SYBREED


Wake Up, Dead...

Ah, la Suisse ! Son bon chocolat, son fromage, ses montagnes, ses secrets bancaires mais aussi son cyber métal ! Ce paradis fiscal a toujours engendré des fleurons en matière musicale, que ce soit en métal (Celtic Frost, Coroner…) ou en hardcore (Nostromo), et cela continue, que ce soit récemment dans une veine folklorique avec Eluveitie mais aussi plus moderne et futuriste avec Sybreed. Ces derniers nous sortent leur nouveau cru 2009, intitulé The Pulse Of Awakening, alliant à la fois mélodies entêtantes et rythmiques puissantes, nappées d’arrangements électroniques calibrés comme des montres suisses !

Interview parue également dans le Metal Obs' 35 de Nov. 2009

Entretien avec Ben (chant) – Par Seigneur Fred
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Alors quoi de neuf depuis la sortie d’Antarès en 2007, votre second album studio et premier pour le label français Listenable Records ? Vous ne chômez pas, on dirait… ?
Disons plutôt qu’on préfère battre le fer pendant qu’il est chaud, surtout que nous restons somme toute un groupe plutôt nouveau sur la scène internationale et qui doit encore faire ses armes. Donc, bien qu'Antarès ne soit sorti « que » deux ans en arrière, on avait déjà planifié à l’époque de prendre du temps pour l’album suivant, et c’est pour cela qu’on a passé la fin de l’année 2008 et le début de l’année 2009 à composer et enregistrer The Pulse Of Awakening. Dans le même temps, on a quand même pas mal tourné, notamment avec Samael en Europe et plus récemment avec Threat Signal aux Etats-Unis .

Avec du recul, qu’avez-vous pensé des retours de cet album à tous les niveaux (critiques presse, fans, concerts, expérience pro, business…) et en êtes-vous pleinement satisfaits ?
Dans l’ ensemble, les retours furent bons, voire excellents auprès de la presse et des professionnels de la musique. Concernant le public et les concerts, cela a été plus long dans certains pays que d’autres, et si l’album a été adopté de manière unanime aux U.S.A. et dans certains pays européens, nous avons au début rencontré un accueil plutôt timide ou divisé en France et en Suisse. Cependant, avec le temps, la situation s’est tout de même améliorée un peu de ce coté-là.

Comment se porte la scène genevoise, que ce soit en métal ou en hardcore ? Et dans votre genre de prédilection qu’est le métal indus/électro, ou pour résumer le cyber métal, la scène est-elle féconde ou alors d’autres genres sont-ils davantage à la mode maintenant (métalcore, revival rock, black métal…) ?
Honnêtement, je t’avouerais avoir l’impression que la scène s’étiole un peu ces temps-ci, ne serait-ce qu’à cause d’une fâcheuse tendance à la redite et surtout à s’enfermer dans un ou deux styles bien précis : par exemple, le grindcore est le truc à écouter actuellement pour être « cool et hype » en ce moment. Forcément, dans ces conditions, il n’y pas un foisonnement considérable de styles ni de groupes. En ce qui concerne le genre que l’on pratique, c’est en conséquence assez proche du vide sidéral,  et on fait de toute manière figure d’ovni sur Genève. Fort heureusement, il y a tout de même Etna, le groupe d’Alex, notre ancien batteur, qui envoie la purée dans la veine « métal moderne ».

A la base de Sybreed, il y avait au départ un autre groupe du nom de Rain, si ma mémoire est bonne, c’est bien ça ? Pouvez-vous représenter d’ailleurs Sybreed pour les nouveaux lecteurs ou nouveaux métalleux, surtout qu’il y a eu récemment des changements dans le line-up dans le groupe...?
Pour faire court? nous nous sommes formés en 2003, après justement le « décès » de Rain, qui fut en fait plus une « mutation » de l’ancienne formation de notre guitariste Drop qu’un split au sens premier du terme : celui-ci voulait mélanger le coté « dark métal indus » de son premier groupe avec des influences rythmiques plus modernes, genre Meshuggah ou Soilwork. Mon arrivée dans les derniers temps de Rain n’a fait qu’entériner ce processus. A suivi la sortie de notre premier album Slave Design en 2004 sur un label « indie » américain, le départ de notre premier batteur en 2006, notre signature en 2007 avec Listenable Records et la sortie de notre second album Antarès jusqu’à nous amener aujourd’hui au troisième album, The Pulse Of Awakening, et l’arrivée récente de notre nouveau bassiste Stéphane. Côté influences, c’est un peu difficile de condenser vu qu’on a vraiment des goûts très, très larges : tout simplement, on aime autant le black métal que la synth-pop, le métal technique à la Meshuggah que l’industriel, le death métal suédois que le goth-rock des années 80… ; bref, on est vraiment très éclectiques au niveau de nos sources d’inspiration.

SYBREED

Comment se sont déroulées l’écriture et la composition de ce 3ème album studio ? Sous la pression de faire encore mieux que le précédent ? Quels étaient les objectifs ?
On n’a pas vraiment ressenti de pression … enfin peut-être au début car on savait qu’on serait attendus au tournant. Mais finalement, on est parti d’une idée simple : se faire plaisir un maximum, et faire l’album que nous voulions faire sans se poser la question de savoir si cela allait plaire ou non, et ce fut salvateur. De plus, on a également décidé de travailler de manière collective, histoire d’avoir le plus d’idées possibles, car l’un de nos objectifs était de faire une musique plus originale que sur Antarès, et ainsi de nous démarquer un peu de la scène « modern métal ». Au final, l’inspiration était donc là, et on s’est bien marré en écrivant ces nouveaux morceaux, ce qui est finalement le plus important. Après, si le public adhère à notre délire du moment, ce sera bien sûr un plus !

Musicalement, votre talent réside principalement dans le mélange de vos influences à la fois métal (death/thrash moderne), indus/électro, et new wave que vous assumez pleinement. Pensez-vous avoir trouvé la formule magique alliant puissance, rythme, mélodie et émotion, tout ça enrobé de sons synthétiques ?
Je ne sais si on a trouvé une « formule magique » à toute épreuve. En fait, je crois plutôt que l’on ressent juste le besoin d’intégrer les éléments des différents styles de musique que l’on aime, sans se mettre trop de barrières : le gros son et les riffs du métal, les mélodies à la Depeche Mode, les sons électroniques à la Front Line Assembly, tout cela nous permet d’atteindre le genre d’atmosphères que l’on recherche, c'est-à-dire quelque chose de puissant, froid et en même temps très émotionnel. Ensuite, on a forcément le cul entre deux chaises, voire trois, et ce n’est pas toujours facile de trouver le bon équilibre : mais je crois qu’on ne s'est pas trop mal débrouillé avec le nouvel album.

Certaines chansons rappellent aussi bien Dagoba, par ses parties typiquement métal et lors de certaines ambiances, mais aussi Dimmu Borgir par exemple, comme sur le titre «  Lucifer Effect »,  dont l’intro me fait d’ailleurs étrangement penser aussi à la musique de Steve Jablonsky présente dans le film d’anticipation/science-fiction « The Island » de Michael Bay. Pure coïncidences ou bien clins d’œil volontaires à diverses références ?
C’est vrai qu’on aime bien user de références ça et là, en faisant attention bien sûr à ce que cela ne pollue pas trop notre musique. Je n’aurai pas noté Dagoba en premier lieu, mais c’est vrai qu’on peut faire un certain rapprochement entre leur style de métal contemporain et le nôtre. Concernant Dimmu Borgir, je crois que c’est assez évident concernant les éléments « classiques » : ce sont les premiers à s’être approchés vraiment, à mon sens, d’une ambiance véritablement « cinématographique » par l’ajout de parties orchestrales proches d’une B.O. de film, et c’est le genre d’effets que nous voulions recréer. Ensuite, étant responsable des arrangements symphoniques, je dois dire que je me suis plus inspiré de Hans Zimmer et de Jerry Goldsmith, mais la comparaison avec le thème d’ouverture de The Island me semble en effet pertinente.

Si demain un réalisateur de cinéma ou un concepteur de jeux vidéo vous appelle pour composer et interpréter un projet, cela vous plairait-il ? Un peu de la même manière dont a pu le faire Fear Factory sur le jeu  « Messiah », il y a quelques années ?
C’est tout à fait le genre de projet qui nous motiverait à mort ! Cela serait vraiment intéressant de travailler avec un cadre narratif bien précis et d’avoir la possibilité de créer une bande-son mélangeant grosses guitares, sons électroniques et arrangements classiques. Je pense d’ailleurs qu’on cherchera à collaborer sur des projets de ce type dans le futur.

Pour ce nouvel album, avez-vous enregistré de nouveau dans votre home studio baptisé The Drone et basé à Genève ? Vous y produisez d’autres groupes d’ailleurs, je crois savoir… Lesquels, par exemple ?
Seuls les guitares, basses et synthés ont été enregistrés au Drone pour cet album ; nous avons fait les prises batteries et chant chez un pote qui possède un studio bien équipé sur Lausanne, mais toujours sous la houlette de Drop en tant que producteur. Question production, Bak XIII, un très bon groupe d’électro/gothic, est un client récurrent et pour le reste, il s’agit de groupes locaux qui ne peuvent se permettre de payer des sommes astronomiques pour aller en studio mais qui veulent tout de même avoir un son de qualité professionnelle. Drop travaille également pour des projets de plus grande envergure, mais ça reste très ponctuel, sachant que Sybreed lui prend quand même une grande partie de son temps.

SYBREED

Pour le mix, vous avez fait appel à Rhys Fulber de Front Line Assembly, et qui a beaucoup collaboré dans le passé avec, entre autres, Fear Factory, un groupe qui vous a notamment influencés, je pense. Comment se déroule une journée de travail type avec ce fantastique producteur et ingénieur du son canadien ? C’était un rêve de travailler avec lui ?
A vrai dire, tout s’est déroulé à distance, donc une journée de travail ressemblait à ça : attendre de recevoir les morceaux finis par mails, ah ah ! (rires). Bon, il est vrai qu’on a beaucoup échangé d’e-mails et les chansons ont connu plusieurs versions avant le mastering. Dans tous les cas, cela s’est très bien passé, et il était vraiment motivé par cet album ; sachant combien nous sommes nous-mêmes fans de son travail, tu peux imaginer combien ça nous a fait plaisir de savoir qu’il avait pris son pied en s’occupant du mix final, tant et si bien qu’on a déjà parlé avec lui de faire le prochain Sybreed entièrement chez lui !!

Que pensez-vous d’ailleurs de l’évolution de Fear Factory aujourd’hui, entre les rivalités et procès entre membres et les derniers albums studio plutôt décevants…?
Comme beaucoup, je trouve que c’est une situation un peu triste, mais je sais également combien la vie interne d’un groupe peut être difficile, et que le « business » peut être une véritable source de désaccords et de problèmes entre des musiciens, qui peut aller jusqu’à pourrir complètement leur créativité. J’espère juste qu’il  en ressortira du bon et que l’Usine de la Peur reviendra en forme, avec un album digne d’un Demanufacture.

Enfin, le titre du morceau « Love Like Blood » vers la fin de l’album m’a interpellé ainsi que son refrain. Est-ce lié au groupe de gothic métal allemand ou bien à Killing Joke, qui a lui même donné le nom au groupe teuton grâce à sa chanson culte dans les années 80 ?
Précisément, « Love Like Blood » est bel et bien une reprise de Killing Joke : ce morceau est tiré de leur album Nightlife, et fut un hit en Angleterre en 1985, si je me souviens bien. On l’a choisi car bien que cette chanson soit issue de la période la plus « commerciale » de Killing Joke, elle possède un groove d’enfer et une rythmique bien plus couillue que la plupart des hits new wave moyens. Donc, aucun lien avec le groupe de goth-rock allemand du même nom.


SYBREED – The Pulse of Awakening
Listenable Records / Pias



Myspace : www.myspace.com/sybreed