ARK FORTRESS


Danse Macabre...


A peine deux ans après leur précédent album Eidolon, fort réussi au passage, les Allemands de Dark Fortress continuent de battre le fer tant qu’il est chaud et leur succès ne fait que croître ces derniers temps. Passés maîtres dans un art black metal mélodique et puissant, ils apportent réellement de la fraîcheur dans cette scène musicale qui parfois tourne en rond si on écarte les groupes cultes toujours présents… Petite discussion avec le maestro V. Santura, plutôt prolixe depuis son château (enfin son studio) en Bavière, où il rentre tout juste de croisade.

Interview parue également dans le Metal Obs' 36 de Janvier 2010

Entretien avec V. Santura (guitares) – par Seigneur Fred
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Salut ! Peux-tu te présenter tout d’abord et nous dire comme s’est passée cette tournée européenne en fin d’année dernière avec les groupes Satyricon, Shining et Posthum ? Vous avez d’ailleurs joué à Paris le 4 décembre dernier au Trabendo, mais voilà, il y avait le fameux concert d’Alice In Chains le même soir au Bataclan…
Je suis V. Santura, l’un des deux guitaristes de Dark Fortress, mais aussi membre de Triptykon et Noneuclid. J’ai écouté le dernier album d’Alice In Chains et je dois dire que je suis profondément impressionné, tu es donc tout excusé (rires) ! Eh bien, concernant notre concert, et je ne dis pas cela parce que je m’adresse ici au public français, j’étais vraiment euphorique quand j’ai quitté la scène de la salle du Trabendo après notre set. Je n’avais aucun indice pour me repérer, pour savoir à quoi m’attendre car nous n’avions jamais joué en France auparavant, mais j’ai ressenti une telle ferveur venir du public de Paris et tant de passion à l’égard de notre musique, que j’ai été littéralement scotché. C’est assurément l’une des plus grandes soirées de cette tournée 2009 ! Il y a eu aussi quelques autres dates avec de bons concerts, mais malheureusement je suis tombé très malade juste après le concert de Bologne en Italie, donc la tournée fut en partie un enfer pour moi durant presqu’une semaine. J’ai même dû annuler 2 concerts, ce qui ne m’était jamais arrivé dans ma carrière de musicien ! Un soir, durant un concert (c’était à Prague je crois), Morean, notre chanteur m’a remplacé provisoirement à la guitare. Il a appris 5 chansons en quelques heures seulement dans la chambre de l’hôtel durant l’après-midi précédent notre show. Vraiment impressionnant, ce mec…

Doit-on considérer cette série de dates comme la fin de la tournée d’Eidolon, votre précédent album, ou bien le début de la promotion du nouveau, Ylem, sur scène ?
Nous pouvons voir cela comme le début, en avant-première même, de la promotion d’Ylem, notre nouvel album. Le “timing” n’est pas tout à fait parfait parce que la tournée entière a eu lieu presque 1 mois  et demi avant la sortie du nouveau disque mais c’était la chose la plus juste et la plus pratique à faire. On n’a pas toujours la chance de jouer sur de telles dates avec de tels groupes chaque jour.

Eidolon est paru en 2008. En es-tu totalement satisfait, notamment au niveau de la production sonore car c’est toi qui l’as produit au Woodshed Studio, ton home studio ?
J’aime beaucoup Eidolon, vraiment, et j’en suis plutôt satisfait globalement. Nous recherchions comme but d’avoir un album assez direct et agressif, et c’est ce qu’il en est. En faisant une rétrospective, je pense que son prédécesseur, Séance, possède un peu plus de profondeur, au niveau du son et du champ des émotions, mais l’agression y était moins intense. Eidolon a en effet été auto-produit tout comme déjà ses prédécesseurs Stab Wounds et Séance. J’ai ouvert officiellement le Woodshed Studio en mai 2008, donc Eidolon a été produit juste avant dans de drôles de circonstances avec pas mal de problèmes... Ylem est le premier album que j’ai donc pu complètement produire et finaliser entièrement dans mon propre studio, ce qui a été un immense plaisir.

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Tu es arrivé au sein de Dark Fortress en 2001 je crois, et le groupe ainsi que la musique ont vraiment évolué depuis cette date, mais surtout depuis 2004 avec l’album Stab Wounds. Comment expliquerais-tu cette évolution professionnelle ?
C’est vrai. Mais Seraph m’a rejoint en même temps à la batterie, ainsi que Draug, notre bassiste, quelques mois auparavant. Il y a donc eu un grand changement de line-up vers 2000/2001. J’ai remplacé Crom à l’une des deux guitares. C’est lui qui était l’un des principaux compositeurs sur le premier album du groupe Tales From Eternal Dusk (2001). Ce fut une avancée logique des choses, le groupe allait donc se diriger vers de nouveaux chemins après cela. Nous avons conçu le second album Profane Genocidal Creations en tant que groupe, la plupart de la musique ayant été écrite dans notre salle de répétition. Mais nous sommes tous extrêmement mécontents de cet album. Nous avions donc besoin d’un changement drastique sur la manière de composer et de travailler sur nos chansons après cet album. Je pense que tu peux créer de la musique avec plus de profondeur, plus d’intensité, avec beaucoup plus de détails, si tu travailles principalement tes compositions chez toi au départ, à la maison. C’est bon de faire certains arrangements avec le groupe entier ensuite, mais je préfère vraiment travailler seul au départ. Et nous avons donc établi cette manière de procéder avec l’album Stab Wounds.

Dark Fortress est-il un groupe démocratique (rires) ou bien doit-on considérer que tu es le leader du groupe (principal compositeur, ingénieur du son et producteur) ?
Les deux (rires). Je considère Dark Fortress comme un groupe démocratique, mais chaque démocratie a besoin d’un président ou bien d’un chancelier (Ndlr : Dark Fortress est allemand) qui décide de la principale direction à prendre. Et chaque groupe a besoin de quelqu’un avec une vision claire et générale sur les choses relatives au groupe. Je joue dans trois groupes actuellement, et dans celui-ci, Dark Fortress, je suis le type qui a cette vision globale. Dans Noneuclid par contre, c’est Morean, et dans Triptykon, là c’est Tom Gabriel Fischer (ex-Celtic Frost). Néanmoins, les autres membres ont de hautes compétences qui sont utilisées dans le groupe. Morean écrit toutes les paroles par exemple, et certaines musiques aussi. Asvargr est toujours le mec qui apporte d’excellents riffs bien sombres et torturés, bien nécros (rires) et Seraph vient en répétition avec de nombreuses idées géniales pour la batterie et les rythmiques. Quand à Draug, c’est notre épicentre énergique en live lors de nos concerts. Et sérieusement, as-tu déjà vu un type aussi repoussant que notre claviériste Paymon ? (rires) Chacun a donc un rôle important à jouer dans le groupe.

Maintenant, peux-tu nous présenter et décrire votre 6ème nouvel album studio intitulé Ylem, notamment en le comparant musicalement au précédent, Eidolon ?
Quand nous avons commencé à composer la musique pour Ylem, mon souhait était clairement de ne pas rester borné à un concept musical ou lyrique par avance. J’ai juste voulu écrire de la musique, celle qui venait directement de mon intérieur, sans avoir à me forcer et d’aller forcément vers une certaine direction. De cette façon, la variation stylistique est plus beaucoup plus grande que sur Eidolon. C’est sûr, ce n’est pas notre album le plus agressif bien entendu, mais il contient des choses profondes, des émotions plus variées et c’est très heavy. C’est donc par contre notre album le plus diversifié et peut-être aussi le plus adulte d’une certaine manière.

Que signifie “Ylem” d’ailleurs ? Peux-tu expliquer ce nouveau concept tout comme le fut Eidolon à propos du miroir qui amène notre âme vers une autre dimension astrale…?
Oui. Cela fait référence à l’alchimie. “Ylem” est LA substance à partir de laquelle les éléments se sont développés pour créer le chaos qui a conduit à la théorie du Big Bang. C’est en quelque sorte la matière originelle hypothétique ou un condensé d’un état de matière juste avant l’arrivée du Big Bang. En revenant en arrière, à cet état primaire original, “Ylem” signifierait ainsi la fin de toute chose en même temps. Il y a une sorte d’étincelle ou de graine de fin de vie dans tout, partout, et c’est inévitable que cet univers s’achèvera un jour, et il retournera alors à son état d’origine. Ce principe de la mort est donc le principal thème de nos paroles cette fois-ci sur Ylem. D’une certaine façon, la plupart des morceaux sont des invocations à la mort sous une forme ou une autre.

Peut-on rapprocher davantage Ylem à votre album Séance musicalement ? Car il est très sombre, ténébreux et lourd parfois, carrément doom metal même !
Ouais, cette idée ne me déplaît pas.

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On dirait que ta collaboration live en tant que second guitariste au côté de Celtic Frost sur la fin de leur dernière tournée t’ait influencé lors de la composition, à l’écoute de titres bien dark et doomy tels que “Evenfall” ou “The Valley”…, non ?
Eh bien... héhé... (rires) Je ne peux nier l’influence de ce groupe et ce n’est pas une si mauvaise chose, ma foi ! J’ai joué environ 60 shows avec Celtic Frost en 2007 et interpréter une musique si heavy et si intense aussi fréquemment laisse certaines traces et me concernant, cela m’a à la fois touché en tant que musicien et compositeur. “Evenfall” est une très vieille chanson par exemple, et qui par la force des choses, a évolué. Elle était assez basique au départ et a été écrite durant les sessions studio Stab Wounds (2004). Cela a juste pris beaucoup de temps jusqu’à ce que l’on soit prêt et capable en tant que groupe de faire cette chanson. Donc sur celle-ci, il n’y pas d’influence directe récente de Celtic Frost même si je suis fan du groupe depuis longtemps. Et par contre, tu as raison, je n’aurai probablement pas écrit une chanson telle “The Valley” il y a plus de trois ans par exemple...

Quelles sont les news au sujet de Celtic Frost ? C’est définitivement fini, sans Tom G. Warrior ? Es-tu toujours en contact avec ?
Ouais, je pense que c’est définitivement fini. Il n’y a pas de Celtic Frost sans Tom Gabriel Fischer alias Tom G. Warrior tout comme il n’y a pas de Celtic Frost sans Martin Eric Ain… C’est aussi la raison pour laquelle nous avons choisi de continuer sous un autre nom, en l’occurrence un nouveau patronyme, celui de Triptykon, bien que ça sonne aussi proche que Celtic Frost musicalement.

Sur l’édition limitée du nouvel album Ylem, il y un titre bonus : une reprise de la chanson du générique de la série TV culte Twin Peaks de David Lynch “Sycamore Trees”. Plutôt surprenant ! Pourquoi un tel choix ? Es-tu un fan nostalgique ? (rires)
Lynch est impressionnant. Lost Highway est l’un des plus grands films de tous les temps et aussi l’un des plus troublants. Malheureusement, je n’ai encore jamais vu Twin Peaks. En fait, c’est Morean (notre chanteur) qui est arrivé avec cette idée de reprise du thème musical et je pense qu’il est vraiment un gros fan de Twin Peaks et tout spécialement de cette chanson. Cela peut plaire aux fans…

Quelques mots pour conclure sur tes autres projets parallèles même si on l’a évoqué un peu tout à l’heure : Triptykon mais aussi Noneuclid ?
Je pourrai très bien remplir des pages au sujet des nouvelles de Triptykon dont on parlait tout à l’heure ! Mais je peux dire une seule chose pour faire court : on a vraiment commencé. La production de notre premier album est finie. Le label a été choisi, et une date de sortie est établie. Notre premier show aura lieu au Roadburn Festival en tant que tête d’affiche du vendredi, où nous sommes confirmés [Ndlr : le concert de Triptykon aura lieu le 16/04/2010]. Et je crois vraiment que nous avons réussi à concevoir la suite légitime de l’album Monotheist de Celtic Frost. Quand à Noneuclid, c’est un peu silencieux en ce moment autour de ça, mais nous jouerons aussi live au Roadburn Festival, ce qui est une chose superbe pour nous comme occasion. En fait, nous avons déjà un second album entier complètement écrit, enregistré et mixé. Nous n’avons tout simplement pas eu le temps encore de  chercher et de démarcher des labels pour un contrat parce qu’il y a déjà tellement d’évènements avec tous les autres projets/groupes dans lesquels nous sommes déjà impliqués…

Ok, et que veux-tu ajouter à l’attention du public français et des fans de black metal ?
Merci pour cet impressionnant retour que nous avons eu ici en France à Paris lors de notre tout premier concert en décembre 2009, vous assurez !



DARK FORTRESS – Ylem
Century Media / EMI



Myspace : www.myspace.com/darkfortress