IMMOLATION

Un album majestueux...



Tels des vétérans immortels du Death Metal, les Américains d’Immolation continuent sans relâche à nous abreuver de leur musique sombre et brutale avec toujours de bons albums mais parfois sous-estimés, notamment techniquement. A présent, ils enfoncent le clou en nous présentant une excellente nouvelle offrande sur l’autel du Death Metal : Majesty And Decay. Impatients de les revoir sur scène, nous avons alors contacté le sympathique et prolixe guitariste Bob, co-fondateur du groupe.

Interview également parue dans le METAL OBS n°38 de Mars 2010

Entretien avec Robert Vigna (Guitares) – Par Seigneur Fred
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Salut Bob ! Quoi de neuf du côté de New York ? Peux-tu présenter ?
Salut Metal Obs’ et la France ! C’est Bob, le guitariste sans cheveux (rires). J’ai démarré avec le groupe Immolation aux côtés de Ross Dolan (chant/basse) en 1988. Je suis donc dans le groupe depuis un bon moment ! On était récemment sur la route en tournée aux côtés de Nile et Krisiun, ici aux Etats-Unis, ce qui a été une chose géniale ! Après être rentré à la maison depuis tout juste quelques jours, je pense qu’il est grand temps de commencer les interviews... Allons-y à présent (rires) !!

Le groupe a donc démarré en 1988. Quel regard portes-tu sur la scène Death Metal américaine actuelle ? Comment est la scène là-bas par rapport à vos débuts, tout particulièrement à New York où vous vivez (comme Suffocation) ?
Eh bien, mon groupe antérieur était Rigor Mortis en fait, et on avait débuté ici à New York en 1986. Nous avons fait quelques démos et on avait alors joué dans une poignée de concerts locaux, mais on avait seulement un tout de petit peu de retour car c’étaient les tout premiers jours du death metal underground. Après que le groupe se soit interrompu, on a aussitôt formé Immolation, vers février 1988. La scène est assurément différente de nos jours par rapport aux tous débuts. A l’époque, on s’écrivait et on envoyait nos démos sur cassette, on s’échangeait nos cassettes avec d’autres groupes à travers le monde. C’était tout nouveau et assez excitant pour nous. Simplement, obtenir une lettre par courrier postal en provenance de l’Europe par exemple, c’était super ! Savoir que quelqu’un tout là-bas avait écouté notre musique et savait qui nous étions... ça nous motivait ! Les groupes avaient tous beaucoup plus d’identité musicale alors à l’époque, leur propre style. Maintenant, il y a tant de groupes, et beaucoup d’entre eux sonnent pareil... et avec Internet et MySpace, c’est un nouveau monde tout entier qui est en connexion ! Mais je vois ça comme une chose positive, ainsi les choses sont plus faciles et les groupes ont ce canal de distribution pour vraiment être informés et avoir de la musique de l’extérieur. New York était un endroit génial pour grandir, étant donné qu’il y a tant de choses qui s’y passent ici, tant de diversité, tant de personnes et de genres musicaux différents. Nous sommes chanceux, avec tous les concerts ici qui ont lieu à travers la ville, nous avons donc eu l’opportunité de vraiment voir des groupes fantastiques et cela nous a aidés à construire la scène.

Ces dernières années, vous avez sorti successivement trois albums studio sur le label français Listenable Records, ainsi qu’un EP intitulé Hope And Horror. Pourquoi avoir quitté ce label ? Pour l’argent ?
Listenable est un grand label. Nous connaissons Laurent Merle, son propriétaire, depuis des années, cela n’a donc pas été une décision facile pour nous. Les trois derniers albums ont été partagés entre Listenable en Europe et Century Media aux USA. Donc, quand nos contrats avec ces deux labels furent finis, nous avons regardé toutes les options possibles. Nous savions que nous voulions vraiment un deal pour une seule distribution mondiale cette fois-ci, plutôt, contrairement à cette séparation de contrats jusqu’à présent. Nuclear Blast était très intéressé et semblait comme la voie logique vers laquelle aller étant donné qu’ils sont établis dans le monde entier et que c’est l’un des plus gros labels de Metal maintenant. Ils ont de fortes capacités et nous avons senti qu’à ce point de notre carrière, c’était le meilleur engagement pour le groupe.

Pour votre précédent disque, Shadows In The Light, paru en 2007, vous aviez tourné un vidéo clip pour la chanson “World Agony” que l’on peut voir sur Internet (Myspace et Youtube). Il me semble que le tournage a eu lieu en France… Tu peux nous expliquer comment ça s’est passé ?
Oui, en fait, cela a été filmé sous Paris ! Plus précisément, dans le sous-sol, dans les catacombes, dans de vieilles carrières, d’après ce que j’ai compris. Ce fut une expérience plutôt sympa et cool. Il n’y avait pas de lumière sous terre, on a donc dû tout apporter, la lumière et l’électricité pour le tournage. Nous avons marché par delà une porte sur le côté d’une colline et sommes allés dans un tunnel et avons suivi un chemin... et quand on est sorti du tunnel après un petit moment, de l’autre côté, il y avait comme une grande caverne avec différentes parties… c’était assez sauvage (rires). La première vidéo que nous avons faite pour “Harnessing Ruin”, nous l’avions filmée en bas de chez moi, dans la rue de ma maison à Yonkers (à côté de NY), dans notre studio de répétition. C’était chouette... ! Mais pour “World Agony”, on a eu d’avantage le sentiment d’un vrai tournage de vidéo-clip… ce qui était nouveau pour nous. Le lieu du tournage était vraiment sombre comme l’atmosphère de notre chanson, et les gens qui ont réalisé la vidéo et toute l’équipe technique furent vraiment cool ! On a eu du plaisir à faire ça.

 IMMOLATION

A présent, vous sortez votre huitième album studio : Majesty And Decay. Comment vous sentiez-vous avant de l’écrire, de le composer et de l’enregistrer ?
C’est toujours un peu difficile de se remettre en marche quand vient un nouvel album mais une fois que tu as démarré, ça prend forme doucement et tout vient s’assembler. Cette fois-ci, à l’extérieur, j’ai été capable de faire les choses différemment. J’ai tout écrit sur ordinateur. Ce fut un outil très important pour moi, étant donné que j’ai pu créer les chansons du début jusqu’à la fin, de compléter avec la batterie, les solos de guitares, etc. J’ai donc pu être beaucoup plus créatif. Cela a aussi rendu les choses plus faciles pour nous tous pour apprendre les morceaux et nous accorder. Ce fut très bien pour Steve (Shalaty), notre batteur, comme il vit en Ohio et que c’est à 8 heures environ de chez nous à New York. Je lui envoyais donc par e-mail les morceaux et il répétait correctement pour la pré-production, et ainsi nous travaillions sans problème jusqu’à ce que l’on répète tous ensemble ici à New York. Ça a donc été un processus super. Steve était en mesure d’écouter ce que je faisais et ensuite il façonnait, il complétait à sa façon les parties de batterie avec son style, en apportant cette magie. Il pouvait aussi vraiment écouter les riffs si bien que c’était différent de la manière dont on procédait avant habituellement. En examinant chaque disque, il n’y pas vraiment de plan. J’essaie juste personnellement de créer les compositions les plus sombres et intéressantes que je peux. Plus j’écris, plus les parties prennent et éventuellement un accord ou un cri d’ambiance, selon l’humeur, et le ressenti devient le sentiment du disque. Je dirais que ce nouveau disque est très froid… très pâle, et stérile en émotion.

Avant de parler plus en détail du contenu, je trouve le contenant très réussi : l’artwork est sombre et la pochette sublime, un peu comme celle de Failures For Gods (1999). Qui a réalisé l’artwork du nouvel album ?
C’est Par Olofsson qui a fait l’artwork pour ce nouveau disque. Il était l’un des artistes que Gerardo, du label Nuclear Blast, nous a suggérés. Une fois que nous avions le concept, nous savions qu’il était l’homme de la situation. On lui a en fait laissé le concept entier en lui envoyant des sortes d’idées, de « sketches » pour ainsi dire et aussi des clips sonores de nos travaux de pré-production. Une fois qu’il est arrivé avec ça et qu’il nous l’a montré, on a été littéralement scotché !! Rien que sa première esquisse avait dissipé les doutes au départ (rires) ! Et il a vraiment fait un travail phénoménal ! Même l’intérieur avec la partie centrale qui se déplie est impressionnante… Cela pose bien l’ambiance et il a totalement su capter l’émotion de la musique. Par contre, c’était Andreas Marshall qui avait fait l’artwork et donc la pochette de Failures For Gods. Un autre artiste tout aussi impressionnant ! Il avait conçu toutes nos pochettes auparavant, depuis Dawn Of Possession jusqu’à  Unholy Cult (NDLR : et pas mal de pochettes d’Obituary, par exemple).

L’artwork est donc à l’image de tout le reste : excellent ! Les compositions, le son, les performances techniques… D’où vient l’inspiration pour la création d’un tel album ?
Je suis inspiré et je suis simplement très ambitieux pour essayer de créer quelque chose de nouveau, quelque chose d’intéressant dans ce style. J’aime voir où nous pouvons prendre, capter la musique. Nous aimons garder l’essence du groupe intacte, elle doit rester sombre et heavy. C’est ce qu’est le Death Metal selon nous. Mais j’aime progresser en matière de créativité, pour moi et le groupe, et j’adore essayer de nouvelles choses et explorer des champs auxquels les gens ne s’y attendent pas. Je ressens cela, bien qu’on le fasse déjà depuis plus de vingt ans alors qu’il y a encore tant à faire pour nous, à écrire, et il existe tant d’espaces dans ce style vers lesquels aller explorer. Nous nous sentons comme si on était au début de quelque chose plutôt que vers la fin. Après vingt ans, nous avons créé là l’un de nos meilleurs disques, tant au plan musical qu’au niveau production sonore, je suis d’accord avec ça. Ce n’est pas quelque chose que tu vois souvent. Je pense que c’est notre passion agressive, fanatique, pour la musique qui rend cela possible, et nous avons encore beaucoup de feu en nous, je peux te l’assurer !

A propos du son, qui est le principal producteur sur Majesty And Decay et qui a mixé et masterisé ensuite ? Avez-vous changé vos habitudes ?
Nous avons en fait opéré un changement cette fois-ci. Bien que l’on ait encore enregistré et numérisé le disque aux Millbrook Sound Studios avec Paul Orofino, nous avons fait faire ensuite le mixage et le mastering par Zack Ohren aux Castle Ultimate Studios en Californie. Mais le processus d’enregistrement est donc resté le même. Nous sommes allés en studio et on est resté deux semaines pour enregistrer toutes nos parties avec Paul. Ce fut un grand moment. Et ça a été une session très chargée entre l’enregistrement, l’écriture des paroles et les affaires liées à la promotion que nous commencions à faire ici ou là avant la sortie du disque. Mais ça s’est passé calmement, et c’était relax paradoxalement. Avec le mixage, Zack nous envoyait les morceaux par e-mail et on lui donnait alors notre retour. Une fois que Zack a obtenu le son global validé avec nous, c’était juste une question de détails, de certains accords à peaufiner, etc. De plus, j’ai pu ajouter aussi certaines parties et notamment rajouter quelques solos de guitares par-ci, par-là, quand on sentait que c’était nécessaire et au dernier moment, sur mon ordinateur, on essayait afin de rendre les choses aussi bonnes que nous le pensions qu’elles pouvaient l’être. C’était un procédé assez cool. Et entre Paul et Zack, je pense que nous avons eu là le meilleur enregistrement sonore de notre carrière !!!

Votre batteur, Steve Shalaty, est vraiment impressionnant derrière ses fûts ! A l’aide de ses roulements de toms, à l’écoute de votre musique, on s’imagine facilement en train de descendre en enfer aux côtés des légions d’Hadès ! Comment s’est-il préparé pour accomplir cette incroyable performance ?
Steve a fait un travail incroyable sur ce disque... et d’ailleurs, il fait toujours du bon boulot (rires) ! Je pense que la principale différence cette fois-ci réside dans la pré-production. Comme je te le disais auparavant, Steve vit loin de nous, donc répéter tous ensemble n’arrive pas si souvent. En ayant donc la pré-production des morceaux prête à écouter, Steve a eu beaucoup plus de temps pour se préparer. Il a eu aussi un beau brouillon, une sorte de photocalque pour les battements de batterie, avec certains rythmes basiques et d’autres non, donc on lui a laissé ça et il a travaillé à sa façon. La batterie peut faire ou bien casser un riff ou un passage, nous prêtons donc attention à cela quand nous composons. Mais cela amène une bien meilleure compréhension sur comment la musique doit sonner, et le feeling qui en découle, je pense vraiment qu’il a été capable de retranscrire cela à travers son travail et de donner forme grâce à son style unique. Steve peut aussi écouter les riffs de guitares très clairement aussi. Il connaît donc véritablement les chansons beaucoup plus attentivement, ce qui n’était pas vraiment possible auparavant avec la manière donc on enregistrait les précédents disques. Il a un style unique, il donne vie à sa batterie à sa manière. Il prend un rythme plus basique et y ajoute des notes fantômes autour, en parallèle, ou bien il fait tourner le tempo autour de plusieurs frappes ce qui donne plusieurs sens et certaines émotions au fur et à mesure. Le matériel avec lequel il est revenu était vraiment cool !! Je suis heureux qu’il ait pris autant de temps cette fois-ci pour se préparer. Autant que je sache, il avait fait un travail déjà impressionnant sur Harnessing Ruin et Shadows In The Light bien que ce fut plus précipité avec ces derniers. Mais sur Majesty And Decay, la pré-production et tout ce qui a suivi l’ont vraiment énormément aidé ! Il a aussi repoussé les limites du groupe et les siennes, et a amené les choses à un niveau supérieur, ça c’est sûr ! Et l’un des aspects que j’aime le plus sur cet album c’est clairement le son de batterie. On peut véritablement entendre et distinguer tout ce que fait Steve sur son kit. Sur Harnessing… Steve avait obtenu un son brut à la production, et tout le son global n’avait pas été aussi puissant et clair qu’on l’aurait souhaité. Et je pense que beaucoup de gens ont entendu cela mais pas bien écouté son jeu. Et de plus, une partie du travail de Steve avait été perdue également. C’était donc beaucoup plus improvisé sur cet album tout comme sur Shadows… Ce nouvel album est donc bien meilleur. On ressent davantage le travail de Steve. Cela  brille de mille feux ! Tu peux tout distinguer, très clairement. La batterie est tellement plus percutante et puissante sur ce disque par rapport à avant, elle sonne superbement bien sans étouffer le reste de la musique cependant. Le son de l’album est donc très équilibré.

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Musicalement, durant votre carrière au sein d’Immolation, certaines influences au niveau des ambiances sont venues se mélanger discrètement à votre Death Metal pourtant déjà sombre et brutal : doom, black et dark metal aussi. Quels sont les groupes qui auraient pu vous influencer et que vous appréciez aujourd’hui ?
Je ne suis pas vraiment influencé par tant de groupes que ça… plus inspiré peut-être qu’autre chose. Je vois pas mal d’interprétations de groupes en live où j’entends quelque chose de bon, metal ou pas d’ailleurs, et cela peut être très nourrissant.  Il y a beaucoup d’ambiances sombres dans de nombreux autres styles de musique. Quand j’écris et compose, je sais juste que ça doit être sombre, intense, féroce, sinistre, misérable, et désolant. Selon moi, ce sont ces émotions et sentiments auxquels cette musique se rattache. Et pour nous, le Death Metal correspond à cette atmosphère. La musique a besoin de te prendre pour t’emmener vers un endroit différent. C’est donc ce que l’on se fixe d’accomplir à chaque fois.

Y a-t-il un concept derrière le titre de votre album : Majesty And Decay ? Et comme on parlait de vidéo tout à l’heure, un clip va-t-il être réalisé à cette occasion ?
Dans l’ensemble, Majesty And Decay se penche sur l’obsession de l’espèce humaine pour le pouvoir et l’opulence, et comment l’abus de ce pouvoir conduit à la décadence et à la destruction de notre société. L’album touche à toutes les périodes sombres de notre histoire, de la guerre et toutes ces agitations dans le monde, de la mort et ses différentes formes d’atrocités que cela engendre, du côté personnel des conflits, des procédés et des résultats… On traite de la religion, aussi bien à la fois du point de vue fanatique que des institutions de tous les genres et comment ils négligent leurs disciples… et comment, même à travers la science et l’éducation, les masses populaires continuent à vivre plus ou moins dans les âges sombres psychologiquement, même aujourd’hui. On s’interroge sur l’existence de l’Homme dans ce monde et combien la planète serait bien mieux sans nous. C’est assez désolé et triste comme thématique de disque, comme d’habitude bien sûr (rires) ! Et pour faire un nouveau clip vidéo, on est en train de programmer ça pour bientôt… Je suis donc sûr que tu verras quelque chose d’ici peu ! Nous attendons ça avec impatience aussi !

OK, quels sont donc les projets pour Immolation à présent, hormis cette prochaine vidéo : une tournée européenne ? Des participations aux festivals d’été ?
Nous ferons quelques festivals et quelques concerts avant cela, en avril/mai 2010. Et nous avons prévu de faire un maximum de festivals de plein air cet été, autant que nous le pourrons ! Donc, tout ça devrait se combiner, j’espère ! Et nous programmons de faire une tournée américaine puis une tournée européenne à partir de l’automne prochain... Donc attends-toi à beaucoup voir Immolation en 2010-2011 !!! OK les gars, merci pour cette interview cool, on apprécie votre soutien !! J’espère voir tous les fans français très bientôt ! Et rendez-vous sur notre Myspace pour recueillir nos dernières infos !
   

IMMOLATION – Majesty And Decay
Nuclear Blast / Pias



Myspace : www.myspace.com/immolation