PSYGNOSIS


Philosophes de l'extrême… 



Les Bourguignons de Psygnosis reviennent cette année avec Human Be[ing], un album où tout a été pensé et amélioré : le son, les compositions, toujours aussi contrastées entre des parties de plus en plus extrêmes et celles atmosphériques, le professionnalisme… Le groupe, dont la fan-base n’a fait que s’élargir depuis 2011, livre toujours gratuitement son album dans son intégralité sur son site, et revient avec les dents longues ! Bassiste, manager du groupe, organisateur de concerts, et philosophe à ses heures, Jérémy Tissier nous en dit un peu plus…

Interview parue également dans le Metallian 83 de Mai / Juin 2014
en version éditée...


Entretien avec Jérémy Tissier (basse) par Will Of Death
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Votre nouvel album est sorti le 31 mars et apparemment, les premières réactions sont excellentes !
Effectivement, ça marche plutôt très bien par rapport à notre premier album. Déjà, on était bien mieux préparé et le fait de bosser dorénavant avec Dooweet nous permet d’avoir des retours internationaux. Les chroniques sont positives voire très positives et des portes sont en train de s’ouvrir pour des concerts et même des festivals à l’étranger. Je pense que nous sommes simplement récompensés de tout le travail effectué depuis deux ans.

Penses-tu que l’année 2013 a été une année charnière pour Psygnosis ?
Je pense que c’est vraiment là où nous nous sommes fait les dents en travaillant beaucoup plus notre show : même si on n’a pas de batteur, on arrive à compenser visuellement par notre jeu de scène et nos effets laser. On a réussi à créer une personnalité sur scène et durant 2013, Yohan, notre chanteur, s’est totalement intégré dans le groupe. On a maintenant une vraie identité scénique et c’est ce qui fait notre force.

Pour vous avoir vus plusieurs fois en concert, je trouve que vos parties brutales sont désormais plus nombreuses en live, et du coup, l’impact est meilleur… Tu es d’accord ?
Oui et non parce qu’on alterne beaucoup violence et parties calmes, et c’est notre manière de faire respirer les concerts. La plupart des groupes ont des morceaux de cinq minutes, et quand le titre est fini, il y a un blanc pour laisser le public respirer ou le chanteur raconte sa vie. Nous, on a des morceaux de dix minutes, donc on n’en joue que quatre ou cinq, mais il y a toujours une partie atmosphérique de trente secondes à une minute qui permet à tout le monde de reprendre son souffle, mais disons que cela ne se fait pas dans le silence. Par contre, c’est vrai que les parties violentes autour de ces parties atmosphériques sont maintenant plus extrêmes. Quand on y va, on y va vraiment ! Les parties atmosphériques poussent à mon avis les gens à plus nous écouter, à être plus attentifs à ce qui se passe, à se mettre plus dans l’expectatif que dans le pogo. En gros, c’est comme s’ils écoutaient un CD en live…

En quoi avez-vous progressé en termes de composition, si on compare Human Be[ing] avec vos précédentes réalisations ?
Notre premier album, Anti-Sublime, on le voit comme une première éjaculation (Rires !). Nan, mais c’est vrai, c’est un truc qu’on a balancé « comme ça », vraiment un truc de puceaux : on a craché la purée sans vraiment savoir ce qui allait nous attendre, juste parce qu’on en avait très envie. Même s’il y avait des erreurs, notamment au niveau du chant, ça a été plutôt bien accueilli. Du coup, pour Human Be[ing], on a beaucoup plus travaillé en fonction de ce qu’on attendait de nous, c’est-à-dire en ayant une démarche professionnelle. On a vraiment donné tout ce qu’on pouvait à notre niveau actuel, sur scène, sur le CD, dans nos clips, etc., même si je sais qu’on va pouvoir aller beaucoup plus loin dans l’avenir… On voulait aussi faire un disque « stable », un disque où ça ne partirait pas en couilles, dans tous les sens. On a grandi en termes de patience, de travail et de rigueur.

L’album commence par le titre « Phrase 6 », une sorte de clin d’œil à vos précédents disques, notamment le premier EP, Phrases…
Oui, effectivement. Notre premier EP contenait cinq Phrases, et sur Anti-Sublime, on avait aussi le titre « Phrase 2.11 ». C’est un petit truc qu’on mettra sur tous nos albums, c’est prévu comme ça.

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Hormis le morceau « SilƎnt », qui est en deux parties d’ailleurs, Il n’y a rien à faire, chez Psygnosis, vous n’arrivez pas à faire un morceau de moins de dix minutes !
(Rires !). En fait, Rémi (Vanhove), quand il compose, au bout de cinq / six minutes, il a toujours l’impression qu’il y a un sentiment d’inachevé et qu’il peut pousser le truc encore plus loin. Et puis, on aime bien en fait (Rires !) : tu peux vraiment entrer dans les ambiances du morceau et le vivre un peu plus. C’est sûr, c’est une approche un peu différente des autres groupes mais on assume…

Parlons un peu de votre manière de vous promouvoir, qui semble avoir évolué, puisque vous ne fonctionnez plus par le « crowdfunding » (NDLR : en gros, c’est le public qui finance ou pas le groupe par des dons lors du téléchargement libre de l’album sur le site).
Quand on a commencé à fonctionner en « crowdfunding », ce n’était pas tout à fait la mode, ça commençait seulement à se voir en France mais maintenant, on arrive à s’autofinancer avec la vente de nos produits et on trouve surtout aujourd’hui que ce procédé, c’est un peu comme faire la manche… Même des gros groupes s’y sont mis aujourd’hui (NDLR : exemple, Obituary pour son dernier album) et ça fait un peu celui qui n’a pas envie de se faire chier pour trouver du pognon et gérer son fric, alors que moi, c’est tout le contraire ! Je suis chef d’entreprise à mon compte, bassiste et manager du groupe et toute cette partie m’intéresse. Aujourd’hui, on n’a plus besoin de demander de l’aide aux gens et surtout, on est patient !

Par voie de conséquence, autre évolution, vous laissez toujours votre album en téléchargement libre sur votre site mais vous sortez cette fois une version CD en même temps…
Oui, ceux qui veulent nous soutenir et avoir l’objet CD pour la collection peuvent l’acheter, c’est cool,  les autres peuvent toujours télécharger librement l’album sur le site ou juste l’écouter, et c’est cool aussi…

Votre manière de fonctionner m’avait fait douter au départ, mais finalement, c’est peut-être ça aussi qui a permis à Psygnosis de se faire connaître très rapidement...
Oui, je pense parce que pas mal de gens sont encore impressionnés par le fait qu’on laisse encore l’accès libre à notre album intégralement. Beaucoup nous écrivent en nous remerciant et en nous félicitant pour cette démarche. Ça m’étonne encore mais c’est encore une attitude bien française et européenne car toux ceux des Etats-Unis qui ont téléchargé notre album ont payé un petit truc. Beaucoup de nos dons viennent de là-bas, c’est bien ancré chez eux. En même temps, on ne dénonce personne en disant ça, ce n’est pas un problème, c’est juste un constat.      

Y a-t-il un thème particulier, un thème conducteur, dans Human Be[ing] ?
Le titre de l’album, qu’on pourrait traduire par « Être Humain » ou « Être un humain, le devenir », est basé sur la remise en question de soi, l’introspection. On développe tout au long de l’album une certaine approche philosophique et même si ce n’est pas un concept album, les paroles sont très orientées sur le développement et le perfectionnement humain, l’épanouissement de soi. On n’est pas sur une histoire mais on a un thème récurrent qui s’entend autant dans les bandes que dans les paroles.   

Sur deux titres notamment, vous dénoncez les dérives de la télévision…
Oui, ben, c’est toujours l’idée de la manipulation de masse. Même le discours de Charlie Chaplin présent sur l’album reprend cette idée : sommes-nous juste des machines qui sont faites pour subir ce qu’on nous impose ou sommes-nous des humains avec une volonté propre qui peuvent agir sur notre destin ?

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Votre son est vraiment bon sur l’album. Vous êtes toujours en auto-production ?
Oui. Pour obtenir ce résultat, on a pris plus de temps à optimiser le matériel que nous avions et on a bossé avec deux ingénieurs du son, notre ingé-son live Christian Héritier et Yohan, notre chanteur, dont c’est aussi la formation. On a également mélangé le numérique et l’analogique et on a surtout pris le temps de bien mixer et masteriser l’album : les titres ont été enregistrés en août 2013 mais le disque n’a été finalisé qu’en janvier 2014. Le fait qu’on fasse tout nous-mêmes nous a permis de prendre ce temps de recul nécessaire.

Risqué de mixer et de masteriser soi-même l’album, car ce sont deux choses bien différentes, Christian me l’a assez souvent dit, pour en avoir discuté avec lui ! Qu’est-ce que le mastering a apporté au son de l’album ?
Ça a tout fait « briller ». Le mix était très très froid, tellement l’enregistrement était pur, rien ne dépassait. Pour les guitares, on a mélangé le son des têtes d’ampli Ampeg et Orange et le son était froidement parfait. Le mix a permis de déjà enrichir ça et le mastering a rendu plus humaines toutes ces choses qui paraissaient très froides et pures au départ. Ça a rendu l’album écoutable et expressif.

Une facette très importante de Psygnosis se situe au niveau visuel. Vos clips sont toujours aussi léchés…
Oui, on aime faire des clips travaillés, comme celui de « Resurrection », qui a très bien fonctionné. Dans la durée, il a été plus vu en peu de temps que « FIIIX ». Et surtout, au niveau résultat, c’est assez incroyable : on envoie le clip, on fait un concert ! Il est très efficace, très bien perçu. On a aussi sorti un petit clip bonus du titre « SilƎnt Part II », juste pour faire plaisir aux fans. On pense que la communication par l’image est primordiale et facile aujourd’hui avec Internet. On a la chance dans le groupe d’avoir Anthony Mouchet, notre guitariste, qui est capable de développer la photo et la vidéo, ce serait donc dommage de se priver de ses talents. On fait donc de clips travaillés avec un potentiel de promotion et du clip bonus, sans prétention, juste pour satisfaire les quelques personnes qui aiment aller un peu plus au fond des choses.  

Vos visuels de pochettes d’albums sont dans la même veine, très travaillées, et comme vous bossez maintenant toujours avec la même personne, là aussi, ça concourt à vous donner un peu plus d’identité.
Oui, on a de nouveau bossé avec Damien, alias oKiko : on lui a tout donné, la musique, les paroles et il s’est débrouillé. Il a repris le thème d’Isis, cher aux Francs-maçons (même s’il n’en est pas un). La Franc-maçonnerie, ça reste dans notre thème, puisque leur but est d’améliorer l’humain. Isis, cette femme, était amoureuse de son frère Osiris et baisait avec lui. Ça n’a pas plu à son autre frère, Seth, qui l’a fait découper. Isis a recollé les morceaux d’Osiris pour créer un phallus en argile, et ça a donné le dieu Horus. En gros, elle a baisé avec un mort-vivant. C’est un thème qui est aussi repris par les alchimistes, et qu’oKiko a repris sur la pochette, avec une petite touche de Lovecraft et d’Alien… Une fois de plus, il a parfaitement compris notre univers, celui de l’amélioration de l’humain, et aujourd’hui, oKiko est un « satellite » essentiel, parfaitement intégré à Psygnosis.

Si tu devais décrire cet album en trois mots, tu dirais quoi ? 
C’est super compliqué comme question ! Je dirais « contrasté », « philosophique » et « extrême » !

Quelles sont maintenant les attentes du groupe pour la suite ?
Continuer dans l’attitude professionnelle qui est la nôtre aujourd’hui, améliorer encore plus les lives en embauchant d’autres personnes dans l’équipe, notamment pour les lumières et les lasers, et essayer d’aller le plus loin possible dans les limites de nos possibilités.

Justement, en parlant d’expansion, le Do It Yourself, c’est bien, mais tu ne penses pas qu’un jour, vous allez quand même avoir besoin de l’aide d’un label qui pourrait vous payer un tour support ou un truc du genre ?
Le tour support, c’est Psygnosis qui se le paiera lui-même ! On commence à être connus et moi, je suis très carré : si un jour, j’arrive avec un chèque, les autres ne me diront pas non ! J’ai des contacts sérieux, des gens très bien placés qui demandent notre CD, on sait qu’on est repéré, mais tant qu’un label ne nous permettra pas de garder la main sur le groupe, ne nous permettra pas de gérer nous-mêmes notre groupe, il sera hors de question de signer quoique ce soit. A ce jour, personne ne nous a proposé quelque chose qui nous convenait… Je préfère largement garder le statut d’indépendant plutôt que de voir mon nom à côté du petit label-truc, juste parce que ça fait bien d’avoir un label ! Tout ce qu’on fait est dans cet esprit… Les portes qu’on ouvre, on se les crée nous-mêmes.

Pour finir, j’aimerais parler de ce concert très particulier que vous allez donner à Leipzig, en Allemagne, en juin...
Ouais, ça, c’est un truc de fou ! On va jouer lors du Wave Gotik Treffen, qui est le plus gros festival gothique du monde. C’est un festival qui se déroule sur quatre jours, dans plus de quarante salles de concerts dans Leipzig, et qui rassemble plus de 350.000 personnes ! C’est colossal… J’avais démarché le gars l’année dernière, juste comme ça, sans trop y croire, juste pour tâter le terrain, et un an plus tard, j’ai reçu un contrat dans ma boîte mail de la part de l’organisateur pour une place le dimanche soir ! On va jouer avec des groupes comme Primordial, Oomph!, Tarja, Satyricon était aussi prévu mais a dû annuler, enfin bref, c’est un truc de dingue ! Il n’y a pas que le Wacken ou le Hellfest pour rassembler autant de monde et c’est justement notre style éclectique qui a a su les séduire…
   


PSYGNOSIS – Human Be[ing]
Sortie indépendante


Site : www.psygnosis-music.com