Violent Revolution, Enemy Of God et maintenant Hordes Of Chaos, voilà ce qu'on appèlera ici "la trilogie infernale des albums récents de Kreator" depuis un certain Endorama, album qui avait divisé les fans. Depuis, Kreator a complètement remis les pendules à l'heure, en étant revenu à ses racines thrash. Il fallait donc que nous nous entretenions avec Mille Petrozza et Hordes Of Chaos valait bien une couv' du Metal Obs', car nous pensons que cet album est un des tous meilleurs des Allemands à ce jour… 

Interview à paraître également dans le METAL OBS' n°26 de Janv. 2009

 Entretien avec Mille Petrozza – Par Geoffrey & Will Of Death
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Il s'était passé 4 ans entre Violent Revolution et Enemy Of God, et 4 ans encore entre cet album et le nouveau, Hordes Of Chaos. Il semble que vous aimiez prendre votre temps…
Ce n'est pas forcément vouloir prendre son temps. Il est important pour nous d'avoir des titres que nous allons aimer jouer en live sur les prochaines tournées, pendant des années parfois (rires) ! C'est important de revenir avec un album de qualité pour les fans. Et Hordes Of Chaos est définitivement un album fait pour être interprété en live. C'est pourquoi nous avons besoin de revenir avec des chansons fortes, qui réinventent Kreator à chaque fois. Alors, bien sûr, ça prend un peu de temps. On aurait pu enregistrer il y a déjà deux ans mais on ne se sentait pas prêts.

Les fans ont aimé Enemy Of God. Mais toi, comment vois-tu l'album maintenant ?
Oh, je l'aime toujours beaucoup, c'est un de nos tous meilleurs albums. Il y a des très bonnes chansons, de très bons lyrics et en 2005, c'est ce que nous avions de meilleur en tête. Jusqu'au dernier, bien sûr (rires) !

On pense que Hordes Of Chaos est peut-être votre meilleur album, mais on dit ça à chaque fois avec vous !
(rires) Certes, mais je prends ça comme un compliment. Bien sûr, c'est notre nouvel album donc on a toujours tendance à dire ça mais j'espère bien que c'est le cas, cette fois. C'est compliqué pour moi de dire une telle chose, ceci dit, je pense que c'est l'album le plus live du groupe et aussi le plus organique, celui de nos plus récents albums qui dégage le plus d'énergie et de passion. C'est un peu comme un best of de tout ce que Kreator a proposé de mieux depuis sa création ; en ce sens, c'est vrai, c'est peut-être notre meilleur album (rires). Cet album est un hommage à nos fans et pourrait bien devenir un classique.

Avant de reparler de Hordes Of Chaos, revenons un peu sur votre passé… Après Endorama, qui fut très controversé, penses-tu que Violent Revolution ait été perçu comme une renaissance pour le groupe ?
Je dirais que Violent Revolution fut plus une réaction à Endorama, où nous avions beaucoup expérimenté, avec des sons et des vibrations très différentes. Nous avons tourné pour Endorama et les titres de cet album ne fonctionnaient pas bien en live. Nous avons donc voulu revenir aux racines thrash du groupe et c'est ce qui a donné Violent Revolution, qui fut selon moi, un très bon moyen de rentrer dans les années 2000. C'est à ce moment que nous sommes aussi beaucoup retournés sur les routes, nous avons joué comme jamais ! Je ne parlerais pas de renaissance mais plutôt d'un album de come-back… Le vrai Kreator était de retour.

Vous avez décidé d'enregistrer Hordes Of Chaos avec Moses Schneider. Pourquoi pas avec un producteur plus à la mode comme Tue Madsen ou Andy Sneap, par exemple ?
He he… Bon, on a quand même pris le "trendy" Colin Richardson pour mixer l'album ! Non, mais Moses Schneider est un très bon producteur, bien connu en Allemagne. La raison pour laquelle nous avons voulu travailler avec lui est qu'il est une personne qui traite la musique pour ce qu'elle est car il n'est pas un fan de Kreator. Les gens ici l'appellent "Moses the German re-groover" car il sait tirer le meilleur de chaque groupe avec qui il travaille. Il préfère créer des vibrations plutôt que de tendre vers la perfection. Il préfère travailler sur les émotions et les atmosphères plutôt que d'être perfectionniste. On s'est vraiment bien marré en studio, c'était comme une grosse fête, quelque chose qu'on croyait ne plus jamais vivre. D'habitude, on enregistre chacun dans son coin mais là, le groupe au complet était en studio en permanence et c'était marrant.

Il y a un feeling très old school dans cet album. Est-ce aussi une réaction envers tous ces groupes de thrash moderne ?
C'est possible (rires) ! Ouais, on va montrer aux kids ce qu'est le vrai thrash old school ! Non, je déconne : en fait, nous n'avons jamais voulu rentrer en compétition avec quiconque, avec ce groupe. Je pense que quelques-uns des groupes récents sont vraiment bons même si certains ne sont que des tribute-bands aux groupes plus old school comme nous. Faut bien se dire qu'on est qualifié d'old school maintenant alors que quand on est arrivé dans les années 80, on était new school (rires) ! L'important est de sortir des albums qui viennent du cœur sans s'occuper de ce que font les autres.



Tu peux expliquer ce renouveau du thrash ?
Oui, je retrouve ces vibrations, spécialement dans l'underground. Penser que des mecs de 18 ans se remettent à jouer dans leur cave du vrai thrash est une bonne chose, c'est super ! Je pense à des groupes comme Violator au Brésil, Suicidal Angels en Grèce, influencés par les premiers Sepultura, et qui sont très bons également. Ces groupes me rappellent un peu nos débuts, c'est cool. Heureusement, certains arrivent à créer leur propre style et ils parviendront peut-être à devenir des gros groupes de notre scène.

Tu as dit que Hordes Of Chaos a été enregistré de manière très live… Que voulais-tu dire ?
En fait, on était tous placés dans la même pièce avec le producteur au milieu. En fait, il suffisait de le voir arrêter de headbanguer pour savoir qu'il avait stoppé l'enregistrement (rires) ! Moses voulait réussir à capter la musique de manière très directe, de façon organique. C'est pour ça qu'il nous a proposé de travailler avec le sentiment qu'on était en live, en cherchant la bonne vibration plutôt que la perfection. C'était une situation nouvelle pour nous mais nous nous étions préparés à ça avant d'entrer en studio, en répétant différemment. Je pense en fait que c'est un très bon moyen car c'est la forme la plus pure pour enregistrer. C'est comme ça que les Rolling Stones ou Deep Purple procédaient, par exemple. Au final, on obtient le vrai son du groupe, son vrai caractère, avec ses imperfections.

Est-ce que cette manière de faire vous a poussés à changer certaines parties de titres en studio ?
Tout était écrit avant le studio mais effectivement, nous avons ré-arrangé certains trucs. Ceci dit, nous étions très préparés cette fois, avec une grosse pré-production. Donc, ça n'a été que sur des détails.

Justement, comment s'est passée l'écriture ?
J'ai écrit les chansons lors de ces trois dernières années, parfois un titre entier que j'enregistrais de suite sur démo, parfois juste un riff ou quelques paroles. Nous nous sommes réunis en janvier 2008 pour tout mettre en place et ça nous a pris 7 mois pour être complètement prêts et enregistrer.

La musique est importante certes, mais les lyrics aussi, chez toi. De quoi parlent-ils ?
Le titre "Hordes Of Chaos (A Necrologue For The Elite)" fait l'état du monde dans lequel on vit en 2009. C'est la manière dont je vois la situation actuelle. Il y a aussi des paroles plus politiques comme sur "Radical Resistance", qui parlent des émeutes qui se sont passées chez vous dans les banlieues il y a deux ans. Je ne cautionne pas forcément cette forme de violence mais je pense que la France est un pays révolutionnaire par essence…

Oui, ce fut la révolution violente (ndlr : The Violent Revolution) !!!
Ah ah ah, oui ! Mais même si je ne suis pas d'accord sur le mode d'action, il s'est passé chez vous quelque chose de très fort. En Allemagne, les gens, plutôt que de descendre dans la rue et de montrer leur mécontentement, restent devant leur télé à ruminer leurs problèmes, ils ne font rien ! Réagir violemment est grave, mais ne pas réagir est encore pire selon moi. Il y a un autre titre influencé par la France nommé "Absolute Misanthropy", qui m'est apparu après avoir regardé le film "Seul Contre Tous" de Gaspard Noé. C'est un film très impressionnant, sur la haine que peut inspirer le monde à quelqu'un.

Si tu aimes tant la France, tu n'as qu'à venir y vivre !
(rires) J'aimerais bien ! Je suis déjà venu en vacances chez vous deux fois et je pense que j'y reviendrai l'an prochain…

Mais tu penses que la musique peut changer l'état d'esprit des gens ?
Parfois, oui. Des gens apprennent des choses à travers la musique ; certains m'ont dit avoir plus appris en lisant des paroles de disques qu'en ayant ouvert des livres. La musique peut donc influer sur les gens.



Depuis que Kreator existe, qu'as-tu appris de l'industrie musicale ?
C'est tout ou rien, mais c'est comme dans le monde entier : tu as de vrais trous-du-cul mais aussi des gens très cool. Les fans sont vraiment très importants là-dedans, ce sont eux, les vrais supporters. Le music business est bon et mauvais à la fois… Faut savoir où se situer.

Tu es inquiet pour le futur de cette industrie ?
Non, non. Le format de la musique changera certainement encore mais cette industrie ne s'arrêtera jamais. Tu entends toujours des gens qui se plaignent des faibles ventes des albums mais quand un AC/DC sort un album, ce sont des millions de copies qui partent en quelques jours ! Personne ne sait comment ça va évoluer mais il y aura toujours de la musique disponible quelque part. Le téléchargement est effectivement un problème car les gens ne paient pas pour la musique, donc ne paient pas les artistes qui ne pourront peut-être plus vivre de leur art et donc créer à nouveau. Il faut vraiment que les générations récentes réfléchissent avant de télécharger leurs groupes favoris !

Mais tu t'imagines sortir un jour un album uniquement sur iTunes ?
On verra bien ! Mais prenons un exemple concret pour tenter de rester positifs : pour Enemy Of God, on avait pressé 1.000 albums en vinyle. Pour Hordes Of Chaos, ce sera 5.000 ! Il semble donc que les gens reviennent à ce format. Cet exemple montre qu'il y aura toujours des gens pour acheter de la musique. N'oublions pas non plus qu'on parle ici de Metal : les metalheads veulent le disque en entier, avec le livret, l'artwork, ils veulent lire les paroles. Les metalhads sont des collectionneurs et quand ils aiment un groupe, ils veulent tout posséder… Je discutais l'autre jour avec des mecs qui vendent du punk et ils galèrent vraiment plus que les vendeurs Metal car notre musique reste très forte !!

Tu t'imagines vivre sans Kreator ?
Je vais peut-être vous étonner mais oui car Kreator ne représente qu'une partie de ma vie et c'est beaucoup de sacrifices. Mais j'aime jouer pour les gens, pour mes fans, je sais que c'est un privilège. Quelque part, je ne trouve toujours pas normal d'avoir des fans, des gens qui adorent ma musique. C'est la raison pour laquelle nous avons la responsabilité de leur proposer de bons albums et de donner de bons concerts. Ceci dit, je suis aussi une personne qui a droit à une vie privée mais je me sens encore assez jeune et fort pour jouer plusieurs années. Je suis très excité de la manière dont les choses se sont passées pour nous. Quand j'ai écrit Endless Pain (le premier album), je pensais que ce serait le dernier !

Ben, nous, perso, nous sommes très contents que tu sois encore là, surtout avec un album comme Hordes Of Chaos !
Oh merci, j'apprécie ! 

Quel est le futur du groupe, là ? Une grosse tournée, comme d'habitude…
(rires) Oui ! On va tourner jusqu'en mai en Europe puis aux USA, certainement faire quelques festivals ensuite et repartir sur un tour du monde après l'été ! Si on nous invite pour le Hellfest, on viendra et si ce n'est pas en 2009, ce sera l'an prochain !

Merci à toi pour cette interview, qui fut bien cool. On pourra en faire une bonne couv' !
He he… Merci à vous les gars ! Take care…


KREATOR – Hordes Of Chaos
Steamhammer / SPV Records



Site :www.kreator-terrorzone.de

Myspace :www.myspace.com/officialkreator