ADAGIO

ADAGIO, voilà le genre de groupe excellent qui semble souffrir depuis le début de sa carrière d’un certain syndrome français de non-reconnaissance. Trop extrême pour les fans de heavy mélodique, trop mélodique pour les fans d’extrême, le groupe a un peu de mal à se faire une place au soleil dans notre paysage métallique. Mais nous, au Metal Obs’ / Noiseweb, on aime beaucoup et ce, depuis les débuts du groupe et ce n’est pas le dernier album, Archangels In Black, qui nous a déçus, loin de là. Stephan Forté a bien voulu faire le point avec nous sur la carrière du groupe. 

Interview exclusive NOISEWEB

Interview de Stefan Forté (guitares) - Par Geoffrey et Lucie
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Tout d’abord j’aimerais que l’on revienne sur le précédent album, comment avec le recul le vois tu maintenant, comment il a été perçu ?
On a quand même eu quelques galères, à part pour le 1er album qui a été vraiment travaillé. On ne va pas dire qu’Underworld et Dominate aient vraiment été bossés par les labels avec qui on a signé. Dominate, j’en suis content puisque ça a marqué un tournant musical par rapport à ce que l’on avait fait avant, toujours en restant Adagio ; c’est parti dans une direction plus metal, c’est un point de départ.  Après, au niveau du son, on n’a pas passé beaucoup de temps dessus donc c’est vrai que par rapport à Archangels In Black, il est un peu en-dessous en termes de prod. Mais même si je préfère Archangels, c’est un album que j’aime bien. Quant au public, les gens qui ont vraiment flashé sur Sanctus Ignis n’ont pas vraiment aimé Underworld, les gens qui ont flashé sur Underworld n’ont pas aimé Dominate. En général, ça marche comme ça donc ils vont être un peu désorientés par le côté moins prog et moins complexe qui part un peu dans tous les sens avec des mesures impaires comme sur Underworld. Ceci dit, ça nous a permis de récupérer d’autres fans dans un autre style donc quelque part, on s’y retrouve quand même car les gens qui ont aimé les premiers albums sont quand même restés même s’ils préfèrent Underworld. On a pu récupérer de nouveaux fans dans des registres qui ne sont pas normalement très proches du prog.

Avant d’aborder ce nouvel album, revenons sur la fameuse tournée Firewind, que s’est-il passé ?
Leur tourneur m’avait demandé si on voulait jouer sur leur tournée en France, mais le truc, c’était juste qu’ouvrir pour Firewind sur la France nous empêchait quelques mois plus tard de faire les dates en tête d’affiche. Et le problème, c’est que Firewind n’attire pas énormément de monde non plus (NdLucie : Ppfff… Les mecs ne savent pas ce qui est bon !), ça aurait été dommage de sacrifier les dates françaises, juste pour jouer avec nos potes. Donc, j’ai répondu qu’on aurait bien fait des dates à l’étranger mais là, ça ne nous branchait pas. Quelques mois après, ils nous contactent en nous disant : « il y a une douzaine de dates, Espagne, etc… Est-ce que ça vous branche ? ». Là, je dis oui mais il s’est avéré qu’au fur et à mesure, les dates a l’étranger étaient annulées pour Adagio en tout cas, même si elles étaient maintenues pour Firewind. Au final, il ne restait que les dates en France, donc je leur ai dit d’aller se faire enc**** (rires). Car ce n’est pas super honnête comme démarche, voilà pourquoi on ne l’a pas fait.

De toute façon, la tournée était un peu catastrophique sur le remplissage. Lucie et Will sont allés à Lyon et ont constaté que c’était un peu vide… Une autre grosse surprise quand j’ai reçu l’album, c’est de voir le label ! (Listenable) C’est assez surprenant, connaissant le fond de catalogue, pourquoi eux ? Je suppose qu’il devait y avoir des offres un peu partout ?
Il y a eu des offres qui étaient financièrement très intéressantes, on a toujours besoin de thunes, mais Adagio n’est pas vraiment un groupe qui a été travaillé sur l’Europe alors que ça a été le cas en France. Donc, on avait plus de besoin de développement, et pas uniquement une avance. On a préféré signer avec Listenable car eux nous parlaient avant tout de support, de développement, de suivre la carrière, on avait vraiment le même langage. Au départ, je n’avais pas pensé à Listenable, par rapport au style vachement plus extrême, on est quand même un groupe plus mélodique. C’est un manager Anglais avec qui on bosse qui m’a conseillé de les contacter quand même ; j’ai envoyé la maquette, Laurent a vachement flashé, m’a contacté et ça s’est fait naturellement. C’est vrai que ça a surpris beaucoup de gens, c’est la question qui revient un peu dans toutes les interviews (rires), mais on est vachement contents.

Est-ce vraiment si difficile d’être chanteur avec toi dans un groupe, pour que ça change tout le temps ? C’est quoi le problème ?
Non, c’est juste que les chanteurs sont des casse-couilles ! (Rires) C’est vrai qu’on n’a pas eu de bol avec nos chanteurs. Je n’ai pas fait mon Y. Malmsteen, à vouloir virer tous mes chanteurs. Avec David Readman, c’était un manque de bol : on n’a pas réussi à s’entendre avec le management qui était toujours plus gourmand et ce n’était pas viable de continuer dans ces conditions-là. Au bout d’un moment, c’était soit on acceptait et on se faisait bouffer, soit on disait stop et on essayait d’avancer : c’est ce qu’on a fait. Evidemment, ça n’avait aucun rapport avec les qualités de David en tant que chanteur et au niveau relation humaines, il est vachement cool. C’était un peu dommage mais on ne pouvait pas faire autrement. Après, il y a eu le chapitre Gustavo Monsanto qui fut certes éphémère, mais bon, voilà (rires). Là, ça ne correspondait pas à notre façon de voir les choses, la façon de travailler surtout. Je pense que le mot travail lui faisait un peu peur. « Chanteur », j’ai l’impression que pas mal de chanteurs se disent « ouais, ben, ça ne se travaille pas », mais le problème, c’est qu’il y a des intervalles difficiles à chanter, un tas de trucs assez techniques, qui demandent d’entretenir sa voix, tout comme un instrument, même plus puisque l’instrument fait partie de toi-même. Il faut vachement de rigueur. Il n’avait pas compris ça, et puis, il y a eu plein d’autres petits trucs qui faisaient que l’on a pensé que ce n’était pas la bonne personne non plus, alors on s’en est séparé aussi.

 ADAGIO

Et donc il a fallu le remplacer, et cette fois-ci, par un inconnu (Christian Palin)…
Exactement, le truc, c’est que si on veut donner une image de groupe, mieux vaut prendre quelqu’un de pas connu. On voulait une personne inconnue mais qui ait toutes les qualités d’un bon frontman et qui ait surtout une mentalité de bosseur et de mec qui en voulait. Et on a trouvé Christian, que l’on avait déjà contacté quand on a dû remplacer David ; mais comme il avait un accent vachement prononcé en anglais, ça sortait mal et à ce moment-là, on ne l’a pas fait. Mais quand on s’est séparé de Gus, c’est la première personne à qui j’ai pensée, car il a une voix qui colle vraiment avec ce que l’on voulait, et puis là, son accent allait passer bien mieux. On l’a fait venir en audition sur les nouveaux morceaux et ça l’a fait. Maintenant, il faut juste gérer le personnage qui est complètement taré (rires) mais sur scène, ça amène un certain côté. En tout cas, c’est cool, on s’entend vachement bien et il amène sur scène une énergie qu’on n’avait pas avant.

J’espère que ce sera lui sur le prochain...
Je l’espère aussi, et que l’on va rester un peu tous les 5 comme ça.

A quel moment de la composition est-il arrivé ?
Les lignes de chant étaient pratiquement toutes terminées.

Il n’y a pas eu trop de trucs à modifier ?
Déjà, la maquette avait été faite par Gus, et lui, il l’a refaite après avec son timbre, son interprétation, il a plus travaillé pour sa voix.

Parlons de la musique de ce dernier album. Quelles étaient les idées de départ de composition, quelle direction voulais-tu donner au groupe ?  
J’avais envie de récupérer des éléments d’Underworld mais de garder le côté direct et heavy de Dominate en le poussant un peu plus loin, et mettre plus l’accent sur la prod. Le mot d’ordre était plus de riffs, plus de nouveaux sons, tout en incorporant plus d’éléments orchestraux d’Underworld. Le concept Adagio reste toujours dans la même veine, des solos de clavier, des parties de grattes…

Les solos ont toujours été un peu le point faible du groupe, on peut le dire (rires) !
Oui, tu peux le dire (rires) ! C’est clair (rires) ! …Et l’harmonie sombre qui s’intègre au truc, ça reste toujours du Adagio, mais c’est un mélange entre Dominate et Underworld. Je pense qu’on arrive à trouver notre identité.

En gardant toujours la patte extrême qui fait la différence avec d’autres groupes qui pourraient être dans la même sphère musicale…
Le pas est dur à franchir car soit tu te fais taxer d’opportuniste alors que le Black, ce n’est pas extrêmement vendeur sauf pour les gros groupes, soit les mecs qui écoutent du métal mélodique ne comprennent pas, se demandent pourquoi tu vas chercher dans un autre style où on dirait que t’as mangé un sac de gravier (j’y ai eu droit à celle-là ! …lol), ou alors les mecs qui écoutent de l’extrême trouvent ça trop mélodique pour eux. C’est difficile mais je pense qu’il faut faire ce dont on a envie. Je pense que c’est la touche sombre du tout, je ne pourrais pas écouter un album d’Adagio sans ces éléments-là.

En ce qui concerne les textes, y-a-t-il un concept ?
Le concept, c’est le groupe, c’est Adagio qui reste dans son concept. Au niveau des paroles, j’ai ma signification. Toutes les paroles étaient écrites avant l’arrivée de Christian, sauf « Getsu Senshi », qui était destinée au label japonais où on était avant, pour qui c’était une obligation contractuelle. C’est ce qui fait que ça ne fait pas vraiment partie de l’album, encore qu’à force de l’écouter, on commence à s’y faire.

Vous écrivez autour de quels thèmes ?
Chacun est libre d’y comprendre ce qu’il veut, c’est à prendre soit au 1er soit au 2nd degré. J’exprime des choses qui me touchent. C’est comme un tableau, tu laisses les gens interpréter ce qu’ils veulent. Je n’ai pas tellement envie de donner ma vision des choses.

Tu te sens plus expressif avec ta gratte ou avec tes textes ?
C’est un ensemble, ce que je vis avec les deux est différent. Je n’aime pas expliquer les choses, c’est un ressenti direct, je préfère que l’on se fasse son propre concept et sa propre vision de l’album. J’arrive à plus m’exprimer avec ma guitare et mes solos plutôt qu’avec les mots (rires).

Comment situes-tu ce disque dans l’évolution du groupe, et comment vois-tu celle-ci au fur et à mesure des années ?
Ça évolue, dans le style, c’est plus affirmé. Au départ, c’était peut-être plus impersonnel ; au fur et à mesure, chaque influence s’est mélangée et a donné ce que l’on fait maintenant. C’est le même Adagio, mais qui a grandi en écoutant plus de choses, plus d’horizons que les influences néo-classiques du 1er album. 

 ADAGIO

Le groupe, et son histoire, comment les vois-tu ?
Hormis les chanteurs (rires), le groupe s’est vachement soudé. On est tous très proches et motivés par un objectif commun. Même quand c’est difficile – et c’est plus difficile quand t’es français - on se remotive et le groupe devient de plus en plus fort, humainement en tout cas (rires).

Quant au public, penses-tu que ce soit le fan de heavy-metal qui vienne vers vous ou le guitariste qui vient se prendre une grosse claque technique ?
Le problème, c’est que l’on a toujours cette image faite par la comm. lors du 1er album, à savoir qu’Adagio, c’est du metal prog symphonique à musique chiante, néoclassique, alors que ce n’est pas la définition que j’en aie. C’est plus prendre des influences classiques quelles qu’elles soient, et pas uniquement des clichés baroques comme on entend à chaque fois dans les clichés. C’est vrai que si les gens voient ça dans le néoclassique, ça peut être rebutant.

Tu penses que ça vous a pénalisés sur les albums suivants ?
Complètement, encore maintenant. En fait, les gens connaissent Adagio mais toujours en tant que symphonique français, et c’est à nous de leur prouver que nous sommes différents, il ne faut pas lâcher le morceau. Actuellement, ce n’est plus du tout le même univers, mais rien que le nom du groupe est évocateur et réfrène certains. Mais tout ça évolue avec le changement de label : il faut que le boulot se fasse, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps ; on est très optimistes.

Parlons un peu de toi, je sais que tu n’aimes pas que l’on te dise que tu es un super guitariste ; par timidité, je suppose ?
Non, pas du tout. Après, ça dépend de ce que tu aimerais faire. Et comme je suis très loin de ce que je veux et devrais faire, et que je n’ai pas le temps de le faire, je ne le vois pas de la même façon. Après, ça peut être pris pour de la fausse modestie…mais je ne dirai rien (rires).

Te souviens-tu du premier disque de rock que tu ais entendu ?
Le 1er disque non, mais la chanson qui m’a marqué, qui fut la révélation, j’avais 4-5 ans, c’était « Whole Lotta Rosie » d’ACDC. Je voulais devenir Angus Young ! Mon frère écoutait ACDC avec ses potes et il jouait de la guitare, moi je n’en avais pas et quand il reprenait cette chanson, je me mettais à côté et j’imitais Angus. Ensuite, il m’a offert une gratte, il en avait marre de me voir faire le con sans gratte (rires). Mais si à cet âge-là, je n’en savais rien, j’ai toujours eu une affinité pour ça. Ma première électrique, c’était vers 11/12 ans, mon frère m’a appris les accords et tout ça, mais à 15 ans, j’ai pris des cours…

Et à 15 ans, tu t’es dit que tu étais plus fort que le prof, et que tu allais continuer tout seul… (Rires)
(Rires) Non non, mais je passais beaucoup de temps sur ma gratte, et j’ai eu envie d’approfondir. A cet âge-là, je savais que je voulais ne faire que ça.  Mes parents me checkaient toutes les 5 minutes, je bossais 8 à 10 h par jour. Ils m’ont vraiment soutenu. Je ne les remercierais jamais assez, car c’est une prise de risque énorme, vouloir être guitariste de Hard Rock, quand t’es français ! Ils m’ont fait énormément confiance et ce sont des super parents !

Et ton style, comment tu le décrirais ?
C’est un mélange de plein d’influences, j’essaie de me rapprocher du son du violon, violon tzigane, j’essaie d’incorporer le folklore de l’Europe de l’Est dans un univers plus metal. Avec des influences Malmsteen, Friedman.

La question qui fâche, tu es plus Steve Vai ou Satriani ?
Steve Vai !

Bon, bonne soirée (rires). Je suis plus Satriani mais je ne suis pas guitariste, en fin, si, sur Guitar Hero (rires) !
Guitar Hero, c’est une très bonne chose, car ça relance le truc. Les plus jeunes sont de plus en plus à fond dedans et au bout d’un moment, ils ont envie de prendre une vraie guitare, de ne plus être un guitar-hero dans le jeu, mais en vrai ; je trouve ça vraiment super !

Tu as toujours eu la volonté qu’il y ait un groupe, même si il y a eu des choses en solo au début ?
Avant Adagio, il y a eu quelques petits trucs, mais il faut être lucide : c’est super dur aujourd’hui de faire une carrière dans l’instru. On a Patrick Rondat en France, je ne pense pas que ce soit super évident pour lui, mais il a vachement de courage de continuer. C’est un gros risque. Ensuite, tout dépend de ce que l’on veut faire ; j’ai envie de faire ma carrière de groupe, que de l’instru, non. Par contre, à coté d’Adagio, quand j’en aurai le temps, j’ai vraiment envie de finaliser mon truc. Actuellement, je privilégie mon temps pour Adagio.

Ça te permet aussi de t’essayer à d’autres styles ?
C’est aussi pour faire des choses que je ne peux pas forcément inclure dans Adagio.

Pour la suite, pour le groupe, ça donne quoi ?
Il y a des concerts qui commencent à se monter, quelques dates qui arrivent. On est dans l’attente de réponses pour des dates Européennes en ouverture d’un groupe plus gros, à la fin de l’année. Bientôt, je vais commencer à composer pour le prochain album ; on a mis 4 ans entre Dominate et Archangels…, je voudrais mettre moins de temps pour le prochain. Le problème est que je l’ai refait 5 ou 6 fois cet album, car je jugeais que mes premières compos n’étaient pas assez efficaces. On a beaucoup appris du dernier album.

Et le Japon ?
On espère pouvoir y rejouer cette année car on a une bonne fan-base. Les gens connaissent vraiment les chansons, ce qui est bizarre quand tu es aussi loin de chez toi. L’album est sorti quasiment en même temps qu’en Europe, ce qui est une bonne chose.



ADAGIO – Archangels In Black
Listenable Records



Site : www.adagio-online.com