ou tout est-il bien derrière toi maintenant ?
...(ndlr : réfléchissant et hésitant...) Concernant l’alcool et les drogues, tout est derrière moi. Pour le reste, je suis un homme, je suis humain, j’ai de bons jours et de mauvais jours mais je m’accroche à ce qui fait de moi un homme meilleur. Je ne suis pas heureux tous les jours, j’ai toujours des problèmes de colère comme nous tous. Ce que j’ai trouvé n’est pas un remède à tous les problèmes. Ce n’est pas ce que je dis mais ma vie d’aujourd’hui est bien meilleure et je veux que ça continue.

Qu’attends-tu de ce nouvel album ?
Qu’il soit l’album de l’année partout dans le monde (rires...). Je rigole bien sûr...

Mais tu sais, concernant tes paroles très personnelles, tu crois que ça va toucher les gens ? Car il est plus difficile qu’avant de faire s’intéresser les gens à un message, quand la musique n’est devenue qu’un pur produit de consommation…
T’as raison. Je ne sais pas mais si moi-même, je prends la peine de voir ce qu’il y a derrière la musique et la considère réellement, c’est que je ne dois pas être le seul... Donc mes paroles pourront parler à certaines personnes. Si les gens viennent me voir en live, ils verront aussi le message que j’essaye de délivrer de toutes les manières possibles mais ça reste à chacun de trouver sa propre voix.

Tu aimes le terme White Metal ? Ça te correspond ?
Je n’en ai jamais entendu parler...

On dit ça des groupes qui font du métal tout en parlant de religion...
Je ne savais pas... Réellement. C’est marrant en tout cas...

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Tu te retrouves encore aujourd’hui dans le music business ?
Il est gangrené par l’argent, c’est sûr. Ce n’est pas facile de s’y retrouver. Fut une époque où on se faisait des millions, Korn me manque en fait (rires...). Non bien sûr, mais c’est vrai que c’est plus compliqué comme ça maintenant mais j’ai choisi ma propre voie et ça me correspond plus. Je me retrouve aussi un peu comme aux débuts de Korn et c’est très excitant. Il est sûr en tout cas que le music business a changé.

Tu parles d’argent mais l’argent et la religion ne sont pas très compatibles...
Tout le monde a besoin d’argent. T’en n'as pas un peu de côté, d'ailleurs, par hasard (rires) ? J’aime Dieu mais j’aime aussi l’argent, j’en ai besoin pour vivre. Mais ça ne me contrôle plus et c’est ça le plus important. Avant, l’argent était un tout pour moi ; aujourd’hui, c’est juste un moyen.

Ton entourage t’a compris quand tu as quitté Korn ?
Non, ils pensaient que j’étais fou. Ils voyaient le Head qui s’amusait tout le temps et prenait du plaisir et du jour au lendemain, je leur dis que j’arrête Korn et que j’ai trouvé Dieu (rires). Forcément, ça choque. J’ai perdu mon esprit addictif, c’est sûr, mais j’ai pu trouver le vrai.

Ça te fatigue qu’on parle de Korn ou tu peux encore en parler ?
Parfois, t’as envie que les gens te lâchent avec ça mais c’est mon passé. C’est là d’où je viens donc ce n’est pas si grave au fond... Je remercie Korn pour le bien qu’il m’a apporté. Il y a eu du bien, surtout au début.

Et quand tu repenses à ta carrière, comme vois-tu tout ça ?
Ma vie de musicien a été folle. On était juste des potes qui faisaient la fête, buvaient des bières et répétaient de la musique. Et quand tu vois ce que c’est devenu ! C’est devenu plus gros que tout ce qu’on avait espéré. On fait partie de l’histoire du métal, un peu quand même et c’est énorme rien que d’y penser. Et je n’ai vraiment pas envie de m’arrêter. Et mes meilleurs souvenirs de Korn sont aux débuts, quand on a commencé à grandir. Les pires moments étaient les engueulades avec mes potes... C’est pas facile la vie de musicien.

Donc si tu pouvais changer quelque chose, tu le ferais ?
C’est une question difficile. Maintenant que je sais tout ça bien sûr que j’aimerais changer des choses mais ces choses sont arrivées pour une raison. Les événements arrivent pour une raison, nous avons crée les bons et mauvais moments. Je ne sais pas comment répondre à ça, franchement...

Il paraît que tu as un orphelinat en Inde ?
Oui c’est vrai. J’y suis allé et j’ai donné de l’argent pour ça. C’est super que ça ait pu se faire. Je voulais le faire pour les enfants. Il y en a tellement qui ont besoin d’aide. Je n’ai pas pu y retourner depuis longtemps mais j’aimerais bien dans le futur.

Quel est le futur de Head ?
J’ai vraiment envie de partir sur les routes, de jouer live et de défendre cet album qui en vaut la peine. Sinon le futur proche, c’est un chiot pour ma fille que je vais acheter... (rires). Ma vie va tourner autour de la musique... forcément.

Comment ta fille vit-elle ta vie de musicien ?
Je l’incorpore de plus en plus dans ce que je fais. Disons que je ne la tiens plus à l’écart. Elle pense que je suis un père super cool. (Rires). Elle comprend que j’ai des fans et tout ça mais du moment que je l’inclus dans ma vie, tout va bien. C’est d’ailleurs elle qui chante sur "Re-Bel". Elle est fière de son père.
 


HEAD – Save Me From Myself
Warner  / H2C / Underclass


Site : www.brianheadwelch.net