SCORPIONS

Dernière piqûre...



La nouvelle est tombée tel un couperet le 23 janvier dernier sur son site officiel : Scorpions va mettre un terme à sa carrière après la tournée mondiale accompagnant la sortie de son nouvel album Sting In The Tail. Info ou intox ? La pilule est plutôt dure à avaler pour les fans qui, pour certains, suivent le groupe - une véritable institution aux 100 millions d’albums écoulés - depuis le début des années 70. Metal Obs’ est allé chercher quelques explications auprès du charismatique Klaus Meine, l’homme à la voix d’or : l’heure est au bilan…  

Interview également parue dans le METAL OBS n°38 de Mars 2010

Entretien avec Klaus Meine (chant) - Par Jean-Christophe Baugé - Photos live 2 & 3 : J-C Baugé
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Commençons par parler de ce 17ème et ultime album studio, Sting In The Tail, que le groupe a voulu exceptionnel. Qu’est-ce qui t’a guidé dans le choix des producteurs Mikael Andersson et Martin Hansen ?
Je les connais depuis l’album précédent, que Desmond Child a produit à Los Angeles. J’étais à Stockholm avec Mikael et Martin pour composer, et un des titres a été retenu pour Humanity - Hour 1 : « The Game Of Life ». Le courant est bien passé, ce sont de bons producteurs et de bons musiciens. Lorsqu’il a fallu chercher des producteurs pour le nouvel album, on s’est dit qu’il valait mieux tout faire en Europe pour rester au plus près de nos racines et on a pensé à eux. Le travail s’est partagé entre la Suède (Stockholm) et l’Allemagne (Hanovre).

As-tu apprécié leur travail avec The Rasmus (Into The Rasmus, 2001) ?
Oui, tout à fait. Leur collaboration remonte déjà à quelques années. The Rasmus, ainsi que Kingdom Come et Alice Cooper, ont par ailleurs ouvert pour nous en Russie l’année dernière.

Tu chantes en duo avec Tarja Turunen sur « The Good Die Young ». Que penses-tu d’elle, dans Nightwish et en tant qu’artiste solo ?
Ah, on repart vers la Finlande, là (rires) ! On cherchait une invitée pour ce titre, et on s’est souvenu avoir adoré la voix d’opéra de Tarja lorsqu’on avait partagé l’affiche avec Nightwish à Sao Paulo en 2005. Elle a bien aimé le morceau qu’on lui a présenté. Tarja apporte une couleur très particulière à « The Good Die Young ».

Je suppose que le dernier titre de l’album, « The Best Is Yet To Come », est un hommage aux fans.
Oui, bien que la chanson ait été composée avant qu’on prenne la décision de s’arrêter. On l’a placée non sans une certaine ironie à la fin de l’album : « You’ve always been the one keeping me forever young, and the best is yet to come ». Sting In The Tail se termine sur une note positive : le futur laisse entrevoir plein de possibilités.

C’est Karelia et Edguy qui vont ouvrir pour vous respectivement en France et en Allemagne sur cette tourrnée…
Karelia a déjà fait notre première partie, c’est un très bon groupe. Ils sont Alsaciens, je crois, et très sympas. On est content de les avoir. Idem pour Edguy, on a déjà joué ensemble au Kaliakra Rock Fest en Bulgarie l’année dernière et on les a invités sur les dates allemandes. En ce qui concerne Tobias Sammet, j’ai participé au double album de son projet Avantasia qui devrait sortir en avril. Il m’a demandé de faire un duo avec lui (Ndlr : sur « Dying For An Angel », Klaus apparaissant aussi dans le clip), c’était très cool.

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Scorpions a annoncé en janvier qu’il mettrait un terme à sa carrière dès la fin de cette tournée, en 2012. Qu’as-tu prévu de faire, après ?
J’attendrai 2013 (rires)… je n’en sais rien, en fait. On a posé la question récemment à Rudolf (Ndlr : Schenker) : il est possible qu’il monte un groupe avec son frère Michael. Ils me proposeront peut-être le poste de chanteur, qui sait (rires) ?

…Une ébauche de line-up qui a déjà fait ses preuves sur l’album Lovedrive !
En ce moment, on aime surtout à plaisanter sur ces idées un peu folles (rires). Au fur et à mesure que Sting In The Tail prenait forme, on a réalisé que ce serait un grand album. On a jugé que le moment était venu de mettre un terme à 40 ans de tournées incessantes et ce, en laissant une bonne impression. Pour l’instant, tout le monde est excité par la sortie du nouvel album et la tournée qui arrive : on ne se projette pas tant que ça dans l’avenir. On se focalise sur les quelques 200 shows à assurer dans le monde entier : ça va être l’occasion de faire la fête avec les fans.

Tu confirmes que Sting In The Tail sera bien le dernier album de Scorpions.
Oui. On a vécu une aventure formidable avec des hauts et des bas, et on est arrivé au bout de la route…

…Too Old To Rock n’ Roll, comme le chantait Jethro Tull.
Même si on reste jeunes dans nos têtes, on prend tous de l’âge. Prends AC/DC, Aerosmith, Ozzy Osbourne, ou encore Judas Priest, on est tous de la même génération… la retraite approche. Et il faut laisser la place aux jeunes !

Le dernier DVD en date du groupe, Amazonia : Live In The Jungle, a été filmé lors d’un festival organisé contre la déforestation de la forêt amazonienne. Comment te positionnes-tu par rapport aux nouveaux défis de l’écologie ?
Cette tournée au Brésil été montée en collaboration avec Greenpeace : j’ai pu voir les dégâts de mes propres yeux en survolant la forêt amazonienne en hélicoptère : tous ces arbres abattus, brûlés. La nature est en train d’être sacrifiée au nom d’un certain business. Ça fait mal. Le changement climatique est un problème mondial : il y a de plus en plus de catastrophes naturelles.

Tu es inquiet pour les générations futures ?
Oh que oui ! Ce sont elles qui vont payer les pots cassés. Quand tu voyages dans le monde entier, tu peux t’apercevoir que la situation est déjà alarmante. Les climatologues ont avancé plusieurs scénarii plus ou moins pessimistes pour l’avenir : espérons que nos politiques prennent les bonnes décisions. Au Brésil, sous la pression de Greenpeace, le gouvernement a déjà commencé à stopper l’expansion du marché de la viande bovine qui était responsable d’une bonne partie de la déforestation.

Scorpions occupe le devant de la scène depuis près de 4 décennies. Quels ont été les plus grands moments pour le groupe ?
Il y en a tellement eu que c’est difficile d’en citer seulement quelques-uns. On a participé aux plus gros festivals de la planète comme l’US Festival en Californie (Ndlr : en 1983, devant 350 000 personnes), le Rock In Rio (1985) ou le Moscow Music Peace Festival (1989). On a été le premier groupe de hard à jouer à Bercy. Avoir joué en tête d’affiche au Madison Square Garden à New York fait aussi partie des moments inoubliables. On a réussi à s’exporter en tant que groupe allemand et trouver notre place dans la scène Rock et Metal internationale. On a été l’un des premiers groupes du bloc de l’Ouest à jouer en Union Soviétique. Mikhaïl Gorbatchev nous a invités au Kremlin en 1991, quelques jours avant sa démission. On a l’impression d’avoir été des témoins privilégiés de l’histoire : quelques mois après le Moscow Music Peace Festival, on a ainsi vécu la chute du mur de Berlin. La musique a accompagné ces évènements qui ont contribué à façonner notre monde d’aujourd’hui.

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Au milieu des 80’s, Scorpions était avec Iron Maiden l’un des plus gros groupes de hard rock en activité. Que s’est-il passé dans les 90’s ? Regrettes-tu la sortie d’albums comme Eye II Eye qui ont décrédibilisé le groupe ?
Il est clair que les années 90 ont été particulièrement dures pour tous les groupes de classic rock et de Metal qui ont eu leur heure de gloire dans les 80’s. Peu de groupes ont survécu à la vague grunge qui a tout balayé sur son passage. A l’aube des années 2000, on a essayé de s’en sortir en expérimentant un peu, c’était mieux que de splitter, donc non, je n’ai pas de regrets. On est passé par des moments de doutes, on pensait qu’on était fini, mais on s’est relevé avec Moment Of Glory, Acoustica, Unbreakable, Humanity - Hour 1 et finalement Sting In The Tail. On est revenu aux fondamentaux, à ce qui fait que Scorpions avait eu du succès.

La sortie d’Unbreakable en particulier a été saluée par la critique et les fans. Tu es conscient que c’est le côté Metal de Scorpions qui est intéressant ?
Oui. Scorpions doit son succès planétaire à des albums comme Lovedrive, Blackout ou Love At First Sting. Avec Crazy World et Wind Of Change, on est devenu mainstream. On a eu d’autres hit singles, bien sûr : « Still Loving You » qui a fait un carton en France, par exemple… mais la majorité de nos fans préfèrent la face hard de Scorpions. On s’en est souvenu pour Sting In The Tail.

Parmi les 4 ballades suivantes, laquelle préfères-tu et pourquoi : « Holiday », « When The Smoke Is Going Down », « Still Loving You » et « Wind Of Change » ?
Sans aucun doute « Wind Of Change » car je la vois comme la bande-originale de tout un pan de l’histoire : la chute du mur, la fin de la guerre froide… 20 ans après, elle véhicule encore tant d’émotions. En tant que songwriter, que demander de plus ? Mais tous ces titres dont j’ai écrit les paroles ou la musique me sont chers. « Still Loving You » a aussi beaucoup marqué les esprits. Sur le nouvel album, j’ai d’ailleurs co-écrit « SLY » avec Rudolf. Beaucoup de fans ont fait l’amour au son de « Still Loving You » et certains ont appelé leur fille Sly d’après les initiales du titre ! J’ai trouvé sympa l’idée de faire une chanson sur une de ces filles. C’est une manière de boucler la boucle entre « Still Loving You » en 1984 et aujourd’hui.

De quoi parle « Lorelei », l’autre ballade de Sting In The Tail ?
Ce titre fait référence au rocher de la Lorelei, sur le Rhin, au niveau de Sankt Goarshausen. Comme les sirènes de la mythologie grecque, Lorelei attirait les navigateurs à la perdition par ses chants.

Contrairement à d’autres chanteurs qui ont perdu de leur superbe au fil des années comme Rob Halford ou Robert Plant, ta voix est encore très puissante. Mise à part ton opération des cordes vocales en 1982, quel est ton secret ?
J’ai eu un coach vocal à Los Angeles, Eric Vetro, pendant toute la durée de l’enregistrement de Humanity - Hour 1, mais pas cette fois. Par contre, je continue de m’échauffer seul avec des CD, comme je le fais depuis des années en tournée et en studio : je chante par dessus des gammes jouées au piano. C’est très important pour être performant dans n’importe quelle situation.

Que t’inspire la scène Rock / Metal actuelle ?
Elle est très florissante ! Il y a beaucoup de jeunes groupes de Metal qui en veulent. Les fans apprécient les musiciens qui, au-delà du look, assurent aussi sur scène. C’est un point important pour la plupart des kids qui passent un temps incroyable assis chez eux devant leur écran d’ordinateur. Notre propre public est composé pour moitié de jeunes metalheads qui, aux côtés de fans de la première heure, reprennent les paroles de chansons écrites bien avant leur naissance comme « Blackout ». Cette musique est honnête, vraie et organique dans le sens où elle est jouée par des musiciens sensibles, inspirés et concernés.

Qu’écoutes-tu, en ce moment ?
Beaucoup de choses, récentes ou non. Il y a toujours les classiques : AC/DC, Led Zeppelin, les Beatles et les Stones, mais aussi Green Day, Metallica de temps en temps, The Killers, Kings Of Leon …

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Tu as vécu l’avènement du CD, et maintenant l’ère du téléchargement sauvage sur le net. Comment vois-tu l’industrie du disque désormais ?
Elle est déjà morte (rires). Plus sérieusement, les maisons de disques ont dû s’adapter très rapidement en mettant en place des plateformes de téléchargement légal comme iTunes Store et les kids les utilisent maintenant d’une manière naturelle. Après les difficultés rencontrées par les labels, beaucoup de groupes ont cherché des solutions alternatives pour amener leur musique directement des studios jusqu’aux fans, sans intermédiaire. Maintenant, les fans doivent bien comprendre que la musique n’est pas gratuite. Je pense notamment aux jeunes groupes qui débutent et qui espèrent en vivre : il n’y a aucune maison de disque qui a les moyens d’investir à perte. S’il n’y a pas de hit single ou si le premier album ne marche pas, c’est mort.

Il n’y a plus moyen de gagner sa vie dans la musique ?
Dans la mesure où la musique devient gratuite, je conseillerais plutôt aux jeunes musiciens de s’orienter vers une carrière de journaliste. Tu ne peux plus vivre décemment de ta passion.

Qu’en est-il pour Scorpions ?
Ça n’est pas pareil pour les groupes qui ont une longue carrière et un back catalogue conséquent. On compense le manque à gagner avec les tournées. Il ne faut plus compter sur les ventes de disques.

Il y a 3 shows de prévus en France en mai prochain, dont un à l’Olympia. Prévois-tu de revenir plus tard à Paris dans une salle de plus grande capacité ?
Je l’espère… la tournée est assez longue. Pour l’instant, je ne sais pas.

Est-ce qu’on peut espérer revoir Uli Jon Roth, Michael Schenker et Herman Rarebell sur scène avec vous, comme au Wacken en 2006 ?
Oui. Pourquoi pas lors d’une prochaine édition du Wacken, sous réserve des disponibilités de chacun.
   

SCORPIONS - Sting Of The Tail
Columbia / Sony



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