Interview HALFORD Nov. 2010

Made of Metal est sorti le 27 septembre en Europe. Quels sont les premiers retours ?
J’ai été enchanté des premières réactions. Quand tu joues dans un groupe, tu donnes tout ce que tu as en studio et ce, bien sûr, sans connaître l’accueil que le public va réserver à l’album à sa sortie. Le succès appartient au passé : ce qui m’intéresse, c’est l’instant présent. J’ai d’ores et déjà eu d’excellents retours dans le monde entier, et ça fait du bien : merci à tous les fans qui ont apprécié Made Of Metal.

Cette fois, tu t’es particulièrement impliqué au niveau de l’écriture des textes et de la musique : doit-on considérer cet album comme un véritable effort solo ?
Non, je n’ai pas envisagé l’écriture comme une aventure en solo depuis l’album War Of Words de Fight en 1993. J’ai en fait profité de circonstances particulières début 2010 : lorsque j’ai su qu’il m’était possible de repartir en tournée avec Halford, j’ai immédiatement cherché à proposer des nouveaux titres... Ça faisait 7 ans que le groupe n’avait rien sorti de Metal ! J’ai donc passé 2 ou 3 mois de folie à composer cet album, et sa sortie arrive comme une surprise. Il s’agissait tout de même de montrer aux fans que le groupe n’avait rien perdu de sa superbe… Et Il était hors de question de vivre sur ses acquis.

Qui a eu l’idée du clip d’animation sur le thème de la NASCAR (fédération organisant les fameuses courses de stock-cars aux US) : toi ou le réalisateur Dean Wright ?
En fait, on s’est réuni à de nombreuses reprises pour discuter de l’artwork et du clip. Ce genre d’animation est plutôt apprécié, en ce moment. Les paroles évoquent des créatures venues du ciel à bord d’engins ultra-rapides. Jusqu’à présent, la Harley faisait partie intégrante de mon imagerie et de celle de Judas Priest. Je me suis inspiré cette fois de ce que j’ai vu au ciné ou à la télé dans le domaine des sports très visuels : la formule 1, les courses de stock-cars, les rallyes… Toute cette passion, cette excitation, est facilement transposable au monde du Metal.

Le titre « Til The Day I Die » sonne étonnement sudiste. De quels groupes un peu roots es-tu fan ?
Tu sais, je me souviens encore du temps où j’écoutais John Peel à la BBC lorsqu’il passait du Blues le vendredi soir : Leadbelly, Muddy Waters, Howlin’ Wolf, Lightnin’ Hopkins… ces gars étaient géniaux. Tout dans le Rock et le Metal vient du Blues. J’ai voulu rendre un petit hommage à ces racines à partir d’un air simple et d’une structure dépouillée à la batterie. Les lyrics racontent que je veux rester « Metal » jusqu’à la fin de mes jours, ni plus ni moins.

De quelles paroles es-tu le plus fier sur cet album ?
Celles de « Twenty Five Years », sans hésiter. Elles font référence à un moment sombre et particulièrement difficile de ma vie où j’étais à fond dans l’alcool et la dope… C’était il y a 25 ans. En tant qu’artiste solo, je peux enfin exorciser mes démons et partager des épreuves personnelles, chose bien sûr impensable dans le cadre de Judas Priest.

Retrospectivement, tu n’as pas eu peur de décevoir, voire choquer tes fans les plus radicaux avec ton précédent album, Winter Songs ?
J’avais clairement annoncé dès le départ qu’il ne s’agissait pas d’un album de Metal. Comme j’ai de très fortes convictions religieuses, la période de Noël représente beaucoup pour moi. Les gens de chez Ryko n’étaient pas convaincus de devoir sortir un tel disque mais mon entourage m’y a poussé, argumentant qu’on n’entendait pas souvent ces types d’arrangements. Il a été bien accepté des fans qui, tout comme moi, sont sensibles à cette période magique de l’année.

Tu as déjà été amené à remplacer Ronnie James Dio et Ozzy Osbourne sur quelques shows de Black Sabbath (respectivement en novembre 1992 et août 2004). Que penses-tu d’eux ?
Ce sont des chanteurs de tout premier ordre, absolument fantastiques. Ils ont du charisme, un style inimitable et sont pourtant tellement différents. Même si Ronnie nous a quittés, sa voix, elle, reste à tout jamais présente à travers ses enregistrements. Quant à Ozzy, il a réussi à dissiper toutes mes craintes et faire taire les mauvaises langues avec la sortie de Scream. Il est le resté l’excellent showman qu’il a toujours été, c’est bon de le voir au top.

Et Tim Owens (rires) ?
On est ami, tu sais. Il est venu encore récemment à un de mes shows en Argentine. C’est un excellent chanteur qui est très demandé.

En tant qu’artiste solo, je peux enfin exorciser mes démons
et partager des épreuves personnelles.

Quelle va être l’actualité de Judas Priest dans les prochains mois ?
Le groupe est bientôt de retour. On va vraisemblablement faire une conférence de presse avant la fin de l’année pour dévoiler notre plan d’attaque pour 2011-2012. Toutes les news seront sur notre site internet…

Y a-t-il une chance pour que tu réactives un jour Fight et Two ?
Ces projets sont enterrés mais beaucoup de gens continuent de me poser la question pour Fight. Récemment encore, au cours de ma tournée sud-américaine, les fans m’ont demandé de refaire des titres à la « War Of Words ». Je vais donc réfléchir à la question, sans garantir quoi que ce soit, car mon emploi du temps pour les 3 ans qui viennent est déjà bien rempli.

Tu avais envisagé d’enregistrer un album de Black Metal à l’occasion. Où en est ce projet ?
J’adore le Black Metal. Je suis toujours en relation avec mon ami Ihsahn d’Emperor : il sera mon collaborateur tout désigné car il est tellement bon dans ce qu’il fait ! On va déjà essayer d’écrire 2 ou 3 morceaux et voir comment ça sonne… Imagine que ce soit mauvais (rires) ! J’adore expérimenter : si les morceaux sont bons, il n’y a aucune raison pour ne pas sortir le disque.

D’une manière assez surprenante, tu as récemment déclaré avoir été impressionné par le charisme de Lady Gaga… Quels sont les artistes actuels que tu apprécies le plus ?
C’est amusant, on a tendance à oublier comment des propos anodins peuvent être relayés sur le net et faire immédiatement le tour du monde (rires). Dans le monde du Metal, j’aime bien Electric Wizard, August Burns Red, In This Moment, Lamb Of God, Firewind, Parkway Drive, etc. J’entends tellement de gens descendre des groupes qu’ils n’aiment pas en disant que c’est de la merde… mais la musique n’est qu’une affaire de goût, non ? En tant que musicien, il est important d’être éclectique et ouvert d’esprit. J’écoute beaucoup de groupes Metal récents : ils m’inspirent. Si tu te cantonnes dans un style, tu tournes vite en rond.

En 2002, tu as joué le rôle d’un vendeur de sex shop, gay et excentrique, dans le film Spun. L’envie d’embrasser une véritable carrière d’acteur ne t’a pas traversé l’esprit ?
Non, parce que je ne pense pas avoir de talent particulier dans ce domaine. J’ai été très surpris quand Jonas Åkerlund m’a demandé de jouer dans son film. J’ai bien sûr répondu présent, d’autant plus qu’il y avait Mickey Rourke dans le casting. C’est un job on ne peut plus facile : il suffit de réciter ton texte, de t’imprégner de l’ambiance générale, de faire attention aux répliques des autres… d’agir comme dans la vraie vie, quoi. C’est une manière très directe de véhiculer des idées. Ça m’a bien plu, mais de là à aller plus loin… Je ne sais pas. Bien entendu, je ne crache pas sur d’éventuelles propositions, je serai très attentif aux scénarios qu’on me proposera. J’ai d’ailleurs tourné récemment une pub pour un opérateur téléphonique, et le réalisateur m’a parlé d’autres opportunités, donc… why not ?

Tu as développé ta propre ligne de vêtements : Metal God Apparel. Comment vont les affaires ? Les T-shirts se vendent bien ?
Oui, tout à fait. L’entreprise est à taille humaine. Les T-shirts sont fabriqués à Long Beach et le designer est un anglais : Marc Sasso. On ne fait qu’imprimer des T-shirts pour l’instant, et on verra par la suite s’il y a lieu d’élargir notre catalogue. En tout cas, c’est assez excitant de se projeter dans le futur et de rêver à ce que la boîte sera dans 3, 5 ou 10 ans.

Quels ont été les moments les plus agréables et les plus douloureux de ta très longue carrière ?
Les moments les plus douloureux sont liés à la disparition d’amis très proches du monde de la musique : Bon Scott, Dimebag Darrell, Ronnie James Dio… Ce qui est agréable, par contre, c’est d’être toujours en mesure de jouer du Metal, 40 ans après mes débuts, et d’avoir des fans si loyaux. Je suis conscient de la chance que j’ai.

Rob, tu es un chrétien gay qui a su s’affirmer. Que t’inspirent les propos du pape Benoît XVI lorsque celui-ci fustige le mariage homo, allant jusqu’à le qualifier de dangereux ?
Tu sais, les fondements même de la religion chrétienne sont louables, mais il y a des points de vue divergents et des interprétations contradictoires. Si tu suis à la lettre les préceptes chrétiens, il faut faire des choix. Certains voient Dieu comme un vieux barbu trônant dans les nuages : ce n’est pas mon cas (rires). Je vois Dieu partout et dans tout. Mon interprétation de Dieu, c’est la charité, le partage de l’amour, le respect. Mais avec tout le respect que j’ai pour le pape, je reconnais être en désaccord avec ses propos. Je mène pour ma part une vie paisible, très équilibrée où la spiritualité m’aide à surmonter les problèmes… Une vie qui représente une fraction de seconde à l’échelle de l’univers…

… et tu vas fêter l’année prochaine tes 60 ans. Que nous réserves-tu de spécial ?
J’ai toujours affirmé que je serais encore sur scène à 60 ans à chanter « Painkiller » (rires)… Et c’est ce que je vais faire ! Le Priest sera de retour en France en 2011. D’ici là, bonnes fêtes de fin d’année !

HALFORD - Made Of Metal
Metal God Records / Warner

Site : www.robhalford.com

Myspace : www.myspace.com/robhalford

Free Spirit... « Supersonic silver flying machine, made of metal racing alien beings »… le chorus très catchy du titre éponyme du nouvel album de Rob Halford tente de rassurer les fans cueillis à froid par un Winter Songs (2009) pour le moins hors sujet. Le chanteur presque sexagénaire opère un retour au Metal certes, mais pas celui qui était si incisif sur les albums de Fight ou sur les premiers Halford. Rob nous explique sa démarche au travers de propos très posés, réfléchis, avec un flegme qui reste très britannique… c’est que nous avons affaire, est-ce bien nécessaire de le rappeler, à l’un des derniers gentlemen du monde du Metal. Interview également parue dans le Metal Obs' 44 de Nov. 2010
Entretien avec Rob Halford (chant) - Par Jean-Christophe Baugé
Rechercher : dans l'interview