IN FLAMES


Leaders not followers !


Qu’ont donc encore en commun Arch Enemy, In Flames et Pain 10 ans après avoir posé les fondations du Metal moderne ? Le succès commercial jamais démenti ? Un background profitable à toute une génération de suiveurs ? Oui, personne n’en doute un instant. Une crédibilité artistique toujours intacte ? La question demande réflexion. Chaos Legions, Sounds Of A Playground Fading et You Only Live Twice, leurs nouveaux albums respectifs, ont en effet été diversement accueillis à la Rédaction, et il y a fort à parier que les fans seront eux aussi divisés. En clin d’œil au monde impitoyable de l’entreprise, commençons sans plus tarder nos entretiens individuels d’évaluation par le groupe qui aspire sans complexe à devenir le plus populaire, quitte à y perdre son âme : In Flames. 

Interview également parue dans le Metal Obs' 48 de Juillet / Août 2011

Entretien avec Anders Fridén (chant) par Jean-Christophe Baugé
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Le passé

L’aventure In Flames commence en 1990 quand Jesper Strömblad, alors bassiste du groupe de Death Ceremonial Oath, monte un side-project laissant plus de place à la mélodie. Le premier album autoproduit Lunar Strain sort en 1994, mais c’est véritablement à partir de Clayman en 2000 que le groupe explose tandis que le clip de « Pinball Map » tourne en boucle sur M6. Porté par un succès sans cesse grandissant, In Flames définit les bases du Death mélodique à la suédoise et devient le fer de lance de la scène de Göteborg aux côtés de Dark Tranquillity et At The Gates.

Quels groupes vous ont influencés et vous influencent encore ? Vos chorus mélodiques de plus en plus catchy doivent-ils beaucoup à la scène Metal US actuelle, ou est-ce l’inverse ?
On écoute du Hard Rock anglais tout ce qu’il y a de plus traditionnel : Rainbow, Iron Maiden, Judas Priest, etc. Quant aux groupes américains, ce sont clairement eux qui nous copient. Mais ce n’est pas forcément fait exprès : il suffit d’écouter un morceau à la radio pour en être imprégné.

Quels sont selon toi les albums d’In Flames qui ont été les plus déterminants pour votre carrière ?
Tous revêtent un caractère important. Sounds Of A Playground Fading ne ressemblerait pas à ce qu’il est s’il n’avait pas été précédé de 9 autres albums. Je qualifierais notre progression de constante. Nos tournées de plus en plus longues rallient toujours plus de fans à notre cause.

Combien le groupe a-t-il vendu d’albums jusqu’à présent ?
Entre 2 et 2,5 millions dans le monde, c’est l’ordre de grandeur que j’ai en tête.

Quels sont les avantages et les inconvénients liés à ton métier ?
Le simple fait d’être dans ma position actuelle est formidable : j’ai déjà fait plusieurs fois le tour du monde et joué pour des tas de gens. Le mauvais côté, c’est quand tu tombes malade : tu as envie de t’éclipser, ça arrive de temps en temps (rires). Mais quand on fait le bilan de tout ça, on a tendance à ne retenir que les meilleurs moments.

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Regrettes-tu certains de tes choix passés ?
Non, absolument pas. J’ai toujours fait de mon mieux pour chacun de nos albums. Je n’aurais jamais pensé rencontrer autant de succès quand j’ai commencé la musique.

Le groupe a déjà remporté 4 Grammy Awards en Suède. Es-tu fier de ce type de reconnaissance ?
Ce n’est pas quelque chose après quoi on court, mais il faut avouer que ça fait plaisir. Ça montre qu’on touche les gens. Bon, ça ne nous rend pas meilleurs pour autant.

Quelles sont tes attentes par rapport au label Century Media et quel bilan tires-tu des années Nuclear Blast ?
Nuclear Blast a fait du bon boulot mais on est arrivé en fin de contrat. Il est temps de changer d’air, l’avenir nous dira si on a fait le bon choix.

Quel regard portes-tu sur la carrière d’autres figures emblématiques de la scène Death mélodique de Göteborg : Dark Tranquillity et At The Gates ?
Je ne m’étendrai pas sur le sujet,  leurs décisions leur appartiennent. Ils excellent dans leur domaine et ce sont de bons amis.

Peux-tu revenir sur le départ de Jesper Strömblad et la réintégration de Niclas Engelin ?
Son départ n’est pas lié à une quelconque inimitié ou aux sempiternelles divergences musicales. Jesper a de sérieux problèmes avec l’alcool et n’était plus en mesure de s’investir sérieusement dans le groupe. A la fin, il ne se pointait même plus sur scène quand on devait jouer. Ça ne pouvait plus durer et il est parti. Le groupe transcende chacun de ses éléments : on travaille en équipe et il est important de pouvoir compter les uns sur les autres à tous les niveaux. Il y a beaucoup de gens qui bossent pour nous en tournée et qui seront affectés si le groupe part en vrille. Niclas nous file un coup de main depuis maintenant deux ans en live. Son intégration dans le groupe est des plus logiques. A quoi bon tenter de recruter un parfait inconnu ? Le courant passe bien, que ce soit sur scène ou en dehors.


Le présent

Jesper, l’unique membre fondateur qui aura occupé le poste de batteur puis de guitariste quitte donc le navire en 2010. Avec Sounds Of A Playground Fading, le reste du groupe aux dents qui rayent le parquet décide de ratisser large avec quelques compos vraiment borderline, dont un « Liberation » qui risque de surprendre les fans déjà refroidis par les « Metaphor » (Reroute To Remain, 2002) et autres « Come Clarity » (Come Clarity, 2004). Le choix de conforter Roberto Laghi dans son rôle de producteur (cf. le dernier All Ends très grand public) n’est d’ailleurs pas anodin.

Quels concepts sous-tend la pochette de Sounds Of A Playground Fading ?
Notre graphiste a apporté l’idée du corbeau partiellement dissimulé et moi celle de l’horloge qui décompte le temps à l’envers. L’artwork illustre les paroles, et notamment celles de « Sounds Of A Playground Fading ». J’y parle d’angoisses existentielles, de la vie trop courte, du peu de temps dont on dispose pour faire évoluer notre façon de penser et d’agir. C’est une vision des choses très personnelle : je sais que tout le monde ne ressent pas ça. Mais j’aime communiquer, même si je pose plus de questions que j’apporte de réponses.

Y a-t-il des morceaux qui se distinguent plus que d’autres ?
Non, j’apprécie l’album dans sa globalité. Il a été écrit comme un tout, ce n’est pas seulement une collection de quelques titres forts.

Même réponse en ce qui concerne les paroles ?
Oui. On a abattu un gros travail de pré-production : on a probablement enregistré toutes les parties au moins 3 fois, et on a pris le temps de décider si telle ou telle chanson devait figurer sur l’album et à quelle place pour préserver une bonne dynamique. On a fait de même pour les lyrics. On ne prend pas le risque de mettre sur le marché des choses qui ne nous satisfont pas à 100 %.

Le titre « Liberation » a-t-il été écrit dans l’optique inavouable d’obtenir un hit ?
Non, d’ailleurs personne n’a la recette pour décrocher un hit : on se contente juste d’écrire de la bonne musique. J’espère que les fans prennent autant de plaisir à l’écouter que nous à la jouer.

« A New Dawn » est rehaussé par de belles parties de cordes. C’est un véritable orchestre qui joue ?
Oui car on tenait vraiment à avoir de vrais violons sur ce titre : il s’agit d’un quartet de Göteborg dirigé par Johannes Bergion, le violoncelliste de Diablo Swing Orchestra. Il était déjà venu enregistrer dans notre studio et on lui confié l’écriture et la mise en place de ces orchestrations. On a superposé plusieurs prises pour un rendu plus massif.

Comment travaillez-vous avec Roberto Laghi et Daniel Bergstrand ? Leur approche diffère-t-elle de celle de Fredrik Nordström ?
Ils ont tous les trois leur propre personnalité. Daniel prend en charge l’enregistrement du chant en étroite collaboration avec moi pendant que Roberto s’occupe des instruments. On a adoré bosser avec eux sur A Sense Of Purpose (2008). Comme Roberto est l’ingé-son responsable de notre studio et que ce dernier est ouvert au public, il peut bien sûr être amené à travailler avec d’autres artistes. C’est un facteur d’enrichissement mutuel.

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Le chant clair est de nouveau à l’honneur. Le travailles-tu particulièrement ?
Non. Je ne m’entraîne pas en dehors de mes shows en tournée, mais peut-être que je devrais…   

Qui joue les parties de claviers ?
C’est Örjan Örnkloo, qui assure la fonction depuis Reroute To Remain.

In Flames est en tête d’affiche sur la Mainstage 2 du Hellfest 2011. Préfères-tu te produire dans des grands festivals ou dans des salles à taille plus humaine, comme aux débuts du groupe ?
J’apprécie les deux cas de figure. C’est agréable de jouer devant une marée humaine, mais aussi dans la moiteur des petits clubs, où tu peux plonger ton regard dans celui des fans des premiers rangs.


Le futur

« In Flames ne suit pas la mode mais la crée »… Cette catchline promotionnelle correspond effectivement à la réalité. Les gars sont désormais des cadors : Björn Gelotte (guitare) et Peter Iwers (basse) ont ouvert leur restaurant 2112 à Göteborg, et Peter adopte une attitude de coach d’entreprise, concentré sur le collectif et n’envisageant le futur que sous les meilleurs auspices. Mais le groupe a-t-il encore une marge de manœuvre pour aller toujours plus loin, toujours plus haut ?

Est-ce qu’In Flames devient consciemment de plus en plus mainstream ?
Tu sais, on nous a posé ce genre de question avant même qu’on sorte Reroute To Remain il y a 10 ans. On écrit de la musique pour que les gens l’apprécient et puissent s’éclater dessus. Je ne me préoccupe pas de savoir si on peut la qualifier de mainstream ou d’underground. Je ne laisserai personne descendre Sounds Of A Playground Fading eu égard à l’énorme travail qui a été réalisé en amont. Les moyens techniques et humains mis en œuvre n’ont pas changé… La seule différence que je vois avec les albums précédents, c’est que celui-ci a été mis en boîte en seulement 3  mois, contre presqu’un an auparavant.

Envisagez-vous de recruter un claviériste à temps complet ?
Non, et c’est catégorique. Même si Örjan est un mec super, cinq personnes dans un tour-bus, c’est largement suffisant. On utilise beaucoup de boucles d’effets : on n’a pas vraiment besoin d’un 6ème membre qui ne ferait qu’appuyer sur des boutons.

A quand un live avec orchestre symphonique ?
Ce serait assez cool, en effet. On ne s’est pas posé la question sérieusement car on a encore peu de morceaux qui se prêtent à un tel traitement.

Comment vois-tu le futur du groupe dans les cinq ans à venir ?
Je vois beaucoup de travail, des tournées… C’est toujours compliqué de se projeter dans l’avenir. On va commencer par défendre ce nouvel album sur les routes pendant les deux prochaines années.


IN FLAMES - Sounds Of A Playground Fading
Century Media / EMI



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