STEVEN WILSON


L'insurrection tranquille...

STEVEN WILSON est un personnage singulier et adulé par ses fans. Porcupine Tree, son groupe, semblant ne pas lui suffir, le bonhomme, fourmillant toujours d'idées, s'est accordé un projet solo. Le résultat de ceci est un superbe album, Insurgentes, qui montre d'autres facettes du gars : de la noirceur, du noise et du drone. Paraît même qu'Insurgentes pourrait être suivie d'un film-documentaire... Ceci nous ayant quelque peu interpelés, nous ne pouvions passer à côté d'un entretien avec ce génie des temps modernes...

Interview également parue dans le METAL OBS' n°28 de Mars 2009

 Entretien avec Steven Wilson – Par Yath
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Malgré son statut de quasi-messie du rock progressif, Steven Wilson est juste un gars tranquille. Un musicien surdoué et adulé par une fan-base éclectique et connaisseuse, et qui a su rester humble. Steven Wilson est même un peu nerveux à l'idée de présenter sa dernière œuvre au public. Sa dernière œuvre, c'est juste une façon de parler, car n'oublions pas qu'Insurgentes n'est que le premier album solo du leader de Porcupine Tree. Si le bonhomme a multiplié les side-projects, c'est la première fois qu'il se lance seul et dans une aventure finalement très égoïste et personnelle : « Je me suis senti plus libre cette fois. Tu sais, même quand je compose pour Porcupine Tree, j'ai toujours en tête que j'écris pour un groupe, qui a un certain style à respecter. Et puis il faut bien que ça plaise aux autres membres ! Je ne peux pas leur faire avaler n'importe quoi. Là, j'étais totalement libre d'explorer tous les aspects de ma personnalité musicale. J'aime le jazz, le metal, le rock, mais aussi le drone et le noise et je pense sincèrement que c'est la première fois qu'on ressent toute ma personnalité à travers mes compos ».

Vous vous attendez certainement à ce qu'on vous resserve maintenant la fameuse histoire de l'envie de plus en plus pressante de faire un album solo, de se libérer des chaînes encombrantes d'un groupe principal (Porcupine Tree donc) devenu une institution qu'on n'ose pas trop chambouler. Tout faux. L'histoire d'Insurgentes est bien plus simple et modeste : « L'idée de départ était de terminer enfin ces quelques morceaux de chansons que j'avais accumulés au fil des ans et qui n'ont jamais collé nulle part. Je m'étais dit que j'aillais les terminer pour en faire un petit album confidentiel, que j'allais vendre sur Internet, sous forme de mp3 ou un truc comme ça. Quand j'ai fini ces compos, je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas assez de matériel pour en faire un album, et je me suis donc mis à en composer d'autres ». Mais bien sûr, Steven, et t'as dû te retrouver avec une dizaines de compos supplémentaires, non? « Je me suis en fait retrouvé avec 30 compos ! Et tu sais quoi ?  Elles étaient tellement superbes que j'ai totalement abandonné celles qui avaient démarré le projet ! Les chansons d'Insurgentes sont très différentes de celles que j'avais écrites jusque là, et je pense qu'elles font partie des meilleures chansons que je n'aie jamais composées. C'est peut-être même les meilleures... ».

STEVEN WILSON

Ce qui étonne d'abord dans Insurgentes, c'est sa noirceur. Une pochette avec une tête cachée sous un masque à gaz, des compos très très sombres ; c'est très metal, ça Steven, ça va plaire à nos lecteurs ! « (rires) C'est un album qui a une imagerie très surréaliste. Je suis passionné par le cinéma européen et son sens du surréalisme. On n'a pas besoin d'avoir de significations particulières ou d'histoire cohérente à raconter, on a essayé de frapper par l'image, de susciter l'interrogation ou la surprise. J'aime cette pochette, parce qu'on ne voit pas le visage sous le masque, on ne sait pas ce qu'il exprime. Je trouve l'image très belle et très tordue à la fois. Quant à Insurgentes, le nom de l'album, il s'agit d'une rue à Mexico City - j'ai bossé sur l'album à Mexico en fait - c'est même la plus longue rue du monde ! Cette avenue est omniprésente à Mexico, tu n'es jamais loin d'Insurgentes Avenue, ce nom est présent partout : stations de métro, magasins... Le mot Insurgentes véhicule une idée de rébellion, et même si je n'ai pas l'air du rebelle typique, j'aime me considérer comme un rebelle dans l'industrie du disque. Ma carrière et la façon dont je mène mes différents projets sont toujours à l'opposé de ce que les maisons de disques auraient espéré. Et j'ai donc bien aimé l'idée d'appeler mon premier album solo Insurgentes ». Ce qui est intéressant et passionnant à propos d'Insurgentes, c'est son côté obscur. Cet album est noir, pessimiste, tordu. Assez étonnant d'ailleurs, puisque même s'il est moins métal dans sa forme que les derniers Porcupine Tree (dans le sens où il comporte moins de guitares saturées et de riffs), il est bien plus métal dans l'âme. Et c'est aussi une particularité de Steven Wilson : derrière l'apparence d'un mec tranquille et paisible se cache donc non seulement un rebelle, mais aussi un homme fasciné par les ténèbres de l'âme humaine. L'image du progueux hippie en prend un sacré coup.
   
Musicalement, deux éléments importants caractérisent Insurgentes : les influences noise et drone de Steven Wilson éclatent au grand jour, et on surprend le chanteur habituellement fluide à se lancer dans une diction plus tordue, plus menaçante : « J'ai toujours aimé le drone et le noise, et c'est typiquement un élément que je n'aurais jamais pu intégrer dans une chanson de Porcupine Tree, ne serait-ce que parce que ça n'aurait pas forcément plu aux autres membres du groupe ! SUNN O))) a été une de mes plus grosses influences ces dernières années, et j'ai essayé d'intégré cet art abstrait à de vraies chansons et j'espère y être arrivé ! Pour le chant, ça vient sûrement de ma nouvelle approche pour les paroles. J'ai chanté spontanément, sans préparer mes textes. Parfois, ce que je chantais était vraiment pourri d'ailleurs (rires) ! Les paroles n'ont donc pas de sens particulier ou cohérent, mais elles viennent du plus profond de moi-même ». Surréaliste et expérimental donc.
   
Et comme Steven Wilson ne fait jamais les choses à moitié et qu'il est bien plus qu'un musicien, sachez qu'Insurgentes est un projet bien plus vaste qu'un album. Cette bande-son sera suivie d'un film/documentaire concocté par Steven Wilson et Lasse Hoile. D'ailleurs, 20 minutes de ce film seront présentes sur un DVD bonus livré avec le CD Insurgentes. Steven travaille donc sur la finition de ce long métrage qu'il espère finir pour l'été afin de le présenter dans les festivals spécialisés cet été. L'idée est de torturer au maximum le format du « making-of » et du « road movie », afin de toucher un public différent des fans habituels de Steven Wilson. Le but avoué est de faire un film qui survive seul, sans avoir besoin de la réputation de Steven Wilson. Sachez aussi que la première version d'Insurgentes - épuisée très rapidement et vendue uniquement sur Internet - comprenait des chansons bonus qui seront probablement recyclées sous forme d’un EP très vite. Car c'est ça aussi Steven Wilson : une vision très précise de l'industrie du disque et du futur qui l'attend. « Je pense que le modèle futur de l'industrie est très simple puisque les groupes vont proposer 2 choses : les mp3, seuls, vendus pour très peu voire offerts, et de l'autre côté, il y aura les versions « deluxe », plus chères, mais plus soignées. Le CD classique va probablement disparaître, on va devoir choisir entre les mp3 nus et les véritables pièces de collection ». Pas question cependant de jouer la facilité et de proposer aux gens ce qu'ils attendent : une « musique de playlist ». Steven Wilson pense toujours aux fans qui découvrent les albums comme une expérience à part entière, avec tout son charme et sa mystique. Il faut imaginer que dans certains pays, même aujourd'hui, les gens attendent des mois avant de pouvoir s'offrir un album. Imaginez un peu la difficulté du choix, toute la réflexion et le plaisir que cet achat enfin réalisé peut procurer. Mais de nos jours, dans nos sociétés « modernes », cette jubilation n'existe plus : « C'est tellement facile pour les jeunes aujourd'hui de télécharger des mp3, de les écouter, et de les effacer qu'ils ne font même plus l'effort de choisir ou de réfléchir à ce qu'ils aiment, à ce qu'ils ont envie de ressentir ».

STEVEN WILSON

Mais revenons à nos moutons, en l'occurrence à Insurgentes. Cet album semble si important pour Steven Wilson qu'il sera probablement le premier d'une longue liste d'efforts solo. Insurgentes a servi de terrain d'expérimentation à Wilson et on imagine aisément que le bonhomme surdoué qu'il est a déjà plein d'idées pour la suite. Et si c'était encore plus ? Et si Steven Wilson jouait carrément ces titres sur scène ? « J'ai deux problèmes à résoudre pour jouer ces chansons sur scène : il me faut du temps et un groupe ! Je n'ai pas de groupe pour le moment, et même si j'invite des gens, on va devoir accorder nos emplois du temps. Et avant tout, il faut penser à l'adaptation scénique des titres qui sont parfois très complexes... Mais fais-moi confiance, j'ai envie de jouer ces titres sur scène et je vais tout faire pour y parvenir ! ». L'attente en vaudrait la chandelle, surtout si Steven réunit son line-up de rêve, comprenant un certain Akerfeldt (Opeth) à la guitare : « On en rigole toujours ! Il me dit qu'il aimerait être le guitariste de Porcupine Tree et moi, je lui dis que j'aimerais être le guitariste d'Opeth! (rires)  Il me faudrait également Gavin, mon batteur de Porcupine Tree, mais aussi tout un orchestre si je laissais aller mon imagination ! ».

Comme D'habitude, Steven Wilson est donc très occupé, inspiré et excité. En plus de la promo d'Insurgentes, ces projets de jouer live, le nouveau Porcupine Tree dont la gestation devrait commencer rapidement, il s'est attelé au remix des albums de King Crimson... Ironiquement, en plus de son envie d'établir Insurgentes comme une pièce angulaire de sa carrière en touchant de nouveaux fans, Steven Wilson a un seul objectif : « Savoir dire non (rires) ! À chaque fois qu'on me demande de participer à tel ou tel projet, je dis oui ! Mais je dois sérieusement envisager de refuser certaines choses afin de me focaliser sur ce qui compte le plus pour moi ! ». En même temps Steven, si tu continues à tutoyer le génie à chaque fois que tu collabores ou que tu montes un projet, on ne voit pas vraiment pourquoi on te souhaiterait de réaliser un tel objectif...


STEVEN WILSON - Insurgentes
KScope / Wagram



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Myspace : www.myspace.com/therealstevenwilson