FINNTROLL


Le monde est troll...


Malgré plusieurs faits divers survenus il y a quelques années et la succession de trois chanteurs au micro, Finntroll continue son aventure avec ce mélange particulier de black metal symphonique et de folklore utilisant des instruments traditionnels finlandais. Nos trolls préférés débarquent aujourd’hui en ville pour nous présenter Nifelvind, leur cinquième opus. Petit tête-à-tête avec l’un d’entre eux…

Interview parue également dans le Metal Obs' 37 de Février 2010

Entretien avec Trollhorn (claviers) – Par Seigneur Fred
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Cher troll, en premier lieu, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Salutations, Mortels ! Moi, que l’on appelle aussi Trollhorn, je joue mes instruments de torture fait d’ossements blanchis constitués de bois et de touches d’ivoire au sein de cette assemblée des ténèbres que vous nommez communément, vous faibles humains, le groupe Finntroll. Ayez peur, vous qui tremblerez lorsque vous croiserez mon regard pénétrant, moi qui vis reclus dans des maisons froides et obscures ou en studio parmi notre équipement scénique car je ne quitte que rarement ma tanière pour aller voyager sur les routes terrestres avec les membres de notre petit clan. “Ahem ! Papa !” [NDLR : Trollhorn est alors interrompu par son fils qui lui demande alors de raconter une nouvelle histoire avant d’aller dormir]. […] Non, je ne vais pas te relire une histoire de trolls pour la nuit, mince alors !! Tu étais déjà supposé dormir à présent. Bon, maintenant, bonne nuit et ce, pour la cinquième fois ! Papa a du travail maintenant […].

En France, l’hiver a été particulièrement très froid et neigeux, un peu comme par chez toi en Finlande. Est-ce que le climat et l’hiver particulièrement sont sources d’inspiration pour toi et ta musique ?
A ta grande déception, la plupart du nouveau matériel pour le nouvel album Nifelvind que tu as écouté a été en fait composé quand le soleil brillait, quand les oiseaux chantaient, et on se demandait même si on n’allait pas mourir de déshydratation si ça continuait ainsi (rires). Nous avons commencé à composer cet album en mars, et avons tout fini en août l’an dernier. C’est alors qu’au départ, courant mars, j’avais une pneumonie avec 40 degrés de fièvre et il faisait encore -15 degrés dehors. Froid et sinistre à tous les niveaux, ça l’était, je peux te le dire… Sur le sujet, rien ne brise le silence  des nuits d’hiver, tu peux tout juste écouter les flocons de neige tomber si tu tends bien l’oreille. Tristement, notre art musical n’est rien en comparaison aux lueurs majestueuses [NDLR : aurores boréales] et à la danse des scintillements dans le ciel durant la nuit avec des milliers de formes et de sons.
 
Quelles sont les nouvelles pour Finntroll depuis 2007 et la sortie de Ur Jordens Djup ? Qu’avez-vous fait : tournées, bières, rock n’ roll et autres histoires de trolls (rires) ?
Voyons voir... Le reste du groupe a beaucoup tourné (je ne tourne que très peu personnellement depuis 2005, comme tes lecteurs et nos fans doivent le savoir probablement maintenant). Et nous avons rencontré aussi des moments difficiles dus à de mauvais choix pour certains aspects professionnels liés à la carrière du groupe. En d’autres termes, certaines personnes qui travaillaient pour nous nous ont fait sentir et comprendre que l’on travaillait maintenant pour eux, ce qui nous a parfois déjà amenés à plusieurs querelles à l’intérieur du groupe. Fin 2008, nous avons fait un break de six mois pour toutes les activités liées à Finntroll dans le but de faire une pause à cause de tout le stress et de toutes les demandes incessantes. Nous avons ressenti le besoin de faire cela, sinon il n’y aurait peut-être plus eu du tout de Finntroll par la suite... Heureusement, après avoir repris notre souffle, nous avons repris nos marques en étant mieux compris dans le milieu de l’industrie musicale. Notre esprit commun et nos sentiments à l’égard du groupe se sont ravivés, et après avoir annulé et repoussé trois fois le début des sessions en studio, nous avons finalement bouclé la dernière et ce fut la bonne. Là, on a commencé par réaliser la chose la plus sincère que tout le monde dans un groupe aime plus que tout : faire de la musique !

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Toujours au sujet de Ur Jordens Djup, ce fut en fait un double CD/DVD avec un documentaire live enregistré au festival Wacken Open Air en Allemagne. Es-tu satisfait de ce précédent album et de ce DVD live, avec du recul ?
Eh bien, le tournage au Wacken n’était pas ce qui nous attirait le plus, mais la maison de disques a insisté et alors les choses furent à un point tel que, quoique nous pensions, de toute manière, cela nous importait peu en fin de compte, et nous avons laissé filer la décision entre nos mains. Cela aurait pu être bien mieux, mais là encore, le groupe aurait pu paraître dans de meilleures conditions et mieux joué sur scène donc c’est encore toute une histoire et on n’est jamais totalement satisfait de toute façon. Du côté de l’album, nous l’aimons beaucoup, spécialement moi et Tundra (basse). Bien sûr, l’intro sonnerait mieux maintenant  en faisant l’acquisition de nouveaux samples avec mes nouveaux synthétiseurs, et peut-être qu’on sauterait une répétition d’un riff à la fin du morceau “Slagbroder” mais dans l’ensemble, je ne changerais rien personnellement, sincèrement. Les albums sont toujours la réflexion de leurs temps, et doivent être traités ainsi dans leur contexte de toute manière.

Juste après cet album, vous avez signé avec le puissant label allemand Century Media. Pourquoi avoir quitté votre label historique finlandais Spinefarm Records (filière d’Universal Music maintenant) ?
Pour les mêmes raisons pour lesquelles les gens changent de job. Bien sûr, nous avons ressenti un petit pincement au coeur en laissant Spinefarm derrière nous après dix ans de collaboration, mais à la fin, nous pensions que Century Media pouvait faire un meilleur travail avec nous. On pourrait comparer cela à un dysfonctionnement dans un mariage. Vraiment, nous avons vraiment ressenti que l’on stagnait un peu année après année. Mais, quoiqu’il en soit, nous restons en très bons termes avec l’équipe de Spinefarm et d’ailleurs, cela se vérifie aussi dans le fait que Tundra (basse) a commencé à travailler ici avec eux l’automne dernier.

Quelle est la fonction exacte de Katla, votre ancien chanteur, dans le groupe à présent car c’est un des membres fondateurs de Finntroll mais il ne peut plus chanter ni en studio ni sur scène du fait d’un problème de cordes vocales survenu vers 2002-2003 [NDLR : c’est donc Vreth au micro maintenant]. Est-ce que Katla écrit toujours les paroles, en restant dans l’ombre, un peu comme Demonaz dans Immortal ?
Katla est en effet notre « Demonaz » dans Finntroll (rires). Il écrit de bonnes paroles si étonnantes que nous avons simplement senti que Finntroll n’est pas le même groupe sans ses textes. Wilska [NDLR : le chanteur suivant] et moi avions écrit les paroles pour Nattfödd et quand j’ai revu Katla lors d’une fête de mariage à un ami commun environ un an après cela, je me suis confessé à lui (j’étais saoul naturellement (rires)) que mes textes étaient horribles et que je souhaitais qu’il fasse ça à ma place désormais. En souriant, il m’a répondu : “Tu sais, je serais en fait honoré si vous, les gars, acceptiez certains de mes textes pour le nouvel album, car ça me démange d’écrire et je ressens cela depuis longtemps maintenant”. J’ai alors bondi de mon siège, renversant presque ma bière, j’ai serré sa main… et je lui a dit : ”C’est OK pour le deal, mec ! Je t’appelle lundi après cette fête !”. Et c’est alors que le concept  de Finntroll fut réinventé.

Et maintenant vous êtes de retour avec Nifelvind, votre 5ème album studio en 10 ans. Que signifie ce nom suédois : « le vent de Nifel » ou « le vent des enfers », je crois ?
« Nifel » ou « Niflhel » est un mot très difficile à traduire, mais ça signifie principalement le monde souterrain, l’enfer ou une des parties du royaume des morts si tu préfères. C’est un endroit froid, brumeux et sombre, entouré des ténèbres où errent des milliers de mauvais esprits avec des cris étranges et effrayants. Nous sommes le vent qui souffle de ces Ténèbres, les sept cavaliers du Ragnarök [NDLR : la fin du monde dans la mythologie scandinave], le souffle du vent froid du royaume des morts te saisissant dans le cou au moment où tu t’y attends le moins !

Comment décrirais-tu ce nouvel album pour vos fans ? Il semble très direct et orienté grosses guitares avec des parties black/death très lourdes, et peut-être que les parties folkloriques sont moins immédiates... Es-tu d’accord avec cela ?
Hum, eh bien, dur à dire, vraiment. Dans plusieurs directions nous sommes allés, et nous avons mis principalement des parties « folk » et « ethniques » à différents passages. En ayant une vibration voodoo (cf. intro) et primitive forte à travers les paroles, nous avons voulu exprimer le côté de cette musique aussi. Nous avons eu recours à de nombreux types de baguettes et pierres, tambours et aux percussions tribales, mais aussi des bidons d’huile ou autres, donc je dirais que c’est folklorique, oui (rires) mais parfois plus africain que scandinave. On a aussi pas mal de parties black et death metal, dues notamment au fait que nous sommes un groupe de black/death metal à la base avec quelque chose de particulier, avec des pulsions cachées et des surprises ! Peut-être que la prochaine fois, nous réaliserons un album avec uniquement des instruments  à vent ou à pistons (rires), qui sait ?

Où et avec quels professionnels avez-vous enregistré Nifelvind ? Comment s’est passé l’enregistrement  notamment pour le banjo (par ex. sur le titre « Galgasång ») ? Avez-vous enregistré dans une cabane en pleine nature comme pour le EP Visor Om Slutet à Hästholmen (Suède) ou bien votre label vous a alloué un beau budget pour avoir un gros son sur cet album ?
Nous avons enregistré ce disque aux Sonic Pump Studios, à Helsinki, avec l’aide de Nino Laurenne, qui a également mixé en grande partie l’album. Tout d’abord, j’ai pris tous les morceaux de démo séparément en studio (guitares, basse, synthés, et les autres instruments tous séparément sur chacune de leurs propres pistes) et c’est alors que nous avons construit les parties de batterie par dessus ces pistes. Cela est ainsi devenu possible pour Beast Dominator [NDLR : le batteur Samu Ruotsalainen] d’interpréter ses prises par dessus le mix global plutôt que d’avoir un type à côté en train de jouer de la guitare tout simplement en temps réel. Cela a rendu possible aussi pour chaque musicien d’écouter comment il devait jouer si soudain il oubliait comment jouer telle ou telle partie,  ce qui fut vraiment important étant donné que l’on n’a pas du tout répété les chansons ensemble et je n’étais pas tout le temps là non plus à regarder si tout était correctement joué et enregistré sur les bandes. Après la batterie, les guitares, et la basse, nous avons fait tous les claviers et le chant, et enfin par dessus cela, nous avons joué les passages plus mystérieux et folkloriques : du banjo, le kazoo, les chœurs, avec un peu d’absinthe et je ne sais quoi d’autre (rires) ! Et en parlant de banjo d’ailleurs, cet instrument a été en fait utilisé sur au moins 4 chansons, à vous lecteurs de trouver lesquelles ! Alors que Hästholmen se situe quelque part en Suède, pour cet album, on était tout proche d’Helsinki et on a donc fait ça l’été dernier. Mais pourquoi avons-nous choisi un studio professionnel à la place d’une simple cabane ? C’est purement à cause des possibilités infinies d’enregistrement numérique avec en plus du très bon matériel sans aucune contrainte technique ni incident à surmonter. Faire un album entier de métal par toi-même, avec l’installation d’un studio mobile, cela aurait été un moyen de stress pour un album tel que celui-ci. Peu importe ce qu’il advienne du budget pour le studio, nous avons pris la position que nous voulions et nous avons eu le son que nous recherchions. Si Century Media nous avait dit par exemple d’aller au Studio Fredman, peu importe, nous leur aurions probablement ri au nez (rires). Et pour être honnête, nous n’étions pas vraiment dans leur budget pour le prix du Fredman de toute manière.

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Avez-vous tourné un vidéo clip pour ce nouvel album, comme vous aviez fait pour « Trollhammaren », votre premier clip ?
Nous avons déjà tourné une vidéo ! Cela a été fait pour la chanson « Solsagan », et le concept est la corruption de tout ce qui est beau accompagné de boue, de feuilles mortes et de sang dans la forêt. C’est déjà en ligne sur notre site Myspace, donc chers lecteurs, allez-y, surfez sur internet !

Peut-on espérer vous voir un jour jouer à l’Eurovision à la TV tout comme vos compatriotes de Lordi l’ont fait en 2006 et ont gagné (rires) ?
As-tu vu nos visages dernièrement (rires) ? Nous ne sommes pas vraiment l’archétype des artistes qui se produisent à l’Eurovision, tu sais. Bien sûr, nous pouvons utiliser des masques aussi, mais les gens seraient encore plus terrifiés probablement si on les enlevait ensuite ! Sérieusement, le jour où Finntroll participe au concours de l’Eurovision, ce sera le jour où Finntroll mourra officiellement. Nous n’avons nullement l’intention d’une manière ou d’une autre de vendre notre âme pour faire des boissons gazeuses à bas prix ou juste de la fumée, autant se prostituer, plutôt que de devenir ainsi. Et il n’y a guère de choses super passionnantes à regarder qu’une bande de gens joyeux chérissant leur propre pays et leur artiste national avec une petite larme à l’œil, moi qui suis sujet à avoir des émotions dès le moindre embarras (rires). Et la Bosnie-Herzegovine règne encore en maître, ce fut le cas l’an dernier !! Maintenant, où étais-je à ce moment-là l’an dernier encore ? Voyons voir… (rires).

Etes-vous réellement en contact avec Katatonia du fait que votre second guitariste Mikael "Routa" Karlbom a joué dans ce groupe ? Et êtes-vous toujours aussi proches de vos camarades d’Impaled Nazarene ? Que deviennent Mikka et sa horde ?
J’ai entendu une histoire une fois comme quoi Katla [NDLR : leur chanteur d’origine et parolier] était un ancien musicien de Dismember, et j’adorerais me référer à cet « ancien membre de Sadistik Exekution », mais malheureusement ce que l’on reporte à ce sujet sur tous ces faits sont grandement exagérés. Routa n’a donc jamais été réellement membre de Katatonia pour tout te dire, mais on connaît les mecs de Katatonia et on se voit à chaque fois que l’on peut quand on se croise en concert, sur les festivals, et en général, il y a une fête qui s’en suit (rires)… Alors que j’aimerai aussi éviter ce genre d’allusions avec Impaled Nazarene (rires) et plutôt parler de représailles alcooliques avec Impaled Nazarene. Il y a uniquement de très bonnes vibrations entre nous en fait. D’ailleurs, nous sommes en train de discuter avec Mikka Luttinen afin de savoir si je produis ou non leur prochain album, mais on verra bien ce qu’il en adviendra.

Pour votre tournée européenne, vous avez donné le coup d’envoi d’abord en Israël à Tel-Aviv puis au moment de la sortie de l’album, vous avez joué chez vous à Helsinki/Uusimaa au Nosturi. C’est étonnant cette première date et plutôt dépaysant. Pourquoi un tel choix de planning et avez-vous des fans en Israël ?
Cela m’est venu à moi, comme ça, car Finntroll n’a jamais joué en Israël sinon. Jamais, comme quoi jusqu’à ce que l’on règle le problème… ce qui, eh bien, disons-le, est tout de même triste à dire : « jamais ». C’est dingue qu’il y ait une nation dite civilisée dans le monde où le racisme et la discrimination religieuse ne sont pas seulement légales, mais recommandées quotidiennement. Je sais aussi que pendant qu’un jeune Israëlien, qui a 21 ans par exemple, qui porte sur sa veste de cuir un patch de Carpathian Forest n'en a probablement rien à faire de l'oppression des Palestiniens, et cette situation serait effectivement une chance excellente pour y faire une déclaration en boycottant Israël, or c'est la politique quotidienne là-bas. Il est étonnant comment le monde tourne ses yeux loin juste parce que les Gens Saints de la Terre Sainte étaient autrefois les victimes alors qu’ils interprètent maintenant la même conduite avec laquelle on les a traités il y a 70 ans. Qui a besoin des chambres à gaz quand vous pouvez avoir des bulldozers et des chars Merkavas pour exterminer ses voisins ? Mais crois-je qu’Israël cessera la discrimination juridique et le nettoyage ethnique systématique parce que Finntroll refuse d’y jouer ? Évidemment que non et probablement que les seuls gens qui seraient embêtés seraient ce jeune et ses amis si nous ne venions pas y jouer. Pendant que les déchirures entre des peuples devenus opprimés continuent, les mares de sang deviennent des fleuves et des mers… mais ils se déchirent aussi car un autre chef israélien veut donner plus d’espace vital à tous ses gens, et nous en sommes tous de nouveau à la même situation aujourd’hui. Quant à la salle du Nosturi à Helsinki en Finlande, c’est un peu notre maison à nous, et les bâtards grassouillets que nous sommes seront bien accompagnés pour y festoyer et nous mangerons bien (moi, qui suis déjà gras (rires)) et c’est un endroit excellent pour y jouer et annoncer notre nouvel album.

En conclusion : qu’ajouterais-tu à l’attention des trolls français, vos fans, et sinon on se voit donc bientôt au festival Hellfest le 18 juin 2010 à Clisson ?
En attendant, utilisez votre cerveau, interrogez-vous sur tout ce qui vous entoure, souvenez-vous de votre héritage culturel mais respectez les autres et mangez des fruits et légumes ! « Mille millions de mille milliards de mille sabords  » ! [NDLR : en français dans l’interview] Tout ça, c’est pour vous, à très bientôt la foule !!!


FINNTROLL – Nifelvind
Century Media / EMI



Myspace : www.myspace.com/officialfinntroll