Irrévérencieux, tendancieux, glam, provoc', délicieusement talentueux... Undercover Slut ne laisse pas indifférent, ça, c’est sûr. Il était enfin temps que la rédac' se penche sur ces activistes bien trop dans l'ombre chez nous. Et ce malgré un très réussi Amerikkka Macht Frei, qui ressort enfin après des débuts chaotiques l'an dernier. L'occasion pour vous de (re)découvrir ce groupe...

Interview également parue dans le METAL OBS n°39 d'Avril 2010

Entretien avec O (chant) - Par Geoffrey
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Entrons directement dans le vif du sujet. Penses-tu que la société est devenue un peu plus aseptisée, et que l’âge d’or de la provoc’ est révolu ?
Je ne suis pas sûr. Je pense qu’il y a deux choses qui se contredisent. Tu as d’une part les gens qui ont vu tellement de choses que c’est devenu difficile de choquer les esprits, de les provoquer, parce que les gens ont vu plus de choses que par le passé. D’un autre côté, je trouve la censure de plus en plus présente, dans les médias par exemple. Paradoxalement, je trouve que les générations précédentes ont vécu des choses plus dures que nous. Qu’a-t-on eu de violent dernièrement, à part le 11 septembre 2001 ? Avant, ils ont eu des guerres, des choses plus costaudes. J’ai l’impression pour revenir à ta question que les autorités sont plus strictes…

…dans la censure des mots, moins des images…
Disons qu’avec internet, c’est un media peut-être moins contrôlé et contrôlable que la télé ou la presse écrite. Mais ce n’est pas dit que ça va durer longtemps comme ça. Même au niveau des humoristes, je les trouve moins virulents. 

Je parlais de provoc’, mais vois-tu Undercover Slut comme un groupe provoc’ ?
Oui et non. Parce que je suis parfaitement conscient que ce groupe choque, secoue les esprits, dérange certains et ravit d’autres… Mais d’un autre côté, j’ai un état d’esprit qui est qu’un groupe de rock doit déranger les parents. Ça a commencé avec Elvis qui dérangeait l’Amérique bien pensante avec ses déhanchés… et il y a mille et un exemples. Mais aujourd’hui, s’il y a des groupes qui sont là pour caresser tout le monde dans le sens du poil, moi ça ne m’intéresse pas, ce n’est pas ma conception du rock. Le but de la manœuvre avec Undercover Slut, c’est de secouer les esprits pour mieux les réveiller.



Une musique qui sert à quelque chose,  dans une période où le look domine, et où les kids ne s’intéressent plus aux textes…
C’est bien que tu parles des textes, parce que la démarche logique est de lire les paroles. Tu remarqueras qu’en France, il y a des gens, à part quand c’est chanté en français, qui ne parlent pas anglais, et ne comprennent pas. Donc, en gros, le job du chanteur est juste de faire des notes et des mélodies. Et c’est dommage.

En me replongeant dans l’histoire du groupe, je suis retombé forcément sur ton passage dans l’émission de Fogiel. Plutôt que de reparler de ça, j’ai juste cette question : pourquoi les groupes continuent d’aller dans des émissions où l’on sait dès le départ que les gens en face ne sont pas des spécialistes, et qu’ils vont faire face à un flot de clichés et d’idée reçues.  Et qu’au final, ils vont être instrumentalisés ?
Moi, je ne peux pas répondre pour les autres groupes. Je savais que ça allait être un sacrifice en direct. Je n’étais pas à ma place là-bas. Certains considèrent que je m’en suis sorti, d’autres non.

Et comment rester calme quand, à un moment, on te demande si tu joues du Black Metal…
Oui, mais Geoffrey, tu sais, on est en France. C’est un pays latin. Il n’y a pas de culture rock. Je ne regrette pas d’y être allé. J’aurais aimé conclure mes phrases sans qu’on me coupe au bout de trois mots. J’ai essayé de dire ce que j’avais à dire. Maintenant j’y suis allé pour la promo. Ce n’est pas non plus une volonté de faire de la promo n’ importe où, n’importe comment.

Parlons du dernier album, dispo depuis plus d’un an…
Ce qui s’est passé, c’est qu’on a enregistré cet album à Los Angeles, au Chop Chop, chez Scott Humphrey, celui qui est derrière les disques solos de Rob Zombie. Il a travaillé avec Metallica, Mötley Crüe, Nickelback. Mais au début, on avait commencé ailleurs, dans une propriété de millionnaire, avec Steve O Bruno, le gars qui est derrière l’album de Brides Of Destruction ou Five Finger Death Punch. On a donc commencé avec lui, ça se passait bien, on avait fait la pré production. Et puis on est arrivé un matin là-bas, et sur la porte il y avait un avis d’expulsion, comme quoi il avait 72h pour quitter les lieux. Après coup, on a eu sa version de l’histoire, comme quoi il avait organisé une soirée, qu’une fille ne voulait pas partir à la fin, qu’il avait sorti son fusil, qu’il avait tiré un coup dans le matelas, que la balle avait traversé le sol du premier étage et avait atterri chez le voisin qui a porté plainte. Donc on s’est retrouvé au Chop Chop. Un mal pour un bien au final, parce qu’on est le seul groupe européen à avoir enregistré là-bas.  On a donc terminé avec Chris Bainford, qui a bossé sur les albums solos de John 5 ou Tommy Lee. Et tout s’est enfin bien passé. On est parti trois mois là-bas. Le premier mois, on a donné deux dates à New York, puis des dates à Los Angeles et on a terminé au Whiskey-a-go-go avec Hollywood Roses. Ça s’est très très bien passé. Le total pré production/mixage devait se faire sur deux mois, et avec les problèmes, on a tout fait sur un mois. On a invité Eric Griffin à la basse sur un titre. En studio, une ex de Marilyn Manson nous a présenté  Mafio Roberts, le fils de Charles Manson, qui a un groupe qui s’appelle New Rising Sun…

Il fait un spoken word sur un morceau…
Oui, à la fin du disque. C’est un gars qui ressemble comme deux gouttes d’eau à son père. Je pense qu’il entretient quand même la ressemblance. On devait avoir Nikki Sixx aussi aux spoken words, son représentant a décliné car il était en promo pour son livre et la BO qui allait avec. Et c’est donc le fils de Charles Manson qui est venu. Ensuite, on est revenu en France avec le disque sous le bras. Il y avait des labels indé intéressés mais qui nous ne nous intéressaient pas. Il y avait des labels plus gros, mais qui avaient peur par rapport au titre, aux paroles, à l’image du groupe…



Et ce titre, Amerikkka Macht Frei… L’allusion au « Arbeit Macht Frei » est évidente (NDLR : phrase qui était affichée à l’entrée de nombreux camps nazi, dont le tristement célèbre Auschwitz…).
A la base c’est pas un truc Nazi, c’est le philosophe Hegel qui a trouvé ça. Et au final, la philosophie a été pourrie par les Nazis.

Et les trois K à Amerikkka…
Ça faisait plus joli.

(Rire) Mais bien sûr… Eh bien, provoc’ aussi…
C’est vrai. Ceci dit, y a rien de suprématiste blanc chez moi, loin de là, et bien au contraire… Et pour ma défense, Ice Cube avait sorti aussi « Amerikkka least wanted ». Mais pour la vraie signification du titre (« L’Amérique rend libre »), c’est aussi un hommage à ce pays qui m’a donné des facilités que je n’ai pas eues en France. On a fait 6 tournées là-bas, zéro fois en France.

Alors pourquoi revenir en France, et ne pas rester là-bas ?
Parce qu’on a beaucoup d’attaches ici. Et au fond de moi, je crois que c’est un pays qui me fait souffrir. Et la souffrance est un ingrédient indispensable à la créativité.

Souffrance par rapport à ce que notre pays est, ou c’est plus personnel ?
Non, la France est un joli pays, mais souffrance par rapport à ce que j’aimerais que ce pays soit. Et à chaque fois que j’allume la télé, ça me dégoûte.

La musique a-t-elle le pouvoir de soulever les masses ?
J’aimerais bien te dire oui. Mais les gens, artistes un peu borderline, ont un peu tous disparu.


UNDERCOVER SLUT – Amerikkka Macht Frei
Offensive Records



Myspace : www.myspace.com/undercoverslut