MONSTER MAGNET

Back to the basics… 



Monster Magnet, son leader Dave Windorf en tête, sont aujourd’hui considérés, avec d’autres, comme les pères du stoner. Un statut qui ne dérange pas Dave outre mesure, d’autant que le groupe revient cet automne avec un album totalement orienté années ’70. On est ici loin du big rock de certains albums. Last Patrol se révèle être un album plutôt introspectif, faisant la part belle aux sonorités planantes. Il n’en fallait pas plus pour demander à Dave le pourquoi du comment de ce retour aux sources… 

Interview parue également dans le Metallian 80 de novembre 2013
(en version plus courte)


Entretien avec Dave Wyndorf (guitars, vocals), par Will Of Death
Rechercher : dans l'interview
Trois ans se sont écoulés entre la sortie de Mastermind et Last Patrol… Etait-ce selon toi le délai nécessaire pour trouver l’inspiration ?
C’est aussi et surtout le délai nécessaire pour tourner et ensuite composer un nouvel album car j’avoue avoir du mal à écrire sur la route.

Penses-tu que le fait d’avoir joué en entier l’album Spine Of God, l’an passé en tournée, a pu avoir une influence sur la composition du nouvel album ?
Je pense que oui car ça m’a forcé à me rappeler ce qui m’avait poussé à faire cet album et ça m’a surtout rappelé combien j’aimais jouer ce style de musique.

Je dis ça parce que je trouve par exemple que le titre « Last Patrol » est vachement psychédélique, très influencé 70’s.
Oui, je suis tout à fait d’accord. Tu sais, mon groupe préféré quand j’étais jeune était Hawkwind et j’ai adoré Black Sabbath et d’autres groupes de prog-rock. Mes frangins écoutaient des groupes de garage-rock bien psychédéliques, ce qui a eu une grande influence sur moi. 

Avais-tu une idée précise en tête quand tu as commencé à composer pour ce nouvel album ?
Je voulais un album qui ait cette “vibe seventies” et je voulais qu’il ne soit pas juste une simple collection de titres sans rapports entre eux. Je voulais que dans quelques années, quand on posera le disque dans sa platine, on puisse se dire « ah oui, c’est l’album Last Patrol de Monster Magnet », bref que celui-ci ait une véritable identité. Je tenais aussi à ce que l’enregistrement soit bien différent de ce que nous avons toujours pratiqué par le passé. L’album se devait également d’être sombre, pas un album de rock au sens strict du terme, du genre « Come on, let’s rock ! », un album plus introspectif.

L’illustration de l’album est d’ailleurs bien sombre, je trouve…
Oui, exactement ! Il fallait un « artwork » qui tranche de nos autres albums, une pochette qui soit dans le même esprit que la musique, c’est-à-dire un truc qui soit hors du temps et de l’espace mais bel et bien réalisé par un humain. C’est pourquoi je tenais absolument à ce que ce soit une vraie peinture et pas un truc fait sur ordinateur, à l’ancienne quoi !

MONSTER MAGNET

Dans un certain sens, peut-on dire que Last Patrol est une sorte de retour aux sources pour toi ?
Absolument ! Les premiers morceaux que j’ai joués étaient du rock psychédélique et on est exactement dans cette veine sur cet album.

Apparemment, tu aurais écrit les paroles de cet album en une semaine en février 2013. Cela avait-il été planifié à l’avance ou étais-tu dans un certain état d’esprit à ce moment-là ?
Le problème était surtout qu’on avait planifié les dates pour le studio et le mix et je me suis rendu compte que j’étais quelque peu à la bourre au niveau de la composition des titres et des mélodies ! Il a donc fallu que je me force à me poser devant mes feuilles pour écrire les paroles rapidement.

Justement, de quoi traitent les textes cette fois ?
De choses étranges ! Tu sais, même si les gens peuvent parfois l’interpréter comme ça, je n’écris pas des textes fantaisistes. Mon but n’a jamais été de créer une histoire qui pourrait servir de scénario à un film par exemple. Comme beaucoup de chanteurs le font, je parle de mes propres expériences, de ce que je vois quand je regarde les news à la télévision, de ce que je ressens, que ce soit en bien ou en mal d’ailleurs… En gros, je parle de choses vraies mais j’utilise un langage et des images propres à la science-fiction, une manière un peu cosmique d’exprimer ses sentiments. Par exemple, plusieurs titres abordent le thème de l’isolement, je pense par exemple à tous ces gens qui ne sortent plus et restent cloitrés chez eux derrière leur ordinateur. Ça parle aussi de sexe, car qui n’est pas intéressé par ça ? Je parle aussi du fait que je ne me sente pas trop en accord avec le modernisme actuel…

Est-il compliqué pour toi de trouver de nouvelles idées après tout ce temps et tous ces albums ?
On pourrait le penser mais le plus important est de rester honnête avec soi-même et de pouvoir exprimer ce qu’on ressent, que ce soit bien ou mal. Et je dois dire que la musique vient toujours sans problème.

Je me souviens avoir lu une interview de toi lors de la sortie de Mastermind où tu disais que tu en avais marre d'entendre ta propre voix sur album... Ça va ? Tu t'es réconcilié avec toi-même depuis ?
Oui, eh bien, c’est toujours le cas. Ras-le-bol d’entendre toujours ce même gars vociférer ses textes comme un porc ! (Rires !) Combien de fois, je me dis qu’une jolie voix féminine passerait mieux ! Mais je prends tellement de plaisir à chanter que je me résous pas à laisser le micro à quelqu’un d’autre, surtout en live (Rires !).

Sur Last Patrol, il y a d’ailleurs de nombreux titres où tu chantes en voix claire…
Oui et je pense que c’est de cette manière dont je vais de plus en plus envisager le futur car j’y ai pris énormément de plaisir. Quand t’es jeune, tu penses que la meilleure chose est de gueuler le plus fort possible pour être puissant mais avec le temps, je me suis rendu compte qu’un murmure pouvait avoir plus d’impact qu’un gros cri.

MONSTER MAGNET

Vous avez enregistré une reprise d’un titre de Donovan, « Three Kingfishers », et bizarrement, en allant à l’encontre de ce qui se fait d’habitude, vous l’avez placé en troisième position sur l’album, et pas à la fin, comme si c’était un bonus. Pourquoi ce choix ?
Tout simplement parce que j’ai senti qu’il avait sa place sur le disque à cet endroit-là. Il s’insérait parfaitement après le titre « Last Patrol », un peu comme si c’était un des nôtres. Dans ce contexte, le mettre à la fin n’aurait eu aucun sens.

Phil Caivano et toi avez produit vous-mêmes l’album. Pourquoi un tel choix ? Le risque est toujours de manquer de recul à un moment donné…
Oui, effectivement mais je ne voyais pas l’intérêt de bosser avec un producteur professionnel. Phil a les mêmes références musicales que moi et on a cherché à obtenir un son qui ressemble au deuxième album de Black Sabbath ou encore à Deep Purple. Avec Phil, pas besoin d’expliquer longtemps ce que je veux, on se connaît depuis le lycée, on a grandi ensemble et il sait exactement ce que je veux. Quand je lui ai proposé de faire l’album nous-mêmes, sa seule réponse a été « fuck yeah! » (Rires !) et ça ne pouvait pas mieux tomber. 
 
L’album a été mixé par Joe Barresi. Quelles étaient tes attentes ?
Je voulais être certain de trouver quelqu’un qui comprenne exactement où on voulait en venir au niveau du son et pour ça, Joe était le parfait « master chef » ! Disons que je cuisine la musique et lui fait la mise en place, pour reprendre des métaphores culinaires. On lui a expliqué le son que nous voulions obtenir en lui faisant écouter les disques d’autres groupes et il a tout de suite trouvé ça génial. On était vraiment sur la même longueur d’ondes : le travail a été très professionnel mais on s’est aussi beaucoup amusé. La phrase qui est souvent revenue, c’était « oh, I really love this shit ! » (Rires !). 

Comme tous les gars qui ont commencé à faire de la musique dans les années 70, tu as traversé un peu toutes les époques. Aujourd’hui, en 2013, tout doit aller vite, on se doit d’être connecté au monde entier via Internet, on est un peu prisonnier de la technologie. Es-tu nostalgique des années ’70 par exemple, qui furent de vraies années de liberté ?
Oui, complètement. Il y a évidemment de bons côtés au modernisme, mais ce que je regrette le plus, c’est qu’on pouvait prendre notre temps, réfléchir à ce qu’on faisait. On ne passait pas vingt-quatre heures à communiquer, on prenait le temps de se taire et d’écouter les autres, de se relaxer, de créer aussi. Les machines ont tendance à annihiler le pouvoir imaginatif des gens, tout est mâché. C’est là qu’est le danger pour moi…

Tu es considéré aujourd’hui comme un des pères du stoner rock. Comment te sens-tu par rapport à ça ?
Je le prends plutôt bien à vrai dire mais je ne passe pas non plus mon temps à me regarder le nombril : je reste humble quand des gens me complimentent, c’est cool.

Monster Magnet a beaucoup tourné en Europe ces dernières années. Or, j’ai lu que vous alliez enfin vous embarquer à nouveau dans une grosse tournée aux USA, la première depuis plus de dix ans. C’est un peu étonnant vu d’ici… Il y avait un problème entre ton groupe et ton pays ?
Oui, on peut le dire ! Il y a une dizaine d’années, j’ai décidé de me concentrer sur l’Europe et le reste du monde, non pas parce que je me suis mis à haïr mon pays mais parce que les gros médias ont commencé à nous casser, en disant que nous n’étions pas un bon groupe live. Plein de gens nous ont soutenus sur Internet en disant que c’étaient des conneries mais ce n’est pas pour ça qu’on les a vus revenir aux concerts ! J’en ai eu vite marre, je ne me voyais pas essayer de convaincre les gens éternellement de la qualité de notre groupe, alors que nous étions demandés partout ailleurs. A la fin, ma réaction fut la suivante : « Fuck you, guys, je vais aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte ! » (Rires !). Heureusement, les choses changent et on va pouvoir rejouer chez nous dans de bonnes conditions.  

Que peut-on vous souhaiter maintenant que l’album va sortir ?
Simplement de pouvoir présenter cet album dans le plus d’endroits possible. On s’est vraiment marré à le faire et on devrait revenir en Europe en janvier / février, puis lors des festivals d’été, pour faire parler la poudre. D’ici là, on va voir comment ça va se passer… Merci à vous pour cet entretien !
   


MONSTER MAGNET – Last Patrol
Napalm Records / Season Of Mist


Site : www.zodiaclung.com