OBSCURA


Physique « Kantique »...



En quelques albums, les Allemands d’Obscura se sont imposés comme les leaders européens du death technique et progressif. Akróasis, troisième album d’une quadrilogie initiée par le terrible Cosmogenesis, ne décevra pas les fans, tant les (bonnes) idées sont de nouveau présentes sur ce disque. Contacté fin décembre, le leader Steffen Kummerer nous est apparu remonté comme un coucou…


Interview parue également dans le Metallian 93 de Janvier 2016
(complète ici)


Entretien avec Steffen Kummerer (guitares, vocaux) par Will Of Death
Rechercher : dans l'interview
Vos deux derniers albums ont eu beaucoup de succès. Qu’est-ce que ça a changé dans vos vies ?
Avec Omnivium, nous avons sorti notre troisième album, qui est souvent crucial dans la carrière d’un groupe, et je pense que nous nous en sommes bien sortis. Après le gros succès de Cosmogenesis deux ans auparavant, nous avons réussi à encore faire grossir le statut du groupe en partant en tournée mondiale. Merci aux fans de nous avoir permis de visiter des endroits où nous n’étions jamais allés ! Nous continuons notre route avec Akróasis, qui va d’ores et déjà nous emmener en Amérique du Sud, en Australie et en Asie. Je suis fier de tous nos albums, de la première démo au dernier album. Omnivium fut un album très sombre, avec beaucoup d’expérimentations d’un point de vue technique. Nous avions repoussé nos limites au travers de la vitesse et de l’agressivité. Grâce au soutien des fans et de nos tournées, j’ai pu devenir un musicien en temps complet, et j’enseigne aussi maintenant la guitare. 

Pourquoi Muenzner et Grossmann ont-ils quitté le groupe, et qu’est-ce que Rafael et Sebastian ont apporté, depuis ?
Christian Muenzner a quitté Obscura à cause d’une dystonie focale, une maladie neurologique qui cause des contractions localisées. Cela l’empêchait d’être à 100% en live, ce qui le frustrait beaucoup. Du coup, il s’est désintéressé petit à petit du death technique et progressif pour former un nouveau groupe de power metal, la musique qu’il aime. Je suis content pour lui, d’autant que sa condition physique s’est améliorée. Hannes Grossmann, quant à lui, est parti pour s’occuper de ses projets solo, car nous ne partagions plus la même vision sur la manière dont devait sonner le groupe.
Avec Sebastian Lanser, et sa capacité créative au niveau des rythmes, nous avons ouvert un nouveau chapitre, ce qui nous a permis de nous diversifier. Sebastian et Linus Klausenitzer (basse) ont posé leur patte sur cet album, qui est plus varié, plus profond, plus clair, mais en même temps plus rapide et plus physique. Rafael nous a rejoints il n’y a pas longtemps et n’a donc pas participé à l’album, mais c’est maintenant un membre à temps complet pour la prochaine tournée et certainement le prochain album. Les nouveaux membres sont hautement professionnels et leurs connaissances musicales, d’un point de vue académique, vont être d’un grand secours pour écrire dans le futur.        

Tu as choisi de travailler à nouveau avec Victor Bullok, alias V.Santura, pour produire cet album. Que voulais-tu surtout améliorer ?
V.Santura suit le groupe depuis nos tous premiers pas, et a travaillé sur tous nos albums jusque là. C’est un de mes plus proches amis et nous savons comment bosser ensemble pour obtenir le meilleur résultat. Après la sortie d’Omnivium, mon but était de surtout améliorer le son de batterie et la dynamique du mix’. Omnivium avait une production très rentre-dedans, alors que là, je voulais une prod’ tridimensionnelle, à la manière des productions rock de la fin des années ’90. Nous sommes donc allés enregistrer les batteries au Dreamsound Studios, à Munich, qui est équipé de micros de folie disposés dans toute la pièce, et qui permettent de capturer un spectre sonore énorme. Nous avons également utilisé du matériel analogique pour enregistrer la batterie. Histoire de capturer un son plus naturel, nous n’avons joué que sur notre matériel live. Nous n’avons fait aucun compromis et je peux te dire que l’enregistrement d’Akróasis a coûté à lui seul plus d’argent que tous les enregistrements précédents réunis. J’adore le mix’ : c’est exactement ce que j’avais en tête et je remercie tous ceux qui ont participé de près ou de loin à la production de cet album.

OBSCURA

Je suppose qu’après le succès d’Omnivium et de Cosmogenesis, il y a une certaine pression autour de ce nouveau disque, car les fans attendent toujours beaucoup d’un album de death technique et progressif. Comment avez-vous abordé la composition, Linus et toi ?
Nous n’avons pas pensé à ça, pour être honnête. Akróasis est la troisième partie d’une quadrilogie initiée avec Cosmogenesis, et chaque album a sa propre identité, et je suis sûr que le prochain album contiendra de nouvelles idées en termes de death technique et progressif. C’est la manière dont nous fonctionnons, la musique que nous voulons créer. Pour la composition, nous avons toutefois changé pas mal de choses. Avant, nos titres étaient écrits sur papier, et une fois en studio, nous avions parfois du mal à réarranger certaines parties. Cette fois, nous avons fonctionné différemment, en enregistrant des démos, puis en couchant le tout sur papier, pour ensuite faire une vraie préproduction. C’est à ce moment-là que les autres membres nous ont rejoints pour arranger les titres, faire les solos, ou encore composer les parties de batterie. A ce titre, Sebastian Lanser a écrit chaque note, chaque roulement, chaque coup de cymbale, sur papier, ce qui a été très utile ensuite au moment d’enregistrer. 

Quelle est l’idée derrière le titre de l’album, Akróasis ?
Comme je te l’ai dit, l’album est la troisième partie d’une quadrilogie. Akróasis aborde le thème des idéologies, des religions, et d’une certaine conscience, dans le cadre d’une existence harmonieuse et structurée, et de l’évolution. Je puise ces idées depuis Cosmogenesis dans les écrits des philosophes Goethe (1749-1832) et Schelling (1775-1854), que j’ai combinées ici avec le travail effectué par Hans Kayser (1891-1964), au travers de sa théorie de l’Akróasis. Cet astrophysicien Suisse a passé la moitié de sa vie à travailler sur une idée pythagoricienne d’une structure harmonieuse de l’Univers. Littéralement, en Grec, “Akroasis” signifie “écouter” ou “entendre”. Combine tout ça, et tu auras une idée brute de notre concept.    

Certaines parties techniques sont toujours aussi incroyables, mais j’ai aussi trouvé qu’il y avait plus de passages heavy sur cet album, comme sur "Akróasis" ou "Ode To The Sun", pour ne citer que ces titres… Tu es d’accord ?
Absolument ! L’album est plus diversifié. Les différents instruments, les divers tempos et les styles vocaux rendent cet album plus intéressant à écouter. Si tu mets dix titres hyper speed à la suite sur un album, les auditeurs vont en avoir marre au bout du troisième. Nous avons bien réfléchi à l’ordre des titres sur le disque, histoire de garder une certaine dynamique. “Ode To The Sun” ou “The Monist” sont à cet égard très lourds, tandis que “Fractal Dimension” ou “Ten Sepiroth” sont au contraire très rapides. Ce contraste permet de mieux ressentir les parties lourdes, pour encore mieux repartir ensuite vers la vitesse. De même, l’utilisation de guitares acoustiques va dans ce sens. Je ne veux pas m’en tenir qu’à un seul style, juste écrire de la musique intéressante avec beaucoup d’arrangements.         

Peux-tu nous parler du dernier titre de l’album, "Weltseele", qui dure plus de quinze minutes, et nous expliquer brièvement le concept ? Et aussi nous expliquer comment tu as bossé sur les parties symphoniques très riches ? Vue la richesse du concept, à la limite, tu aurais pu faire tout l’album autour, non ?
Cette chanson a une longue histoire, et est passée par différents stades depuis sa première version de 2013. “Fractal Dimension” est basée sur une chanson de cinq minutes écrite par Linus à cette époque, et que nous avons arrangée ensemble. Quand Rafael Trujillo nous a rejoints fin 2014, il a apporté plein de nouvelles idées, en suggérant notamment de diviser la chanson en deux parties distinctes, pour y ajouter au milieu une section symphonique. On s’est dit qu’il fallait mettre un ensemble de cordes, comme on l’avait fait sur nos deux premières sorties, Illegimitation et Retribution. Mais comme aucun d’entre nous ne voulait travailler avec des sons en plastique ou des plugins, nous avons loué les services de Matthias Preisinger, un professionnel des arrangements. Grâce aux contacts de Linus, nous avons pu travailler avec les musiciens professionnels de l’Orchestre Symphonique de Berlin. Et tu as raison, “Weltseele” est une bonne base de travail pour le prochain album. Ce titre est basé sur un poème de Goethe du même nom, que je voulais déjà utiliser sur Cosmogenesis, mais je n’étais pas parvenu à trouver la bonne entrée pour ça à l’époque. Le tout combiné aux écrits de Schelling, ça a donné ce texte plutôt long.    

OBSCURA  
 
Les intros de "Sermon Of The Seven Suns" et "Perpetual Infinity", ou encore "Ode To The Sun", comportent de nouveau cette voix robotique et atmosphérique. Ajoutées à cela les lignes de basse fretless de Linus, il est évident que Cynic et Paul Masvidal ont eu une grande influence sur toi. Pour toi, Paul est une sorte de génie ?
L’album de Cynic, Focus, est un de mes albums préférés de tous les temps, oui. Nous avons travaillé avec le vocoder depuis notre deuxième album, nous améliorant à chaque fois un peu plus dans la manière d’arranger ça. Cette fois, nous avons mis plus en avant le vocoder, ainsi que tous les chœurs. En gros, nous avons composé des lignes mélodiques complètes, comme on pourrait le faire avec des instruments à cordes. Ça donne une nouvelle couleur à notre musique et je suis certain que nous irons encore plus loin dans ce domaine sur le prochain disque. Sur “Ode To The Sun”, tu peux entendre un chœur complet sans effets. Nous avons mélangé les deux mondes ici, le naturel et le synthétique. Paul et moi avons pas mal joué ensemble durant notre précédente tournée avec Death To All et nous avons donc échangé beaucoup d’idées musicales. Cynic a sorti et sort toujours des albums intemporels, et Paul Masvidal n’est à mon avis pas reconnu à sa juste valeur en tant que guitariste et compositeur.       

Justement, vous allez repartir avec Death To All en tournée au printemps, j’imagine que ça doit te ravir…
En effet ! La dernière tournée que nous ayons faite en 2013 consistait à ouvrir pour DTA, et il s’avère que ce fut notre tournée la plus fructueuse en Europe. Cette fois, nous allons pousser les choses dans l’Est et le Sud de l’Europe, même dans les pays Baltes, où nous ne sommes jamais allés. Evidemment, nous sommes ravis de repartir sur les routes, et de jouer le plus possible. A côté de ça, pas mal de festivals sont déjà confirmés pour cet été, notamment le Motocultor chez vous. 

Qu’attendez-vous de cet album ?
Nous voulons dépasser tous nos albums précédents et jouer là où ça n’avait pas encore été possible : l’Australie, l’Amérique du Sud, l’Afrique, et tant d’autres endroits ! Je suis impatient d’en découdre et de rencontrer mes amis des autres groupes. Mon but personnel est de faire au moins deux cents concerts pour Akróasis, et nous démarrons ce cycle en Mars.

Un dernier mot pour les lecteurs de Metallian, Noiseweb et plus généralement tes fans français ?
Déjà, merci à toi pour ton temps, et continuez le boulot que vous faites en tant que magazine papier, en supportant la scène underground ! Nous sommes impatients de revenir en France. Merci pour votre soutien à Obscura, et continuez à « shredder » !
  

OBSCURA – Akróasis
Relapse Records


Site : www.realmofobscura.com

Facebook : www.facebook.com/RealmOfObscura