KRUGER


La Mort ou la Gloire...


Quatrième album et quatrième claque avec Kruger !!! Les groupes suisses ne sont pas légion mais ils font toujours beaucoup de bruit avec qualité ! Apres avoir écumé les salles européennes ces dernières années aux côtés de groupes tels qu’Unsane ou Bossk, et ayant participé à différents festivals de renom, nos petits Suisses accouchent là d’un véritable brûlot post hardcore/metal torture et puissant, d’une maturité exemplaire. Faisons le point avec l’un de leurs sympathiques guitaristes et découvrons ensemble ce nouveau disque !

Interview parue également dans le Metal Obs' 37 de Février 2010

Entretien avec Jak (guitares) – Par Seigneur Fred – Photos : Anthony Dubois
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Jouais-tu avec le groupe Rude (pré-Kruger) auparavant et peux-tu te présenter, s’il-te-plaît, à nos lecteurs ?
En avant les présentations : je suis Jacques, guitariste, et pour ma part, pas de passé musical avec Rude (trop jeune, hé hé !), contrairement à Margo, l’autre guitariste, et à Raph, le batteur.

D’où vient le nom du groupe Kruger ? Une déformation du nom du célèbre personnage de film d’horreur Freddy Krueger ou bien vous êtes fans de l’actrice franco-allemande Diane Kruger (rires) ?
Le nom n’a rien à voir ni avec Freddy, ni avec Diane (qui n’était même pas connue en 2001, date de la fondation du groupe). Simplement, comme le nom de Johnny Hallyday était déjà pris, on a dû choisir autre chose (rires)…

En général, on dit des Suisses qu’ils sont plutôt lents (rires). La preuve que non car depuis 2001, vous avez publié 4 albums studio si l’on compte le petit nouveau ! C’est plutôt bien en termes de productivité. Comment expliquez-vous ce beau parcours ?
Si tu savais tout ce qu’on dit des Français…! Kruger a toujours réfléchi en termes d’albums : on compose des chansons dans le but d’en faire un tout homogène ; chaque album a toujours été mené dans une direction qui lui est spécifique, en fonction de nos envies à ce moment-là. Listenable Records nous laisse libre de faire ce nous voulons, on ne pouvait pas espérer mieux en ce qui concerne le label !

Aujourd’hui, vous sortez donc votre nouvel album baptisé For Death, Glory, And The End Of The World. Comment avez-vous abordé cette nouvelle étape au niveau de l’écriture et de la composition, étant donné que Redemption Through Looseness avait déjà été très bien accueilli par la presse spécialisée ?
A nouveau, pour nous, l’important était de faire un album qui nous corresponde exactement. On s’est tous beaucoup investi. La seule contrainte que nous nous sommes imposée était d’avoir assez de temps avant l’enregistrement lui-même pour le faire dans les meilleures conditions possibles, histoire d’éviter que tout foire au dernier moment, comme ça a été le cas pour Redemption (crash de disque dur, surmenage, etc.). A vrai dire, on ne s’est pas posé la question de l’accueil que recevrait ce nouveau disque For Death (…). On fait ça pour nous, pas pour la gloriole ; si notre travail plaît, c’est tant mieux.

 KRUGER

Il s’agit du second disque chez Listenable Records. Etes-vous bien distribués ailleurs en Europe et aussi en Amérique du Nord ? Si oui, quelles ont été les réactions en Amérique pour vos précédents disques notamment si vous y avez tourné ?
Je crois que nous n’avons pas à nous plaindre de notre distribution en Europe ; quand j’ai l’occasion de partir en voyage, je m’arrange pour faire un tour dans un magasin de disques et regarder si, par hasard, le nôtre y est. Je suis à chaque fois surpris quand je tombe sur un rayon Kruger. Pour les States, je ne sais pas exactement comment ça se passe (Reno serait plus à même de répondre à cette question), et nous n’y avons malheureusement pas (encore ?) tourné. Ceci dit, les statistiques de notre page Myspace indiquent que la ville américaine où nous avons le plus de fans est Honolulu. À nous les cocotiers (rires) !

Est-ce facile de s’exporter pour un groupe suisse de nos jours même si le chant est en anglais ?
Contrairement à la France, qui est suffisamment grande pour qu’un groupe français puisse y tourner sans avoir trop l’impression de marcher sur ses propres pieds et qui a un public pour ce genre de musique, la Suisse ne permet pas à un groupe local d’évoluer suffisamment, surtout dans le registre hardcore/métal. L’exportation n’est pas nécessairement facile, mais elle est obligatoire. En Suisse, si tu veux que ton groupe marche, tu es obligé de te battre pour être entendu, et seuls ceux qui font le nécessaire parviennent à sortir de nos frontières. Maintenant, on a la chance d’être sur Listenable Records, qui nous permet justement d’être entendus ailleurs que chez nous et de tourner à l’étranger.

Musicalement, quelles sont vos principales influences ? Plus métal ou hardcore ? On parle souvent de Converge, Neurosis, Tool (??), Breach, et Unsane pour vous décrire et aussi certains groupes de death metal comme Entombed. Qu’en dites-vous ?
Bon, pour ma part, Tool, c’est une vue de l’esprit. Je ne suis pas très fan des deux derniers albums et ce n’est certainement pas le groupe auquel je pense en premier quand j’écoute nos albums. Par contre, Breach, Neurosis, Entombed, Unsane, oui, définitivement. Ce sont des groupes dans lesquels on se retrouve tous, et qui constituent notre background musical commun. Pour le reste, nous sommes assez différents, et heureusement ! Raph (batterie) est un pur metalhead ; Blaise (basse) écoute tout (mais surtout n’importe quoi), de The Knife à Interpol en passant par Cult Of Luna ; Margo (guitare) est très branché Entombed et The Police ; Reno ne jure que par Elvis et Iron Monkey. Et quant à moi, j’aime Depeche Mode et Glassjaw. La recette Kruger : tout dans un seau.

D’ailleurs, le nom du nouvel album sonne un peu comme un titre d’album de Bolt Thrower, je trouve. Y a-t-il un lien quelconque et que se cache derrière ce bel artwork : un concept album ?
Ce serait un concept album a posteriori. On ne l’a pas composé comme tel, mais le même genre de thématique transparaît dans chaque chanson : la vie de tous les jours, surtout ses dérives consuméristes, avec une bonne dose de second degré et d’auto-parodie. Pris dans ce sens-là, le titre de l’album est assez ironique et nous donne probablement l’air plus intelligent qu’on ne veut bien l’être. Pour l’artwork, j’ai surtout cherché à faire quelque chose qui colle visuellement à nos chansons. Plombé. Pour la blague, si je devais essayer d’analyser tout ça, je dirais que ça fonctionne assez bien avec l’album dans son ensemble. L’extérieur du triptyque de Bosch présente le monde à sa création, pur avant que l’Homme n’y touche. L’intérieur reprend un autre tableau de Bosch, avec l’ascension des âmes des bénis lors du Jugement Dernier. Mis en parallèle avec l’album, on peut le prendre comme une histoire : l’image d’un monde idéal, immaculé, qui s’ouvre sur l’imbécillité humaine (le disque et nos chansons douteuses sur la société de consommation, l’alcool et le rachat de General Motors), puis sur la fin du monde. C’est une sorte de court-circuit. Bon de nouveau, j’ai l’impression de donner de Kruger l’image d’un groupe plus intelligent qu’on ne l’est réellement (rires) !

Il y a des influences noisy rock/hardcore qui rappellent quelque peu la musique d’Unsane (« Anthem Of Pretended Glory » ou « Villains » par ex.). Est-ce que le fait de tourner avec eux (en Europe en 2007) vous a influencés d’une certaine manière, consciemment ou inconsciemment, lors de la composition ?
Tourner avec Unsane a surtout été un véritable master class de rock n’roll ! Ils nous ont montré qu’on pouvait avoir quarante-cinq piges et toujours rocker comme jamais, tout en restant incroyablement humble. J’ai rarement vu un groupe aussi généreux ; mais tous les groupes avec lesquels on a tourné jusqu’à présent nous ont appris quelque chose et nous ont influencés d’une manière ou d’une autre, humainement ou musicalement. J’ai appris quelques trucs à la guitare en regardant Chris Spencer jouer par exemple, et je les ai transposés dans nos chansons. Regarder jouer Dean et Frank de The Mirimar Disaster m’a beaucoup impressionné également.

Je me souviens vous avoir vus en 2005 en live en première partie de The Dillinger Escape Plan qui sort son nouvel album ces temps-ci. Quel souvenir en gardez-vous car comme eux, en concert, vous êtes très énergiques : c’est la guerre sur scène et vous donnez tout ce que vous avez dans les tripes !!
Je n’étais pas encore dans Kruger à ce moment-là malheureusement, donc je ne peux pas dire que j’en garde un quelconque souvenir ! Par contre, je crois qu’en termes d’énergie dégagée sur scène, ils sont clairement 665 ou 666 étages au-dessus de nous ! Mais je prends ça comme un compliment.

 KRUGER

L’ambiance sur l’album est lourde et sombre, torturée mais énergique avec un son encore plus massif je trouve que sur Redemption Through Looseness. Comment et où s’est passé l’enregistrement studio cette fois-ci ? Et le mixage a-t-il été de nouveau confié à Kurt Ballou de Converge ?
Pour le mix et le mastering, on a travaillé avec Kurt Ballou et Alan Douches comme pour le Redemption. Le son est très différent, entre autres parce que Ballou avait entièrement reampé les guitares pour leur donner une couleur à la Skogsberg sur Redemption… Pour cet album, on a travaillé sur le son de tous les instruments en amont, pour tâcher de leur donner le son le plus proche possible de ce qu’on voulait en définitive. Et, curieusement, ce sont des amplis plus vieux que nous (plus vieux que le bassiste et moi en tout cas) qui ont donné le meilleur résultat. Les guitares, la basse et la voix ont été enregistrées dans un petit studio à Lausanne en Suisse, à deux pas de chez nous, par Raph (batterie) ; quant à la batterie, elle a été enregistrée par Johann Meyer au studio Déclanché, à Yverdon.

Un mot sur le duo avec Joe Duplantier de Gojira sur la chanson « Muscle ». Comment s’est passée cette collaboration : amitié sincère, copinage de label pour le business, ou bien il passait par là par hasard dans le studio (rires) ?
Je crois qu’on peut dire que Joe est un ami sincère ; la preuve est qu’il n’aurait probablement pas accepté de chanter un texte aussi ridicule s’il ne nous connaissait pas bien (rires) ! Il a enregistré ses voix dans son studio, et on a découvert le résultat tous ensemble un beau jour ! Il a fait un travail remarquable.

Votre musique me fait penser à un groupe suisse qui a disparu de la scène métal/hardcore aujourd’hui : Unfold. Le côté lourd et ce mélange métal & hardcore, justement, crée une certaine similitude parfois… Qu’en pensez-vous ? Connaissez-vous ce groupe et savez-vous ce qu’ils deviennent ?
La Suisse est un petit pays, et en Suisse romande, tout le monde se connaît plus ou moins dans notre registre ! Quand j’étais ado, j’adorais leur album Pure et je l’écoutais en boucle chez moi, beaucoup trop fort. Leur musique était beaucoup plus directe que celle de Kruger, je trouve. Ah, cet incroyable riff du fossoyeur sur « Keen », la seconde chanson de Pure… que d’émotions ! Cela fait quelques années qu’ils ont splitté ; Danek, le chanteur, a rejoint Houston Swing Engine puis Sludge (qui répètent dans le local à côté du nôtre d’ailleurs) ; quant aux autres, ils ont monté un projet appelé Vancouver et ont enregistré un album il y a deux ou trois ans ; nous avons joué avec eux en 2008, je crois.

Quand venez-vous jouer en France (en tête d’affiche ou en 1ère partie d’une plus grosse tête d’affiche) et allez-vous faire des festivals cet été ?
Je ne sais pas encore pour les festivals de l’été, par contre, nous serons en France du 4 au 7 mars, à Lille (Chimère, tiens-toi prête !), Amiens, Notre-Dame de Gravenchon (je me réjouis de voir) et au Ferrailleur de Nantes.

Si vous souhaitez ajouter un mot pour nos lecteurs de Metal Obs’ et vos fans français… Allez-y !!
On se réjouit de vous voir ! Merci à toi ! Pardon pour la tartine, j’espère que ce n’était pas trop laborieux à lire…


KRUGER - For Death, Glory, And The End Of The World
Listenable  / Pias



Myspace : www.myspace.com/krugerband