RAGNAROK
De retour du Néant...


C’est après un silence radio de quelques années que nous revient enfin Jontho, le batteur et dernier rescapé du groupe norvégien Ragnarok. Lui et sa nouvelle horde ont engendré une sixième œuvre maléfique dans la grande tradition du Black Metal scandinave. Presque victime de son succès avec son précédent disque, Blackdoor Miracle, Ragnarok a traversé quelques galères et connaît aujourd’hui une certaine renaissance. Attardons-nous sur cette période trouble et sur ce nouvel opus avec son leader, plus motivé que jamais et plutôt prolixe quand il s’agit de parler de la petite sphère du Black Metal. Et a priori, l’apocalypse est proche mais ce n’est pas encore pour tout de suite…

Interview parue également dans le Metal Obs' 40 de mai 2010

Entretien avec Jontho (Batterie) – Par Seigneur Fred
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Dis-moi, qu’a fait le groupe durant ces six dernières années, depuis la sortie de votre précédent album et réussi Blackdoor Miracle, paru en 2004 ?
Depuis la sortie de Blackdoor Miracle, beaucoup de choses sont survenues dans le camp Ragnarok. Juste après la sortie du disque, nous avons effectué une grande tournée européenne aux côtés de Behemoth, Krisiun et Incantation et ce fut un grand succès ! Nous avons eu aussi de bons retours sur cet album, aussi bien par les médias que par les fans et c’était pour nous un second souffle en quelque sorte. Nous avons alors continué à jouer lors de plusieurs concerts en 2005 mais alors que je pensais que tout allait bien à ce moment-là, j’ai appris la nouvelle de notre guitariste Rym selon laquelle il voulait quitter le groupe parce qu’il avait perdu tout intérêt et motivation dans la musique Black Metal en général, et il ne se voyait pas continuer ainsi dans le groupe. Comme je l’ai compris, il voulait avoir une vie plus normale avec un revenu régulier et passer plus de temps auprès de sa femme et ainsi de suite… Je sais que de nos jours, il est devenu père et joue dans un groupe de rock n’ roll dans notre ville natale, Sarpsborg. En tout cas, ceci a été très dur pour moi qu’il quitte le groupe après toutes ces années passées ensemble, mais c’était son choix et c’était mieux en fait qu’il soit parti à ce moment-là plutôt qu’il ne devienne une source de ralentissements dans ma vision et mes projets du groupe pour le futur. Et juste quelques semaines après cela, j’ai eu un message de Jerv, le bassiste, qui voulait quitter le groupe lui aussi à son tour. Je n’ai pas été surpris plus que cela par son annonce parce que Jerv était devenu un suiveur et il a donc uniquement fait cela principalement parce que Rym était parti. C’est dingue que quelqu’un comme lui parte alors qu’il avait été si vrai durant toutes ses années, mais là encore j’ai appris que les gens ne sont pas toujours ce qu’ils semblent être. Moi et Høest étions alors les seuls membres restants au sein du groupe et on a commencé la recherche d’autres musiciens. J’étais en contact avec ce gars, Brigge, grâce à des amis de Dimmu Borgir et Susperia car il avait eu l’information à propos de nos besoins et il était intéressé. Mes amis m’en avaient parlé uniquement en bien et comme j’aimais bien son attitude, on s’est donc mis d’accord pour une audition. Lui et moi avons commencé à répéter certaines vieilles chansons de Ragnarok et j’ai été bluffé ! Ce mec a joué cinq ou six chansons de Ragnarok à la première séance de répétition et donc je n’ai eu aucun doute sur le fait que je voulais continuer à bosser avec lui. Brigge est donc devenu un membre du groupe début 2007. Peu de temps après ça, Høest (NDLR : le chanteur) a quitté le groupe pour rejoindre sa formation principale : Taake. On a donc mis en suspens Ragnarok. J’ai alors rejoint un autre groupe de Black Metal avec Nefaz de Urgehal, appelé Endezzma. J’ai joué avec eux sur leur premier album et sur quelques festivals avant que je ne ressente que quelque chose ne tournait pas rond, et j’ai alors décidé de remettre en route Ragnarok. Et en 2008, la recherche d’autres musiciens a de nouveau recommencé…

Pourquoi votre précédent chanteur, Hǿest du groupe norvégien Taake, a-t-il quitté le groupe en 2008 ? A cause de son groupe principal justement ?
Il est parti parce qu’il a eu soudainement trop de choses à faire et à gérer avec en effet son propre groupe Taake, et à ce moment-là, il n’apparaissait plus trop et ne pouvait plus venir s’impliquer dans le clan Ragnarok. Nous étions d’accord de toute manière que c’était la meilleure solution. Et depuis, j’ai eu de nouveau l’esprit et la force pour faire grandir Ragnarok, et j’avais besoin de personnes afin de compléter le groupe pour qu’il soit de nouveau à cent pour cent.

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Maintenant, peux-tu présenter le line up actuel de Ragnarok, et notamment votre nouveau chanteur ? Quel est le passé musical de tous ces nouveaux arrivants ?
Brigge joue donc de la guitare dans Ragnarok comme je te l’ai présenté tout à l’heure, mais je peux aussi te dire qu’il a joué dans deux groupes auparavant : Carpticon et Paradigma. En second lieu, nous avons Decepticon à la basse. En fait, c’est un ami de Brigge, et ils ont joué ensemble au sein de Carpticon dans le passé et c’est Brigge qui me l’a présenté tout simplement. Il a joué aussi dans plein d’autres groupes comme Nebular Mystic, Vidsyn, Fragment, et d’autres encore dont je ne me souviens plus à l’heure où je te parle... Mais c’est un bassiste très habile, plein de dextérité, et j’ai tout de suite aimé son comportement, donc j’ai décidé d’essayer aussi avec lui. Et en même temps, Brigge allait à une école d’ingé-son et avait une personne dans sa classe qui voulait s’essayer davantage au chant. Son nom était HansFyrste et il avait aussi un autre groupe alors baptisé Svartjern. J’ai fait une petite recherche sur lui et on s’est rencontré pour discuter. Il paraissait très dévoué et j’ai eu un bon feeling pour ensuite le tester. Nous sommes alors allés en répétition tous ensemble et les choses se sont bien passées. Tous les nouveaux venus dans le groupe ont tous en commun une chose importante : ils sont avant tout des fans de Ragnarok et par conséquent, connaissaient déjà très bien notre musique. Ceci fut un soulagement en quelque sorte et a rendu les choses simples. On a alors répété ensemble environ un an avant d’avoir une offre de la part d’un festival en Allemagne. On a dit « oui » à cette proposition et ceci allait être l’épreuve ultime pour les nouveaux membres. Le festival fut génial et j’ai décidé de dire à chacun d’entre eux qu’ils étaient membres à part entière, dorénavant, s’ils acceptaient d’y aller à fond. A présent, nous avons aussi l’ajout d’un autre musicien, il s’agit d’un ami proche et s’appelle Bolverk. Il a commencé en tant que guitariste de session sur notre dernière tournée russe et est devenu un membre à temps complet après ce périple car il a fait un immense travail. Donc en résumé, voici le line-up : moi-même, Jontho, à la batterie ; Brigge à la guitare principale ; Decepticon à la basse et aux chœurs ; Hansfyrste au chant ; Bolverk à la seconde guitare. Et à côté de ça, outre la conception de la musique, je prends en charge tout ce qui touche aux médias, la presse, le management, etc.

Votre nouvel album s’intitule Collectors Of The King. Peux-tu nous expliquer la signification de ce titre ainsi que les différents sujets évoqués dans les paroles des nouvelles chansons ? C’est toujours plus ou moins lié à la religion, aux anciens cultes païens, au satanisme et à l’anti-christianisme, je présume ?
Le concept derrière ce titre et les paroles qui s’y rattachent sont notre manière d’honorer les forces du Mal, le Dieu aux cornes de bouc et ses sorcières. C’est aussi lié à l’enrichissement de l’esprit à travers la sagesse, la connaissance, une certaine philosophie afin de devenir tout-puissant, et cela concerne aussi la destruction des faibles. Comme d’habitude, il y a des éléments relatifs au satanisme et des thèmes plus généralement anti-religieux et notamment anti-chrétiens mais à un niveau supérieur, pas juste en haïssant simplement la chrétienté et tout cela. C’est davantage des avis personnels et des expériences en tant qu’être humain, en se nourrissant de la bête qui est en nous et en exprimant notre démon intérieur au sens premier comme au second degré...

Avez-vous procédé comme d’habitude pour l’enregistrement de ce sixième album studio, à savoir en travaillant aux Abyss Studios ? Comment et où se sont passées les sessions d’enregistrement avec la nouvelle équipe ?
Non, cette fois, nous avons décidé d’utiliser un autre studio nommé Endarker Studios qui appartient et est dirigé par Magnus « Devo » Anderson, le bassiste de  Marduk. A noter que nous avions pour habitude en effet de travailler aux Abyss Studios avec Tommy Tägtgren, le frère de Peter Tägtgren. Et là, en fait, le Endarker Studio est situé à Norrköping, en Suède, et nous y avons passé quatre semaines pour enregistrer donc notre nouvel album Collectors Of The King. Ce fut génial de travailler avec Devo parce qu’il connaît vraiment son matériel comme sur des roulettes et possède une grande compréhension de notre style de musique. Ceci nous a beaucoup aidés car je déteste bosser avec des ingénieurs du son qui ne pensent qu’à obtenir un gros son propre, mais qui n’ont aucun indicateur pour se repérer quand il s’agit de Black Metal. La session d’enregistrement s’est donc passée comme nous le faisons toujours. En premier lieu, nous enregistrons une piste de guitare brute pour toutes les chansons pour moi ensuite les jouer. Ensuite, nous prenons pas mal de temps pour trouver le juste son de batterie et alors on enregistre la batterie à ce moment-là. Puis nous enregistrons les lignes de basse et là, on enregistre toutes les parties de guitares après avoir trouvé le juste son bien entendu. Enfin, on procède à l’enregistrement du chant et des effets/arrangements avant de finaliser l’ensemble de la production puis le mixage. Après ça, on envoie le mixage définitif à un studio pour le mastering afin de le rendre à cent pour cent écoutable, en le peaufinant bien pour obtenir le résultat final que tu as écouté.

Dans la chanson qui s’appelle “The Ancien Crown Of Glory”, il y a un très bon passage avec un break intéressant relativement groovy au milieu du morceau. Pourquoi ne développez-vous pas davantage des chansons dans cette veine, un peu comme Satyricon le fait à présent, une sorte de Black Metal n’ roll (rires) ?
Ouais ! C’est un très bon break sur cette chanson et j’en suis fier ! J’apprécie personnellement ce type de passages. Mais nous misons plus sur la qualité que la quantité, je pense donc que c’est mieux d’avoir un break comme ça, de temps en temps, plutôt que trop souvent tout au long d’un disque. Mais si tu écoutes tous nos albums, tu trouveras des breaks plus ou moins similaires une ou deux fois à travers chacun de nos disques. Sur Collectors Of The King, c’est à mon avis le meilleur et le passage le plus intéressant de ce type que nous ayons fait, tu as raison. Peut-être que ce sera plus ainsi dans le futur, peut-être pas… Nous ne calculons pas trop comme ça quand on crée les chansons, et ça dépend de notre humeur, et des sentiments à ce moment-là. Nous ne pensons jamais à vouloir nous orienter vers tel ou tel groupe afin de jouer comme eux, et je peux donc t’affirmer maintenant que nous ne ferons pas ce que Satyricon fait. Cependant, par le passé, nous étions étiquetés comme une réponse Black Metal à Motörhead, alors que peut-être nous jouions déjà du Black n’ roll avant le style de Satyricon d’aujourd’hui (rires) !

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A vos débuts, vers 1997, sur votre second album Arising Realm, est-ce vrai qu’il y avait un certain Shagrath de Dimmu Borgir (NDLR : chanteur dans Dimmu Borgir également dans Ov Hell, Chrome Division) qui jouait les parties de claviers dessus ?
Oui, c’est exact. Il a fait les claviers sur cet album. La raison était simple : nous étions souvent fourrés ensemble et étions des amis proches, et comme on avait besoin de quelqu’un pour s’occuper des parties de claviers, il nous a donc donné un coup de main à cette période. Je sais que certains bouffons ont dit alors dans les médias que Ragnarok était l’un de ses projets parallèles, ce qui était totalement faux. C’était seulement un pote qui venait jouer des claviers sur notre album en tant que musicien de session (rires).

Et pourquoi n’utilisez-vous plus de claviers dans la musique de Ragnarok aujourd’hui ?
Tout d’abord, nous avons toujours fait nos chansons sans clavier, et en avons ajouté parfois à nos morceaux en studio, là où nous en ressentions le désir, là où cela s’y prêtait bien, et peut-être pour rendre les chansons meilleures d’une certaine manière. C’est ce que nous sentions à cette époque, mais passé le cap du troisième album, nous avons commencé à composer et à travailler les chansons en pensant davantage à l’utilisation de deux guitares, et en se basant sur cette orientation. Nous avons alors réalisé que nous n’avions plus spécialement besoin de rajouter des nappes de claviers. Je pense aussi que la musique de Ragnarok est mieux ainsi et on obtient quelque chose de plus agressif et plus direct pour que ça te saute au visage. Je ne dirais pas non plus à jamais au revoir aux claviers mais c’est comme ça à présent, c’est la manière dont nous concevons la musique et ça marche plutôt bien.

Quelle est ta vision de la scène Black Metal actuelle en Scandinavie, et plus précisément par chez toi, en Norvège ?
Je pense que la scène Black Metal ici en Norvège continue de rester forte et même de plus en plus forte aujourd’hui car nous sommes de retour (rires) ! Beaucoup de vieux groupes de Black Metal sont devenus plus « mainstream » d’une certaine manière mais il y a quelques formations qui sont tout de même parmi l’élite tels que Troll, Taake, Urgehal, Carpathian Forest, Tsjuder et ainsi de suite… En Suède, il y a plein de groupes importants qui sont toujours là, et parmi eux, l’élite comme Marduk, Dark Funeral, Necrophobic, Watain et bien d’autres encore…

Enfin, à quand doit-on s’attendre au « Ragnarok », autrement dit l’apocalypse, selon la mythologie nordique ?
Autant que je sache, le vrai Ragnarok a déjà eu lieu dans le passé et cette fin du monde a exterminé par la même occasion la mythologie nordique en ce temps-là, y compris même les divinités les plus grandes. Comme je le conçois aujourd’hui, l’apocalypse viendra et la destruction finale de ce monde se déroulera de nouveau. Cependant, je ne peux pas te dire quand et comment précisément… (rires) Mais ça viendra ! Dans tous les cas, merci à toi pour ton soutien et à tous nos fans en France. 
 

RAGNAROK – Collectors Of The King
Regain Records / Underclass



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