CARCASS


Back in business... 



Quand Carcass est revenu pour quelques festivals en 2010, personne ne savait si un nouveau disque verrait le jour mais petit à petit, l’idée a fait son chemin chez Jeff Walker et Bill Steer. Cette fois-ci est la bonne : Surgical Steel va pouvoir enfin rugir dans vos enceintes. Oui, Carcass est bel et bien de retour et nous ne pouvions passer à côté de la chose : Jeff Walker himself a bien voulu répondre à nos questions dans un entretien fleuve dont voici les meilleurs extraits. Croyez-nous sur parole, et on ne dit pas ça pour plaire au label, ce nouvel album est une tuerie qu’il vous faudra absolument acquérir lors de sa sortie… 

Interview parue également dans le Metallian 79 de sept. / oct. 2013
(en version éditée)


Entretien avec Jeff Walker (chant, basse) par Will Of Death
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Tout le monde doit te poser cette question, mais qu’est-ce qui a fini par vous décider de refaire un album studio ?
La raison est que tout le monde nous a relancés et finalement, Bill a accepté de le faire. Dès 2008, je lui ai fait part du projet car j’en avais très envie mais il a fallu que l’idée fasse son chemin. Depuis que nous avons donné les premiers concerts de réunion en 2010, Bill a eu le temps de se rendre compte de ce que Carcass représentait encore et ce que ce groupe pouvait nous apporter. Continuait-on Carcass ou retournait-on à nos tafs respectifs et à nos autres groupes ? Il y a eu aussi des gens pour nous dire que nous ne devions pas faire de nouvel album, des gens de notre entourage qui étaient en fait jaloux de notre succès. Ce cynisme nous a un peu foutus en rogne et nous avons alors aussi eu l’ambition de leur montrer qu’ils se trompaient et que Carcass avait encore quelque chose à dire en 2013. Nous étions surtout motivés pour le faire, c’est difficile à expliquer : quand tu es musicien et que tu te sens créatif, pourquoi refuser de sortir un album ?

A-t-il été difficile de composer cet album ? De retrouver le feu qui vous animait à la fin des années ’80 par exemple ? Comment vous êtes-vous réparti la composition avec Bill ?
Non, c’est venu naturellement car je joue avec Brujeria depuis 2006 ; ce fut peut-être plus difficile pour Bill en tant que guitariste car il s’était éloigné depuis une quinzaine d’années du metal extrême. En même temps, ce n’est pas non plus nouveau pour lui, il vit un peu ça comme une renaissance et il pense que jouer du metal extrême est plus intéressant à ce moment de sa vie que de jouer du blues rock. On a aussi toujours eu l’impression de ne pas avoir totalement fini le boulot dans les années 90 : on avait beaucoup de riffs en réserve sur ces cassettes qui n’avaient pas encore vu le jour. Il a été facile de ressortir ce matériel pour le coupler à de nouvelles parties. Cet album est donc moderne et en même temps, on sait tout de suite qu’on a affaire à Carcass. Une autre chose importante quand tu joues du metal extrême, c’est le rôle du batteur. Ken Owen ne pouvant plus jouer avec nous, nous avons trouvé un super remplaçant en la personne de Daniel Wilding (Trigger The Bloodshed, Aborted…).   

Comment as-tu bossé avec Bill pour la composition ?
En gros, comme on l’a toujours fait : chacun apporte ses idées, Bill a écrit trois titres complets, moi aussi, mais je dois avouer que j’ai toujours été assez dictatorial avec mes titres (Rires !), il est compliqué pour les autres de me faire changer mes riffs et mes idées. On a juste amélioré certaines parties quand que c’était nécessaire. Je pense que nous n’avons pas un fonctionnement différent des autres groupes quand ils sont dans leur salle de répète… On est de la vieille école, on ne compose pas sur notre ordinateur, on veut de vraies guitares et une vraie batterie acoustique quand on essaie des titres.

Auprès de certains collègues journalistes, j’entends ça et là que cet album est une sorte de suite de Heartwork mais personnellement, je le trouve plus brutal… Es-tu d’accord ?
Je n’ai encore rien lu de tel mais je pense que c’est plutôt un mélange de Necroticism… et de Heartwork, ce qui est une bonne chose puisque Necroticism… est l’album qui est souvent cité en référence et Heartwork fut notre meilleure vente. Si tu me dis que tu trouves le nouvel album plus brutal que Heartwork, je le prends comme un compliment car je pense aujourd’hui que cet album est trop propre pour Carcass. Pour moi, Surgical Steel n’est donc pas une continuation de Heartwork, mais simplement la suite de Carcass. Je pense que le nouvel album s’articule bien avec nos disques précédents bien que je n’aie pas l’impression que nous nous soyons répétés.

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La pochette de l’album peut paraître simpliste pour les plus jeunes qui s’attendaient peut-être à quelque chose de plus sanglant mais les vieux fans comme moi ont tout de suite vu le parallèle avec certains artworks du passé… Pourquoi ce choix ?
En effet, on retrouve ces instruments chirurgicaux sur Necroticism… et surtout la pochette du EP Tools Of The Trade, sorti en 1992. C’est un peu notre Eddie à nous, quelque chose d’immédiatement reconnaissable pour les fans. C’est aussi un moyen de montrer que nous restons connectés à notre passé, une sorte de logo que nous mettons sur nos t-shirts ou notre rideau de scène. Nous avons tenu cette fois à faire une photo de vrais objets disposés sur une table chirurgicale, je suis même étonné que nous n’ayons pas eu cette idée plus tôt. Cette pochette légitime notre héritage, c’est une attention délibérée de notre part de connecter cet album à Necroticism… et Heartwork. Je ne voulais surtout pas d’un truc photoshopé avec des donjons et des dragons, je n’en ai rien à foutre de ça (Rires !).   

Vous avez enregistré l’album avec Colin Richardson mais c’est finalement Andy Sneap qui a fait le mix’… J’ai cru comprendre que la défection de Colin vous a beaucoup déçus… Que s’est-il passé ?
Mon seul regret est qu’il ait décidé de ne pas finir le boulot avec nous car au final, je pense que la meilleure chose qui soit arrivée à cet album, c’est qu’il ait été mixé par Andy. C’est presque une « dream team » d’avoir ces deux noms sur l’album : Colin nous a dit sur le ton de la plaisanterie, même si ça m’a fait rire jaune sur le moment, que la seule personne capable de faire aussi bien que lui pour mixer le disque était Andy. Ce qui est bien, c’est que Colin a quand même rempli sa part du contrat en tant que producteur. Je vois ça maintenant comme une tribulation. Le truc qui m’a bien mis en rogne, ce sont les raisons que Colin a avancées dans le mail que j’ai reçu : la première raison donnée était qu’il se disait cramé mentalement (un « burn out ») et ensuite, il me dit qu’il démarre le mix pour un autre groupe ! N’importe quoi…

Mike Amott n’a pas voulu participer à la suite de l’aventure, ce qui a beaucoup surpris les fans. Pourquoi a-t-il fait ce choix ?
Je ne peux pas trop répondre pour lui, c’est une question que tu devrais peut-être lui poser un jour. Déjà en 2010, quand nous sommes revenus, il me disait qu’il aurait certainement du mal à faire toutes les dates car il était trop occupé avec Arch Enemy. Il m’a contacté pour me dire qu’il ne pouvait pas participer à l’écriture d’un nouvel album et ça n’a pas été une grande surprise, à vrai dire (Rires !).

Votre intro porte le titre de « 1985 », l’année de formation de Carcass… Commencer l’album par ce titre veut-il dire dans votre esprit que vous avez enfin pu faire le tour de la question, boucler la boucle ?
On peut voir les choses comme ça mais cette intro est en fait une sorte d’accident : on n’avait pas en tête de mettre une intro quand on est entré en studio, comme tout le monde le fait, mais je me suis pointé un jour avec une veille cassette de répète de cette époque et j’ai dit à Bill qu’il pourrait être cool de débuter l’album par ce vieux riff oublié. Bill n’était pas d’accord au départ mais on a quand même bossé ce riff pour le rendre plus moderne et ça a fonctionné. Nous replonger dans notre passé a aussi été une manière pour nous de trouver l’inspiration pour le reste. C’est étrange de dire ça mais ce nouvel album de Carcass est définitivement influencé par notre période « old school » : la fin des années ’80 a été énorme pour nous en termes d’inspiration, c’était aussi notre manière de célébrer ça.

Je me suis toujours étonné de voir Bill Steer composer pour Carcass alors qu’il a un look de beatnick et qu’il semble très cool… Quel genre de gars est-il ?
Excentrique, très intelligent, original musicalement parlant, très humble, il n’attend jamais de faveurs de quiconque, fier de son parcours, un bon mec quoi, vraiment…

Vos premiers albums relataient des comptes-rendus d’autopsies mais qu’en est-il de cet album ? Est-on toujours dans le gore ou abordes-tu des sujets plus contemporains voire politiques ?
Ils sont toujours emprunts d’humour noir en tout cas. Au premier degré, tu y verras peut-être du gore mais il peut y avoir plusieurs lectures, un sens plus profond sur la nature humaine. Chacun interprétera ça à son niveau, tant que ça suit bien avec la musique, c’est cool…

Quelle importance donnes-tu aux paroles et à tes vocaux en général ? Vois-tu par exemple les vocaux comme un instrument de plus, un peu à l’instar de ce que fait John Tardy dans Obituary, ou un vecteur pour faire passer un quelconque message ?
Le truc le plus important dans Carcass, c’est qu’ils doivent être nécessairement « evil ». Certains vont lire les paroles mais personnellement, je ne me considère pas comme un super vocaliste death metal, je sais en tout cas que je suis le seul à pouvoir faire des vocaux meilleurs que ceux de Jeff Walker (Rires !). Cette fois, c’est quand même ma meilleure performance car on n’avait pour ainsi dire aucune limite de temps pour le studio, j’ai pu peaufiner les choses. Toutefois, on n’est pas non plus un groupe de pop où 75% des mélodies sont créées par les vocaux ; on fait du death metal donc les vocaux restent monotones, ce sont les riffs de guitares qui sont les plus importants…

Ouais, enfin, t’es gentil mais quand on écoute Carcass, on reconnaît immédiatement ton groupe grâce à tes vocaux, donc personnellement, je te trouve trop humble sur ce coup-là…
Merci ! Comme je te le disais, je ne me trouve pas extraordinaire mais je pense que je me débrouille quand même mieux que pas mal d’autres chanteurs (Rires !).

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Les groupes disent toujours que leur dernier album est le meilleur. Qu’en est-il de celui-là pour toi ?
Pour le moment, c’est sûr mais je ne suis pas « fan » de ce que nous avons fait, tout dépend de notre feeling du moment. Je ne vais pas te dire que c’est le meilleur juste pour que les gens l’achète mais ce qui me rend joyeux, c’est la nouveauté, l’excitation de jouer de nouvelles chansons. Je suis quand même sûr que Surgical Steel est meilleur que Reek Of Putrefaction et Swansong mais certaines personnes me diront le contraire si elles ont adoré Swansong. Ça dépend de où tu viens musicalement en fait…

Le premier morceau présenté au public a été « Captive Bolt Pistol », pourquoi ce choix ?
Ce n’est pas moi qui ai choisi ce titre, c’est Bill et Ben, car j’aurais préféré que le public découvre l’album en entier. Maintenant, je sais bien qu’il y a des impératifs commerciaux pour le label mais je ne pense pas que ce titre soit le mieux placé pour représenter au mieux l’album. De toute manière, faire ce type de choix est quasiment impossible mais si des gens ont apprécié ce titre, qu’ils soient certains de trouver du matériel encore plus solide sur l’album.  

Si je peux te donner mon avis, je pense que « Cadaver Pouch Conveyor System » va littéralement cartonner par exemple, c’est une tuerie !
C’est drôle parce que c’est un des tous premiers titres que nous ayons répété. Après, je ne sais pas quels titres nous jouerons en live, il faut laisser le temps aux gens de découvrir l’album et tu sais bien que nous nous devons aussi de jouer nos vieux titres. Ceci dit, je dois t’avouer que j’adore ce titre aussi.

Je ne m’attendais pas à réentendre un jour une intro à la guitare sèche dans Carcass… « Mount Of Extinction » est d’ailleurs à part par rapport aux autres titres, plus long, plus heavy que brutal, c’est pour ça que vous l’avez placé en fin d’album ?
Oui mais même s’il est inhabituel d’entendre de la guitare acoustique dans le death metal, ce n’est pas la première fois que nous le faisons, on en avait mis aussi sur Necroticism… Je vois un peu ça comme une réminiscence de nos goûts passés, quand est sorti Ride The Lightning de Metallica par exemple. Il y avait aussi de la guitare sèche dans King Diamond ! Ce titre fonctionne très bien, je trouve…

Carcass était haï au début de sa carrière par la majorité du public Metal car trop brutal, trop gore… mais a tout de suite été adopté par les fans de metal extrême. Maintenant, depuis votre retour, vous parvenez à jouer en tête d’affiche des plus gros festivals comme le Hellfest. Comment expliques-tu que vous soyez passé du statut de groupe ultra underground au statut de groupe presque mainstream (même si je déteste ce mot) ?
Je pense que les gens se sont rendu compte que nous avions quelque chose à dire musicalement. Quand nous avons démarré en 1987, notre style était nouveau, les gens n’étaient pas forcément prêts, maintenant le death metal ou le grind sont presque rentrés dans tous les foyers de metalleux. Prenons l’exemple de Pantera : quand ils ont démarré, on aurait dit du Van Halen et à la fin de leur carrière, ils étaient devenus très bruyants et pourtant, leur succès n’a fait que grandir. Il faut croire que le temps du succès pour Carcass est venu…

Dernière question : vous avez signé pour combien d’albums chez Nuclear Blast ?
Pour celui-là et on a une option pour un autre, sans être obligé de le faire. Je ne peux garantir pour le moment s’il y aura un autre disque mais je pense que si nous restons inspirés comme c’est le cas actuellement, je ne vois pas ce qui nous empêcherait de le faire, à condition de ne pas nous répéter. On verra bien… Merci à toi pour cette interview.
 


CARCASS – Surgical Steel
Nuclear Blast / PIAS


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