SVART CROWN

A la conquête du royaume...


Svart Crown ou bien « La Couronne Noire » si vous préférez, telle est la signification de ce nom mi-norvégien/mi-anglais trouvé par le guitariste Clément Flandrois. Derrière ce nom, se cache l’une des nouvelles redoutables formations françaises de Métal extrême née vers 2005 du côté de l’ancien comté de Nice. Ces jeunes loups publient en cette fin d’année un deuxième opus, Witnessing The Fall, possédant déjà une grande maturité. Sombre, technique, et évoluant dans un Death/Black Metal de haute volée proche d’un certain Behemoth (c’est vous dire !), leur musique va vous prouver une nouvelle fois que nous pouvons être fiers de nos ambassadeurs. Faisons à présent plus ample connaissance avec son fondateur J.-B. 

Interview également parue en version courte
dans le Metal Obs' 44 de Nov. 2010

Entretien avec Jean-Baptiste Le Bail (guitares/chant) – Par Seigneur Fred – Photos 2 & 3 : Will Of Death
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D’où vient tout d’abord le nom du groupe Svart Crown et quelle en est la signification ?
« Svart Crown » signifie « La Couronne Noire » en français. C’est notre actuel guitariste, Clément Flandrois, qui a trouvé ce patronyme à nos débuts. A l’époque, il ne faisait alors pas encore partie du groupe.

A travers ce nom, faut-il y voir un mélange d’influences musicales c’est-à-dire les groupes de Métal extrême scandinaves et ceux anglo-saxons ?
Oui, on peut voir ça comme ça. Notre musique brasse beaucoup d’influences diverses telles que le Death ou le Black Metal... Nous avons trouvé le nom en 2004. A l’époque je trouvais que le mot « Svart » avait un certain poids et une certaine aura... Malheureusement, beaucoup de groupes  utilisent aujourd’hui ce préfixe, et ce mot a perdu un peu de son charisme.

Vous êtes originaires de Nice et existez depuis 2004-2005 donc. Ces dernières années, la scène Métal a beaucoup évolué en France et s’est bonifiée grâce à certains groupes (Gojira, Dagoba, Scarve, Antaeus, Arkhon Infaustus, etc.) mais aussi grâce à certaines structures (labels) et nouveaux médias. Aujourd’hui, est-ce un handicap ou plutôt un atout d’être une formation française, selon vous ?
Le groupe fut basé à Nice pendant plus de deux ans, actuellement nous sommes plus nomades qu’autre chose. Et pour répondre à ta question, je pense qu’être français n’est pas forcément un atout. Le monde de la musique est vraiment très complexe… En France cependant, nous avons plus de chance pour pratiquer de la musique ou même acheter des instruments qu’un Serbe ou un Croate... Nous avons tourné avec un groupe serbe, Disdained, en 2009. Ces mecs-là nous disaient qu’ils n’arrivaient même pas à trouver des CD’s de Métal par chez eux car il n’y avait pas de distributeur fiable et que tout le monde téléchargeait. Sachant que le salaire moyen d’un Serbe est de 350 euros par moi, tu te doutes bien que pour acheter du matériel fiable et professionnel c’est tout sauf évident. En France nous avons la chance d’avoir plusieurs institutions et subventions pour la culture. Nous avons donc pu en profiter comme plusieurs autres groupes de Métal. Même si la situation est loin d’être évidente, certaines choses sont possibles notamment en termes de financement. Pour ma part, je dirai qu’arriver à un certain niveau, la partie management/business (et c’est malheureux à dire) participe à au moins cinquante pour cent de la réussite d’un groupe. Le constat est clair, sans parler de nationalité, certains groupes ou certaines structures ont compris comment s’en sortir, d’autres non.

 SVART CROWN

Votre premier album, Ages Of Decay (Rupture Rec.) est paru en 2008. Vous n’avez pas traîné et avez décidé de battre le fer tant qu’il est chaud. Comment et où trouvez-vous l’inspiration entre vos boulots respectifs à côté probablement (car on ne vit pas du Métal en France), les tournées et vos vies personnelles ?
Un peu plus de deux ans sépare les deux sorties. Nous avons vraiment décidé de prendre notre temps tout de même pour promouvoir Ages Of Decay mais aussi pour composer quelque chose d’intéressant pour Witnessing The Fall. Nous nous sommes accordés plusieurs mois d’inactivité totale en termes de concert pour se concentrer uniquement sur la composition. C’est pour ma part très dur de composer en tournée. J’ai besoin d’un environnement stable et d’être totalement isolé pour vraiment me concentrer sur la musique ou les paroles. Après pour revenir à la parenthèse dans ta question, pour le moment avec Svart Crown nous faisons tous sauf gagner de l’argent. Vivre de notre musique serait une chose géniale, mais je ne veux pas que ça devienne un objectif mais plutôt une conséquence. Je n’ai pas envie de me poser de limites artistiques pour plaire et vendre des disques ou du merchandising. Si le public adhère, tant mieux sinon tant pis.

Avec le temps nous créons notre style, mais il reste encore beaucoup de travail
 avant de se forger une réelle identité…

Vous avez donc beaucoup tourné pour Ages Of Decay. Pensez-vous que ces nombreux concerts français vous ont aidés à développer votre nom et votre musique malgré la masse de concerts proposés au public actuellement étant donné que les ventes de disques ne rapportent plus suffisamment aux artistes ?
L’effet n’est pas immédiat et je me suis posé pas mal de questions suite à cela. Nous avons eu la chance de faire de supers concerts mais on a eu aussi des plans plus foireux. Même ces plans-là ont parfois du bon, du moment que le groupe donne son maximum sur scène. Le but est toujours de créer un effet boule de neige même si ça prend plus de temps dans les réseaux underground. On voit un peu plus l’effet maintenant, le nom du groupe commence à être connu en France et à l’étranger, les gens sont beaucoup plus réceptifs.

Et le label Rupture Music a-t-il répondu à toutes vos attentes au niveau promotion et distribution en France et à l’étranger ? Ages Of Decay a–t’il été distribué ailleurs en Europe et aussi en Amérique par exemple ?
En France, Rupture a très bien fait son taf. Le label avait certaines ambitions internationales mais malheureusement pas les moyens techniques ni financiers pour pouvoir y arriver. Cette situation fut assez frustrante à un moment donné car nous avons vu que l’album Ages Of Decay pouvait marcher d’avantage. Actuellement, le label est en standby et c’est vraiment dommage. Nous apprécions énormément les groupes du label, et je pense sincèrement que s’il y avait plus de dynamique ou de personnes de confiance impliquées dans cette structure, les choses auraient pu être différentes.
 
Maintenant, sur ce second et nouvel opus baptisé Witnessing The Fall, il y a toujours ce mélange agréable de sonorités old-school et new-school dans votre musique : le feeling, la production sonore sont peut-être d’avantage ancrées dans le passé (1990’s voire 1980’s) alors que certains riffs, certaines rythmiques ou structures de morceaux sonnent modernes et complexes comme sur « An Eternal Descent » par exemple. Quel est ton point de vue là-dessus et est-ce l’un des buts artistiques de Svart Crown ?
Oui, tu es dans le vrai. Svart Crown a toujours été influencé par les scènes old-school comme celles plus modernes. Le but a toujours été de ne jamais se fixer de limites dans notre musique. Nous avons évolué avec le temps mais le feeling reste le même. Nous pouvons désormais développer plus d’atmosphère et de mélodies car nous maîtrisons vraiment plus notre sujet. Avec le temps nous créons notre style, mais il reste encore beaucoup de travail avant de se forger une réelle identité…

Le groupe avait connu pas mal de changement de line-up dans le passé, comme tous les groupes, c’est la vie... A présent, cela semble stabilisé depuis deux ans. Comment s’est déroulée la composition cette fois-ci : c’est toi J.-B. qui compose et écrit tout, tel un souverain (cf. Crown) ? (rires) Ou bien Svart Crown est-il un groupe démocratique dans lequel chacun apporte sa pierre à l’édifice, avant et pendant l’enregistrement ?
Oui, c’est moi qui ai encore composé environ quatre-vingt-dix pour cent de la musique et des textes. Gaël a écrit deux textes, et Clément ainsi que Ludo ont contribué à plusieurs arrangements sur certains morceaux. Depuis le début du groupe, je fonctionne de cette manière en essayant de contrôler au maximum les choses. J’ai vraiment trouvé une façon de composer qui me convient. Cependant chaque membre a son mot à dire, il est arrivé plusieurs fois qu’une composition ne pas fasse l’unanimité. Nous avons donc mis de côté certains morceaux que les autres ne sentaient pas. Il faut savoir que les autres membres du groupe sont très exigeants envers moi, certainement autant que je puisse l’être envers eux. J’ai ressenti plus de stress pour le nouvel album pour les satisfaire eux ainsi que le public ! Une fois cette étape passée, je peux me dire que le but est atteint. Chacun de nous possède des gouts très différents, nous avons certes quelques références communes, mais il est très important pour moi que chacun joue la musique qui lui plaise. Sans quoi, il n’y aurait pas la motivation suffisante pour continuer l’aventure.

 SVART CROWN

Où avez-vous enregistré Witnessing The Fall : en France ou à l’étranger ? Et comment se sont passées les sessions studio, dans quelle ambiance : studieuse ou plutôt décontractée ?
Au niveau du son, nous cherchions à obtenir quelque chose qui s’accorderait beaucoup facilement avec notre musique. Il était aussi question d’obtenir un autre de son de batterie beaucoup plus naturel et à l’opposé de ce qui se fait actuellement pour les groupes extrêmes. A partir de ce constat, nous avons décidé d’orienter notre choix vers un producteur précis. Nous avons décidé de confier le mixage de l’album à Francis Caste car nous savions qu’il arriverait à faire sonner cet album. Nous avons enregistré les prises de batterie au Studio des Variétés avec J.-P. Mathieu. L’ambiance était assez tendue car nous avons essayé d’utiliser le moins possible de trigger afin d’obtenir ce son très organique. Cette méthode ne laisse pas beaucoup de place à l’erreur, surtout dans ce type de musique. Après, on a pris parti de laisser des imperfections sur chaque instrument afin de montrer le réel visage du groupe à l’instant T. Le reste des prises de son ont été effectuées au BST studio avec Sébastien Tuvi [NLDR : alias « BST » de Balrog, Order Of The Apollyon, ex-Aborted, etc.]. Tout s'est très bien déroulé. L’ambiance était plutôt décontractée et festive. Nous avons pas mal sympathisé avec Seb qui a fait du très bon boulot. Le son de l’album est vraiment très particulier et joue vraiment sur l’ambiance. Je suis sûr par contre qu’il ne fera pas l’unanimité…

Les parties de guitares et de batterie sont relativement techniques. Par exemple, à la batterie, le travail de Gaël Barthelemy est intéressant et relativement varié. Comment s’est-il préparé ?
Gaël a beaucoup travaillé seul sa batterie pendant plusieurs mois. Vu que nous travaillons à distance, je lui envoyais les morceaux déjà préétablis avec un clic et une guitare témoin. Il a fallu être très méthodique pour préparer au mieux l’album. Nous nous sommes vus environ une dizaine de fois par tranche de deux/trois jours pour travailler à deux les morceaux et essayer de créer une réelle osmose guitares/batterie. Jouer dans S.C. demande beaucoup de polyvalence. Il a dû adapter son jeu de batterie par rapport aux morceaux.

Ses précédentes collaborations avec Diabolic, Drowning, Balrog ou Antaeus ont-elles apporté de nouvelles perspectives au groupe depuis son arrivée et tout particulièrement sur Witnessing The Fall ?
Oui, c’est indéniable. Gaël a une certaine approche de la batterie extrême et du Métal en général plus ancrée vers les groupes extrêmes des années 90’s. Il nous a offert beaucoup plus de possibilité dans les parties extrêmes, mais s’est aussi beaucoup impliqué pour faire sonner les parties plus lentes et groovy. Gaël est quelqu’un de très passionné et investi à cent pour cent. Dès son arrivée dans le groupe il n’a pas hésité à se taper plusieurs allers et retours dans le sud de la France (alors qu’il est domicilié sur Nancy) pour venir jammer avec nous. Tout ça sans même demander un centime. Le groupe a gagné pas mal d’années de maturité grâce à lui. Comme je le disais plus haut, il a aussi apporté plusieurs textes et m’a beaucoup poussé à réfléchir au concept et aux détails graphiques de l’album, toujours dans le but de créer une identité artistique personnelle.

Certains riffs de guitares plus froids et sombres, quand le tempo se veut plus lent et menaçant, m’évoquent Mayhem (par exemple sur « Nahash The Temptator »). Mayhem, c’est une de vos influences communes dans le groupe ? Pas trop déçu du départ du guitariste Blasphemer, lui qui avait succédé à Euronymous ?
Oui, Mayhem fait partie de mes groupes préférés et aussi des groupes qui ont toujours influencé S.C.. Je me rappelle très clairement la première fois où j’ai écouté De Mysteriis Dom Sathanas. J’ai vraiment été scotché par l’ambiance funèbre de ce CD. Toutes les histoires à côté ne font que renforcer cette ambiance glauque et sinistre. Cependant, j’ai une préférence pour l’album Chimera qui est devenu l’un de mes albums de chevet. J’adore comment ils ont réussi faire évoluer leur Black Métal. Les arrangements des guitares sont vraiment excellents, l’ambiance est suffocante, bref c’est un des disques les plus sombres qu’ils n’aient jamais fait ! Du coup, je n’ai jamais été vraiment déçu concernant l’arrivée de Blasphemer dans le groupe, je suis plutôt sceptique quant à son départ et du coup sur l’avenir de Mayhem…

En tant qu’artiste, comment réagissez-vous si l’on étiquette votre musique de « Black/Death Metal » ? Aimez-vous les étiquettes pour éclairer l’auditeur et potentiel fan ou bien est-ce trop réducteur selon vous ?
Les étiquettes sont faites pour aider les plus ignorants (sans être péjoratif) à se retrouver parmi les milliers de groupes présents actuellement. Je ne suis pas forcément fan de ce type de procédé même si ça aide à s’y retrouver un peu. On peut étiqueter S.C. comme un groupe de Black/Death, même si cela est à mon sens un peu réducteur. Je pense que l’on propose une musique qui va peut-être un peu plus loin, après ça dépend vraiment du ressenti de chacun.

 SVART CROWN

Vous sentez-vous proches musicalement ou idéologiquement de vos confrères du groupe Arkhon Infaustus par exemple et quelle est votre position en matière de religion : anti-chrétien, satanique, agnostique, athée ?
Je suis un grand fan de ce groupe et ce, depuis leurs débuts. Chaque album a son ambiance et on ne peut pas dire que ce groupe fasse les choses à moitié. Idéologiquement, je trouve que leur concept est très bien amené, même si je ne me retrouve pas trop dans le trip Satan. Par rapport à la religion, je dirais qu’on est plus athée qu’autre chose. Nous ne croyons en aucune force supérieure  (bonne ou mauvaise) venant d’ailleurs. Le groupe a toujours eu un discours assez terre-à-terre. Nous nous inspirons cependant beaucoup de thèmes bibliques comme références ou bases de concept en les détournant un petit peu. J’adore écrire des textes à double sens et utiliser beaucoup de métaphores. Les écrits bibliques sont aussi en général à double sens et il faut savoir lire entre les lignes pour pouvoir analyser le message dans sa globalité. Nous restons très attachés au concept de l’Homme et à sa façon d’utiliser la religion comme une drogue ou autre substitut aliénant.

Enfin, une autre influence majeure dans votre musique est probablement Behemoth (actuellement en arrêt), surtout depuis sa période de mutation après Thelema. 6 et Satanica vers 2000. Confirmez-vous cette influence louable et connaissez-vous personnellement Nergal (guitares/chant), malheureusement malade (atteint d’une leucémie), et Svart Crown serait-il prêt à organiser des concerts de soutien pour lui ?
Effectivement, Behemoth fait aussi partie des groupes sans qui S.C. n’existerait peut être pas… L’album Zos Kias Cultus m’a vraiment marqué à l’époque. Même si avec le temps je le trouve un poil trop influencé par Morbid Angel (enfin qui ne l'est pas... ?) (rires). Je trouve qu’en termes de compositions et d’ambiances, c’est leur album le plus « evil ». C’est assez flippant ce qui arrive à Nergal. Nous ne le connaissons pas personnellement, mais c’est toujours triste de voir quelqu’un dans cet état surtout aussi jeune, qu’il soit membre de Behemoth ou pas. Si on nous propose un concert de soutien, c’est évident qu’on le ferait.


SVART CROWN – Witnessing The Fall
Listenable Records / PIAS


Myspace : www.myspace.com/svartcrown