NILE

Age of destructions... 




Un nouvel album de Nile ne laisse jamais un fan de death metal indifférent, tant les Américains proposent depuis presque vingt ans des disques de qualité. Le nouveau méfait, What Should Not Be Unearthed, ne déroge pas à la règle, et va même peut-être se révéler être l’album le plus heavy jamais sorti par le groupe. Le leader emblématique du groupe, Karl Sanders, qui va encore se faire des amis chez les Islamistes, a bien voulu éclairer notre lanterne sur la genèse du disque, en attendant de les revoir chez nous en Septembre avec Suffocation.

« Ces enfoirés d’Islamistes n’ont pas à avoir le monopole de destruction de notre culture commune ».

Interview parue également dans le Metallian 91 de Sept. 2015
(complète ici)


Entretien avec Karl Sanders (guitares), par Will Of Death
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Votre premier EP, « Festivals Of Atonement », est sorti il y a tout juste 20 ans ! Quel regard portes-tu sur la carrière de Nile ?
On a progressé doucement, les choses s’améliorant à chaque fois un peu, ceci nous permettant d’apprendre notre métier correctement (Rires !). Nous n’avons jamais pensé avoir autant de succès, nous étions déjà contents de pouvoir jouer de la musique le week-end. Mais ça a fonctionné et quand on nous a offert la chance de pouvoir jouer partout, nous l’avons saisie.

Avant de parler du nouvel album, faisons un petit retour sur At The Gates Of Sethu… Quel regard portes-tu aujourd’hui sur cet album ? Es-tu satisfait de la manière dont il a été accueilli ?
Je pense qu’il a été accueilli comme il le méritait. Quand j’y repense, c’était une période de folie dans mon esprit car j’étais obsédé par le fait de jouer de la guitare de la manière la plus propre possible. Je voulais que tout le monde puisse entendre la moindre putain de note, ce qui m’a complètement secoué. A un moment, je me suis dit : « pourquoi tu veux absolument un album aussi propre ? Quel est l’intérêt d’entendre aussi bien les notes, comme sur un album d’AC/DC, alors que tu joues du death metal ? ». Ça m’a rendu dingue… En ce sens, At The Gates Of Sethu fut d’abord un album où les musiciens de Nile se sont fait plaisir.

Pour parler du titre du nouvel album, qu’est-ce qui ne devrait pas être déterré (traduction de « What Should Not Be Unearthed ») ?
L’idée est qu’on ne devrait pas déranger les morts, leur foutre la paix, plutôt que de toujours vouloir mieux connaître les origines de l’humanité. A partir de cet état de fait horrible, toutes les hypothèses sont possibles et on insinue dans l’esprit des gens des trucs parfois complètement dingues, ce qui peut entraîner ensuite le chaos.

Tu as décidé de travailler de nouveau avec Neil Kernon pour produire l’album. Le considérez-vous comme le quatrième membre du groupe ?
Non, pas vraiment. On a une relation plutôt rock’n’roll avec Neil car il est aussi barjot que nous, et c’est pour ça que nous l’aimons bien. Il ne nous dit pas ce que nous avons à faire mais il est plutôt obsédé par ce que nous voulons, et le résultat est toujours super.

What Should Not Be Unearthed est votre huitième album studio, vous êtes une des valeurs sûres du death metal mondial… Nile dispose-t-il aujourd’hui d’un budget conséquent pour enregistrer ses albums ?
Nous avons suffisamment d’argent pour mener le projet à terme mais Nile ne fait pas exception par rapport aux autres groupes : nous pourrions avoir beaucoup plus, sauf que le business de la musique n’est plus ce qu’il a été, même si ça reste une activité lucrative. Le label paie nos dépenses pour faire des albums et nous en sommes reconnaissants.

Penses-tu qu’il y a sur cet album des riffs parmi les plus intenses que vous ayez composés jusqu’ici ? Je pense notamment au titre « Rape Of The Black Earth » or « Call To Destruction », qui sont vraiment infernaux…
Merci ! J’aime à penser qu’il y a de bons riffs sur cet album mais notre intention première était que l’album soit heavy, et pas forcément super technique. Certes, il y a des parties compliquées mais c’est vraiment secondaire. Le plus important était que l’album contienne des parties mémorisables, avec des riffs efficaces, et je pense que nous y sommes parvenus. Beaucoup de groupes sont hyper techniques mais c’est souvent au détriment des chansons elles-mêmes car on n’en retient rien. 

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Justement, c’était ma question suivante… J’ai l’impression qu’il n’y a jamais eu autant de passages lourds sur un album de Nile…
Oui, je ne peux qu’être d’accord car c’était mon but. On n’a plus rien à prouver en termes de vitesse et de technique, donc là, je voulais vraiment que les fans puissent s’approprier les chansons. Les riffs sont là pour te sauter à la gueule. Cet album est d’abord pour les fans, car sans eux, nous ne sommes rien.

Comment procèdes-tu pour la composition des titres ? Accumules-tu les riffs pendant une période, que tu essaies d’assembler ensuite, ou as-tu en tête une vision globale des chansons avant de les composer ? Par exemple, en te basant sur les paroles ?
Oui, c’est plus comme ça que je fonctionne. J’écris toujours les paroles avant le reste et je compose mes riffs en fonction des ambiances imposées par les textes. Je les ai en tête quand je joue : comment donner vie en musique à ces paroles ? Ceci dit, je précise que je n’ai pas de modèle pré-établi pour écrire des paroles : je réfléchis et j’écris ce qui me vient à l’esprit.

Sur les crédits de cet album, il est écrit que Dallas et toi vous êtes de nouveau occupés des parties de basse au moment de l’enregistrement. Comment procèdes-tu pour cette partie ? Joues-tu par exemple exactement la même chose que les guitares ou adaptes-tu ton jeu ?
Cette fois, nous étions d’accord pour composer des idées différentes, des idées de bassiste, si tu veux. Sur certains albums de Nile, on a perdu ça de vue en calquant les parties sur les guitares. Là, pour l’enregistrement, j’avais dans le casque les parties de batterie, pas les guitares, et je peux entendre la différence car la basse et la batterie fonctionnent cette fois ensemble à merveille.

Tu sais, je n’ai pas eu les paroles des chansons, donc je n’ai pas tout compris, mais il me semble que le titre « Call To Destruction » fasse référence à ce qu’il se passe actuellement au Moyen Orient… à toutes ces destructions d’art mésopotamien par l’Etat Islamique, qu’on peut apparenter à un génocide culturel. Le problème par exemple, pour l’Egypte, c’est que ces débiles ont déjà annoncé que les pyramides, le Sphinx ou le Temple de Louqsor seraient les prochains sur la liste… (Note : interview réalisée avant que ne sorte le clip du titre, bien explicite). Qu’en penses-tu ?
Cette chanson aborde exactement ce dont tu es en train de parler ! C’est dingue ! Tu veux détruire les pyramides ? Eh bien, viens, connard ! C’est tellement stupide, que les textes de la chanson ont été construits à partir de citations de ces islamistes radicaux. Notre manière à nous de leur répondre que c’est complètement stupide est de secouer nos têtes et de faire le signe metal avec nos mains. Car là, ils ne détruisent pas seulement des artefacts préislamiques, ils détruisent des choses qui appartiennent au patrimoine de l’humanité, à tout le monde. Chaque être humain sur cette planète s’est construit sur les ruines des anciennes cultures, et ces enculés n’ont pas à avoir le monopole de destruction de cette culture commune, au nom de leur stupide religion. 

Tu es déjà allé en Egypte ?
Non. Il y a deux ans, on a joué quelques concerts en compagnie du groupe égyptien Scarab et on leur a demandé d’essayer de nous faire venir chez eux, mais ça n’a pas été possible. On va essayer encore cette fois.

A quoi t’attends-tu si un jour tu peux aller là-bas ?
Probablement à être arrêté (Rires !). Nous sommes un groupe des USA et nous ne sommes définitivement pas bienvenus dans les pays arabes en général. De plus, nous avons une approche de l’Islam très irrévérencieuse. Tu es français donc tu dois savoir ce qui s’est passé avec Charlie Hebdo. Ce genre de trucs rend plutôt nerveux quand on voyage dans ces pays. Nous, en plus, nous avons écrit le titre « Kafir! », qui signifie mécréant, et qui n’est rien d’autre qu’une charge contre l’Islam. De plus, dans ce titre, on entend un adhan, un appel à la prière, ce qui est strictement interdit par l’Islam aux infidèles. Quand nous sommes allés à Djakarta, en Indonésie, un pays musulman, nous avons joué dans un festival devant vingt-cinq mille personnes, en plein cœur de la ville, avec Suffocation en tête d’affiche. On nous a bien dit que c’était illégal d’inclure cet adhan durant notre concert, mais un gars de l’organisation est venu nous dire ceci : « les gars, OK, c’est illégal, mais les fans ici sont des fans de metal, et si vous avez les couilles de jouer ce titre sur scène, les gens vont devenir fous et ça va être la guerre dans le pit, mais dans le bon sens du terme ! ». Quand nous avons commencé à jouer, notre bassiste a vu sur le côté que certaines personnes étaient bien agacées, sauf qu’à la fin de la chanson, tout le monde secouait la tête et c’était un bordel monstre dans la fosse. Ça n’a fait que confirmer ce que j’ai toujours pensé : le metal est capable de transcender toutes les barrières culturelles !

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Justement, tu as parlé de Suffocation. Vous serez avec eux chez nous cet automne. Impatient ?
Oui, très ! Quel bon groupe ! Nous aimons ces gars et ça devrait être une tournée inoubliable.

J’ai vu qu’un groupe français, Chabtan, allait jouer avec vous sur cette tournée. Concernant les tour supports, vous avez votre mot à dire, ou vous laissez les managements ou tourneurs régler cette affaire ?
Nous les laissons faire, oui. Nous avons demandé expressément à ce que Suffocation soit avec nous, c’est tout, ce qui financièrement, n’était pas forcément une mince affaire au départ. Donc, comme ils ont accepté, par diplomatie, nous les laissons choisir les autres groupes et les salles (Rires !).

Il y a à mon sens quelques titres de cet album appelés à devenir des classiques en live, je pense par exemple à « Evil To Cast Out Evil », avec son refrain incantatoire et ce super solo mélodique… Ce titre figurera-t-il sur la setlist des prochains concerts par exemple ? Quels autres titres aura-t-on la chance d’entendre en concert ?
On avait pensé mettre trois nouveaux titres sur la setlist mais George, notre batteur, nous a demandé d’en mettre carrément six (Rires !). Bon, on verra, mais pour sûr, « Call To Destruction », « Evil To Cast Out Evil » et « In The Name Of Amun » seront ajoutées. 

Ne trouves-tu pas frustrant de ne jamais pouvoir jouer un nouvel album entier en live ? Car au final, une fois qu’ils sont enregistrés, certains titres ne sont plus jamais joués alors que vous avez passé beaucoup de temps à travailler dessus…
Voilà une question très intéressante que personne ne nous pose jamais. Et pourtant, c’est un gros problème pour nous car une chanson de Nile ne se fait pas en dix minutes ! Nous passons énormément de temps en studio à répéter et enregistrer chaque titre avec la même intensité, chaque chanson est donc comme notre bébé. Toutes ont quelque chose de spécial à leur manière et on adorerait pouvoir les présenter aux fans. Le problème est que nous n’avons qu’une heure ou un peu plus en live, et quand tu as huit albums studio et vingt ans de carrière, c’est impossible. Il y a quelques années, aux USA, pour le dixième anniversaire du groupe, on avait joué un set de deux heures, et ce ne fut pas de la tarte ! La musique de Nile demande beaucoup d’énergie, et comme nous sommes devenus des « motherfuckers fatigués », c’est compliqué (Rires !).   

Y a-t-il des titres de Nile que vous n’avez jamais joués en live car ils étaient trop complexes à retranscrire convenablement sur scène ?
Avant d’enregistrer, on répète beaucoup ensemble, donc je te dirais qu’on peut jouer n’importe quel titre en live après. Ceci dit, des titres comme « To Dream Of Ur » ou la quadrilogie finale de In Their Darkened Shrines n’ont pas la nécessité d’être retranscrites en live. De cette partie de l’album, on a quand même joué à une époque le titre « Destruction Of The Enemies Of Ra », avec ce solo de batterie, ce qui fut amusant. Mais le dernier titre très atmosphérique et lent, « Ruins », n’a pour ainsi dire aucun intérêt en live. Donc, le point le plus important n’est pas la complexité mais ce qu’apporte réellement le titre au show… Des titres comme « Black Seeds Of Vengeance » ou « Cast Down The Heretic » sont bien plus efficaces car le public peut réellement participer. J’aime vraiment quand le public et le groupe ne font plus qu’un, dans une espèce de communion spirituelle metal ! Le nouveau titre « Evil To Cast Out Evil » sera par exemple parfait pour ça…

Que fait Karl Sanders, l’homme, quand il ne compose pas de musique ou n’est pas en tournée ?
Je pratique les Arts Martiaux, comme le Tae Kwon Do, ou d’autres trucs. Bref, quand je ne suis pas en tournée, je mets des coups ou j’en reçois. En gros, je « botte des culs », mais que je donne des coups ou que j’en reçoive, ce n’est pas un problème, c’est le même plaisir.

Un dernier mot pour les fans français ?
Yeah ! Je suis très impatient de revenir « to fuckin’ France » et de jouer du metal pour les fans français. Fuck yes !!!!! Cheers, Man !
 

NILE – What Should Not Be Unearthed
Nuclear Blast Records


Site : www.nile-catacombs.net