SEYMINHOL

Seyminhol fait partie de ces groupes de heavy sous-estimés de notre beau pays, malgré plusieurs albums de bonne qualité. Peut-être un peu fatigués de cette non-reconnaissance, après plus de 17 ans de bons et loyaux services, les mecs n’en ont fait qu’à leur tête avec leur nouvel album, Ov Asylum, en durcissant sérieusement le ton et en modernisant leur image. Il était grand temps de mettre en lumière ce groupe dans nos pages.   

Interview parue également dans le Metal Obs' 32 de juillet / août 2009

Interview de Dr BadGood (chant) – Par Will Of Death
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Pouvez-vous présenter le line-up actuel rapidement ?
Nous existons depuis 17 ans et avons enregistré notre première démo en 1993. Trois MCD's sont sortis ensuite (Thunder In The Dark en 1996, Indian Spirit en 1999 et Nordic Tales en 2001), puis nous nous sommes lancés dans la réalisation de notre premier album sur l’histoire scandinave en 2001 (cf. Northern Recital). Ce sujet a commencé à germer dans ma tête en 1998 à l’époque où nous bouclions les démos d’Indian Spirit. On trouve d’ailleurs sur ce mini album un titre comme « Fury of the North » qui évoque les attaques Viking sur l’Europe des Carolingiens. Au départ, il était question de faire figurer un second titre sur ce thème, « Heaven of the Pagan » qui finalement n’a jamais vu le jour (et sortira peut-être en vinyle avec d’autres raretés d’ici quelques temps…). Le line-up s’est stabilisé depuis 2001 autour de Christophe, Julien, Nico et moi-même. En 2005, après la sortie de Septentrion’s Walk, notre deuxième concept album, nous avons décidé de ne plus utiliser de second guitariste en live et de sampler les pistes de clavier. Ainsi, Nico a pu retrouver sa place de guitariste au sein du groupe et actuellement, la formation évolue toujours sous cette forme.

Comment voyez-vous vos deux premiers albums aujourd’hui et comment ont-ils été reçus ?
L’accueil a été phénoménal en France pour Northern Recital. Mais les pays étrangers comme la Russie, le Japon, la République Tchèque ou la Finlande ont aussi très bien accueillis ce disque. Il nous a permis de décrocher plusieurs premières parties (Blaze Bayley et Vanden Plas entre autres, mais aussi Royal Hunt et Samaël). Septentrion’s Walk a permis d’aller plus loin dans la production, le packaging et l’histoire commencée sur le premier opus. Nous avons assuré une belle prestation à Strasbourg en 2004 en compagnie de Virgin Steele, puis nous avons fait la première partie de Paul Di’Anno au Moulins de Brainans en 2005. Le public a vraiment été très réceptif à ces deux disques conceptuels qui, avec le recul, étaient très soignés d’un point de vue historique, visuel et orchestral. Les ambiances sont vraiment superbes, mais je regrette les faibles moyens engagés pour la production. Assurément, ces deux disques auraient mérité une réalisation plus poussée. Finalement, le plus important reste toutes ces bonnes chroniques qui nous ont permis d’avancer. Nous devions même réaliser un troisième chapitre de ces aventures épiques et symphoniques mais, après mûre réflexion et suite à un passage à vide, nous avons préféré expérimenter une autre voie. Ov Asylum est un album thérapie en quelque sorte, un grand coup de gueule et une forme de testament plus sombre du groupe SEYMINHOL. Nous avions vraiment besoin de ça.

Vous avez changé d’orientation musicale avec Ov Asylum, en devenant beaucoup plus thrash et sombre dans l’âme, pourquoi cela ? Vous ne vous retrouviez plus dans le heavy plus traditionnel ? Quelle était votre idée de départ ? Comment avez-vous procédé ?
Nous sommes toujours fans de heavy et de metal symphonique en général même s’il est vrai que les récentes sorties nous accrochent moins. Simplement, comme je le disais précédemment, c’était un besoin d’évoluer pour montrer une autre facette du groupe. Au niveau des textes tout d’abord, qui sont beaucoup plus dépressifs et durs. Ils s’inscrivent dans une perspective pessimiste dont la finalité était de présenter les dérives de l’homme d’une manière générale. Car même si certains ne l’ont pas remarqué, ce disque est un véritable concept, construit comme Northern Recital et Septentrion’s Walk, avec un personnage central et une succession d’évènements. La thématique religieuse et symbolique est au centre du discours.  J’ai cherché à écrire des titres plus efficaces, en vu du live. Je voulais quelque chose de plus direct. La voix elle aussi est très différente à mon sens tout en restant mélodique. Je dois dire que je n’apprécie pas ma manière de chanter sur Septentrion’s Walk. C’est un disque que j’ai réalisé en quelques jours, à une époque où j’étais mal psychologiquement. J’ai vraiment dû lutter pour finir certaines parties. Par contre, pour ce nouvel album, tout est sorti naturellement. C’était une évidence, il devait me permettre de dévoiler une autre facette de ma personnalité. Je suis vraiment très satisfait du résultat concernant le chant sur Ov Asylum. Les retours ont d’ailleurs été très positifs jusqu’à présent même si certains puristes ne semblent pas apprécier ce revirement vocal et musical. Je leur demande juste de bien creuser chaque titre et ils retrouveront à mon sens des éléments fondamentaux qu’ils aimaient sur les deux premiers albums. Quant à ceux qui ne prennent pas la peine d’approfondir la musique, tant pis pour eux, ça ne m’empêchera pas de dormir. 

Votre nouvelle orientation musicale s’accompagne également d’un renouvellement du look, plus sombre… Les fans de la première heure risquent d’avoir un peu de mal à vous suivre, non, ou est-ce un risque calculé ?
Rien n’est calculé, nous travaillons au feeling. Nous cherchons à nous faire plaisir et à expérimenter d’autres voies. Ce style découle d’une volonté esthétique, d’un travail global sur l’artwork et les paroles. Il n’y a aucune volonté marketing derrière tout ça, aucun calcul. Nous nous foutons royalement des ventes occasionnées par cet album et des critiques. Ces choses-là ne nous intéressent plus depuis longtemps.

Si je vous dis que votre album me fait un peu penser au dernier Kragens, mais avec un peu plus de mélodie et de touches prog, es-tu d’accord ?
Je connais très peu Kragens avec qui nous avons déjà joué et il faudrait que je me penche davantage sur leur discographie. Par contre, je suis d’accord avec toi pour la touche progressive qui nous colle au basque depuis l’arrivée de Nico. De même pour les mélodies, qui sont une réelle marque de fabrique chez Seyminhol. Comme je te le disais en ouverture, ce disque n’est pas si éloigné de nos anciennes réalisations. Il faut juste prendre le temps de bien l’écouter et être un peu ouvert d’esprit.  

SEYMINHOL

De quoi parlent vos titres ?
Je suis parti d’un fait banal mais significatif des relations homme/femme : une rupture. Qu’elle soit liée à un divorce ou un abandon. Le premier titre, « The Old Man’s Tree », évoque symboliquement l’explosion de l’arbre généalogique, des racines qui lient le personnage à sa famille. Après cela, c’est une sorte de descente aux enfers caractérisée par le retour vers l’arbre dont la branche servira cette fois d’attache pour la pendaison du personnage rejeté par sa femme ou par sa mère. Le vieil homme, the old man, c’est le diable, le mal, la tentation, qui poussent la femme à commettre l’irréparable. Et tout logiquement, « Pretium Doloris » raconte l’histoire de ce personnage abandonné, perdu, qui voit ses repères exploser et qui s’enfonce dans la déprime, puis la dépression, jusqu’à devenir un véritable junkie. Une solution, une possibilité jaillit alors pour supprimer cette souffrance insupportable, la mort envisagée dans « Suicide Obsession », une ode au suicide en quelque sorte. Un fléau qui touche de plus en plus de monde de nos jours. « A Blank Chamber » est le récit incroyable de cet homme qui, en voulant mourir, arrive à manquer son but. Après une NDE, il croit que sa délivrance est dans la religion. Il suppose que c’est Dieu qui lui est venu en aide et que c’est grâce à l’intercession du Tout Puissant qu’il a survécu. « Nail and Spear » traduit cette réflexion spirituelle et regorge de paraboles religieuses sur la réalité ou non de cette possibilité. La folie n’est pas loin, la torture qu’inflige le personnage à son esprit pour démêler le vrai du faux risque de le faire basculer vers le néant (d’où le titre de l’album, « Ov Asylum », sur le modèle des traités antiques et que l’on peut traduire par « De la folie »). Arrive ensuite « Pendulum Motion », le mouvement de pendule titre qui évoque ce vacillement d’un état vers un autre, d’une idée vers une autre. Finalement, le personnage se dit qu’il a réellement trouvé son chemin et que la vérité et l’apaisement viendront grâce à la religion. Il décide alors d’intégrer un groupe de pratiquants et imagine sa reconstruction. Mais « Ecstasy in Sin », qui décrit cette assemblée hétéroclite, cette église très particulière, montre clairement qu’il s’agit d’une secte fondée sur les déviances où le Christ n’est qu’un diable déguisé. Grâce à ce titre, il m’était possible d’évoquer la religion et ses propres dérives. Par ailleurs, la figure de Marie dont je parle ici sert à rétablir le lien avec la femme pécheresse du premier titre. A la fin d’  « Ecstasy in Sin » le personnage sombre dans la folie lorsqu’il s’aperçoit que sa vie n’est qu’une succession de drame. Embrigadé, manipulé, il n’est plus rien. Le dernier morceau glisse donc doucement vers le terrorisme sous toutes ses formes et me permet d’expliquer comment l’on peut faire d’un homme perdu une bête sanguinaire prête à tuer pour n’importe quelle cause. C’est un résumé rapide de ce concept beaucoup plus riche que ces quelques phrases que je viens de balancer ici. On pourra le découvrir dans sa totalité sur notre Myspace très bientôt.

Le son de cet album est également très bon et moderne, comment avez-vous procédé ?
Je suis heureux de te l’entendre dire. Certains ont trouvé que c’était un peu léger au niveau du son. Finalement, je ne sais plus quoi penser. Je sais juste que Gilles, notre ingénieur du son, a essayé de peaufiner au maximum le grain des guitares. Il a également cherché à faire ressortir toutes les nuances de la voix. On a pas mal bossé sur les arrangements et les chœurs, quoique moins nombreux, sont à mon sens mieux réussis. Après certains aimeront, d’autres détesteront, mais je reste persuadé qu’il y a une évolution notable dans la qualité du son sur Ov Asylum. Il est plus abouti, plus lourd, il met également mieux en valeur la basse. Bref, c’est plutôt positif pour nous.
 
Quelle va être la suite pour Seyminhol, là ? Quels sont vos projets et vos ambitions avec cet album ?
Parler d’ambitions quand on est français tient de la gageure. Être français dans le metal, c’est comme être mort. Et puis avec cette putain de crise économique et la chute des ventes d’albums, il vaudrait mieux envisager une reconversion dans la variété ou les bals populaires. Bref, nous voulons faire plaisir à nos fans et aux nouvelles personnes qui s’intéressent à notre musique, à notre évolution. Nous voulons donner du plaisir à tous ceux qui nous suivent depuis longtemps. C’est aussi pour cette raison qu’avec Seyminhol, il est rare d’entendre toujours le même album. Depuis nos débuts, nous sommes passés du rock alternatif au hard-rock pour s’orienter vers le heavy symphonique puis le metal épique avec Septentrion’s Walk. On fait la musique que l’on ressent tout simplement, quitte parfois à déstabiliser les purs et durs, tout ceux qui ne se lassent jamais d’un style comme le heavy. Je crois qu’il y a encore à faire dans cette musique et nous avons proposé une vision, une possibilité d’évolution musicale avec cet album. On nous taxe de jouer du métal moderne, mais qu’est-ce que ça veut dire ? Je me fous complètement des styles et des étiquettes et je crois qu’on retrouve toutes nos influences sur Ov asylum. Elles sont juste proposées autrement. Tant pis pour les puristes qui auraient voulu un nouvel album plus traditionnel avec du clavecin et des clochettes. Qu’ils écoutent Fairyland pour patienter. Vu notre longévité, on sortira peut-être un troisième concept épique en 2012, pour les vingt ans du groupe… Qui sait ?  A moins qu’il ne s’agisse d’un album de Glam rock version New York Dolls ou d’un tribute à ces pourris de Sex Pistols !


SEYMINHOL – Ov Asylum
Brennus Music / Socadisc



Myspace : www.myspace.com/seyminholmusic