SOULFLY

Mauvais présage ?


Avec Omen - le présage - Max Cavalera sort son 7ème album sous l’étiquette Soulfly, soit désormais un de plus qu’avec Sepultura. Le hurleur aux ESP 4 cordes a progressivement mis de côté les ingrédients world / tribaux de sa musique pour recentrer le débat sur le « tout brutal ». Et si certains trouvent déjà à redire sur la qualité, la quantité, elle, est bien au rendez-vous puisque le nouvel opus est livré dans sa version digipack avec un DVD live complet au festival allemand With Full Force 2009.

Interview parue également dans le Metal Obs' 41 de Juin / Juillet 2010

Entretien avec Max Cavalera (chant, guitare) - Par Jean-Christophe Baugé
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Dans la droite lignée de Dark Ages (2005) and Conquer (2008), Omen se veut très brutal. C’est ce type de Metal que tu préfères, finalement ?
J’ai comme redécouvert le Metal à l’époque de Dark Ages : l’énergie, l’excitation, l’agressivité. Ce nouvel album a non seulement une base Thrash et Death, mais également des éléments Hardcore et Punk qui viennent se greffer par dessus. On a déjà joué quelques nouveaux titres en live sur cette tournée et la réaction du public a été incroyable. J’en suis vraiment très heureux. C’est un excellent test.

Le line-up de Soulfly est stable depuis maintenant 4 albums. Est-ce que le travail avec tes musiciens s’en trouve facilité ?
Tout à fait. Je les connais bien désormais, je peux en obtenir le meilleur en studio. Chacun d’eux a muri au fil des ans : tu peux te rendre compte des progrès réalisés par Marc Rizzo à la guitare, idem pour Bobby Burns et Joe Nunez. J’apprécie vraiment que ce line-up soit stable, bien qu’au départ rien n’indiquait que ça allait fonctionner. On est de bons amis à présent. Notre son, à nous quatre, est très puissant en live. Je suis très fier de cette alchimie de groupe, car ce n’est pas toujours facile à obtenir.

Comment en es-tu venu à collaborer avec Greg Puciato (The Dillinger Escape Plan) et Tommy Victor (Prong) ?
Prong a ouvert pour nous aux USA et j’ai naturellement proposé à Tommy de venir chanter en guest dès que l’occasion se présenterait. J’avais un titre de prêt pour ça : « Lethal Injection ». Pour Greg, ça s’est passé différemment, un peu par accident. Je l’ai rencontré à un show des Deftones à L.A. où on intervenait tous les deux pendant un bœuf. Comme Soulfly était en pleine phase d’enregistrement, je lui ai demandé s’il était OK pour passer au studio pousser quelques cris. L’idée l’a emballé et on a commencé à travailler sur « Rise Of The Fallen ». Wow … avant même de finaliser ce titre, je savais que ça allait être grand. On l’a donc choisi comme premier single et première vidéo pour Omen.

C’est en effet un titre super catchy qui survole les autres. Attardons-nous maintenant sur les lyrics : c’est cette fois le thème du meurtre qui est souvent décliné. Il y a même ce morceau, « Jeffrey Dahmer », qui fait référence au cannibale de Milwaukee (17 personnes assassinées entre 1978 et 1991)…
Ça fait longtemps que je voulais écrire une chanson sur un serial killer, déjà à l’époque de Sepultura, mais je n’avais jamais trouvé le temps ou l’inspiration … jusqu’à aujourd’hui. Parmi Charles Manson, Albert Fish, etc, j’ai choisi le plus brutal de tous : Jeffrey Dhamer, car il était aussi cannibale. Je me suis renseigné sur lui : j’ai enregistré des biographies et des interviews à la télé avant de m’attaquer aux lyrics. Mon frère Iggor a d’ailleurs fait une rencontre assez étrange lorsque Sepultura a joué au Milwaukee Metalfest, au moment de l’arrestation de Jeffrey Dahmer : un fan lui a donné la facture originale du réfrigérateur dans lequel Jeffrey entreposait ses têtes (rires) ! Iggor l’a encore dans ses archives.

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Dans « Vulture Culture », tu t’en prends à quel media en particulier ?
C’est une critique acerbe de CNN, que j’appelle à boycotter. Cette chaîne fait de la propagande, du lavage de cerveau en ne montrant qu’un côté de la réalité : elle s’évertue à propager la peur. C’est très frustrant, tu sais : j’ai voyagé partout dans le monde et ce que j’ai vu de mes yeux ne correspond pas du tout à ce qui est diffusé.

Tu as cette fois co-produit l’album avec Logan Mader. Est-il meilleur producteur que guitariste dans le cadre de Soulfly ?
Oui, sans aucun doute. Ce n’était pas un mauvais guitariste, mais sur le premier album, il était à fond dans la dope et se pointait toujours en retard quand il fallait jouer. Il avait l’esprit ailleurs et la situation est vite devenue ingérable. Mais il a réussi à se sortir de tout ça et il est devenu un producteur respecté. Il a fait de l’excellent boulot sur les derniers Devildriver et Gojira : c’est la raison pour laquelle on a décidé de faire à nouveau appel à lui… et le résultat est là !

Il est aussi derrière les manettes pour le prochain Cavalera Conspiracy. Quand doit sortir l’album ?
Vraisemblablement début 2011. L’enregistrement est terminé, on en est à la phase de mixage. L’album renferme des chansons assez étranges, comme sorties de nulle part : il représente vraiment le futur du tandem Max - Iggor. Tous ceux qui l’ont écouté jusqu’à présent l’ont adoré, bien plus que le premier.

Revenons à Omen : les illustrations de David Ho sont assez réussies. A-t-il travaillé à partir de certaines de tes idées ?
J’avais déjà vu le design des masques à gaz que David avait proposé à George Lucas pour Star Wars, design qui a d’ailleurs été partiellement exploité. Je suis tombé instantanément sous le charme de ces masques : il me les fallait pour la pochette. J’ai contacté David en lui disant que je désirais avoir des prophètes ainsi masqués. Comme Omen est notre septième album, il a eu l’idée de mettre en scène les sept péchés capitaux avec l’orgueil, la gourmandise, la colère, etc… L’artwork de l’édition limitée digipack est d’ailleurs différent avec des tons plus pastels. David est un grand artiste : le résultat est à la fois puissant et flippant.

Sur l’édition limitée justement, tes fils Igor et Zyon sont à la batterie sur les deux derniers bonus tracks (« Refuse / Resist » de Sepultura et « Your live, My Life » d’Excel). Est-il concevable que l’un d’eux fasse un jour partie du line-up officiel de Soulfly ?
Pourquoi pas ? Dans l’immédiat, non, car le line-up actuel est tout à fait satisfaisant mais il est indéniable qu’Igor et Zyon progressent très rapidement et ont la jeunesse pour eux. Ce serait cool de jouer avec eux … j’attends le moment propice.

Tu reprends aussi « Four Sticks » de Led Zeppelin en version instrumentale. Tu as essayé de la chanter ?
Non, je ne m’y suis pas risqué (rires). J’ai prévenu tout le monde au studio : il n’était pas question que je me ridiculise. Je ne sais pas imiter Robert Plant et encore moins reproduire ses « Oh Babe » ! J’ai donc demandé à Marc de reprendre intégralement les lignes vocales à la guitare. Je pense que notre version de « Four Sticks » est assez Punk-Rock dans l’âme : le son est brut et il y a une ambiance de jam-session.

Que penses-tu de Richie, ton beau-fils, en tant que chanteur dans Incite ?
Il est très bon. Je l’ai vu à plusieurs reprises en live, et il est en constante amélioration. Il sait se mettre un public dans la poche, c’est un bon performer. Je lui ai donné quelques conseils au début et depuis, il a su tracer sa propre route. Je suis très fier de lui.

Tu es toujours resté fidèle à Roadrunner. Qu’est-ce que ce label a de si spécial ?
C’est maintenant une longue relation qui dure depuis près de vingt ans. Le staff de Roadrunner est intègre. Personne n’a jamais cherché à m’imposer quoi que ce soit. J’ai eu une marche de manœuvre maximale pour tous les albums de Soulfly sans avoir de pression pour virer plus commercial… c’est un luxe appréciable.

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As-tu écouté les quatre albums solo de Marc Rizzo ?
Oui, et je les aime beaucoup, ils sont très intéressants. Plus il sort d’albums solos, plus il progresse en tant que musicien. J’encourage ses projets parallèles.

Soulfly est la tête d’affiche des Métallurgicales ce soir à Denain. Que penses-tu des premières parties : Paradise Lost et Mass Hysteria ?
Paradise Lost a déjà ouvert pour Sepultura en Europe, ça devait être en 1994. Les gars étaient cools, il me tarde de les revoir. Quant à Mass Hysteria, ils jouissent d’une bonne réputation depuis de nombreuses années. C’est un bon package pour un festival.

A une autre échelle, Soulfly joue en co-headliner avec Aerosmith et Kiss lors du prochain Graspop Metal Meeting à Dessel. Aurons-nous droit à quelques invités surprise de la famille Cavalera sur scène ?
Tout à fait, Igor sera de la partie et Richie viendra chanter un peu. Ça va être fun.

Quels ont été les meilleurs et les pires moments de ta carrière jusqu’à présent ?
Oups, ça devient compliqué ! Réfléchissons… le meilleur moment, c’était au cours de notre tournée australienne du temps du premier Soulfly. On devait faire un gros festival avec Korn et Marilyn Manson en passant très tôt dans la journée, du genre 3 heures de l’après-midi, et je craignais que le public ne soit pas au rendez-vous. Le site était en fait déjà plein à craquer et tout le monde connaissait nos paroles par cœur. C’est à partir de là que je me suis dit qu’on allait percer. Le pire moment, ça a été le mort de Dimebag Darrell. J’étais au studio en train de bosser sur Dark Ages et j’ai appris la nouvelle sur le chemin du retour … je ne pouvais y croire. Qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête du mec qui l’a assassiné ?

Un mot peut-être sur les disparitions récentes de Peter Steele (Type O Nagative), Ronnie James Dio (Heaven & Hell) et Paul Gray (Slipknot) ?
Quelle tristesse ! J’ai eu la chance de rencontrer Peter à plusieurs reprises en tournée. Idem pour Paul, c’était un chic type, il est même venu à la maison un jour où on jouait à Phoenix. Le seul que je n’aie jamais croisé est Dio, mais j’adore le travail qu’il a réalisé au sein de Black Sabbath, Rainbow ou en solo. C’était une véritable légende du Metal … il va manquer à beaucoup de monde.

Pour conclure sur une note plus amusante, que penses-tu de la tournure qu’a prise la carrière de Sepultura depuis ton départ en 1996 ?
Sans trop m’étendre sur le sujet, je ne pense pas qu’ils s’en soient bien sortis, notamment depuis qu’Iggor a quitté le navire en 2006. Il n’y a plus l’étincelle … et plus aucun membre de la confrérie originelle. Leur tournée spéciale vingtième anniversaire est complètement ridicule : ils n’étaient pas tous là il y a 20 ans ! Pour moi, c’est devenu une farce.


SOULFLY - Omen
Roadrunner / Warner



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