GOJIRA

Gojira, tout le monde connaît maintenant. Le groupe, quoique certains détracteurs ou jaloux puissent en dire, a atteint un statut de groupe majeur sur la scène Metal hexagonale d’une part, et son aura internationale ne fait que grandir d’autre part. A l’orée de la tournée française du groupe en tête d’affiche, nous avons voulu refaire le point avec Mario, 6 mois après notre dernière entrevue.

Interview à paraître également dans le METAL OBS' n°27 de Fév. 2009

 Entretien avec Mario (batterie)  - Par Geoffrey, Gaet’ et Aurore - Pix groupe : Eric / www.OZIRITH.com
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Quelles ont été les réactions vis-à-vis du nouvel album ?
Plutôt bien pris dans son ensemble, même si on a remarqué qu’il a été moins bien compris en France qu’à l’étranger. Avant sa sortie, notre public français avait, je pense, une certaine angoisse face à ce nouvel album. On avait donc une grosse pression sur ce disque surtout après le succès de From Mars To Sirius, les gens risquaient d’être déçus. Finalement, l’avis a été très mitigé et il a fallu plus de temps pour l’apprécier. En tout cas, nous allons le tester en live, ce qui nous permettra de se confronter directement à la réaction des gens. Paradoxalement, il a été mieux accueilli à l’étranger. On a eu des retours incroyables. On a été dans le top 5 de plusieurs médias très importants en Allemagne, Etats-Unis, Angleterre, Grèce… donc ce succès nous a permis de franchir une étape. En France, maintenant, je commence à rencontrer des gens qui ont passé cette période de réaction, et qui ont compris l’album. Il faut savoir aussi qu’à l’étranger, on passe l’étape du deuxième album puisque la distribution ne s’est faite que sur From Mars To Sirius, alors il y a moins de pression. Mais bon, on va tester l’album en France là, et on pourra en mesurer l’impact.

Au niveau de l’impact, ce qui m’avait frappé, c’était ce recul et cette distance que tu pouvais avoir par rapport au succès du groupe. Est-ce que là, tu le mesures un peu plus ?
Bien sûr, on ne se voile pas la face. On voit qu’il y a un engouement mais au sein du groupe, on reste des gens simples avec nos qualités, nos défauts, nos problématiques personnelles. C’est vrai que l’endroit où l’on vit nous facilite ça car il n’y a que le rugby et le surf finalement. Et donc il n’y a pas d’autres groupes ni d’endroit mondain où les rock-stars traînent ; ça n’existe pas chez nous. C’est sûr que l’on est confronté aux regards des fans, aux séances de dédicaces… mais on n’est pas des stars, on essaye de garder cette simplicité car on sait qu’à tout moment, tout peut s’effondrer. On ne forge pas notre identité autour de notre succès.

Avec quand même à votre avantage quelque chose qui s’est bâti sur la durée, un phénomène qui a grandi crescendo, c’est quand même la marque du groupe… ?
Ouais, exact. Il est certain qu’on n’est pas Tokyo Hotel ou Bring Me The Horizon par exemple, qui d’un coup, ont vingt millions de visites sur Myspace, alors que nous, nous avons maintenant douze ans d’existence et que le groupe ne s’est pas fait d’un coup. Nous avons donc de bonnes bases pour rester sereins et ne pas trop s’emballer.

Est-ce que tu penses qu’il y a eu un côté « hype » très « branché » sur cet album ? Est-ce que tu penses que vous en avez souffert ?
Oui, ça, j’ai pu le voir au travers des forums et constater que les gens s’énervaient autour du « phénomène Gojira ». C’est quelque chose qu’on n’a pas forcément maîtrisé. C’est vrai qu’il y a peut-être eu une surmédiatisation du groupe. Les journalistes nous apprécient pas mal et trouvent qu’on est plutôt sympas. On a eu beaucoup d’articles à notre avantage dans la presse, ce qui a peut-être entraîné la frustration, voire la jalousie de certaines personnes, mais on ne s’arrête pas à ça. On va chercher les réponses ailleurs que sur Internet et les forums, qui peuvent être parfois blessants, à cause de mecs qui se cachent derrière un pseudo. On essaye vraiment d’être dans le concret, de faire les meilleurs concerts, des clips originaux et surtout de continuer à s’épanouir dans l’art, de garder ça comme objectif.

GOJIRA

Vous êtes finalement devenus une « fierté nationale ». Alors après, c’est ça qui peut énerver, car peut-être que vous étouffez ceux qu’il y a derrière…
Je ne pense pas que ça étouffe, bien au contraire. A l’étranger, il y a beaucoup de monde qui nous demande ce qu’il se passe en France, dans les médias... S’il y a un autre groupe français qui arrive à faire ce qu’on a fait, je ne pense pas qu’il sera rejeté comme nous on a pu l’être au début. On a été victime des préjugés aussi. On a été les premiers à faire ça, avec cette incompréhension de voir un groupe français arriver comme ça. Je pense que si un autre groupe français arrive à tourner aux Etats-Unis, ils seront sans doute un peu plus crédibles et respectés. Finalement, on a ramassé l’inconnu. Les gens rigoleront moins. Avant, quand on parlait de la France, c’était risible. Désormais, je pense sincèrement que ça peut réellement bouger.

La tournée française qui arrive s’annonce plutôt bien. Avec plein de dates et des billets qui se vendent bien. Vous n’aviez pas de doutes sur le fait que ça allait marcher ?
On n’est jamais sûr de rien, mais on savait que les mecs qui aiment Gojira nous attendaient. C’est vraiment très agréable pour nous de revenir en tête d’affiche, après plusieurs années où on a beaucoup ouvert finalement. On a connu des conditions un peu précaires de groupes qui jouaient en première partie. Là, il y a plus de pression, car on joue chez nous mais c’est à la fois plus confortable.

Le live est quelque chose de très important chez vous, voire plus impressionnant que sur disque. C’est vraiment une musique qui se vit. Tu décris comment un concert de Gojira ?
En fait, il y a le regard des musiciens, des lumières, des projections de diapos… On propose un univers, alors forcément après, l’auditeur se voit orienté dans son écoute. C’est un peu comme quand on voit le clip d’un groupe, on ne réécoute plus le morceau de la même manière. Le live, c’est pareil. On a intérêt à se défoncer. Il y a une joie qui se propage en concert. Sans vouloir employer des mots mystiques, il y a « l’aura » des musiciens qui se dégage de la scène. Chez Gojira, c’est quelque chose à laquelle on tient beaucoup. On tend à développer cet aspect sur l’auditeur. Finalement, on joue une musique très corporelle, et on essaye de l’exprimer du mieux que l’on peut.

Et donc ça se passe comment une répète de Gojira avant une tournée ?
Là, on est entrain de peaufiner les nouveaux morceaux qu’on va jouer. Les maîtriser. On va avancer un peu techniquement. Il y a des morceaux qu’on va jouer au métronome. On n’arrête pas de répéter. On est très exigeant. On ne se repose pas sur nos lauriers. Dans ce milieu, ça n’est pas possible. En ce moment, on essaye de faire un set cohérent, de mixer quatre albums. Il y a des morceaux qui sont fortement demandés et qui nous correspondent, mais qu’on n’a pas forcément joué à l’étranger, alors on les ressort. C’est surtout le challenge de bien mixer tout ça, que ça ne soit pas ennuyeux…

GOJIRA

Ou bien vous jouez quatre heures…
(Rires)… ouais, mais ça c’est impossible. Le style est tellement physique. On change de comportement sur scène, on est de plus en plus physique alors là, on ne va pas jouer plus d’une heure et quart, une heure vingt… c’est déjà énorme pour du death metal comme nous on le joue.

Est-ce qu’il y a des questions qu’on ne te pose jamais dans les interviews, que toi tu juges essentielles quand on parle du groupe, sur des sujets qui n’ont jamais été abordés ?
Oui… genre « est-ce qu’après avoir fait 120 dates sur une tournée, est-ce qu’on ne sature pas à jouer toujours les mêmes morceaux ? »

Comment vous y arrivez donc à garder cette envie de jouer toujours les mêmes morceaux ?
Déjà, c’est une question d’entente dans le groupe. Il y a une musique de communauté à entretenir. Alors, c’est vrai que des fois, il y a des soirs où on est moins dedans que d’autres, ça arrive. Dans ce cas, on se focalise sur un aspect du morceau. Par exemple, moi, je vais porter plus mon attention sur la partie technique d’un morceau, bien écouter mes grosses caisses pour vraiment bien le jouer. Le but étant de casser cette routine que tout artiste connaît. C’est une chose indéniable dans ce milieu, on ne peut pas passer à côté de ça.

A un moment, il doit y avoir le côté « plaisir » qui se transforme en « boulot » ?
Je pense que c’est surtout un travail personnel, individuel de chacun. Toujours se recentrer, faire le vide, et pour savoir pourquoi on est là. Moi, ma technique, c’est de toujours trouver un intérêt dans ce que je fais, avec cette envie de faire toujours mieux.

Et sinon, ça n’est pas trop difficile le retour à la réalité ?
Non, pas forcément. Quand on tourne pendant deux mois et demi, on se crée une réalité. Donc oui, quand on rentre chez soi, il faut deux trois semaines pour se retrouver un quotidien, le chemin de la boulangerie (rires)… Un retour à l’anonymat. Il faut savoir que quand on est en tournée, les bus arrivent le matin dans la ville. On va donc souvent se promener, aller boire un café… En dehors, des concerts et du côté « paillettes », on a un pied dans le monde de tous les jours. On est toujours en contact avec nos amis, on paye toujours nos factures…

A part la musique, quels sont les sujets qui te passionnent ?
Je porte un intérêt à la photographie et au dessin. Je fais beaucoup de photos depuis qu’on a commencé à faire des tournées. J’aime capturer des instants, et exprimer ma sensibilité au travers d’images. Dans le groupe, on est tous artiste…

Et dans la famille aussi ?
Oui, ma sœur est photographe. Mon père est dessinateur. Ma mère faisait des sculptures en bois flotté. Moi c’est plutôt l’art en général qui me passionne. En ce moment, je fais beaucoup de photos. C’est très important d’avoir autre chose à côté. J’y trouve un bon compromis pour m’évader. Et puis, je suis un gros fan de body-board.

GOJIRA

Dans la période actuelle, est-ce qu’il y a des choses qui te révoltent ?
Oui, les conflits relationnels me révoltent en général. Les guerres mais aussi à notre niveau dans les amis, la famille. Les relations entre les êtres humains. Car finalement, c’est la cause de beaucoup de conflits à cause d’un manque de communication…

Anxieux pour le futur ?
Sur un point, oui. Il y a des gros problèmes d’écologie, de guerre… Mais sur un autre plan, on n’a pas le choix de subir ce qui arrivera. Si on doit passer par une phase de chaos, que la Terre doit disparaître, c’est qu’il est écrit que ça doit se passer comme ça.

Ca n’est pas très optimiste...
Ce que je veux dire, c’est que dans l’absolu, il arrivera ce qui arrivera. On fait ce qu’on peut du temps qui nous est donné, de nos révélations, de nos prises de conscience, de notre remise en question. Ce n’est pas pessimiste, c’est plus comme un lâché-prise sur ce qui arrivera. J’ai tendance avec l’âge à arrêter de gueuler et de me focaliser à essayer d’améliorer ma vie. D’agir. Finalement, je me rends compte qu’on ne peut malheureusement pas tout maîtriser alors autant faire ce qui est possible à mon niveau.

Le disque était accès sur la mort. Est-ce que ça a aidé ton frère à exorciser ses démons ?
Complètement. Ça a été une bonne expérience afin de réfléchir à sa propre mort et de relativiser. Pour lui, de poser des mots sur ces questions, ça a été bénéfique. Cet album évoque beaucoup le deuil, par exemple : celui de l’enfant qui passe à l’adulte…

C’est vrai qu’on était quand même plus heureux à dix ans. On se prenait moins la tête…
On était plus insouciant, c’est vrai.


A PROPOS DES GROUPES QUI FIGURENT DANS LE METAL OBS' 27 :

CANNIBAL CORPSE
C’est un super groupe qui m’a beaucoup fasciné quand j’étais jeune, que ça soit l’esthétique gore et puis surtout les riffs à la fois groovy mais à la fois sans groove. C’est un groupe que j’adore car c’est très riche au niveau mélodique, avec un bassiste incroyable et la voix la plus gutturale du monde sur les premiers albums. C’est toujours des compositions hyper dynamiques.

TREPALIUM
J’adore. Ils allient une certaine gravité avec beaucoup d’humour, dont je doute qu’ils aient conscience (rires). C’est le côté boogie. Ca groove en permanence. Ils jouent avec un mode trinaire, un mélange entre le binaire et le ternaire. Ils ont vraiment leur groove à eux.

BLACK BOMB A
J’aime beaucoup la dualité entre voix mélodique et hystérique. J’adore leur côté tronche en avant qui donne envie de tout lâcher. J’aime beaucoup leur style, c'est-à-dire qu’ils n’en font pas des tonnes et qu’ils vont droit au but.

GOD FORBID
J’apprécie beaucoup leur efficacité. On les a rencontrés en tournée, ils sont super sympas. Après, je n’aime pas tout ce qu’ils font mais ils ont de très bons guitaristes et ça reste très intéressant en live.

LAMB OF GOD
Humainement, ce sont des mecs géniaux, simples, loin du star-system. Musicalement, j’aime beaucoup leur côté ténébreux et « je m’en foutiste ». J’aime beaucoup leur côté monotone sur leurs morceaux. Ils ont un batteur avec un jeu très original.


GOJIRA – The Way Of All Flesh
Listenable Records


Site : www.gojira-music.com

Myspace : www.myspace.com/gojira