ANATHEMA


Il est assez intéressant de constater qu’en dépit du Rock planant qu’il pratique depuis maintenant de nombreuses années, Anathema continue de figurer en bonne position dans les pages de la presse Metal. Certes, le Doom / Death de Serenades (1993) et The Silent Enigma (1995) avait su séduire un public dont la frange la plus ouverte d’esprit a suivi le groupe dans son évolution. Après un long silence discographique et quelques déboires personnels, le groupe persiste et signe dans le style avec We’re Here Because We’re Here, un opus destiné aux fans de Marillion, Pink Floyd ou The Gathering dernière période. Visiblement fatigué à l’issue de deux journées promo marathon à Paris, Danny, l’aîné des trois frères Cavanagh du groupe, nous détaille tout de même sa vision de la musique avec sa courtoisie habituelle.

Interview également parue dans le Metal Obs' 43 d'octobre 2010


 Entretien avec Daniel Cavanagh (guitare) - Par Jean-Christophe Baugé
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Le groupe semble s’être bien entouré cette fois avec Flood alias Mark Ellis à la production (Depeche Mode, U2, Nick Cave) et Steven Wilson au mixage (Porcupine Tree)…
Oui. Mark a été formidable. On a enregistré à la campagne, au sud-ouest de l’Angleterre dans les Cornouailles (NDLR : studio Propagation House)… un endroit où j’ai habité finalement quelques mois puisque j’ai enregistré dans la foulée avec Mark l’album de Leafblade (NDLR : son side-project Folk Rock). Bosser avec Steven a aussi été une très bonne expérience : c’est quelqu’un d’humble, intelligent et poli. On a formé une bonne équipe, pris les bonnes décisions ensemble… l’album est une réussite.

On peut dire que le groupe a pris son temps pour réaliser cet album (le précédent, A Natural Disaster, remonte à 2003). Est-ce que le fait de travailler sans date butoir est un si grand avantage ?
Non, il est nécessaire d’avoir une deadline car on finit par tourner en rond et plus rien n’avance. On a passé trop de temps devant la télé.

Vous avez dû accumuler assez de titres pour remplir un double album !
Oui, pratiquement, mais on a opté pour un simple CD, c’est plus sage. On a tout enregistré, y compris les versions démos : 13 chansons au final, plutôt longues.

Jouer dans Anathema semble être devenu une affaire de famille avec pas moins de trois Cavanagh et deux Douglas dans le line-up. La collaboration avec tes frères est facile ?
Oui, tout à fait, particulièrement avec Vincent car on est sur la même longueur d’onde. Il me facilite la tache, et j’essaie de lui rendre la pareille. La formule fonctionne bien, les périodes un peu troubles sont derrière nous. Lee Douglas fait désormais partie intégrante du groupe, dans la mesure où elle part en tournée avec nous et pose sur les photos officielles. Pour ma part, je préfère dire que je suis l’un des compositeurs du groupe, probablement le plus « conventionnel ».

ANATHEMA

C’est John Douglas qui a écrit les excellents « Get Off, Get Out » et « Universal ». Il semble qu’il soit meilleur compositeur que batteur pour Anathema ?
Oui, effectivement. Il est bon dans les deux domaines, mais il gagnerait à s’entraîner plus souvent à la batterie.

C’est un véritable orchestre à cordes qui joue sur « Dreaming Light » et « Universal » ?
Oui, c’est le London Session Orchestra, composé de 26 musiciens, qu’on a enregistré aux Angel Studios à Londres. Les cordes apportent un plus indéniable aux chansons. Les idées de départ et les progressions d’accords sont de moi, mais les arrangements sont de Dave Stewart.

Quelles idées véhiculent les paroles ?
Je te parlerai seulement de celles que j’ai écrites. Elles traitent de l’amour de la vie : la gratitude, la lumière, le salut, la relation aux autres, la nature…  « Angels Walk Among Us », comme on pourrait le croire, ne fait pas référence à la mort de ma mère. Certes, ces paroles ont été écrites il y a 10 ans quand je l’ai perdue, mais j’ai fait une autre chanson à la même époque sur le sujet (NDLR : « The Exorcist »)… on ne l’a pas enregistrée, du moins pas encore. Le refrain de « Angels Walk Among Us » a été retravaillé il y a quelques années. Je ne me suis pas posé de questions métaphysiques sur les lyrics : ce titre aurait aussi bien pu trouver sa place sur A Natural Disaster. Je suis dans un autre état d’esprit aujourd’hui, de l’eau a coulé sous les ponts.  Ville Valo (Him) la chante en duo avec Vinnie. C’est un ami qui a fait beaucoup pour le groupe (NDLR : cf. la tournée commune en 2006) et j’aime sa voix. L’inviter sur l’album, c’est un peu ma façon de lui dire merci.

Tu as également invité un animateur radio local, Stan Ambrose, pour les citations de « The Presence ». Tu l’as rencontré à Liverpool ?
Oui, c’est une personne bien connue ici. On a enregistré ses paroles dans la cathédrale de Liverpool. La photo du livret du CD avec la bougie a d’ailleurs été prise à cet endroit.

Il est nécessaire d’avoir une deadline
sinon on finit par tourner en rond et plus rien n’avance !


L’album est sorti en France le 31 mai dernier. Quel est le retour, en termes de critiques… mais aussi de ventes ?
Partout, les réactions ont été très positives. Quant aux ventes, je pense qu’elles ont suivi. Il faudrait poser la question au label.

Tu as ouvertement critiqué la production du précédent album, A Natural Disaster. Pourquoi ?
C’est une sale histoire sur laquelle je ne désire pas m’étendre. La production de cet album n’a pas été confiée aux bonnes personnes (NDLR : Dan Turner et Les Smith). Mais certains titres restent intéressants.

Peux-tu nous présenter en quelques mots Petter Carslon qui assure votre première partie sur la tournée européenne ?
Yes, j’adore tes questions (rires) ! Petter est un de nos fans norvégiens. C’est aussi un excellent auteur - compositeur - interprète. Il est très heureux de faire partie du voyage. Le public risque d’être surpris par ses performances vocales.

Anneke Van Giersbergen, avec qui tu as enregistré In Parallel l’an dernier, est aussi de la partie…
J’adore jouer avec elle, et en plus ça rapporte (rires) ! Elle a beaucoup de talent, on est content de l’avoir avec nous. Cette tournée s’annonce très spéciale, assurément.

Tu préfères sa période The Gathering ou Agua De Annique ?
J’aime bien les deux. Je la sens peut-être plus à l’aise maintenant qu’elle écrit ses textes et sa musique. Il y a une certaine unité qu’on ne retrouvait pas à l’époque de The Gathering quand elle chantait les mélodies écrites par d’autres.

Au Graspop Metal Meeting cet été, le groupe a entamé son set avec une reprise de « Kashmir » de Led Zeppelin. Tes influences semblent très variées dans la sphère Rock…
J’ai trop d’influences pour toutes les citer. J’apprécie tout ce qui est calme, puissant, émotionnel, spirituel, que ce soit joué au piano, à la guitare, ou par tout un orchestre. J’ai par exemple dans mon iPod le Best Of de Nick Drake, Wish You Were Here de Pink Floyd, OK Computer de Radiohead, The Joshua Tree de U2, Alchemy Live et Brothers In Arms de Dire Straits, IV de Led Zeppelin, Hounds Of Love de Kate Bush, Magical Mystery Tour et Revolver des Beatles, Clutching At Straws de Marillion, The Freewheelin’ de Bob Dylan, Seventh Son Of A Seventh Son d’Iron Maiden, Grace de Jeff Buckley, le Greatest Hits de Michael Jackson, celui de Queen, Nevermind de Nirvana, Ten de Pearl Jam, Amused To Death de Roger Waters, October Rust de Type O Negative, Mandylion de The Gathering… J’aime aussi Black Sabbath, Oasis, Police, Portishead, Tom Waits, Tool, plus pour leur carrière que pour un titre en particulier.

ANATHEMA

Tu dois être content que Roger Waters refasse équipe avec David Gilmour.
Oui, il va falloir que j’aille les voir sur scène.

L’écoute de We’re Here Because We’re Here dans son intégralité fait d’ailleurs parfois penser à Pink Floyd…
Merci. Que penses-tu de l’album ?

J’aime assez les deux morceaux de John, mais l’ensemble doit s’écouter d’une traite pour « voyager ». C’est une bouffée d’air frais dans la planète Metal, comme lorsqu’Anathema joue en festival entre deux groupes extrêmes.
Je suis tout à fait d’accord avec ça.

Ré-écoutes-tu parfois tes premiers albums ?
Oh, très rarement, mais je me suis repassé récemment Serenades et Pentecost III et ils ont vraiment un son de merde (rires) ! Non, pour être honnête, ils tiennent la route. C’est le chant qui flingue Serenades. De plus, le tempo de « The Crestfallen », « They Die », et « Under A Veil » est trop lent. Il y a pourtant de bonnes mélodies, et le chant de Darren (NDLR : White) s’est amélioré sur Pentecost III. Je porte bien sûr un regard nostalgique sur cette époque car elle correspond à une grande part de ma jeunesse.

Quels ont été les meilleurs et les plus pénibles moments de ta carrière jusqu’à présent ?
J’ai vécu un réel moment de joie et éprouvé une immense gratitude envers tous les membres du groupe au moment de mixer cet album : une fois terminé, je pouvais écouter la façon dont il sonnait et me rendre compte que chacun avait su me laisser suffisamment de place pour m’exprimer. J’ai aussi vécu des moments difficiles, mais je ne vois pas l’intérêt de les étaler dans la presse.
 

ANATHEMA - We’re Here Because We’re Here
Kscope / Snapper Music



Site : www.anathema.ws

Myspace : www.myspace.com/weareanathema