IRON MAIDEN

20 more wasted years...


En marge de l’énorme succès commercial de The Final Frontier (n°1 des ventes d’albums en France à sa sortie), Iron Maiden publie la suite de Somewhere Back In Time, From Fear To Eternity, une double compilation qui couvre sa période 1990-2010. Plutôt que de disserter sur l’éventuel côté mercantile de la démarche (EMI n’en est pas à son premier best-of), on pourra trouver un certain intérêt à se replonger dans l’histoire récente du groupe. Nous avions laissé Iron Maiden au sommet de son art à l’issue du premier volume, avec des extraits de Seventh Son Of A Seventh Son illuminé de mille sophistications. Le coup de barre vers le Hard Rock plus rudimentaire décidé par le chef de clan Steve Harris dès l’album No Prayer For The Dying sera le premier d’une série de choix stratégiques discutables qui entraîneront le départ de musiciens rétrospectivement irremplaçables. 20 ans plus tard, Maiden est revenu au top à la force du poignet, et c’est Adrian Smith, l’un des éléments les plus appliqués et impliqués du sextet, qui nous commente ce parcours à quelques jours de la double date de juin à Bercy.  

Interview également parue dans le Metal Obs' 49 de Sept. / Oct. 2011

Entretien avec Adrian Smith (guitare) par Jean-Christophe Baugé
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HIGHS AND LOWS

C’est un fait, Iron Maiden n’a pas finement négocié le virage des 90’s. Le départ d’Adrian Smith, puis de Bruce Dickinson laissait augurer du pire, et il est arrivé avec The X Factor (1995) et Virtual XI (1998), deux albums de « transition » aux ventes catastrophiques. A l’inverse de Judas Priest qui, à l’époque, trouve un frontman techniquement plus affûté que Rob Halford, Steve Harris engage Blaze Bayley, l’ex-chanteur de Wolfsbane qui ne trouvera jamais ses marques. L’inspiration en berne sur les albums studio n’a alors d’égale que la médiocrité des prestations vocales en live. Il faudra attendre 2000 et l’album de la résurrection Brave New World pour que le groupe remodelé renoue avec le succès. Comme avec Paul Di’Anno pour le premier volume de cette rétrospective, les titres de FFTE datant de l’ère Blaze Baley sont des live chantés par Bruce Dickinson… On peut y voir plus qu’un souci d’uniformisation.

From Fear To Eternity regroupe des chansons produites par Martin Birch et Kevin Shirley. Est-ce que la différence de son s’explique par leur manière de travailler ?
Martin et Kevin sont deux excellents producteurs. Ils ont en commun d’avoir une forte personnalité et de s’impliquer totalement dans leurs projets. Toutefois, leur approche avec Maiden est assez semblable : les qualités de son sont surtout tributaires de la technologie qui évolue très rapidement.

« Man On The Edge », « Sign Of The Cross », « The Clansman » sont des versions live avec Bruce au chant. Vous avez décidé d’effacer toute trace du passage de Blaze Bayley ?
Oh non, ce n’était pas le but recherché. C’est juste qu’on adore les enregistrements live. Ces extraits sont  issus de notre énorme stock de bandes inédites. Je serais par contre bien incapable de te dire où et quand ils ont été enregistrés.

Pourquoi as-tu quitté le groupe en 1990 pour ne revenir que pratiquement 10 ans plus tard ?
Après 10 ans passés dans Maiden, j’avais envie d’explorer d’autres horizons. J’ai tourné avec mes propres formations, ASAP et Psycho Motel, et joué avec Bruce Dickinson (NDLR : Accident Of Birth en 1997, The Chemical Wedding en 1998) et Michael Kiske. J’ai côtoyé des gars supers comme Roy Z… J’ai énormément mûri en tant que personne et en tant que musicien. Bon, je ne vais pas te cacher que c’était assez flippant d’être éloigné de Maiden tout ce temps : mon cercle d’amis était intimement lié au groupe et je me suis retrouvé seul, livré à moi-même. Aussi, j’ai vite saisi l’opportunité de rejoindre les rangs lorsqu’elle s’est présentée. Ce n’est pas tous les jours qu’on t’offre une seconde chance pour te refaire.

IRON MAIDEN

Tu as co-composé 5 titres sur The Final Frontier : « The Final Frontier », « El Dorado », « Mother Of Mercy », « Isle Of Avalon » et « Starblind ». Avec quel membre du groupe as-tu le plus d’affinités pour travailler ?
Je composais beaucoup avec Bruce au début. Steve préférait écrire dans son coin mais la situation a évolué. On travaille désormais en étroite collaboration, il se focalise sur les lyrics et quelques mélodies. Il en est sorti des titres très forts comme « The Wicker Man » (Brave New World) ou encore « Paschendale » (Dance Of Death).

Que penses-tu des talents d’écrivain (The Adventures Of Lord Iffy Boatrace en 1990, The Missionary Position en 1992) et de scénariste (The Chemical Wedding en 2008) de Bruce ?
Je n’ai pas vu le film, mais je sais que Bruce réussit tout ce qu’il entreprend. C’est un compositeur de talent. Ses textes sont profonds et colorés, à l’image de sa voix qui fait toujours passer l’émotion avant la technique. C’est aussi un guitariste d’un bon niveau, il joue souvent en backstage.


EDDY THE ’EAD

La mascotte Eddie est à Iron Maiden ce que le chapeau melon est à la botte de cuir : un élément vital et indissociable. Derek Riggs l’aura développée avec un certain bonheur sur les pochettes d’albums et les produits dérivés jusqu’à ce que les spécifications changeantes et les délais de réalisation imposés par Rod Smallwood aient raison de sa motivation. C’est un autre anglais, Melvyn Grant, qui reprend le flambeau en 1992 avec l’Eddie-arbre de Fear Of The Dark. L’homme est connu pour avoir illustré de nombreux romans de SF dans les années 70, et quelques unes de ses plus belles toiles - au style alors pas si éloigné de celui du maître Frank Frazetta - seront exploitées pour les compilations Hero Hero de Judas Priest (1981) et Armour Plated de Tank (1985). Quant à Derek, qui œuvre désormais plus sporadiquement pour le groupe, il a su glisser Gamma Ray et Stratovarius dans son carnet de commandes.

Quel est ton illustrateur préféré entre Derek et Melvyn ?
Je ne suis pas impliqué dans l’élaboration de nos pochettes, j’ai donc presque un regard extérieur sur le sujet. J’aime bien Derek car c’est lui qui a mis notre univers en image dès le début. Mes visuels préférés sont toutefois ceux de Brave New world (NDLR : Derek Riggs pour le haut, Steve Stone pour le bas) et Dance Of Death (David Patchett - l’artiste fétiche de Cathedral - sera tellement mécontent de ses mannequins en 3D laissés à l’état de brouillons par le management qu’il demandera à ne pas figurer dans les crédits).

Et les plus laids ? Je pense à celui du single « Bring Your Daughter To The Slaughter »…
Vu que je ne faisais plus partie du groupe à ce moment-là, je ne me prononcerai pas… Très diplomate, n’est-ce pas (rires) ?

Tu sais que Derek n’a pas tout à fait coupé le cordon ombilical avec le groupe car il collabore avec The Iron Maidens, le tribute band entièrement féminin de Los Angeles…
Je ne les ai pas encore vues jouer, mais il est clair qu’au niveau du look, elles surpassent tous les groupes de reprises invités aux conventions Maiden.


IRON MAIDEN

THE LIFE OF ADRIAN

Marié depuis plus de 20 ans à Nathalie Dufresne, manageuse et organisatrice de galas de charité, Adrian est un père de famille de 54 ans qui inspire le respect. Son sérieux et son calme sont d’indéniables atouts pour un groupe qui compte en son sein deux autres guitaristes fougueux : Dave Murray, le soliste fluide au jeu rapide en légato avec qui Adrian a gravé les plus belles parties harmonisées de gratte depuis Wishbone Ash, et Jannick Gers, la danseuse en live au jeu souvent approximatif, dont la présence après la refonte du line-up en 1999 reste aussi mystérieuse que dispensable.

Comment se passe la cohabitation à trois guitaristes dans le groupe, après toutes ces années ?
Chacun de nous joue collectif et pense avant tout au bien du groupe. La moindre histoire d’égo entraînerait un clash immédiat. Non seulement on s’entend très bien, mais nos jeux sont complémentaires et immédiatement identifiables. On a en commun la volonté d’innover et de se donner sans compter sur scène.

Tu as ton propre modèle de guitare Jackson San Dimas DK signature. A part la tête, quelles sont les différences avec les Jackson Dinky de base ?
C’est un modèle dérivé d’une Charvel / Jackson custom shop des 80’s que j’adorais. Le manche est en érable, le corps est en aulne, avec trois micros en configuration H/S/S : un DiMarzio Super Distortion et deux Fender Hot Samarium Cobalt Noiseless. Beaucoup de guitares m’ont posé problème en tournée, mais jamais les Jackson (NDLR : Jackson ayant été racheté par Fender en 2002, les instruments sortent désormais de l’usine de Corona en Californie).

Tes enfants - Dylan, Natalie et Britney - sont-ils eux-mêmes musiciens et si oui, quels genres de conseils leur prodigues-tu ?
Mon fils suit mes pas, effectivement : c’est le bassiste d’Izzi Stone (NDLR : le groupe a sorti un EP 4 titres autoproduit, Kiss From The Devil, en 2010). Il joue aussi du piano et s’essaie à la production. Le nom du groupe fait référence à Stone Free, mon premier groupe dans les années 70. Tout comme avec mon père à l’époque, il n’y a pas d’ingérence de ma part dans leurs affaires. Je les laisse juste utiliser mon studio personnel. Ils passent du bon temps à sillonner les routes dans leur van.

Des dinosaures comme Judas Priest ou Scorpions planifient déjà leur retraite. Iron Maiden va-t-il aussi raccrocher les gants ?
Non (rires) ! L’année prochaine sera consacrée à la tournée mondiale, puis on pensera à un album studio. Le groupe est encore créatif et ne demande qu’à s’exprimer.



Playlist Top 5 ADRIAN SMITH :

1.    The Who : Who’s Next (1971)
2.    Free : Free Live (1971)
3.    Humble Pie : Performance Rockin’ The Fillmore (1971)
4.    Deep Purple : Machine Head (1972)
5.    Joe Satriani : The Extremist (1992)


IRON MAIDEN - From Fear To Eternity
EMI


Site :www.ironmaiden.com

Myspace : www.myspace.com/ironmaiden