DARK TRANQUILLITY


Nous sommes le vide...


Les Dark Tranquillity étaient devenus un peu les AC/DC du Death Metal mélodique (NDLR : en mieux bien sûr, mon petit Will). Le genre de groupes sans réelle surprise, mais avec toujours la certitude de tomber sur un album de qualité. Cette fois-ci, rebelote, mais avec une direction musicale un peu différente, plus agressive, mais toujours aussi irrésistible.

Interview parue également dans le Metal Obs' 37 de Fév. 2010
Entretien avec Mikael Stanne (vocals) – Par Geoffrey & Will Of Death
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Avant de parler de l’album, on aimerait revenir sur le DVD sorti il y a quelques mois, qui est certainement un des meilleurs DVD’s Metal sortis ces dernières années. Tu peux en parler ?
Je suis vraiment très content de la manière dont les choses se sont déroulées car nous avons passé beaucoup de temps dessus et c’est effectivement encore meilleur que ce à quoi nous nous attendions. Nous voulions que la qualité soit au rendez-vous et quand nous en avons parlé au label, nous avons bien insisté là-dessus. Et pour être honnête, je ne me lasse pas de le regarder du fait que la qualité des images et du son ; ça pète vraiment. Ce nouveau DVD est vraiment à des années-lumière de celui que nous avions réalisé en Pologne, même si à l’époque, c’était la bonne chose à faire. Le documentaire montre bien aussi que nous apprécions d’être ensemble et dévoile pas mal de choses intéressantes sur le groupe. J’ai aussi adoré me replonger dans le visionnage des concerts que des fans avaient filmés et qu’ils nous ont envoyés, car je ne me rappelais pas de tout. C’était même assez bizarre de se replonger plusieurs années en arrière au travers de ces concerts car sur certaines séquences, on est vraiment ridicules et on a souvent été morts de rire en revoyant ça (rires). En gros, tout ce que nous avons nous-mêmes filmé se retrouve dans les deux DVD et on peut donc passer à autre chose. Du coup, là, c’est presque comme un nouveau départ pour le groupe, comme si on avait clôt un chapitre.

Un chapitre qui aura quand même duré 20 ans…
Merde, ouais… T’étais pas obligé de me le rappeler (rires) !

Quand tu réfléchis aux débuts du groupe, vers 1991, tu pensais que vous alliez pouvoir devenir un des plus gros groupes de death mélodique de cette Terre ?
Bien sûr que non. Le Death Metal tel que nous le pratiquions était hyper underground, quasiment une chose secrète. Tout était nouveau : les groupes, les labels… Alors quand nous avons pu nous consacrer totalement au groupe, ça a été une vraie surprise et nous sommes toujours aussi passionnés par ce que nous faisons. Tu imagines ? Nous avons commencé à jouer ensemble à l’âge de 14 / 15 ans ! Du matin au soir, on peut penser Death Metal et s’amuser : c’est plus un vrai mode de vie qu’autre chose. Comme ça fait 20 ans qu’on fait ça, c’est complètement devenu une partie de nous-mêmes. En fait, tout au long de notre carrière, on n’a jamais établi de plan pour faire tel ou tel festival, pour signer avec tel ou tel label, ce qui fait que tout ce qui nous est arrivé a été vécu comme étant du bonus. Par contre, on a toujours été sérieux avec notre musique dans le sens où nous avons constamment essayé de composer à chaque fois les meilleurs morceaux possibles. On n’a pas l’impression qu’on fait ça depuis une vingtaine d’années, on n’en a pas marre et c’est très plaisant comme situation. 

Nous voilà donc avec un nouvel album, We Are The Void, un titre d’album très fort [trad : Nous Sommes Le Vide], spécialement avec le titre « I Am The Void », qui montre un côté très sombre de ta personnalité… Pourquoi ce titre ?
Principalement parce que nous sommes en partie vides en tant qu’humains. Nous sommes toujours en train de chercher des buts à atteindre mais il y a plusieurs sens à ce titre. Le vide, c’est aussi la peur, notre propre stupidité à propos de ce qui nous entoure, notre méconnaissance des gens qui gravitent autour de nous… Ce titre, c’est un peut tout ça. Ce titre suggère tout un tas d’images, de questionnements et c’est ce que je voulais faire passer. Alors pourquoi ce titre We Are The Void ? Parce qu’en tant que groupe, nous sommes un peu obligés de créer notre propre vide dans nos têtes quand on compose, histoire de ne pas copier ce qui a déjà été fait, mais ce vide (le groupe en fait), c’est aussi notre refuge qui nous permet de lutter contre ce qui nous effraie à l’extérieur. Je sais très bien que parfois, quand un truc m’emmerde, je file à notre local de répètes pour plusieurs heures, et je me sens mieux après. Notre groupe, c’est aussi notre moyen de trouver des réponses et ça nous aide dans notre vie de tous les jours.

DARK TRANQUILLITY

Tu vois la musique comme une thérapie ?
C’est sûr ! La musique me permet d’extérioriser certains côtés de ma personnalité et ça m’aide beaucoup.

Un titre sombre pour peut-être votre album le plus sombre depuis le début de votre carrière, musicalement parlant. Tu es d’accord ?
Absolument, je le pense aussi. Nous en avons parlé avant de commencer la composition : étant donné que nous avons clos les vingt premières années de notre parcours, ce nouvel album est certainement le plus important de notre carrière dans le sens où il va conditionner les vingt prochaines années. Comme je te le disais tout à l’heure, c’est le commencement de quelque chose de nouveau, la seconde partie de notre vie de musiciens. Ça a été d’autant plus dur que nous avions fixé une deadline pour sa réalisation et que la composition s’est effectuée dans un laps de temps limité. On a donc bossé très dur dessus et de manière très sérieuse. Du coup, les sujets qu’on aborde se sont révélés être aussi sombres et sérieux, ce qui a rejailli forcément sur la musique. Mais ça me plaît bien : parfois, tu joues des choses bien mélodiques, tu gueules dessus et tu t’amuses bien. Là, le fait d’avoir réalisé un album plus sombre nous a mis dans un autre état d’esprit, quelque chose de plus radical.

C’était peut-être aussi l’occasion de prendre plus de risques, pour éviter une certaine forme de routine ?
Oui, absolument ! Nous n’avons écarté aucune option cette fois alors que ça n’a pas toujours été le cas dans le passé : ces dernières années, si quelqu’un se pointait avec un riff vraiment trop surprenant, on rechignait un peu à le travailler. Là, on a laissé les portes ouvertes et on a essayé tout ce qui se présentait, même si ça nous paraissait bizarre pour Dark Tranquillity. Et certaines choses se sont révélées fantastiques au final. On a donc été plus ouverts aux trucs dingues, qui, joués parfaitement, sont en fait excellents. C’est une nouvelle forme d’écriture pour nous et tout le monde s’est par conséquent senti très concerné.

Ouvrir l’album par le titre « Shadow In Our Blood » est justement un peu risqué, non ? Les fans old school risquent d’être surpris par ce titre, tout comme « Archangels », qui sont des chansons beaucoup plus sombres au niveau des vibrations, pas Black Metal, mais presque…
Si c’est pour proposer toujours les mêmes riffs mélodiques et chanter des trucs légers, à quoi bon ? Niklas et Martin sont très bons pour proposer des mélodies traditionnelles mais Niklas adore aussi ces mélodies bizarres. Quand il nous a montré ses riffs la première fois, on s’est dit que c’était très bon mais peut-être trop éloigné de notre style, sauf qu’on s’est vite rendu compte, comme je te l’ai dit auparavant, qu’il fallait laisser couler les idées. Maintenant, je me rends compte que ces titres « étranges » se fondent parfaitement à l’ensemble de l’album. J’aime cette nouvelle dynamique, entre riffs plus traditionnels, comme sur « The Fatalist », et ces harmonies dérangeantes. C’est très intéressant de voir que nous progressons encore et que nous avons été capables de créer des titres fortement contrastés. Niklas et Martin ont une approche précise du groupe, mais Daniel, notre nouveau bassiste, est un grand fan de thrash et de death metal, et il apporte une nouvelle dynamique à nos chansons. Ecrire cet album a été un vrai plaisir !

Sur le titre « Her Silent Language », on a de nouveau l’opportunité d’entendre un peu de tes vocaux clairs. On croyait pourtant que tu les avais oubliés, surtout après l’album Projector, qui a été très critiqué pour ça. Sauf que 10 ans après, on se rend toujours compte que cet album est très bon…
Non, je n’ai pas oublié (rires). Mais comme tu le fais remarquer, je les avais un peu mis de côté, à cause de ces critiques (rires). Mais là, nous nous sommes dit que ce morceau avait besoin de vocaux clairs parce que je n’avais que cette mélodie en tête pour le passage qui nous intéresse ici. C’est vite devenu une évidence et Niklas était d’accord avec moi. N’y voyez là aucune motivation commerciale ou autre connerie du genre : c’est juste que pour cette partie, ces vocaux clairs s’imposaient et personne, pas même le producteur de l’album, n’aurait pu me faire changer d’avis.

On parlait justement des réactions des gens. Quelles sont les réactions de la presse pour le moment ?
Les chroniques qui commencent à arriver sont bonnes dans l’ensemble et les gens avec qui j’ai déjà discuté semblent être contents de l’album. Tout ça est positif et j’en suis ravi. Mais même si le label a de bons retours aussi, on ne sait jamais comment ça va se passer. Tout ce que je sais, c’est que je suis très fier de cet album et j’ai hâte que les fans l’entendent et nous donnent leur avis. Je suis aussi très impatient de tourner pour voir ce que les nouveaux titres vont donner en live.

Au bout de 20 ans de carrière, tu ressens toujours de la pression au moment de la sortie d’un album ?
Pas vraiment pour la sortie mais avant l’enregistrement, oui, je suis toujours tendu parce qu’on veut toujours donner le meilleur de nous-mêmes. On s’est mis la pression tout seul parce que comme je te l’ai dit, on sent bien que c’est l’album le plus important de notre carrière. Maintenant qu’on a fini le boulot, je suis plus relax car je sais que le travail a payé ; j’attends juste les réponses des gens. Les deux titres qu’on a mis sur Myspace plaisent beaucoup apparemment donc ça devrait bien se passer…

Mais quiconque vous écoute vous aime instantanément (rires) !
[Ndlr : Visiblement troublé par notre question] Euh… oui… peut-être (rires). Je n’en sais rien moi. Merde, les mecs, vous me posez de ces questions (rires) !

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Non, mais au-delà de la plaisanterie, qu’est-ce que les gens trouvent chez vous qu’ils ne trouvent pas dans les autres groupes ?
Ah ah… C’est pas mieux comme question ! Non, je ne sais pas : je dirais de l’honnêteté, de la passion et une certaine forme d’intégrité…

La semaine dernière, j’ai discuté avec Anders, d’At The Gates / The Haunted… Il m’a dit qu’il avait bossé avec vous sur le DVD bonus qui sort avec l’album. Tu peux nous en dire plus ?
Oui, il a effectivement bossé avec nous sur une sorte de documentaire et il a fait du très bon boulot. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre mais il a montré beaucoup de professionnalisme dans cette affaire et ce qu’il a réalisé pour nous montre réellement comment s’est passé l’enregistrement. Ce n’est pas un truc flashy, c’est juste la réalité : du fun, des angoisses, de la sueur et aussi de la souffrance en ce qui me concerne quand on est allés en Finlande pour filmer la vidéo du titre « Shadow In Our Blood ». C’était juste horrible : passer ma journée à rouler sur une bécane par des températures polaires a bien failli me tuer (rires) ! Une des pires expériences de ma vie, vraiment. Un truc de fou. Et bien sûr, Anders a filmé tout ça… Tout ça se retrouvera sur le DVD livré avec l’édition limitée du disque, en plus d’autres choses, comme un titre bonus qui n’est pas sur l’album mais qui aurait très bien pu y être car il est très bon.

Revenons à vous, mais aussi à At The Gates ou encore In Flames. Vous avez créé un style qui est copié aujourd’hui sous le nom de Metalcore… Comment vois-tu cette scène ?
Je ne sais pas trop si on peut critiquer cette scène, dans le sens où il y a quand même pas mal d’influences hardcore là-dedans. Mais si on y repense, c’est ce que nous avons fait aussi à nos débuts : on a pris des influences thrash, speed, power et death metal pour créer quelque chose de nouveau. Je trouve donc assez fantastique que des gars aient mixé ce qu’on a créé avec du hardcore parce que j’aime beaucoup les principaux groupes de ce style également.

Oui, mais voilà le problème : il y a énormément de suiveurs dans le Metalcore…
Oui, certes mais je ne peux être critique que si un groupe fait vraiment de la merde. Mais nous-mêmes, nous allons tourner aux USA avec deux groupes de Metalcore ! Killswitch Engage et The Devil Wears Prada sont fantastiques : ils ont de très bonnes mélodies, notamment au niveau des vocaux, chose qu’on ne rencontre pas forcément dans le Metal extrême. Je suis vraiment fan de Killswitch Engage et suis donc ravi de tourner avec eux. Le Metalcore ne me dérange pas car je me dis que si tous ces groupes nous citent, nous et nos autres potes de Suède en général, comme influence, c’est que ce que nous avons produit depuis une vingtaine d’années n’est pas si mauvais que ça ! Tu sais, on a nous aussi été très critiqués au début de notre carrière parce que les fans de pur Death Metal disaient que nous mettions trop de mélodies dans notre musique, qu’on dénaturait le style, mais on s’en tapait : on a fait ce qu’on a voulu parce qu’on trouvait ça cool. Le temps nous a donné raison et le Metalcore est là aujourd’hui pour le prouver ! Et tourner avec ces deux groupes va nous permettre de montrer aux Américains qui a créé le style, tout en jouant devant pas mal de monde…  On est très confiants ! C’est même nous qui allons ouvrir pour ces groupes [Ndlr : ce qui est le monde à l’envers !!] mais pas de souci : je vois plus cette tournée comme un échauffement, un moyen de tester nos nouveaux titres sur scène, avant de venir jouer en festivals et tourner en tête d’affiche en Europe. 


DARK TRANQUILLITY – We Are The Void
Century Media / EMI



Site : www.darktranquillity.com

Myspace : www.myspace.com/dtofficial