TRIPTYKON

Retour magistral dans la noirceur...



Celtic Frost is dead, please welcome Triptykon ! Le roi est mort, vive le roi : autrement dit, croyez-nous sur parole, vous n’allez pas y perdre au change ! Le premier album du nouveau groupe de Tom G. « Warrior » Fischer va littéralement ravager vos platines avec un son dantesque, incroyablement heavy, un album varié où les titres hyper heavy côtoient des chansons bien speed, comme Celtic Frost en pratiquait au début de sa carrière. Nous ne pouvions donc passer à côté d’une interview avec ce génie qu’est Tom Fischer, qui a été avec nous d’une sincérité sans faille. Appréciez, ce n’est pas tous les jours qu’on parle à une légende qui semble même avoir enfin trouvé la paix avec lui-même…

Interview également parue dans le METAL OBS n°38 de Mars 2010

Entretien avec Tom G. Fischer (guitares, vocaux) – Par Will Of Death
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Hello Tom ! Content de pouvoir te reparler… Comment te sens-tu à quelques semaines de la sortie de l’album ?
Tout va bien, j’ai bossé dur depuis deux ans pour en arriver là et ça a été beaucoup de souffrance et de déceptions du fait de la fin de Celtic Frost. Beaucoup de taff également pour former ce nouveau groupe et produire le disque. Maintenant, tout ça est derrière moi et je suis beaucoup plus relax, libre, même, pour ainsi dire…

Dans la bio qu’on a reçue, tu as parlé de graves et insurmontables dissensions au sein de Celtic Frost. Que s’est-il passé au juste pour que tu en arrives à quitter ton propre groupe ?
C’est un problème très complexe qui a germé depuis plusieurs années et qui est difficile d’expliquer en quelques phrases. Tout ce que je peux dire, c’est qu’un des membres de Celtic Frost a complètement perdu le contrôle de son égo et ce comportement a détruit le groupe de l’intérieur. Cette personne souffre de vrais problèmes de personnalité et quoiqu’on faisait, ça partait toujours en couilles, sans aucune explication ni plausible ni raisonnable.

Tu parles de Martin ?
Non.

Franco Sesa, alors, le batteur…
Tu as nommé cette personne ! Personnellement, je ne lui ferai même pas l’honneur de mentionner son nom ! Son égo était tellement devenu démesuré qu’il était devenu plus important à ses yeux que le groupe lui-même ; je ne parle même pas de Martin ou moi mais je pense aux fans, ce que représente ce groupe pour eux. Il était tellement hors de contrôle qu’il n’était plus capable de se rendre  compte du mal qu’il faisait au groupe. Il a tellement été chiant qu’on s’est pris la tête avec les groupes et les roadies avec lesquels on a tourné. Dans son monde, il était la seule personne existante : un gars comme ça ne peut faire partie d’une équipe ou d’un groupe.

Ce que je ne comprends pas bien, c’est pourquoi tu ne l’as pas viré pour continuer avec Martin et trouver un autre batteur…
Simplement parce que je n’ai jamais été un dictateur dans Celtic Frost, ni dans Triptykon. Je n’étais qu’un des trois musiciens ; j’ai bien proposé à Martin de changer de batteur, je lui ai même soumis une liste de remplaçants potentiels mais Martin était contre un changement de line-up. J’ai donc fermé ma gueule mais le cirque a continué et a fini par avoir raison du groupe. Je n’avais donc d’autre alternative que de former un nouveau groupe, ce qui fut la décision à prendre la plus difficile de toute ma carrière.   

Vous avez donné 125 concerts pour Monotheist. Quels souvenirs gardes-tu de cette tournée mondiale, excepté tous ces problèmes avec Franco ?
Si tu mets de côté ces problèmes, ce fut fantastique. C’est la plus grosse tournée à laquelle je n’ai jamais participé et ce fut un vrai succès. Le public a été fantastique avec nous et nous avons pu jouer dans des endroits où nous attendions d’aller depuis des années, comme l’Australie, le Japon, la Scandinavie ou même la France, où nous n’avions pas remis les pieds depuis des lustres. Tout ça reste des moments très forts. Mais voilà, c’est durant cette tournée que les problèmes sont apparus avec le batteur ; sur une si longue tournée, tu passes 24h/24 avec les mêmes mecs et quand un seul gars part en sucette, ça affecte tout le monde. C’est donc aussi pendant cette tournée que je me suis rendu compte que la fin de Celtic Frost devenait inéluctable. Du coup, ce qui aurait pu être un super souvenir s’est terminé en cauchemar. Dommage…    

Je vous ai vus sur cette tournée à Anvers, Belgique, avec Kreator en 1ère partie, et je me souviens d’un super concert, un des meilleurs que j’avais pu voir depuis plusieurs années... Sincèrement !
Merci, c’est très cool de ta part. Mais comme je l’ai dit, ça a été un honneur pour nous que de pouvoir jouer devant tant de monde et je remercie les fans pour ça. Ils méritent mon respect. Donc, merci à toi d’être venu nous voir et de me supporter encore dans ton magazine.

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Les titres de Triptykon étaient-ils voués à se retrouver sur le successeur de Monotheist ou sont-ce des chansons inédites ?
Un certain nombre de titres étaient destinés au successeur de Monotheist car avant même la sortie de ce disque, j’avais déjà composé de nouvelles choses. Mais tu sais, j’ai ma manière d’écrire et je pense que le successeur de Monotheist aurait dû ressembler à ce premier album de Triptykon. C’est moi qui écris les chansons et je suis arrivé à un point de ma vie où j’avais envie d’obtenir ce type de résultat. Celtic Frost ou Triptykon, ça n’aurait pas changé grand chose musicalement.

Le nom du groupe, Triptykon, est en quelque sorte une sorte d’hommage aux peintures religieuses en triptyque, comme celles de Jérôme (Hieronymus) Bosch et Hans Memling. En quoi ces peintures ont-elles eu une influence sur toi, sur ta créativité ?
J’ai toujours été fasciné par le concept du triptyque, cette combinaison de trois parties bien distinctes qui, une fois mises côte à côte, donnent un sens global à la peinture. Si tu connais un peu Celtic Frost, ce n’est pas une nouveauté, puisque la jaquette d’Into The Pandemonium est une partie d’un triptyque de Jérôme Bosch. Avec Monotheist, nous avions aussi en quelque sorte sorti un triptyque musical. Celtic Frost était également un triptyque de musiciens, trois personnalités distinctes qui ne formaient qu’une entité, enfin, dans la théorie bien sûr... Triptykon est de plus le troisième groupe que je forme, la troisième étape de mon voyage musical. 

Y a-t-il un autre sens derrière le mot Triptykon ? Par exemple un concept se rapportant à la Sainte Trinité, qui est monothéiste par essence, donc si on aborde le thème du monothéisme, un rapport, une suite conceptuelle avec le titre Monotheist de Celtic Frost ?
Non, pas vraiment. Triptykon, c’est vraiment l’idée de ce troisième groupe que je forme, depuis que je suis venu au Heavy Metal. Mais bonne question quand même… Le titre Monotheist est vraiment venu de Martin et n’a rien à voir avec ma manière de penser.

Eparistera Daimones  signifie "A ma gauche, les démons” ; de quels démons parles-tu exactement ? Les mêmes qui t’habitaient dans ta jeunesse et qui t’ont poussé à former Hellhammer, par exemple ?
Non, ce titre peut être interprété de différentes manières mais pour moi, ça a évidemment à voir avec les croyances qui agitent cette planète. D’un autre côté, c’est aussi un hommage à Aleister Crowley, le fondateur de L’Eglise de Satan, dont les écrits ont été très importants pour Hellhammer et Celtic Frost. Mais c’est aussi un pic lancé à l’encontre de l’ancien membre de Celtic Frost qui a tout foutu par terre…

Et que va-t-on trouver à ta droite ? Un peu de bonheur quand même ?
J’espère que j’y trouverai un futur radieux pour Triptykon, avec d’autres nombreux albums qui parviendront à égaler voire dépasser la qualité atteinte sur ce premier album.

Ecoute, je dois te dire que je compte mettre 10/10 à cet album, tellement il est excellent ! Bravo !
Merci beaucoup, ça fait plaisir ! 

Tu as produit toi-même l’album avec V. Santura et là aussi, bravo parce que le son m’a cloué au mur ! Etait-ce un choix financier, artistique ou politique, histoire de garder un contrôle complet sur l’album ?
Un choix purement artistique. Il y a quelques années, j’ai créé mon propre label, Prowling Death Records, et nous avions sorti et produit Monotheist de Celtic Frost nous-mêmes. Nous avons fait ça pour garder le total contrôle sur tout le processus, même chose pour la réédition des démos de Hellhammer. Il était donc logique que j’en fasse de même avec Triptykon car cet album est très personnel et en aucun cas, je ne voulais qu’un label contrôle mon travail. Je n’accepte plus qu’un label me dise comment et où je dois enregistrer ma musique. En tant qu’artiste, je sais maintenant exactement là où je veux en venir et comme V. Santura est un excellent ingé-son, en plus d’être notre guitariste, et qu’il possède son propre studio, nous avons tout fait nous-mêmes et n’avons lâché les morceaux à Century Media qu’une fois terminés. Je ne peux imaginer une autre manière de travailler maintenant ; j’ai connu des expériences très négatives avec des labels par le passé et c’est terminé. Je fais de la musique, ils font du business, donc qu’ils ne viennent plus me faire chier quand je compose ou enregistre…

Mais ce n’était pas un risque pour vous de tout faire, sans un regard extérieur ?
Bien sûr, si je produis un album et que c’est un flop, je n’aurai qu’à m’en prendre qu’à moi-même, mais si je me laisse influencer par un label et que c’est un flop, et que je sais pertinemment que certaines choses auraient pu être évitées, je deviendrais enragé. Je garde ma part de mystère. Après, c’est au label de faire son boulot pour sortir l’album. Ils doivent me faire confiance.

Oui, je suis sûr qu’ils peuvent en tout cas avec cet album !
Merci encore, ça signifie beaucoup pour moi parce que j’en ai chié et j’y ai mis des émotions très personnelles ; d’entendre de tels commentaires est important pour moi… 

Le ton de cet album est très doom dans l’ensemble, évidemment, mais il y a aussi pas mal de passages bien catchy, comme sur « Goetia », « In Shrouds Decayed » ou encore les très rapides « A Thousand Lies » et « Descendant ». C’est venu comme ça ou as-tu orienté un peu la composition en fonction du live, qui réclame des titres où les fans peuvent headbanger et pogoter ?
Non, c’est vraiment un album très honnête et je n’ai rien calculé. J’ai juste laissé sortir mes émotions. Je n’ai rien à faire de la vitesse ou de la lenteur des chansons, ou de quel titre passera le mieux en vidéo, quand je compose. Je suis dans ce circuit depuis suffisamment de temps pour savoir exactement comment je dois retranscrire mes émotions en musique. Si un titre doit faire deux heures, il fera deux heures ! Bref, les titres rapides comme les lents sont simplement l’expression des émotions que j’ai vécues lors des deux dernières années.

Bon, je t’ai parlé de ces titres parce que je suis plus dans le Death Metal que dans le Doom Metal et que j’apprécie plus en général les titres rapides…
Oui, je comprends mais je ne pense pas que l’on puisse non plus qualifier cet album de Doom parce que j’ai commencé à écrire ce type de chansons dans les années 80 avant même que le terme Doom Metal ne qualifie un genre particulier. J’ai toujours utilisé des inspirations diverses dans ma musique, et pas seulement dans le Metal. C’est comme avec Hellhammer, tout le monde appelle ça maintenant du Black Metal, mais pour moi, à l’époque, ça ne signifiait rien. Pour moi, c’était juste du Metal. 

Le titre « My Pain » est complètement différent du reste de l’album, avec du piano, beaucoup d’ambiances et des vocaux féminins. Tu peux nous en parler ? Je ne savais pas que tu étais capable d’écrire une chanson d’amour, même si celle-ci semble « douloureuse »…
Je ne sais pas si on peut effectivement appeler ça une chanson d’amour, même si j’ai bien compris le ton ironique de ta question… Ca parle d’une femme qui se tue après avoir perdu son mari... J’ai composé cette chanson il y a plusieurs années et je l’avais même enregistrée en démo pour Celtic Frost, pour Monotheist. Les autres ne l’avaient pas aimée parce qu’elle n’était pas Heavy Metal tandis que quand je l’ai proposée aux autres dans Triptykon, tout le monde a été d’accord pour la mettre sur l’album. Mais encore une fois, ce n’est pas si différent que ce que j’ai composé par le passé : si tu prends les titres « Tristesse De La Lune » ou « Mesmerized », présents sur Into The Pandemonium, ces titres sont très différents du reste du disque. Je pense que c’est très important : je ne veux pas créer un album ennuyeux où on sache du début à la fin comment ça va sonner.

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Enfin, il y a ce titre de près de 20 minutes, « The Prolonging », assez incroyable… Tu peux nous en parler ? C’est une belle pièce, avec énormément d’atmosphères différentes…
“The Prolonging” est une masse, une vraie enclume Heavy Metal. Les paroles de cet album sont en fait une prière que j’ai écrite en 2008, quand j’étais dans les bois en train d’enregistrer avec le groupe 1349. Je me suis retrouvé à ce moment-là dans les froides forêts enneigées du nord de la Norvège et tout un tas d’émotions me sont venues, notamment à cause de la fin de Celtic Frost. J’ai mis toutes ces émotions sous la forme d’une prière, qui se sont imposées parfaitement pour cette chanson. Pourquoi 20 minutes ? Je n’en sais rien, c’est comme ça… C’est une masse.

De quoi parles-tu en général dans cet album ?
Il y a évidemment beaucoup de paroles sur les cultes mais aussi énormément de réflexions personnelles, notamment beaucoup de haine et de colère dues à la fin de Celtic Frost. Impossible de passer à côté de choses qui t’affectent autant…

Considères-tu cet album comme une catharsis, une sorte de thérapie ?
Complètement. C’est le mot exact pour le décrire ! Si je n’avais pas eu cet album, je ne sais pas où j’aurais pu trouver la paix, comment j’aurais pu expulser toute cette haine et ces déceptions…

Vous avez annoncé que vous alliez tourner pour cet album. Est-ce que cela signifie que tu as vraiment retrouvé l’envie et le plaisir d’être sur la route ?
Oui, sans souci, et c’est le cas de tout le monde dans le groupe. La tournée de Celtic Frost fut la première depuis très longtemps pour nous et ce fut un immense plaisir de repartir sur les routes. Je suis impatient de repartir en tournée car Triptykon a aussi été formé dans ce but. Nous sommes donc en train de bosser sur des tournées européenne et américaine pour commencer, sans oublier l’Asie. Nous allons tourner intensivement.

Tu penses que tu as trouvé le bon line-up pour partir en tournée, cette fois, vu le bordel de la dernière fois ?
J’ai été très attentif au niveau musical de mes collègues évidemment, à leur professionnalisme mais aussi à ce que leur personnalité ne soit pas polluée par un égo démesuré… J’ai avec moi des gens que je connaissais déjà bien, des gens qui ont faim et qui sont tout autant en colère que moi. On est amis, pas en compétition…

Et des dates en France sont-elles prévues ailleurs qu’à Paris ? Parce qu’y en a marre de tous ces groupes qui font des dates uniquement dans la capitale alors qu’il y a de grandes villes en France avec de très belles salles…
Je le sais bien ! D’ailleurs, un des tous meilleurs concerts que nous ayons donné avec Celtic Frost en France s’est déroulé à Bordeaux, sans oublier le Hellfest. Je suis bien conscient de ça et je suis le premier à vouloir jouer ailleurs que dans les capitales, car moi-même, je vais un peu partout pour voir des concerts.

Oui, et bien, venez à Lyon, à Lille et je ne sais où encore ! Le public sera au rendez-vous car tu as des fans partout en France !
Ecoute, je note ça et je passerai avec plaisir le message à notre agence de booking… Surtout que voilà deux villes dont on m’a dit beaucoup de bien et où je ne suis jamais venu jouer.

Avant de te laisser, j’aimerais revenir un peu sur l’album de 1349 que tu as produit et qui est pour moi bien pourri comparé à ce que le groupe sait faire de mieux. Non pas que ta production soit mauvaise mais ce disque me semble n’être en fait qu’un gros fuck adressé à Candlelight, un disque pour terminer leur contrat vite fait mal fait…
J’ai eu exactement le même sentiment que toi quand j’ai travaillé avec eux ! Je suis entièrement d’accord avec toi quand tu penses que cet album n’est qu’un big fuck à Candlelight Records. Mais je dois quand même te corriger sur un point : je n’ai pas co-produit l’album, j’ai plus été employé pour leur donner des conseils, justement parce que cet album était très inhabituel pour eux. Je leur ai dit plein de fois que je pensais que cet album allait être un flop mais ils tenaient à faire ça pour emmerder Candlelight. J’ai co-produit un nouvel album avec eux, celui qui va sortir cette année et là, je peux te dire que tu vas reconnaître le groupe dans ce qu’il sait faire de mieux, avec des titres vraiment brutaux et rapides…

Ecoute, tant mieux ! Merci pour ta sincérité en tout cas ! Dernière question : sur toutes vos photos, comme la plupart du temps avec les groupes de Metal, on vous voit tirer la tronche. Mais on fait d’abord partie d’un groupe pour le plaisir avant tout, pour l’amour de la musique. Et il me semble que tu aies retrouvé toute ton envie et le plaisir de jouer avec Triptykon, tu es d’accord ?
Tu as complètement raison ! Ce groupe est comme une libération, un immense feeling positif qui me permet d’expulser la lourdeur et la noirceur de mon esprit. J’ai la chance de bosser maintenant avec des amis proches, qui sont respectueux de tout le monde, ouverts d’esprit. Je suis très heureux de faire partie de Triptykon et cet album est exactement ce que je voulais faire. C’est un sentiment libérateur ! Tout ce qui va nous arriver maintenant ne dépend plus de moi, ça va être aux gens de dire si nous avons réussi, ce dont je ne doute pas un seul instant. Voilà pourquoi je suis heureux aujourd’hui !   


TRIPTYKON – Eparistera Daimones
Prowling Death Records / Century Media / EMI



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Myspace : www.myspace.com/triptykonofficial