THE OCEAN

Voyage au centre de l'univers...

Ayant subi un petit lifting de printemps, le collectif d’origine allemande est devenu une formation rock classique composée majoritairement de musiciens suisses dorénavant. C’est avec la lourde tache de publier un successeur au monstrueux album Precambrian que The Ocean revient sur la scène avec non pas un mais deux albums à paraître séparément dans l’année. Faisons connaissance avec leur nouveau chanteur, plutôt doué, et disséquons ce concept album intitulé Heliocentric qui se veut plus sage et plus accessible dans une mouvance hardcore/metal atmosphérique, en attendant la suite à l’automne prochain qui s’annonce plus heavy…

Interview également parue dans le METAL OBS n°39 d'Avril 2010

Entretien avec Jonathan Nido (Guitares), Loic Rossetti (Chant) et Robin Staps (Guitares) – Par Seigneur Fred
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Pouvez-vous présenter ainsi que le nouveau chanteur arrivé dans le groupe, un certain Loïc Rossetti je crois savoir… ? Quel est son passé musical ?
Jonathan : Je suis le premier de la faction Suisse à avoir rejoint le groupe en novembre 2007 lors de la sortie de notre précédent album Precambrian. C’est bien juste, notre nouveau chanteur s’appelle Loïc Rosseti, c’est le cinquième Suisse à rejoindre The Ocean. Peut-être que c’est plus simple si lui-même se présente ?!
Loïc : Bonjour ! J’ai commencé par Nirvana au début des années 90, ensuite il y a eu Korn et Deftones qui m’ont dirigé vers le Metal. Et puis il y a eu ensuite Tool et A Perfect Circle qui sont probablement les groupes qui m’ont le plus marqué artistiquement. Avec les années, comme tout le monde, j’ai ouvert mon esprit et mes oreilles et me suis laissé porter par un peu tout ce qui me touchait, peu importe le style. Sinon, je suis un grand fan de Trent Reznor et NIN ainsi que Maynard (Tool, A Perfect Circle) qui sont de véritables génies et sources d’inspiration pour moi. Cela ne m’empêche évidemment pas d’être fan de Portishead, Massive Attack ou encore Jeff Buckley…

En 2007, vous avez donc sorti un album important dans votre discographie pour votre carrière. Ce fut un double album intitulé Precambrian. Avec le recul maintenant, êtes-vous pleinement satisfaits de celui-ci qui était plutôt ambitieux au départ ?
Robin : Ouais, absolument ! Ce fut l’album le plus prenant en termes de temps et le plus ambitieux en termes de challenge que nous n’avions jamais fait jusqu’à maintenant, et après l’avoir fini, ce n’était même pas sûr pendant un temps que je veuille faire ensuite un nouveau disque… mais bien sûr, ce manque de motivation n’a juste duré qu’un court moment. Precambrian fut un album osé, couvrant un large paysage musical, et il a eu un retour impressionnant de la part de la presse à travers toute l’Europe et même le monde. Le packaging du disque fut aussi très spécial, et avant même de travailler sur Heliocentric, je savais que ça deviendrait difficile de faire mieux que ce disque. Tout ce qui pouvait être dit et abordé avec Precambrian et son univers a été fait en termes de contenu, je n’ai donc pas ressenti le besoin ou le désir d’ajouter quelque chose ou de refaire quelque chose de similaire. C’est pourquoi nous avons pris une autre approche cette fois-ci avec Heliocentric.

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Justement, vous sortez à présent ce troisième album studio Heliocentric. Pouvez-vous le présenter, au niveau des textes, du concept et aussi musicalement, afin de le faire découvrir à nos lecteurs  et vos fans français par vos propres mots ?
Robin : Les chansons, l’artwork et les paroles de ce nouvel album racontent l’histoire du développement de la vision universelle de l’héliocentrisme (l’idée selon laquelle la Terre tourne et évolue autour d’un point qui est le soleil, et que celui-ci est stationnaire et constitue le centre de l’univers). Copernic et Galilée furent les premiers ambassadeurs populaires de cette théorie. Les effets engendrés par cette découverte sur la croyance chrétienne et sur la culture occidentale sont la base de notre album intitulé Heliocentric donc. Tout au long de l’album, les paroles traitent d’astronomie et des sujets religieux, tout en essayant de garder une perspective personnelle qui doit être essentielle, un certain détachement. C’est une critique du Christianisme, un voyage épique qui commence avec la Bible et se conclue avec les travaux de Darwin et Dawkins. L’approche musicale, quant à elle, sur Heliocentric, est assez différente de celle de Precambrian. C’est plus basé sur de réelles chansons plus classiques, et ça exploite une palette plus large et dynamique au sein d’un même album. Il y a des chansons sur le disque qui contiennent des parties de piano, de cordes et de chant… ce qui rend l’album d’une certaine manière moins heavy que Precambrian, mais il y a toujours beaucoup de morceaux heavy aussi comme d’habitude. C’est juste un horizon plus délimité. Je pense que chaque personne qui a suivi l’évolution depuis Aeolian jusqu’à Precambrian/Proterozoic (NDLR : nom du deuxième disque composant ce double album) verra la ligne rouge continuée d’une certaine manière sur Heliocentric, la marge de progrès et d’évolution qu’il reste encore et que le groupe a d’accompli... Le chant pourrait être une grosse surprise cependant. Eh bien, ça c’est du fait que nous avons donc un nouveau chanteur. Et quand on cherchait un remplaçant de Mike Pilat, nous étions d’accord dès le début que nous voulions quelqu’un qui ne suivrait pas seulement le chemin évolutif que nous avions vu et ouvert nous-mêmes et dans lequel nous risquions d’être coincés, mais plutôt quelqu’un qui ferait un nouveau pas en avant par rapport au processus précédent. La voix de Loïc n’a pas affecté tant que ça le processus de composition pour ce nouvel album, étant donné que la plupart des chansons était déjà écrite au moment où nous l’avons trouvé mais cela a certainement donné une nouvelle couleur, une nouvelle direction aux morceaux. Et avec ça à l’esprit, Heliocentric  est un nouveau point tournant, c’est sûr ! Nous sommes à présent dans une position où tout est possible, nous ne sommes plus du tout limités par les capacités de quelqu’un, ni par une idée préconçue selon laquelle nous voulons ou devons sonner, nous faisons simplement ce que nous ressentons de bien.

Y a-t-il des invités spéciaux sur Heliocentric comme il y avait divers invités sur Precambrian comme Erik Kalsbeek (ex-Textures) par exemple ?
Jonathan : Pour cet albumn, nous n’avons pas voulu de guest au niveau du chant. Le titre « Ptolemy Was Wrong » est le seul à ne pas être interprété par Loïc. Il est fait par René Noçon, un ami proche du groupe (qui a aussi enregistré les voix claires sur les morceaux « Stenian » et « Rhyacian » de Precambrian). C’était un tout autre challenge pour Robin de devoir écrire premièrement en groupe, et ensuite de composer des titres variés, tous réunis par une seule et unique voix. Auparavant, il écrivait des titres avec une certaine voix en tête et demandait directement à la personne concernée de l’enregistrer. Cela va également de pair avec la volonté d’être plus un groupe qu’un collectif. Je dois tout de même ajouter qu’il y a sur Heliocentric plus de musiciens invités que sur n’importe quel autre disque de The Ocean. Le principe du collectif n’est donc pas mort, mais ne concerne plus la formation centrale du groupe à présent.

J’ai l’impression que la conception de votre précédent album, Precambrian, et plus exactement du second disque Proterozoic qui était plus mélodique et expérimental, vous a grandement influencés musicalement d’une certaine façon ?
Robin : Proterozoic fut vraiment important pour moi, à titre personnel, étant donné qu’il indiquait déjà la direction des choses à venir pour le groupe, bien que la plupart des gens ne puisse pas réaliser cela sur le moment présent. Precambrian fut un monstre avec des structures de morceaux énormes, quelque chose que nous avons préparé bien plus que maintenant. Ça a été le disque avec lequel j’ai tout essayé et où j’ai pu voir mon horizon musical, et il m’a fait comprendre qu’il n’y a de limites que celles que tu t’imposes toi-même. Cette expérience a par exemple rendu les chansons « Ptolemy Was Wrong » et « Epiphany » concevables sur ce nouvel album Heliocentric...

Cette nouvelle direction musicale est-elle la nouvelle marque de fabrique de The Ocean maintenant car vous jouez d’avantage un rock/metal atmosphérique avec toujours des influences hardcore/post-hardcore mais ce n’est plus aussi brutal comme dans le passé sur Aeolian par exemple… ?
Jonathan : Absolument pas ! C’était une volonté unanime de prendre cette direction-là pour cet album, mais ça ne veut en aucun cas dire que c’est notre “nouveau” créneau… Precambrian ne ressemblait pas à Aeolian, et ce dernier encore moins à Fluxion. Nous ne ferons jamais deux fois le même disque. Certains groupes travaillent à trouver une formule et la dupliquer album après album… En ce qui nous concerne, nous aimons et voulons expérimenter, surprendre l’auditeur et nous surprendre nous-mêmes… Bien sûr, Heliocentric est un album à controverse : trop soft pour les uns, pas assez brutal pour les autres, certains se plaignent que ce n’est plus le même groupe… En tant que musiciens, nous nous sentirions très frustrés si nous n’avions plus la possibilité de nous aventurer sur des territoires inconnus ou presque, comme c’est le cas avec Heliocentric. Mais bien qu’il n’y aura pas un deuxième Precambrian ou un deuxième Aeolian, ça ne veut pas dire que les prochains albums ne seront pas autant ou plus heavy que ces derniers….

 THE OCEAN

Comment et où s’est passé l’enregistrement de Heliocentric ? Est-ce facile pour un collectif de travailler ainsi (idées de travail, répétitions, enregistrements, etc.) ?
Jonathan : Heliocentric est un album « fait maison »… Ce qui veut dire que nous avions un contrôle total sur tout mais aussi que l’on a tous personnellement investi beaucoup de temps dans la production. Les prises de batterie ainsi que le mix ont été réalisés chez Julien Fehlmann au Studio Mécanique à La Chaux-de-fonds en Suisse. C’est ici que Luc, Louis, Julien et moi-même vivons. Julien est notre sixième membre, et le fait qu’il possède un studio nous a vraiment permis de travailler dans les meilleures conditions possibles. Robin est venu de Berlin plusieurs semaines pour assister Julien dans les prises de sons des instruments classiques ainsi que pour le mix. Pour le reste, Louis a enregistré ses lignes de basse dans son salon, certaines des guitares et voix ont été enregistrées à Berlin, d’autres dans mon studio… Nous avons personnellement effectué tous les travaux d’édition, et nous sommes vraiment plus que satisfaits du résultat et de l’approche plus organique du son que nous avons choisi. Heliocentric a été écrit dans une période de trois semaines alors que nous étions (Robin et moi) en vacances à Majorque en 2008. Robin a composé la base d’Heliocentric dans son intégralité et dans la même période, j’ai commencé à écrire Anthropocentric. Ensuite, tout s’est fait par e-mail, on envoie un riff, on enregistre des pré-prods de drums, on renvoie, on discute, arrange le morceau, etc. A notre époque, entre les vols aériens low cost et Internet, c’est possible de fonctionner en groupe sans nécessairement se rencontrer trois fois par semaine ou d’habiter dans le même pays. Pour les répétitions, c’est bien simple ? nous n’en faisons pas ! Généralement, chacun travaille son instrument chez lui et on se retrouve quelques jours avant une tournée et là, on joue toute la journée ! Il faut quand même dire que Louis, Luc et moi jouons depuis presque dix ans ensemble, donc la cohérence entre les musiciens est bien présente !

Parfois, sur certaines chansons plus directes, il y a un côté hardcore/metal dans les riffs avec des similarités qui m’évoquent les Deftones notamment sur certains riffs. Est-ce une influence  les Deftones, et quelles sont vos autres influences ?
Robin : Non, pas vraiment. Lors de la période d’écriture de Heliocentric, j’étais sous la lourde influence de Trent Reznor et son double album Ghosts... Cette beauté subtile venait en moi et s’échappait de ma tête, c’était toujours là d’une manière ou d’une autre quand j’écrivais alors l’album... Tu ne peux toutefois pas vraiment l’entendre ; bon, ça serait un peu pauvre et maladroit si c’était trop présent de toute façon... L’inspiration fonctionne comme une boîte noire : tu as un nombre d’entrées, d’ouvertures, et alors il n’y a qu’une issue de sortie, ta composition... Tout ce qui arrive durant cela, dans le processus, c’est un mystère, comme un trou noir, et c’est ce qui est supposé se faire... Je ne voudrais pas regarder à travers ma propre boîte noire personnellement, vraiment pas (rires). Je ne veux pas savoir ce qu’il s’y passe, seul le résultat compte.
 
Pour conclure, quels sont vos projets pour cette année (tournées, festivals, DVD…) ? Il y a aussi un autre album studio prévu je crois d’ici la fin d’année…
Jonathan : Entre mai et juin, nous allons jouer en Europe de l’Est avant d’aller en Scandinavie. Evidemment, nous nous réjouissons de jouer là où nous ne sommes jamais allés (Lettonie, Estonie) et là où nous avons déjà d’inoubliables souvenirs (Serbie, Finlande…). En juillet, on fera quelques dates et festivals en Espagne, Portugal, Sicile et probablement plus à venir. On est en pleine période de transition et on négocie en ce moment même avec les personnes qui travailleront pour nous dans le futur. Du coup, on a plein d’options à partir de septembre, mais rien de confirmé pour l’instant. On a effectivement filmé un DVD le 26 mars au Bikini Test à La Chaux-de-Fonds (Suisse) pour la soirée de vernissage d’Heliocentric. Nous étions une douzaine sur scène, c’est pour cela que nous avons saisi l’opportunité de shooter le show. Tous les musiciens invités qui ont participé au disque étaient présents ce soir-là, violon, violoncelle, alto, piano, saxophones, contrebasse… Il y aura un deuxième shoot à Berlin le 7 mai dans le cadre du Friction Fest (festival initié par Robin) dans les mêmes conditions. Le DVD devrait être disponible début 2011. Effectivement, le prochain album, Anthropocentric, sortira à l’automne 2010. Ce sera la suite ou le jumeau maléfique d’Heliocentric (rires !), les deux albums étant définitivement liés. Je crois que le talent et l’expérience de Robin mêlés à la motivation et la fraîcheur du clan suisse sont deux facteurs qui nous ont rendus si productifs durant ces deux dernières années. En deux ans, on a fait pas loin de deux cents dates à travers le monde, on est rentré des idées plein la tête et voilà le résultat pour 2010 ! Maintenant, retour sur les routes !!


THE OCEAN – Heliocentric
Metal Blade / Season of Mist



Myspace : www.myspace.com/theoceancollective