DEVIN TOWNSEND PROJECT


A last trip to the extreme, on the way to peace...


Après Ki et Addicted sortis en 2009, Deconstruction et Ghost viennent conclure le voyage de Devin qui nous bluffe par sa maitrise de styles radicalement opposés. L’extrême et complexe 3ème album ravira les fans de Strapping Young Lad, tandis que Ghost, visiblement le préféré de Devy, vous emportera vers des eaux plus paisibles, loin du déluge musical dont le Canadien reste le maître incontesté.

Interview également parue dans le Metal Obs' 47 de Mai / Juin 2011

Entretien avec Devin Townsend (chant, guitare) par Sophie "Sophiecat" Carron
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Tu viens de terminer une tournée en Europe. As-tu pu jouer des morceaux des 2 nouveaux albums ? Malheureusement, le show à Paris n’a pas pu avoir lieu avec l’Elysée Montmartre qui a brûlé…
J’ai terminé les albums quelques jours avant donc j’ai plutôt préparé le groupe avec les autres morceaux, mais la tournée était super ! Depuis le temps que je tourne, celle-ci a été la plus réussie. Peut-être qu’il n’y avait pas d’autres concerts en ville… Pour Paris, c’est dommage car on avait des choses spéciales prévues pour le show avec des écrans géants et tout ça. Mais la prochaine fois que je jouerai à Paris, ce sera mieux car je serai plus vieux et plus sage. Je fêterai peut-être mes 40 ans à Paris pour un show spécial.

Anneke Van Giersbergen a chanté avec toi pour ton concert aux Pays-Bas. C’est parce qu’elle est hollandaise ou elle t’a rejoint sur d’autres dates ? Pourquoi avoir choisi de travailler avec elle ?
Elle nous a rejoints avant, pour 4 dates. J’aime travailler avec elle, et je suppose qu’elle aussi. Quand elle est sur scène, ça m’enlève de la pression, et c’est bien d’avoir quelqu’un qui ne sent pas mauvais à ses côtés ! Elle a une voix incroyable et puis elle a mon âge, on a la même expérience de la musique, elle a un enfant du même âge que le mien… On a beaucoup de points communs.

Tu as déjà pensé à chanter sur scène avec un homme ? Il y a  pas mal de guests sur Deconstruction ?
Je n’y ai jamais pensé mais je ne pense pas que ce soit une mauvaise idée. J’ai toujours préféré les voix féminines. Si je dois choisir quelqu’un, ça doit être divertissant. Je n’ai pas trop parlé des guests parce que je ne veux pas que ça devienne un argument commercial, du genre avec un sticker sur la pochette, mais il y a le mec de Meshuggah, Gojira, Gwar… Il y en a plein ! Ce sont tous des amis, je leur ai demandé de « supporter » mon album et de chanter dessus. Ça fait partie du processus : mettre un terme aux choses que j’ai pu faire par le passé. Je voulais rendre cet album incroyable avec des éléments comme le chœur qui apporte tant d’intensité. Deconstruction m’a vraiment montré à quel point la musique est belle et importante pour moi. Ça m’a montré aussi que je n’ai plus la patience d’écouter de la musique comme ça, dès le réveil ou pour aller travailler. Quand j’avais 15 ans j’en écoutais du matin au soir mais maintenant, non.

Deconstruction est dingue, très complexe, alors que Ghost est très paisible et calme. Quel était ton objectif avec ces albums ?
Avec Deconstruction, je veux vraiment faire le point. Je fais de la musique depuis 20 ans, j’ai de la chance de pouvoir en vivre, mais avec l’âge mon désir de faire de la musique Heavy est moins fort. Donc je voulais clore ce chapitre Heavy, comme pour dire : « Voilà de quoi je suis capable ». J’ai fait un album très compliqué pour montrer que je ça ne m’intéresse plus. Si je devais choisir un style pour le reste de ma carrière, alors je choisirais de faire des albums calmes comme Ghost. J’ai mis beaucoup d’efforts dans Deconstruction, sûrement parce qu’il est plus compliqué. Avec cet album je voulais vaincre ma propre peur, car je suis quelqu’un de très calme. Et je peux montrer cette facette avec Ghost, c’est ce que j’attendais depuis l’arrêt de Strapping Young lad. L’idée était de créer le truc le plus dingue possible, à un degré de complexité très haut. En fait, c’est une métaphore : le mec cherche à tout analyser mais il finit avec un truc tout con comme manger un cheeseburger, sur le morceau « Deconstruction ». Je me suis rendu compte que j’étais arrogant, à vouloir toujours tout contrôler alors qu’en fait il n’y a pas de raison.

 DEVIN TOWNSEND PROJECT

C’est l’âge qui te fait apprécier le calme ? Tu es un campagnard maintenant…
Oui tout à fait ! J’ai une relation très forte avec la nature, j’habite près de Vancouver dans les bois. À travers le chaos de Deconstruction, j’ai beaucoup appris. J’ai déjà habité à Los Angeles, Tokyo, New York et je pensais que ça me correspondait, mais ensuite j’ai réalisé que j’aimais la campagne, la nature. J’aime les choses subtiles, aussi bête que cela puisse paraitre. Je suis quelqu’un de très sensible. Et l’ironie dans tout ça, c’est que ça fait 2 mois que je suis loin de chez moi et de ma famille pour faire des concerts et des interviews. Je dois être une personne publique alors que ce n’est pas du tout dans ma nature… Je dois porter un masque. Mais sinon, j’aime regarder des films, je ne fais pas la fête, je ne bois pas, je rentre chez moi et je joue de la guitare, de la basse, je suis calme.

Comment es-tu parvenu à maitriser ces morceaux de 10 minutes comme « Deconstruction » ? Pourquoi avoir ajouté tous ces bruitages, comme ces pets ?
J’ai pris beaucoup d’aspirine ! Cet album devrait être vendu avec une boite d’aspirine. Je l’ai écouté une centaine de fois et j’ai encore du mal à la comprendre. Il est intriguant mais pas trop écoutable. Le mec qui pète ? Je trouve ça marrant. L’album est assez prétentieux et ambitieux, je ne veux pas que les gens pensent que je me prends au sérieux. Et ça me permet de parler de sujets qui ne sont pas très abordables.

Ça ne va pas être trop compliqué d’inclure les morceaux de Ghost dans un show Metal ?
L’idée, c’est de couper le truc en deux. J’ai hâte de voir lequel des deux albums va susciter le plus d’intérêt. C’est marrant car quand j’ai fait Deconstruction, j’étais sûr que c’était lui qui allait capter toute l’attention, et en fait c’est l’inverse ! Sûrement parce qu’il n’est pas très différent de ce que j’ai pu faire avant, même s’il est plus compliqué.

Tes shows à Londres en novembre vont être filmés pour un DVD à la fin de l’année. Tu as prévu quelque chose de spécial ?
On va faire 4 concerts d’affilée, un concert pour chaque album, Ki, Addicted, Deconstruction et Ghost. En achetant le ticket, les gens devront choisir quel album ils veulent voir joué. Les deux premiers shows sont déjà complets. Le DVD devrait sortir l’année prochaine. A ce point de ma carrière, j’aime avoir la possibilité d’être créatif. Je n’ai pas de message particulier, je veux juste faire de la musique. Le matin, je me lève et j’écoute quelque chose de calme, l’après-midi je passe à un truc plus Hard Rock. C’est rare que j’écoute la même chose toute la journée. Donc l’idée, avec ces 4 albums, c’est de rassembler tout ce que j’ai pu faire par le passé. Terminer avec ces 4 shows sera comme faire un résumé de tout le processus.

Tu t’es senti soulagé quand tu as terminé ce projet ?
Oh mon dieu, oui ! Je me sens super bien. J’ai été obsédé par ça pendant des années et maintenant c’est fini. Maintenant je vais apprendre à apprécier plus la vie. Je n’ai pas beaucoup de temps pour le faire. Avec ces albums, je me suis rendu compte que l’addiction pouvait aussi concerner le travail. Donc je vais me trouver un loisir… J’aime fabriquer des choses en bois, par exemple.

 DEVIN TOWNSEND PROJECT

Comme les totems qu’on peut voir au Canada ?
Oui, ce serait cool ! J’ai déjà ramassé pleins de rondins. C’est bien de pouvoir explorer autre chose.

C’est important pour toi de rester proche de tes fans via Facebook ou Twitter ? Tu es toujours très souriant et accessible lors des signing sessions pendant les festivals…
Je n’ai jamais vraiment été sur Facebook, mais la page est liée à mon compte Twitter. J’aime être ouvert, mais ce n’est pas pour avoir l’avis des « étrangers ». Pendant des années je me suis éloigné des gens car je me focalisais sur les 5 % qui n’étaient pas agréables. Mais sans tout ce support, je ne pourrais pas continuer. Je n’ai pas tant de revenus que ça : pour pouvoir faire un autre album, j’ai besoin que les gens viennent aux concerts et achètent mes disques. J’adore ce que je fais, j’ai énormément de chance de pouvoir le faire depuis 20 ans.

Tu te souviens quand tu as commencé à jouer au Brutal Assault l’année dernière ? Un énorme orage a éclaté et il y avait pleins d’éclairs…
Oui, j’ai vu des photos de ça : on me voit jouer avec des éclairs de chaque coté. C’était un des moments les plus Heavy de ma vie !

Tu peux nous dire quelques mots en français ?
J’ai appris le français à l’école. Alors, avec mon horrible accent : « Un petit peu », « Quel temps fait-il ? », « Comment t’appelles-tu ? », « Où est les toilettes ? ».


DEVIN TOWNSEND PROJECT - Deconstruction / Ghost
Inside Out / EMI


Site : www.hevydevy.com