NESSERIA
This Apocalyptic World...
Le bourgeon de Nesseria aura mis du temps à éclore. Mais les choses bien faites demandent souvent un certain temps pour être créées. Cinq and après sa formation, le groupe d'Orléans passe le cap du premier album. Un concentré de haine et de dégout partagé avec une fougue rare à laquelle nous n'avons pas pu résister. L'occasion de leur poser quelques questions était donc trop belle pour passer à côté. C'est Julien, tête sur les épaules, qui s'y colle.

Interview parue également dans le Metal Obs' 36 de Janvier 2010
Entretien avec Julien (basse, voix) – Par Gilles Der Kaiser
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Le début au début... Raconte-nous un peu ce qui a précédé la sortie de l'album, l'histoire de Nesseria.
Ben, Greg et moi-même avons appris à jouer ensemble. Tout ça est parti de notre frustration d’adolescents, ça a toujours été « le groupe », en fait... Puis on a épuisé quelques chanteurs, partis parce que trop peu impliqués. Après deux démos, on a sorti un split avec un groupe suédois, The Grizzly Twister. Puis Jérôme, qui jouait un truc assez différent avec Greg et un de ces chanteurs nous ont rejoints sur le 2ème split (MuNeuJohn/Cyberne et Venosa). Puis Adrien, aux voix. Et après des galères suivies d’embrouilles, on sort l’album en décembre.

Malgré des recherches, je n'ai rien trouvé sur l'origine de votre nom... Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Comme je te disais, le groupe existe depuis qu’on s’est décidé à apprendre à jouer des instruments… On a commencé à répéter dans la baraque d’une bonne femme qui bossait dans un labo d’analyses médicales. Il y avait un listing interminable de nom de bactéries et autres virus qui traînaient là… La neisseria, c’est son véritable nom, et ça nous a plu pour sa sonorité. On a appris quelque temps plus tard que c’était un vecteur pour soit la méningite soit… la ghonnorée. La chaude-pisse, si tu veux, le vieux nom.

Vous avez sorti pas mal de splits avant cet album...
Que deux en fait. « Dead Odeo Stars » , avec les Grizzly Twisters en CD,  dont un morceau de ce split a été exploité en 4 ways  vinyle avec Fuck The Fact, The Crinn et World Downfall. Ensuite, « Son » avec les japonais de MuNeuJohn et Cyberne. On a réédité ce split pour la France avec Venosa.

Et là, vous proposez donc votre premier album, chez Trendkill Recordings. Que représente pour toi cette signature ?
L’opportunité de signer chez quelqu’un à qui on a décidé de faire confiance. Bon catalogue, bon label… Pas mal de libertés… En fait, on avait dealé précédemment avec un label italien, The Spew, qui s’est avéré être une petite crevure : quand on lui a parlé des licences pour sortir l’album en vinyle chez des petits labels punks rencontrés ici et là, il nous a sorti un tarif complètement rédhibitoire. Chez Trendkill, les choses pourront être claires.

À l'époque des splits, il me semble que la composition prenait passablement de temps. Avez-vous changé votre manière de l'aborder pour cet album ? Comment vous-y prenez-vous aujourd'hui ?
En effet, on a travaillé de manière complètement différente. On s’est mis à travailler chez nous, sur de minuscules amplis ; ça pouvait durer toute la nuit s’il le fallait. Avant, on avait tendance à essayer de trouver des idées tous ensemble dans un bordel monstre… Là, on est partis de ce qu’on voulait dire.
NESSERIA

Pourtant, il y a toujours quelque chose de très spontané dans votre musique. Est-ce que tu crois que ça découle justement de votre manière de composer ?
Merci. On tient à garder de côté « in your face », à éviter les prouesses de cirque. Si quelque chose ne nous paraît pas suffisamment énergique, on l’abandonne. À l’avenir, on essayera peut-être de varier un peu dans ce qu’on voit comme intense, justement…

Vous semblez par ailleurs être passablement affilié à la scène hardcore, mais vous puisez aussi beaucoup du côté du grind et du death...
Affiliés à que dalle. Sincèrement, aucun d’entre nous ne se sent faire partie d’un « club ». Nous écoutons tous des styles bien distincts,  mais ce qui nous réunit (en plus de certains groupes), c’est justement le rejet de ces « scènes » autoproclamées.

Votre musique (au niveau des paroles notamment) est très engagée. Quel rôle penses-tu qu'un artiste ait vis-à-vis de son audience ?
En ce qui concerne les paroles, je peux te dire dans quel état d’esprit je les ai écrites, mais sur le rôle des musiciens vis-à-vis de leur audience, chacun des gars pourrait avoir une réponse différente. Pour ma part, je ne me sens investi d’aucune responsabilité. Ça tient plus de l’insulte qu’autre chose. Ça soulage et ça ne fait pas avancer les choses pour autant… Mais ce n’est pas une raison pour la fermer. Qui ne dit mot consent, non ? Je ne fais pas des slogans, je ne cherche pas à persuader, juste à dire pourquoi et de quelle façon je deviens amer et écœuré.

Au niveau de la production, le son ressort comme étant très monolithique et direct. Aviez-vous une idée de ce que vous vouliez de ce côté-là avant votre entrée en studio ?
On fait confiance à Neb Xort ; je pense qu’il a compris le groupe. On lui a demandé quelque chose d’extrême. Cependant, si l’ensemble avait été un peu plus organique… On apprend à chaque fois, c’est passionnant. Affaire à suivre.

Julien, tu touches à de nombreux sujets au travers de tes textes, mais dans l'ensemble, il me semble surtout qu'il y ait un malaise vis-à-vis de la société de surveillance qui est en train de se mettre en place...
Oui nous sommes surveillés, mis en statistiques et ça ne semble déranger personne. On nous fournit un cadre qui va jusqu’à digérer sa propre contestation… C’est l’apathie totale. Ce qui aurait pu nous paraître délirant hier est devenu bien réel, et on se fait traiter de paranoïaques ou de loosers… Ça crève gentiment.

Toujours par rapport à tes textes, dans « Les Filles De dieu », tu abordes la question de la misogynie en citant des extraits de la Bible, du Coran, de la Torah, etc... Dans quelles mesures êtes-vous engagés contre ces dérives des religions de masse ?
J’ai réuni des extraits précis des livres des religions majeures, je les ai cités tels quels. Sur www.atheisme.org, on trouve pas mal de choses intéressantes. J’ai lu ces livres, ce sont des amoncellements écœurants d’homophobie, de misogynie, de bêtise crasse et agressive. On ne me fera pas le couplet de la tolérance, je sais exactement de quoi il en retourne. On a fondé nos civilisations sur de mauvais romans politiques écrits par des bergers débiles. La religion est donc présente à tous les étages de nos sociétés. La religion ne « dérive » pas, elle EST une dérive.

La pochette aussi est très sombre. Elle m'inspire l'idée que le capitalisme et ses excès (abordé dans « Par Pertes Et Profits ») poussent l'homme à agir comme un animal. Quelques mots sur le visuel de l'album ?
C’est exactement ça. Les chiens mangent les chiens. Une seule carcasse et deux chiens : l’un est rassasié de la veille, l’autre non. Vont-ils partager ? Pas plus que les gens. Le plus gros mangera, écrasera le plus faible, etc. C’est immuable.

Pour finir, deux mots sur la scène, puisqu'elle occupe une place très importante chez Nesseria. Vous tournez beaucoup et dans des endroits très différents (Japon, Finlande, Danemark, etc.). Qu'avez-vous retiré de ces nombreuses expériences ? Est-ce que cela a changé votre manière d'approcher la musique ?
Tout à fait. Rester en France nous aurait amenés à crever de dépression. Ailleurs, on ressent une sorte d’identité sonore, notamment au Japon, qui nous laisse à penser que les standards du genre ne sont que très relatifs.

Une tournée en France est-elle prévue ?
Pas de tournée pour l’instant, mais quelques concerts. Allez jeter un coup d’œil sur www.myspace.com/nesseria si vous êtes intéressés (quelques dates françaises – Tours, Rennes et Bolbec - ont été annoncées après la réalisation de cette interview, ndlr) !

NESSERIA – Nesseria
Trendkill Recordings

Myspace : www.myspace.com/nesseria